« La falaise de la décapitation »
Pio TAK Hee-seong, Séoul 1988
IRFA, objets 23-A-682
Cette peinture sur rouleau horizontal de près de 3 mètres n’a pas vocation, selon la tradition picturale asiatique, à être vue dans sa totalité. Elle s’apprécie au contraire fragment par fragment au fur et à mesure du déroulement, du dévoilement de l’œuvre de la droite vers la gauche.
Quelle étrange procession ! Où vont ces enfants, ces femmes, ces hommes de toutes conditions ? Ils ont pour la plupart les poignets liés dans le dos, dirigés par quelques hommes vêtus d’une tunique noire, vers l’extrémité de la falaise où les attendent, le sabre à la main, les bourreaux qui, leur besogne faite, jettent leurs corps dans le fleuve.
Voici la représentation par l’artiste coréen TAK Hee-seong de l’un des épisodes marquants de l’histoire de l’Église de Corée, la grande vague d’exactions des années 1866-1870 durant laquelle des milliers de Coréens catholiques ont trouvé la mort, pour certains sur ce promontoire surplombant le fleuve Han à Séoul.
Né à Séoul en 1915, dans une famille bouddhiste très influencée par le confucianisme, TAK Hee-seong a suivi une formation de peintre classique. Sa vie et sa carrière vont être bouleversées par sa découverte du catholicisme et sa conversion en 1960.
Dès lors, il se passionne pour l’histoire de l’Église et se consacre à peindre les faits et figures marquants de l’Église en Corée. Il se documente, n’hésite pas à prendre conseil auprès de spécialistes laïcs ou religieux pour approfondir ses connaissances. Il prête une attention toute particulière aux détails, notamment à l’habillement, pour être au plus près de la réalité.
Il est semble-t-il revenu à plusieurs reprises sur ce thème de la Falaise ou Mont de la décapitation. Il existe au moins deux versions : celle-ci et une plus ancienne qui se trouve au sanctuaire de Choltusan à Séoul, édifié et inauguré en 1967 sur le lieu même de ces décapitations et dédié aux martyrs des années 1866-1870.
Dans la longue calligraphie à l’encre noire entrecoupée de courts poèmes placée au-dessus du dessin, il relate l’histoire de ce lieu jusqu’à la visite du Pape Jean-Paul II en 1984 pour le bicentenaire de la transmission de la foi chrétienne en Corée et la canonisation de 103 martyrs. Il mentionne aussi son travail de célébration de ces martyrs.
En 2015, vingt-trois ans après son décès, une rétrospective de ses œuvres a été organisée au sanctuaire de Choltusan sous le nom « Esquisses biographiques des Martyrs ».