Pierre GAUTHIER1910 - 2004
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 3538
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Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Vietnam
- Région missionnaire :
- 1935 - 1957 (Qui Nhon)
- 1957 - 1975 (Nha Trang)
Biographie
[3538] GAUTHIER Pierre est né le 22 juillet 1910 à Saint-Nizier-sous-Charlieu (Loire).
Il entre aux MEP en 1933. Ordonné prêtre le 7 juillet 1935, il part le 15 septembre suivant pour la mission de Qui Nhon (Vietnam).
Après avoir étudié le vietnamien à Lang-mun, il est professeur au grand séminaire de Qui Nhon (1936-1945), curé de Nhatrang (1945-1946) et de Ho-diem (1948-1975). Il est en outre vicaire général du diocèse de Nhatrang à partir de 1961.
Expulsé du Vietnam en 1975, il rentre en France, où il est nommé curé du Temple-sur-Lot et aumônier du centre d'accueil franco-indochinois de Sainte-Livrade.
En 1990, il se retire à Montbeton, où il meurt le 4 janvier 2004. Il est inhumé au cimetière de Montbeton.
Nécrologie
[ 3538 ] GAUTHIER Pierre, Jean-Marie
Missionnaire
Qui-Nhon – Nha trang
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Pierre, Jean-Marie GAUTHIER, fils de Eugène Élie, et de Raquin Jeanne, Marie Claudine, son épouse, naquit le 22 juillet 1910, à Saint Nizier-sous-Charlieu, arrondissement de Roanne, département de la Loire. Il fut baptisé le 25 juillet 1910, en l'église paroissiale de Saint Nizier-sous-Charlieu, dépendant du diocèse de Lyon. Le 13 mai 1919, il reçut la confirmation dans l'église de son baptême. Ses parents étaient cultivateurs. La famille riche en vertus chrétiennes était l'une des meilleures du pays. Dans sa parenté, la maman comptait un prêtre, Jean Raquin, qui avait béni son mariage, le 6 juin 1899, par délégation de M. le Curé de la paroisse de Ligny-en-Brionnais dont elle était originaire.
Quatre enfants, deux garçons et deux filles, virent le jour dans ce foyer prêt à donner généreusement l'un ou l'autre de ses enfants au Bon Dieu. En effet, les deux frères deviendront prêtres .." Je ne peux oublier, confiera Pierre, le missionnaire, le jour de ses noces de diamant, le 7 juillet 1995, la vie de famille jadis, en mon petit village de Saint-Nizier-sous-Charlieu, où la mort était venue ravir à notre affection notre chère maman, alors que j'avais à peine 6 ans.." Alors que M. Pierre Gauthier avait terminé sa classe de rhétorique et venait de faire sa demande d'entrée au séminaire de Bièvres, dans une lettre du 26 août 1928, le supérieur de l'Institution Saint Gildas à Charlieu présentait ainsi la famille de son élève, au Supérieur Général des Missions Étrangères : :.." Il y a quatre enfants, une jeune fille de 24 ans qui est le portrait de sa mère, un premier fils, Alexis, qui a fait deux ans de grand séminaire, et partira probablement bientôt chez les Pères Blancs, Pierre qui est le troisième, et enfin une fillette de 15 ans.."
Ses études primaires achevées à l'école du village natal, le jeune Pierre entrait, le 25 septembre 1921, en classe de 7ème, au Petit Séminaire-Collège de Saint Gildas à Charlieu, dans le département de la Loire. C'est dans cette maison qu'il va suivre le cycle complet des études secondaires. Au jour de ses noces de diamant, le 7 juillet 1995, retiré à Montbeton, il évoquera en ces termes, cette période de sa vie :…"J'ai eu la chance, au petit séminaire de Charlieu, de trouver un supérieur, un directeur spirituel et deux ou trois professeurs à l'âme vraiment apostolique ; aussi rien d'étonnant qu'ils me dirigèrent discrètement vers les Missions Étrangères, une fois que j'eus entendu l'appel du Seigneur : "Viens, suis-moi".. Pierre quitta cet établissement, le 7 juillet 1928. A la fin de l'année scolaire, il se présenta à l'examen du baccalauréat ès Lettres…" J'ai passé cette année, à la fin de juin, écrit il au Supérieur Général des Missions Étrangères, dans une lettre datée du 19 août 1928, les examens du baccalauréat à la faculté de Lyon, mais j'ai subi un échec, aussi mon professeur de rhétorique et mes parents désirent me les voir passer de nouveau en octobre.." C'est ce qu'il fit, avec l'accord du supérieur du séminaire de Bièvres ; il obtint avec succès le diplôme complet qui couronne les études du second degré.
Depuis longtemps déjà, M. Pierre Gauthier désirait consacrer sa vie au service de la mission à l'extérieur. Il avait mûri son projet au Petit Séminaire. C'est pourquoi, le 19 août 1928, alors qu'il était en vacances dans sa famille à Saint Nizier, il adressait à Mgr. De Guébriant, Supérieur Général de la Société des Missions Étrangères une longue lettre de trois pages demandant son admission au séminaire de Bièvres, lors de la prochaine rentrée de septembre 1928. Il écrivait :.."..Le Père Depierre, qui a déjà parlé de moi à votre Grandeur, et qui m'a transmis par lettre votre bien douce bénédiction, au cours du mois de juin dernier, m'a fait connaître votre Société. Après avoir donné à ma famille toutes les explications nécessaires, il a obtenu que je puisse enfin réaliser mon désir le plus cher. Je viens donc aujourd'hui demander à votre Grandeur de vouloir bien me recevoir à la rentrée de septembre prochain, au nombre de ses enfants du Séminaire de Philosophie.
Je viens de terminer ma rhétorique au Petit Séminaire de Saint Gildas, Charlieu (Loire)….Au mois de juillet dernier, j'ai eu dix huit ans, et depuis mes premières années de pension à Saint Gildas, c'est-à-dire depuis six ans, j'ai songé à la carrière de Missionnaire. A ce propos, ces vacances, j'ai lu le livre du Père Hugon intitulé "Une Carrière : Le Missionnaire.", j'ai trouvé ce livre très instructif et très intéressant ainsi que sa préface écrite par votre Grandeur…Le P. Depierre m'a dit que je serai le sixième séminariste de Lyon à faire notre demande cette année…"
Quelques renseignements furent demandés au Supérieur de l' Institution Saint Gildas à Charlieu qui témoignait dans sa lettre du 26 août 1928 :.." L'élève qui vous a demandé de l'admettre au Séminaire des Missions Étrangères, Pierre Gauthier, est, en effet, en règle non seulement avec son directeur et ses parents, mais aussi avec l'administration diocésaine.
Je ne puis que vous donner les meilleurs renseignements sur ce jeune homme qui est assez intelligent, bien travailleur, et dont la conduite pendant les six années de son séjour ici a été constamment édifiante, surtout cette dernière année. Sa famille est une des meilleures du pays, à tous points de vue. La mère morte depuis une 12ne d'années, était un modèle accompli d'épouse et de mère chrétienne…"
Réponse positive ayant été donnée à sa demande, M. Pierre Gauthier entrait au séminaire de philosophie à Bièvres, le 15 septembre 1928. Au jour de ses noces de diamant, le 7 juillet 1995, retiré à Montbeton, il résumera en quelques mots ces années de formation sacerdotale :.." Aspirant missionnaire, j'allais vivre les plus belles années de ma jeunesse tant au séminaire de Bièvres qu'à celui de la rue du Bac, avec ce grand missionnaire que fut Mgr. De Guébriant.."
Appelé sous les drapeaux en 1931, il fit son service militaire à Colmar, dans le même régiment, et en même temps que M. Pierre Toqueboeuf, son confrère de Bièvres. Promu au grade de caporal et rendu à la vie civile en 1932, son année de caserne achevée, il reprit ses études théologiques et sa formation missionnaire au séminaire des M.E. à Paris. Sous-diacre le 1er juillet 1934, diacre le 22 décembre 1934, il fut ordonné prêtre à Paris, avec 14 autres confrères des Missions Étrangères, dans la chapelle du séminaire de la Société, le dimanche 7 juillet 1935, par Mgr. Auguste Gaspais, vicaire apostolique de Kirin (Mandchourie). Le soir même de l'ordination, Mr. Le Supérieur Général donna à chacun sa destination. M. Pierre Gauthier était envoyé au service du vicariat apostolique de Quinhon, dans l'actuel Centre-Viêtnam.
Le dimanche 15 septembre 1935, les deux communautés de Bièvres et de Paris se trouvaient réunies ensemble à l'occasion de la cérémonie de départ des nouveaux missionnaires. L'allocution d'usage fut prononcée par M. Le Chanoine Chevrot, curé de la paroisse St. François-Xavier. M. Pierre Gauthier s'embarqua à Marseille, le 20 septembre 1935. Il arriva dans sa mission de Quinhon, le 17 octobre 1935. Sans retard, et pour sa première formation missionnaire, Mgr.Augustin Tardieu, vicaire apostolique, le confia à M. Pierre Le Darré, curé de Phanrang. Ce dernier installa le jeune arrivant à Lang-mun, petite chrétienté à environ une heure de Phanrang, pour qu'il y commence l'étude de la langue vietnamienne.
Le 8 septembre 1936, son évêque lui confiait une première responsabilité. M. Pierre Gauthier était nommé Directeur au Grand Séminaire de Quinhon, situé à environ deux Kms de l'évêché. ."J'avais caressé l'espoir de travailler en paroisse, confiera–t-il, le jour de ses noces de diamant, mais après une année d'étude de la langue vietnamienne, j'étais nommé Directeur au Grand Séminaire de ce Vicariat Apostolique, me consolant de cette nomination à la pensée que j'allais travailler à la formation de futurs prêtres : c'était là l'un des principaux buts de notre Société des Missions Etrangères.." Par deux fois, son évêque lui confiera cette importante mission de formation des grands séminaristes : la première du 8 septembre 1936 au 29 juin 1939 , la seconde du 15 mai 1941 au 17 mai 1945.
Le 29 juin 1939, neuf nouveaux prêtres vietnamiens étaient ordonnés pour le service du vicariat apostolique de Quinhon. Cela permit à l'évêque de procéder à quelques changements, et sans doute de satisfaire quelques désirs. Ainsi, le 16 août 1939, remplacé au Grand Séminaire par M. Pierre Jeanningros, M. Pierre Gauthier était nommé, curé du district de Nam-binh, à 20 kms de Quinhon, dans la province du Binh-Dinh. Mais, les évènements mondiaux ne lui laissèrent que peu de temps pour prendre contact avec sa communauté chrétienne, car il fut rappelé sous les drapeaux, dès le premier jour de la déclaration de guerre du 3 septembre 1939. Mobilisé à Quinhon, envoyé à Nhatrang et Van-Gia, l'autorité militaire le plaça en affectation spéciale le 17 octobre 1939. Rendu à la vie civile, il regagna sa paroisse de Nam-Binh où il reprit son travail missionnaire. Mais le séjour en cette première paroisse allait être court.
Au mois de janvier 1940, les affectations spéciales accordées aux jeunes missionnaires mobilisés ayant été supprimées, une convocation les pria de bien vouloir rejoindre leurs casernes. Ainsi, M. Pierre Gauthier reçut l'ordre de se rendre à Hué où il était affecté. Il y arrivait le 6 février 1940, et reprenait l'uniforme militaire. Il existait alors une certaine tension entre la France et le Siam. La défaite française de juin 1940 et l'armistice du 25 juin 1940 qui s'en suivit ne pouvaient qu'encourager les aspirations expansionnistes du Siam devenu "Thailande" sur les provinces de l'Indochine peuplées par des Thais. A l'automne 1940, s'engageait le conflit franco-thailandais suivi de la cessation des hostilités à la fin du mois de janvier 1941 ; un compromis ayant été négocié entre les deux parties, en mars 1941, un traité de paix avait été signé le 9 mai 1941.
En Thailande, ce conflit s'était doublé d'une persécution religieuse sournoise. Tout catholique candidat aux fonctions publiques était écarté ; des écoles catholiques étaient fermées sous de futiles prétextes ; le parti dit "Parti du sang siamois" s'était formé. Plusieurs chrétiens et prêtres autochtones étaient incarcérés. Un ordre du 6 janvier 1941, faisait obligation à tous les sujets français de résider dans la capitale. Ce fut alors que Mgr. René Perros, vicaire apostolique décida d'envoyer en Indochine tous ses missionnaires dont la présence n'était pas indispensable à Bangkok. Ainsi, le 1er février 1941, treize d'entre eux s'embarquaient pour Saigon. Leur exil fut de courte durée ; le 8 décembre 1941, ils étaient de retour à Bangkok, sauf M. Gaston David décédé à Saigon.
Cependant, peu à peu, les "affaires" avec les "voisins de l'Ouest" prenaient une tournure plus pacifique ; l'autorité militaire jugea qu'il était alors possible de renvoyer dans leurs foyers, les plus anciens parmi les réservistes mobilisés en Indochine. Ainsi M. Pierre Gauthier qui alors jouissait paisiblement d'une permission à Quinhon, était rappelé d'urgence à Hué ; il lui était demandé de venir chercher sa feuille de démobilisation en vue de son retour à la vie civile. Le 10 mai 1941, il regagnait le centre du vicariat apostolique à Quinhon. Le 15 mai 1941, son évêque le renommait directeur au grand séminaire de la mission ; il exercera cette charge jusqu'au 17 mai 1945.
Le 12 décembre 1942, Mgr. Augustin Tardieu, vicaire apostolique de Quinhon rendait son âme à Dieu. Le 11 novembre 1943, le Saint Père lui donnait un successeur en la personne de M. Marcel Piquet, curé de Ho-Diêm, provicaire et supérieur de la mission. Celui-ci reçut la consécration épiscopale, à Quinhon, des mains de Mgr. Drapier, Délégué Apostolique, le 18 janvier 1944. Il maintenait M. Pierre Gauthier dans ses fonctions au grand séminaire.
En 1945, la guerre se fit plus présente et plus meurtrière en Indochine : réquisitions de l'armée japonaise, fréquents bombardements alliés coupant échanges et communications entre le nord du pays d'avec le sud et provoquant une terrible famine au Tonkin. Puis survint le coup de force japonais du 9 mars 1945. Le pouvoir passait entre leurs mains. Tous les étrangers furent contraints de rejoindre des centres de regroupement dans les villes importantes. Mais, dans l'immédiat, un certain nombre de missionnaires étaient autorisés à rester sur place, car dès le 12 mars 1945, les japonais avaient reçu de Tokyo l'ordre de considérer ces derniers comme citoyens de la Cité du Vatican. Mais ce statut ne dura pas longtemps.
En effet, M. Pierre Gauthier fut arrêté dans son poste au grand séminaire, le 17 mai 1945. Conduit d'abord en prison à Quinhon, il fut ensuite emmené sous bonne escorte japonaise,en camp d'internement à Nhatrang. Son crime était, avant le 9 mars 1945, d'avoir regardé avec des jumelles un bateau japonais passant au large des côtes de Quinhon. Arriva la capitulation de l'armée japonaise le 15 août 1945, tout le pays sombra dans le chaos. Les forces révolutionnaires du Viêtminh prirent le pouvoir, organisèrent de grandes et fréquentes manifestations patriotiques à caractère xénophobe. Ils proclamèrent l'indépendance du Viêtnam, le 2 septembre 1945 se livrant à des pillages, à des assassinats, à des actes de violence et de terrorisme.
Tous ces évènements dramatiques avaient fait de Nhatrang une ville refuge pour les étrangers. Mgr. Sion, vicaire apostolique de Kontum et une quinzaine de ses missionnaires avaient été contraints par les forces japonaises de s'y replier. Il y arrivèrent le jour de Pâques,1er avril 1945. Dans un premier temps, ils trouvèrent asile au presbytère de la paroisse ou au couvent des Pères Franciscains. Puis, les meetings et les défilés révolutionnaires se succédant, pour leur sécurité, ils furent transférés au centre de la ville. Plus tard, ils se réinstallèrent au presbytère, attendant le jour où il leur serait possible de rentrer dans leurs districts.
Le 30 octobre 1945, décédait à Nhatrang, M. Louis Vallet, curé de cette ville, constructeur de l'église qui deviendra plus tard la cathédrale de ce diocèse. M. Pierre Gauthier prit la succession du défunt et fut nommé curé par intérim de cette paroisse qu'il administra jusqu'au 1er août 1946. Lui-même, le jour de ses noces de diamant célébrées à Montbeton, le 7 juillet 1995, nous résume cette période de sa vie : .."Le sort,-disons plutôt la Divine Providence- nous réserve parfois des surprises. C'est, en effet, l'Armée Japonaise qui me retira en 1945 du Grand Séminaire pour m'envoyer au camp d'internement de Nhatrang, où à la mort du curé de cette paroisse, je fus nommé comme son remplaçant. Je quittais ainsi définitivement l'enseignement de la Théologie, pour me consacrer, durant 30 ans au ministère paroissial, dont 27 à la même paroisse de campagne.." .Cette paroisse de campagne porte le nom de Ho-Diêm, et se situe à quelques Kms de l'importante ville de Phanrang, chef-lieu de la province de même nom.
A Nhatrang, en ces premiers jours de novembre 1945, la charge de curé confiée à M. Pierre Gauthier n'était pas de tout repos. En cette période de troubles et de tensions, le ministère pastoral exigeait patience, discernement et prudence. La ville étant encerclée par les forces viêtminh, le ravitaillement restait difficile ; la sous-alimentation entraînait des problèmes de santé, et les déplacements très surveillés ; quant à l'avenir, il s'annonçait sombre et incertain. Le 21 janvier 1946, les forces françaises débloquèrent Nhatrang, mais la guérilla continua et se transporta dans les campagnes. Dans l'immédiat, ne pouvant plus rentrer à Quinhon, cette ville ayant été partiellement détruite par les Viêtminh, qui craignaient un débarquement français possible, Mgr. Marcel Piquet installait sa résidence épiscopale à Nhatrang et, dans l'attente de jours meilleurs, y établissait le centre de son vaste vicariat apostolique coupé en trois zones : Tourane au nord, Nhatrang au sud, Quinhon au centre , cette dernière restant sous contrôle viêtminh.
Les évènements de l'année 1945 et la situation présente conduisirent le vicaire apostolique à une réorganisation de la mission. Le 1er août 1946, M. Pierre Gauthier quittait Nhatrang ; il était nommé curé intérimaire de la paroisse importante de Ho-Diêm, près de Phanrang, puis à partir de janvier 1947, il eut en charge celle de Dinh-Thuy, (Phanrang) jusqu'à son départ en congé en France de mars 1947 jusqu'au 21 février 1948.
A son retour, son évêque le nomma Provicaire et Vicaire Délégué de la Mission de Quinhon, le 14 avril 1948 ; puis il le mit à la tête de la paroisse de Ho-Diêm, avec le titre de curé, à compter du 1er mai 1948. Le nouveau pasteur y trouva une situation délicate et difficile. Des éléments révolutionnaires Viêtminh étaient présents et circulaient dans les environs. Souvent, pendant la nuit, ils faisaient des coups de main dans les villages et endoctrinaient la population. Voilà pourquoi, en raison du manque de sécurité, le gros village de Ho-Diêm, centre du district, avait dû constituer une milice de protection.
Pendant plus de 27 ans, M. Pierre Gauthier avec l'aide de vicaires exerça son ministère pastoral à Ho-Diêm et dans toutes les chrétientés de ce district dont il portait la responsabilité. Les évènements de mars 1975, le Sud Viêtnam écrasé et conquis par les armées nord vietnamiennes, mettront un terme à son riche travail missionnaire. Il se verra alors contraint de quitter sa paroisse de Ho-Diêm, le vendredi Saint 1975, et peu après, le Viêtnam définitivement.
Il faut consacrer quelques lignes à l'histoire de Ho-Diêm. Les origines de cette paroisse et de ce district remontent aux années 1890. Vers 1882, M. Marie Louis de Gonzague Villaume, un jeune missionnaire Mep vosgien, avait été nommé chef du district de Phanrang où aucun missionnaire européen n'avait vécu avant lui. En 1887, après les dures persécutions de 1885, pour irriguer la partie basse de la vallée de Phanrang, et créer des rizières, il fit remettre en état et redresser l'ancien canal de Rung-cam creusé par les autochtones Cams ; en 1889 il construisit une digue pour assurer au canal toute son efficacité. Le 6 septembre 1900, il se noya dans ce canal alors qu'il inspectait les travaux en cours, près de la digue de Nha-trinh. A cette époque, la région était peu peuplée ; la population autochtone cam, pour diverses raisons, ne répondait pas à la prédication du missionnaire. Un appel fut lancé à des chrétiens volontaires venus de villages pauvres du centre de la Mission ; ceux-ci acceptèrent de venir s'installer dans le pays ; ils créèrent un village avec un centre paroissial important et des annexes pour mettre en valeur les terres irriguées.
Dans ce poste, M. Pierre Gauthier était l'un des successeurs de M. Marcel Piquet ; celui-ci avait organisé la paroisse, encouragé et développé l'agriculture, crée des rizières, lancé des plantations de tabac ; curé de Ho-Diêm depuis 1927 et jusqu'à son élévation à l'épiscopat en 1942, au plan pastoral, il avait fondé dans les environs, plusieurs chrétientés. En 1948, la paroisse de Ho-Diêm avec ses annexes était l'une des plus importantes du vicariat. Son administration temporelle et spirituelle ainsi que celle du district nécessitait l'aide de prêtres vietnamiens et de plusieurs missionnaires.
Dès son arrivée, M. Pierre Gauthier dût réparer les dégâts causés à son église et relever son presbytère, pris par erreur, comme cible par certains aviateurs. En 1949, toujours soucieux de l'éducation chrétienne d'une nombreuse population enfantine, il entreprit la construction d'une école paroissiale, conforme aux règlements officiels. Encore fallait il trouver des enseignants compétents et en nombre suffisant. On pouvait aussi voir dans la cour de son presbytère d'imposants tas de briques laissant supposer l'existence de divers projets à réaliser. Au plan pastoral, il suivait de très près la formation spirituelle et la préparation au baptême d'une centaine de catéchumènes, tant au centre même que dans les chrétientés annexes.
En 1950, du fait des évènements politiques, les harcèlements, tracasseries et menaces des guérilleros viêtminh se multiplièrent, obligeant certaines chrétientés à se replier en des lieux plus sûrs proches des grosses agglomérations. A Ho-Diêm, et dans les environs, à plusieurs reprises, les Viêtminh tentèrent de pénétrer de nuit dans les villages. Pour y parer, il apparut nécessaire de procéder à la réorganisation des milices de défense locale. Comme au Moyen-âge, on éleva des tours de surveillance, on construisit des blockhaus, on creusa de larges fossés circulaires pour se protéger des attaques surprises. Mais tout cela n'empêcha pas, le 10 mars 1951, vers une heure du matin, dans l'enclos de l'église de Dinh-Thuy, (Phanrang), l'enlèvement, par une patrouille de guérilleros, de M. Joseph Clause, supérieur du petit séminaire de la mission. Ses ravisseurs l'invitèrent fermement à les suivre dans la montagne. Son odyssée et son séjour "en brousse" prit fin, au bout d'une douzaine de jours.
En 1951, à l'occasion de l'année sainte, M. Pierre Gauthier fit donner, à sa communauté chrétienne du district de Ho-Diêm, une retraite spirituelle prêchée par une équipe de Pères Rédemptoristes. Leur prédication porta des fruits. Une bonne centaine de chrétiens négligents profitèrent de l'Indulgence particulière, accordée à l'occasion de ce Jubilé de l'année sainte, pour reprendre le chemin de l'église.
Suite aux décisions de l'Assemblée Générale des Missions Étrangères qui s'était ouverte à Bièvres le 1er août 1950, les missions du Sud Indochine avaient, à présent, un Supérieur Régional, en la personne de M. Gustave Raballand ; des supérieurs locaux avaient été désignés et placés à la tête des communautés missionnaires. Le 5 mai 1952, M. Pierre Gauthier recevait une double nomination : celle de supérieur de la communauté missionnaire de Quinhon qui comprenait deux groupes missionnaires : l'un travaillant dans la région de Tourane, au nord, l'autre dans la région de Phanrang-Ho-Diêm dans le sud du vicariat, et en même temps, celle de consulteur régional. Il fut reconduit dans sa première charge le 6 mai 1955, et exerça les fonctions de consulteur régional pendant trois mandats jusqu'au 9 mai 1958. Le lendemain, il était appelé aux responsabilités de vice-supérieur de la Région Sud-Indochine.
En septembre 1953, M. Pierre Gauthier estimait que son district de Ho-Diêm comptait 5.257 chrétiens. En raison de la guerre, il voyait de plus en plus ses jeunes gens partir à l'armée. Ils étaient appelés d'office sous les drapeaux, et cela désorganisait l'autodéfense des chrétientés. Ses soucis matériels et spirituels étaient lourds et nombreux, entretien des cultures des plantations et des digues, surveillance discrète des joueurs et des moniteurs de boxe (activités défavorables à l'économie familiale, la dernière importée par les réfugiés venus de l'autre zone), mariages du temps de guerre malheureusement conclus souvent rapidement et à la légère. Mais le chef du district de Ho-Diêm savait faire face à tous ces problèmes, il restait optimiste, gardait sa bonne humeur envers et contre tout. Lorsqu'il lui fallait démêler certaines affaires des plus drôles, l'humour ne lui faisait pas défaut.
M. Pierre Gauthier était supérieur local de la communauté missionnaire de Quinhon, au moment de la conclusion des accords de Genève du 20 juillet 1954; ceux-ci mettaient un terme à ce qui a été appelé parfois la "Première Guerre d'Indochine". De plus, il était stipulé que les forces communistes devaient évacuer les provinces centrales du Sud Viêtnam, pour se regrouper au Nord Viêtnam. Ces dispositions laissaient espérer un retour proche et possible de Mgr. Marcel Piquet et de ses missionnaires à Quinhon, ainsi que la réunification de tout le territoire de ce vaste vicariat apostolique. Mais pour tous et particulièrement pour M. Pierre Gauthier, ce fut aussi l'heure d'une dure épreuve. Le 24 juillet 1954, M. Amédée Benoit, curé de l'importante paroisse de Trakieu, à 27kms au sud de Tourane, tombait sous les balles d'un rebelle, alors qu'il ramenait dans sa chrétienté le corps d'un soldat qui avait été blessé gravement et était décédé pendant la nuit, dans le poste militaire situé à 3 kms de la résidence du Père.
Après la cessation des hostilités, vint une période de tranquillité. M. Pierre Gauthier en profita pour se rendre à Quinhon qu'il avait quitté depuis 10 ans. Le 14 février 1955, accompagné de son confrère M. Michel Gervier, il prit la route avec sa camionnette. Il désirait revoir les lieux où il avait travaillé avant le 9 mars 1945, mais dans quel état allait il les trouver ? Pour lui, c'était, à la fois, un voyage d'information, et un pèlerinage. Arrivé sur place, il vit le bâtiment du grand séminaire où il avait enseigné à moitié détruit. Il récupéra ses ornements sacerdotaux un peu défraîchis, et abîmés par les termites. Quant à sa bibliothèque, il n'en trouva plus trace. Il visita la léproserie de Qui-Hoa, le petit séminaire de Lang-song, la maison mère des Amantes de la Croix, à Go-thi, l'école des frères de Saint Joseph, à Kim-châu, l'hôpital de la ville. Il se rendit dans la paroisse de Nam-Binh ,dans la province du Binh-Dinh, dont il avait été le pasteur, en 1939-40. Les chrétiens se souvenaient de lui et ils lui réservèrent un chaleureux accueil. A Quinhon, le quartier européen de la ville était en ruine, cependant, la cathédrale, l'évêché et le presbytère restaient debout. L'imprimerie de la mission avait totalement disparu. Le 18 février 1955, il était de retour à Ho-Diêm, satisfait de son voyage, avec sans doute quelques suggestions à présenter à son évêque pour relever les ruines. .
Le 1er Mai 1956, Mgr. Charles Lemaire, Supérieur Général de la Société Missions Étrangères faisait sa visite pastorale des missions dans la région Sud Indochine qui englobait alors Sud Viêtnam, Cambodge et Laos. Il conféra l'épiscopat, en la cathédrale de Phnompenh, à Mgr.Gustave Raballand, ancien supérieur de cette région, auquel le Saint Père venait de confier le vicariat apostolique du Cambodge. M. Pierre Gauthier, consulteur régional, était présent au sacre de ce nouvel Évêque. Puis, à compter du 23 mai 1956, au titre de supérieur de la communauté missionnaire de Quinhon, il recevait et accompagnait Mgr. Le Supérieur Général, dans sa visite aux confrères du vicariat apostolique de Quinhon.
A la date du 5 juillet 1957, le Saint Siège divisait le vicariat apostolique de Quinhon, et par division, érigeait celui de Nhatrang. Le territoire de cette nouvelle circonscription ecclésiastique s'étirait sur plus de 400 kms le long de la mer de Chine. Il comprenait, au sud, la province de Phanthiêt, détachée du vicariat de Saigon, et s'étendait jusqu'au cap Varella, au nord. Mgr. Marcel Piquet, vicaire apostolique de Quinhon, était nommé premier vicaire apostolique de Nhatrang avec résidence en cette ville, et quinze missionnaires se trouvaient rattachés à ce nouveau territoire. Le Saint Père confiait le vicariat apostolique de Quinhon au clergé vietnamien. Mgr.Pierre Marie Pham-ngoc-Chi, vicaire apostolique de Bui-chu "impeditus" en était nommé administrateur apostolique. Cependant, cinq confrères continuaient à travailler dans ce vicariat.
Le 26 février 1958, laissant sa paroisse de Ho-Diêm entre les mains de M. Donatien Béliard, M. Pierre Gauthier se rendait à Saïgon et prenait l'avion pour France où il arrivait le 3 mars 1958, pour prendre son congé régulier. En avril 1958, pendant son séjour en France, il fut reconduit dans ses fonctions de consulteur régional, et nommé vice-supérieur de la Région Sud-Indochine. Le 23 septembre 1958, il regagnait sa mission, et nous dit le chroniqueur de la mission : Il "nous est revenu de son congé régulier avec une mine superbe.."
Il retrouva sa paroisse de Ho-Diêm, reprit son travail pastoral ordinaire avec ses diverses activités quotidiennes et y ajouta, pour un temps, l'administration de Goden, une chrétienté proche. Le 29 juin 1960, M. Pierre Gauthier célébra à Ho-Diêm ses noces d'argent sacerdotales. La fête fut présidée par Mgr. Marcel Piquet qui avait retardé de quelques jours son départ pour la France où il allait participer à l'Assemblée Générale de la Société. De nombreux missionnaires, des prêtres viêtnamiens, religieux et religieuses de diverses congrégations, fidèles de nombreuses paroisses et annexes, chrétiens de Ho-Diêm au complet entouraient le Jubilaire ; ils assistèrent à la messe d'action de grâces et lui exprimèrent de vive voix leur gratitude, leur attachement et leur profonde sympathie.
Dans la journée du 8 décembre 1960, trois bonnes nouvelles circulaient dans la ville de Saigon. On apprenait l'établissement de la hiérarchie dans l'Église du Viêtnam, la création de trois archevêchés : Saigon, Hué et Hanoi, et enfin la nomination de quatre nouveaux évêques vietnamiens. Ainsi le vicariat apostolique de Nhatrang se trouvait élevé au rang de diocèse. On estimait à environ 100.000 le nombre de catholiques dans ce diocèse, sur une population totale de 752.000 habitants. Le 23 juin 1961, Mgr. Pierre Ngo-dinh-Thuc, nouvel archevêque de Hué procédait à l'intronisation solennelle de son Exc. Mgr. Piquet, son suffragant, comme premier évêque de Nhatrang. Après la lecture de la bulle d'érection, il fut conduit à son trône par Mgr. l'Archevêque de Hué ; alors se déroula le geste de l'obédience des prêtres à leur évêque. Quelques jours plus tard, Mgr. Marcel Piquet nommait deux vicaires généraux : M. Pierre Gauthier, curé de Ho-Diêm, et le P.Nghi, curé de la cathédrale.
Le 11 juillet 1966, Mgr. Marcel Piquet décédait à la clinique Saint Paul à Saigon où il avait été transporté depuis un mois ; il fut inhumé à Nhatrang, près de sa cathédrale. M. Pierre Gauthier prit les fonctions de vicaire capitulaire, pendant la vacance du siège. Il partagea alors son temps entre l'évêché de Nhatrang et sa propre paroisse, faisant chaque semaine un aller retour sur une route défoncée.
Enfin la vacance du siège prit fin. Le 13 avril 1967, le Pape Paul VI nommait le P François-Xavier Nguyên-van-Thuân, évêque de Nhatrang. Celui-ci, né dans la paroisse de Phu-Cam, dans l'archidiocèse de Hué, le 17 avril 1928, avait été ordonné prêtre le 11 juin 1953. Après un doctorat en droit canon à Rome, et son retour au pays, le Saint Père l'avait choisi alors qu'il était vicaire général et supérieur du petit séminaire de l'archidiocèse de Hué. Sacré à Hué, par Mgr.J.B. Urrutia, le 24 juin 1967, il fut intronisé à Nhatrang le 10 juillet 1967. Cette nomination fut une joie pour pour tout le diocèse, et d'abord pour M. Pierre Gauthier heureux de remettre ses pouvoirs et la charge du diocèse entre les mains de ce nouvel évêque. Ce dernier fit du vicaire capitulaire son vicaire général.
Depuis quelques années, la guerre était redevenue présente et meurtrière au Sud Viêtnam. Elle s'accompagnait d'une certaine instabilité politique, marquée par des coups d'état, des rivalités de pouvoir, des agitations et des troubles dans certaines grandes villes. Les forces régulières du Nord Viêtnam faisaient sentir leur pression sur les Hauts Plateaux, à la hauteur de la ligne de démarcation du 17ème parallèle dans la province de Quang-Tri, et le long de la frontière cambodgienne. L'armée de l'ombre désignée sous le terme de "Viêtcong" excellait dans la conduite de la guérilla. Très mobile, elle pratiquait le harcèlement des postes militaires adverses, le terrorisme un peu partout sur le territoire du sud. Elle mènait des actions subversives dans les villages et dans les villes au point de se sentir capable de mener une attaque générale en 1968, au début de l'année lunaire "Mâu-Thân". Et à Ho-Diêm, la sécurité du village n'était pas parfaite. M. Pierre Gauthier écrit dans son rapport annuel de 1969 ; .." Au mois de février dernier (1969), à deux reprises, les Viêtcong sont venus tâter la défense du village par un tir de harcèlement. Nous avons eu à déplorer deux tués et deux blessés. Les toitures de divers bâtiments de la Mission ont été plus ou moins endommagés.."
La présence d'un corps expéditionnaire américain très important avait nécessité la création de bases militaires énormes implantées le long des côtes, entre autres à Nhatrang, à Cam-Rang, à Thap-Cham. Pour être opérationnelles, elles se trouvaient dans la nécessité d'embaucher une importante main d'œuvre vietnamienne qui percevait des salaires intéressants. Pour certains, c'était la vie facile, le jeu, la corruption, l'abandon des valeurs familiales traditionnelles. De plus, cette guerre qui n'en finissait pas, amenait la mobilisation des jeunes gens dans l'armée nationale du Sud Viêtnam. M. Pierre Gauthier était très conscient des répercussions que tout cela avait sur la vie chrétienne de ses fidèles. Il s'exprimait ainsi dans son rapport annuel de 1969 : " Ces dernières années, je constate une baisse sensible dans l'assistance à la messe les jours ordinaires, dans la réception des sacrements de pénitence et d'Eucharistie surtout parmi les jeunes gens et les jeunes filles dont beaucoup vont travailler chez les Américains. De plus, il est difficile de les réunir pour un cours d'instruction religieuse. De même, le repos dominical est beaucoup moins observé. Par contre, les parents comprennent mieux leur devoir d'envoyer leurs enfants à l'école…" Malgré ou à cause de toutes ces problèmes, un esprit nouveau animait le travail missionnaire dans son effort de réflexion, de recherche et d'adaptation imposé par les évènements.
Il y eut la décevante conférence de Paris sur le Viêtnam. Après quatre ans de pourparlers dans la capitale française, les belligérants signaient le 28 janvier 1973, un accord pour un "cessez le feu". Ces accords permettaient alors le retrait progressif du corps expéditionnaire américain. Ce désengagement entraînait la liquidation et la fermeture de plusieurs bases militaires, et le licenciement de nombreux ouvriers, et employés. En fait, au plan militaire, les affrontements continuaient sur le terrain, toujours "peau de léopard". Cependant, certaines provinces jouissaient d'un calme relatif mais fragile ; ainsi en était il dans la région de Phanrang Ho-Diêm.
A cette époque cinq confrères travaillaient dans ce secteur. Ils pouvaient se rencontrer assez régulièrement. En 1973, M. Pierre Gauthier vicaire général depuis vingt cinq ans, fêta également son quart de siècle de présence à la tête de la paroisse de Ho-Diêm. En 1974, il terminait ainsi son rapport pour l'Assemblée Générale de la Société :…" Bien que le pays soit en guerre depuis tant d'années, nous jouissons dans notre province d'une paix assez grande ce qui facilite et nos déplacements et nos travaux d'évangélisation. Notre condition d'étrangers ne pose aucun problème, car les missionnaires y sont respectés et estimés et des autorités….et de la population tant catholique et non chrétienne qui nous est reconnaissante d'être restés à nos postes au milieu d'elle lors des mauvais jours.."
Mais aux premiers jours de mars 1975, les évènements se précipitèrent. Qui aurait pu croire à un écroulement si rapide et si brutal du Sud Viêtnam face aux forces du Nord Viêtnam. A la surprise générale, celles-ci lancèrent leur attaque à partir de la ville de Banméthuôt, sur les Hauts Plateaux. Il en résulta un exode massif et désordonné des populations affolées, encombrant les pistes et les routes à la recherche d'une sécurité introuvable. Le 30 avril 1975, la capitale du Sud Viêtnam, Saigon, tombait entre les mains des forces communistes, qui aussitôt prirent le pouvoir. L'expulsion des missionnaires, et "l'éloignement du Viêtnam" de tous les étrangers n'allaient pas tarder à se mettre en route.
Comme pour bien d'autres missionnaires, ces évènements obligèrent M. Pierre Gauthier à quitter rapidement Ho-Diêm. Le 28 mars 1975, jour du Vendredi Saint, il prit la décision de se replier sur Saigon. Au fond de son cœur, il gardait l'espérance d'un prochain retour dans sa paroisse, la tempête passée, la situation stabilisée. Il n'en fut pas ainsi. Les évènements empirant, d'autres confrères soumis aux mêmes épreuves arrivaient nombreux à la maison régionale de Saigon ; M. Pierre Gauthier s'embarqua pour la France, et le 11 avril 1975, il arrivait à Paris.
Après un temps de repos, il accepta le poste que lui offrait Mgr. Johan, évêque d'Agen. Il rappellera cela, à Montbeton, le 7 juillet 1995, lors de la célébration de ses noces de diamant .."Expulsé du Viêtnam, en avril 1975, par les communistes et rapatrié en France, j'ai été heureux d'être accueilli par Mgr. Johan, en son diocèse d'Agen, alors que je me trouvais "en chômage"…C'est ainsi que je suis devenu Curé de Le Temple-sur-Lot et de Dolmayrac et aumônier du Centre d'Accueil Vietnamien de Sainte Livrade.."
En prenant ce poste, il succédait à M. Jean-Marie Viry, de la mission de Hué, ancien supérieur de l'Institut de la Providence qu'il connaissait bien. M. Pierre Gauthier prit en charge comme curé deux paroisses : celle de Le Temple-sur-Lot et de Dolmayrac à compter du 15 octobre 1975 jusqu'au 28 juillet 1987. Il y ajouta , à compter du 15 octobre 1975 jusqu'au 21 octobre 1990, les fonctions d'Aumônier du Centre d'Accueil Franco Indochinois (C.A.F.I.) de Sainte Livrade. L'année 1985 ramenait le cinquantième anniversaire de son ordination sacerdotale. Il y eut en divers lieux, plusieurs célébrations de ses noces d'or ; mais dans le diocèse d'Agen, la première, le 2 juin 1985, dans sa paroisse de Le Temple sur Lot, puis, le samedi 22 juin 1985, en la chapelle de la Cité Vietnamienne de Ste Livrade sur Lot.
Le 29 octobre 1990, M. Pierre Gauthier entrait à la maison de retraite Saint Raphaël à Montbeton. Le 7 juillet 1995, il eut la joie de célébrer dans cette maison, ses noces de diamant sacerdotales, en même temps que son ami de longue date, M. Pierre Toqueboeuf. On ne manqua pas de faire remarquer aux deux jubilaires qu'ils avaient entre eux bien des points communs : tous deux étaient nés dans une famille profondément chrétienne, ils portaient le même prénom, ils avaient fait leur service militaire, dans le même régiment à Colmar, ensemble ils avaient fait leur préparation à la vie missionnaire au Missions Étrangères, avaient été ordonnés et avaient reçu leur destination le même jour. Enfin chacun avait un frère prêtre.
Le dimanche 4 janvier 2004, au cours de la messe de l'Épiphanie à laquelle il assistait dans la chapelle de la maison St. Raphaël, M. Pierre Gauthier rendit son âme à Dieu .
Novembre 2006