Marcel ARNOULD1928 - 2024
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 3963
Identité
Naissance
Décès
Biographie
[3963] ARNOULD Marcel est né le 23 mars 1928 à La Bresse (Vosges). Ordonné prêtre le 9 décembre 1952, il part le 9 juin 1953 pour la mission de Kontum (Vietnam). Après l’étude de la langue à Kontum, il est chargé des chrétiens montagnards de la région de Dak-to. En 1972, cette région tombe aux mains des Viêt-công. Avec son compagnon, le P. Dujon, il est arrêté et emmené dans la forêt. A son retour, il accompagne les réfugiés dans la province de Cheo-Reo. Expulsé du Vietnam en 1975, il reçoit une nouvelle affectation pour le diocèse de Pangkalpinang, en Indonésie où il est nommé curé de Belitung (1977-1993) et de Belinyu Bangka (1994-2000). Il est ensuite placé à la cathédrale de Pangkalpinang, en charge de la Légion de Marie. En 2008, il rentre définitivement en France et se retire à Montbeton, avant de rejoindre en 2021 la maison de Lauris, où il meurt le 20 janvier 2024. Ses obsèques sont célébrées le 25 janvier suivant à Lauris.
Nécrologie
Marcel ARNOULD, pour mémoire…
Marcel aurait célébré son 96 ème anniversaire en mars prochain. Il est né en 1928 à La Bresse un gros bourg vosgien à une douzaine de km de Gérardmer; une belle paroisse du diocèse de Saint-Dié. Il était l’aîné de trois garçons, mais le dernier survivant de sa fratrie. Son père Maurice Arnould, décédé en 1972, était charpentier ; sa mère, Marie Adam, est morte en 1989. Marcel fréquente d’abord l’école primaire de son village, puis il entre au petit séminaire de Saulcy-sur- Meurthe.
1944, début de l’hiver. Marcel a 16 ans, il est à la Bresse . Le village, situé à la frontière de l’Alsace annexée, est alors en « zone interdite ». Le débarquement des Alliés en Normandie six mois plus tôt et leur avancée vers l’Est, aggrave la situation des Bressauds : les exactions de l’occupant deviennent plus nombreuses. Des hommes sont réquisitionnés pour des travaux de défense; les appels sont journaliers… perquisitions chez les habitants, pas de dimanches, pas de jours de repos, couvre feu dès 19 heures: des conditions de travail de plus en plus difficiles… Réquisitions ou vol de bétail, de vélos, des postes de radio, les unités allemandes sur le qui-vive se livrent à un véritable pillage des maisons, raflant tout ce qui est transportable et comestible. les Allemands en se retirant, dynamitent ce qui n’a pas été détruit par les bombardements alliés des semaines précédentes. L’est du département des Vosges est particulièrement touché ,Saint-Dié, Gérardmer, La Bresse sont entièrement détruits… l’exode des habitants en plein hiver est encore dans les mémoires. Marcel fait partie d’un groupe d’hommes que les allemands ont arrêtés et qu’ils dirigent à pieds à travers l’Alsace vers la Forêt-Noire.
L’armistice , le 8 mai 1945 les libère. Marcel reprend ses études, fait ses humanités comme on disait -(de la classe de seconde au bac.) au petit séminaire d’Autrey (que Pierre Perrard et moi-même avons fréquenté en d’autres temps)…
Nous sommes en 1946, Marcel a 18 ans, il entre au Séminaire de Bièvres en septembre.. Il fera six mois de service militaire en1948. En 1949, il fait sa rentrée au Séminaire de la rue du Bac.
Ordonné sous-diacre le 22 décembre 1951, diacre le 1er juin.1952 , il est ordonné prêtre la même année, le 12 décembre, à la basilique du Sacré-Cœur par Mgr Henri Pinault-MEP- ancien évêque de Chengtu . Durant cette année-là, de 1952, ils étaient 20 à avoir reçu leur destination en Asie et l’ordination presbytérale.
Marcel ira à Kontum, au Vietnam.
Il s'embarque le 9 juin 1953. Au mois d’août il est parvenu à destination. Paul Seitz, MEP du groupe de Hanoi, tout jeune évêque de Kontum, est arrivé 7 mois plus tôt . La région au milieu de l’Indochine en guerre était restée plutôt calme, mais depuis janvier 54, les épisodes de guérilla et d’occupation vietminh affectent certains postes de Mission . Marcel étudie la langues et s’initie aux usage dans trois lieux successifs sur les Hauts Plateaux du Centre Vietnam, parmi les grandes ethnies montagnardes: Joraï, Rhade, Banhar, Sedang.
1954 est l’année de Dien Bien Phu et du replis des armées françaises. Depuis février Kontum est investie par le Vietminh. Marcel comme plusieurs autres missionnaire a été évacué de la région- « un vent de catastrophe soufflait sur les Hauts Plateaux » écrit l’évêque. Selon les accords de Genève signés en juillet le Vietnam est partagé en deux. Cette partition du pays provoque un exode massif des chrétiens depuis le Nord Vietnam vers le Sud. Des réfugiés arrivent aussi sur les Hauts-Plateaux du Centre d’où le Vietminh s’est retiré; mais où il a laissé des gens dont la présence inquiète…Le diocèse de Kontum désormais amputé d’une partie de son territoire connaît une vie à peu près paisible où l’on s’efforce de réparer ce qui peut l’être et de faire face à la situation nouvelle avec les nombreux déplacés.
Le compte rendu des missions de 1965 fait état de l’insécurité grandissante et de l’obligation dans laquelle se trouvent plusieurs missionnaires de quitter leur poste. Après plusieurs attaques Vietcong, les chrétiens de divers districts, des non-chrétiens parmi eux, se regroupent dans le district de Dac To. « Le secteur de Dak-To, à 50 km de Kontum, à l’extrémité nord du diocèse et de la zone de sécurité, comprend 3 districts ; les P. Renaud, Dujon et notre Marcel chacun vivant dans un poste différent ont la charge de « six village de tôle du plus gracieux effet : chacun sait que la tôle est le matériel idéal en pays tropical pour la climatisation et l’insonorisation! Mais ajoute l’auteur de ces lignes, avoir un toit sur la tête c’est déjà quelque chose, et l’espoir aussi, peut-être chimérique, de pouvoir un jour revenir sur les lieux qu’on a dû quitter! » Le gros problème pour ces districts du Nord, c’est le ravitaillement de toute une population qui ayant dû fuir leurs villages et leurs terres plus au nord s’y sont réfugiés : la situation sanitaire malgré tout est satisfaisante. En décembre 66 la peste a fait une trentaine de victimes dans un camp militaire du secteur, mais ne s’est pas répandue plus loin. Un vrai miracle. Le taux de mortalité par maladie est resté normal; en revanche les pertes humaines du fait de la guerre ont été lourdes…
En 1972 aux environs de la semaine sainte, la région est tombée entièrement aux mains des Vietcong et Marcel est arrêté avec son aîné Léon Dujon ; ils sont immédiatement séparés de leurs chrétiens et emmenés dans la
forêt. Ils réapparaissent en même temps que deux petites soeurs montagnardes de Dak To au mois août de la même année, bien amaigris et fatigués.
1973 Juillet. Léon Dujon et Marcel Arnould se sont établis à 170km au sud-est de Kontum avec un groupe de réfugiés de la région de Dac-To. Là ils vivent difficilement dans un camp où sont rassemblés 8000 personnes des tribus montagnardes : des Sedangs et deux groupe de Joraï : « l’endroit est inondé à la saison des pluies, aride en saison sèche ». Les deux confrères sont confrontés aux problèmes des réfugiés : ravitaillement, aide médicale. L’avenir est sombre. Dujon écrit : « nous partageons avec les gens nos faibles ressource et leur insécurité. Nous espérons ainsi être dans la ligne ; du moins nous prions Dieu de nous y mettre. » . La ligne - la ligne à suivre - sera celle imposée par la force : « le19 mars 1975, écrit encore Dujon, c’est l’occupation sans combat de la ville de Kontum par les troupes de l’armée populaire. Ordre est donné à tous les déplacés de regagner dans les plus brefs délais leurs villages d’origine… Alors ma paroisse de réfugiés réinstallée depuis juillet 73 à 150 km au sud de Kontum reprend la piste… Chacun emporte ce qu’il peut emporter…. Marche longue et pénible jusqu’à Kontum; ils y arrivent le 12 avril. Séparation des deux prêtres d’avec leurs paroissiens; on les place en résidence surveillée avec 6 autres de leurs confrères. Et le 12 août ils apprennent qu’ils ont 74 heures pour quitter le Vietnam. On les transporte tous dans deux voitures sous escorte armée jusqu’à Saïgon (à 900 km).
Ensuite Marcel fait partie du premier groupe des expulsés qui accompagnent leur évêque Paul Seitz, c’est, avec Marcel, André Marty, Léon Dujon, Joseph Curien (de Saulxure), Gabriel Brice(du Val d’Ajol), Olivier Deschamps. Il prennent l’avion le 15 août à Saïgon. Ils arrivent à Paris le 16. Personne ne les attend. Ils se débrouillent pour arriver rue du Bac.
Les autres missionnaires des Hauts-Plateaux, de Kontum, de Ban-Me-Tuot, et ceux de Hué, de Danang suivront sous peu. Pour Marcel, c’est 22 années de sa vie qui se sont refermées brutalement. L’annuaire Mep de 1975 signalait la présence au Vietnam de 85 confrères : tous ont quitté le pays en l’espace d’une année. Ceux du Cambodge, du Laos subissent le même sort, expulsés de leur Mission. Certains resteront en France, à d’autres on propose une nouvelle destination.
Et c’est ainsi que Marcel en 1976 accepte de partir pour L’Indonésie. Deux premiers groupes de confrères MEP vont successivement s’y rendre . Mgr.Yves Ramousse, Henri Jourdin et notre Marcel Arnould font partie du troisième. Ils sont nés tous les trois en 1928, ils ont 47 ans. Ils avaient passé quelques mois à Paris pour apprendre l’indonésien.
Marcel a tenu un journal que nous avons hâte de connaître : il nous apprend que le trio est arrivé à Jakarta le 16 décembre 1977; que le 18, il retrouvent plusieurs de leurs devanciers MEP déjà installés à Palembang. Le 23, le trio part pour Pangkalpinang - « tout juste pour fêter Noël avec la communauté et l’évêque écrit Marcel. Et le 27 , ajoute-t-il, après arrangements à l’amiable entre nous: en route pour nos postes ! Yves Ramouse et Henri Jourdain partent pour Tanjung Pinang et moi pour l’île de Belitung ».
Bélitung. Marcel est le seul Mep sur l’île éloignée de Belitung. Ses confrères nous parlent de sa « paroisse ermitage »…Le plus proche voisin de Marcel est Henri Jourdain, dans une autre île lointaine : ils ne se voient pas. Marcel est d’abord le vicaire d’un prêtre hollandais malade qui va partir pour se soigner; Une fois qu’il est parti, Marcel devient le curé de l’île; il prend en charge les quatre postes qui s’y trouvent. -L’île de Belitung (165 000 habitants , 900 baptisés, chinois en majorité, des Javanais et quelques florésiens. ) L’île est réputée pour ses mines d’étain où travaillent 49000 ouvriers, et pour ses céramique et pour ses plantations de girofliers et de poivriers. Marcel va vivre à Belitung pendant 6 ans, jusqu’en octobre 1993. Puis il est curé de la paroisse de Belinyu, dans la même île que l’évêché , pour six autres années, jusqu’en 2000 .
Il prend alors un congé en France .
Revenu en Indonésie, son évêque le gardera auprès de lui à Pangkalpinang…
En 2002, il a célébré 50 ans de sacerdoce… 22 ans en Vietnam et 25 en Indonésie. Un livret à cette occasion a été publié paraît-il, qui fait la part belle à ses années vietnamiennes… On aimerait retrouver cette publication. Un rapport de 2004, nous apprend que Marcel -76 ans - vit sa retraite dans l’île principale de Pangkalpinang, près de son évêque lequel apprécie cet homme priant dévoué et serviable. Ce même rapport en nous apprenant qu’il vit au milieu d’un clergé jeune,remuant et turbulent, nous fait comprendre en creux que Marcel est un homme pondéré, calme et discret: il visite les malades, il accompagne des groupes de la Légion de Marie, il lui arrive de rendre des service dans l’un de ses anciens postes de Belinyu au nord de l’île, où il avait bâti un oratoire marial. On s’inquiète un peu, pas trop apparemment, pour sa santé. A lui, elle donne du souci.
Il rentre définitivement en France en juin 2008 pour se rendre à Montbeton .
Georges Mansuy nommé responsable de Montbeton y fait sa connaissance. Marcel a des difficultés à se mouvoir, ses jambes ne le portent plus; il est discret, effacé, affable, je l’ai constaté moi-même lors d’une visite un peu plus tard… Il rejoint Lauris en mai 2021. Il s’est éteint sans bruit ; l’une de ses nièce était arrivée deux heures plus tôt à son chevet et lui tenait la main, à croire qu’il l’avait attendue avant de partir.
Bernard Jacquel.