Paul Claudel, Cent phrases pour éventails, Tokyo, 1927
[IRFA, bibliothèque asiatique, RES.JAP CLA ]
« Qui m’aurait permis — ce n’est pas ce pinceau déjà vibrant au plus délié de mes phalanges, ce n’est pas ce papier offert, aussi craquant que la soie, aussi tendu que la corde sous l’archet, aussi moelleux que le brouillard — de résister à la tentation là-bas partout ambiante de la calligraphie ? » – Paul Claudel, préface de Cent phrases pour éventails.
Envoyé au Japon en tant qu’ambassadeur de France, de novembre 1921 à février 1927, Paul Claudel est conquis par ce pays qu’il décrit comme n’étant pas loin du paradis. L’ambassadeur-poète compose Cent phrases pour éventails en 1927, alors que son séjour touche à sa fin et que son intérêt pour la calligraphie s’est épanoui depuis plusieurs années (Souffle des quatre souffles, Poèmes du Pont-des-Faisans).
Suivant le modèle des livres d’Extrême-Orient, l’ouvrage se présente sous la forme de trois accordéons de papier (29 x 10cm) placés dans un emboitage de toile bleue mouchetée d’or, à fermeture d’ivoire. La composition de l’ouvrage suit un schéma continu : à chaque début de poème, deux kanji calligraphiés (idéogrammes chinois empruntés par la langue japonaise) sont disposés en regard, jouant le rôle de titres, et une phrase en français leur répond avec souvent une ou deux lettres occidentales du côté de la page japonaise. Très souvent, le début de chaque phrase de chaque section est écrit sur la partie japonaise du manuscrit, soit la partie gauche composée de kanji.
Le recueil met en scène un Japon lumineux et glorieux et emprunte à certaines traditions propres au Japon : le haïku, la calligraphie et l’étroit rapport oriental à la nature et au monde. Pourtant, cette imprégnation de la culture japonaise ne fait pas renoncer Claudel à son identité de chrétien occidental.
Toutefois il ne s’agit pas pour Claudel de renoncer à son identité de chrétien occidental. Le Japon paradisiaque n’est somme toute qu’une belle image, un reflet, une allusion à la vérité ultime chrétienne. Pour Claudel, les Japonais ne seraient que des chrétiens qui ne savent pas encore tout à fait qu’ils le sont : « Pour trouver la tradition japonaise, il […] n’y a qu’à ouvrir les yeux à ce concert autour de nous […].
Écoutons-le, mais pour l’entendre il faut commencer par faire silence. » – Paul Claudel, Un regard sur l’âme japonaise
Pour en savoir plus : Philippe Postel, Cent phrases pour éventails, site de la Société Paul Claudel