Jean LUQUET1810 - 1858

[0473] LUQUET, Jean-Félix-Onésime naît le 17 juin 1810 dans la paroisse Saint-Mammès, à Langres en Haute-Marne. Il est élève aux Beaux-Arts et prépare son diplôme d'architecte. Peu à peu il abandonne la pratique religieuse et se met à douter. Il voyage en Italie et est sur le point de se marier. C’est alors qu’il retrouve la foi et se convertit. Il entre au séminaire Saint-Sulpice à Issy le 7 juin 1838 qu’il quitte sous-diacre pour se présenter au séminaire des MEP le 19 juillet 1841.

Editeur contesté

Pendant son séjour qui dure un peu plus d'une année, il rédige, avec l'aide de deux directeurs, les PP. Tesson et Voisin, les ‘‘Lettres à l'évêque de Langres sur la Congrégation des MEP’’ qu’il fait imprimer. L’œuvre a une véritable valeur, principalement pour les idées qu’elle exprime à propos des clergés indigènes. Certes, l’ouvrage procède par groupes de missions et ne rend que très imparfaitement compte de la vie de la Société en général, mais il n’en dresse pas moins une histoire succincte des MEP, qui, à cette époque, ne possédait que l'Histoire de l'établissement du Christianisme dans les Indes orientales, un récit qui s'arrêtait en 1679 à la mort de Mgr Lambert de La Motte. L’auteur, ayant publié son travail sans l'autorisation du Conseil du Séminaire, faillit être renvoyé. Grâce au P. Tesson, le directeur qui l'avait aidé, la Société le maintient en son sein. L’écrivain doit cependant déclarer qu'il est seul responsable de ses écrits. Il est ordonné prêtre le 21 mai 1842, et part le 21 décembre suivant pour la Côte de Coromandel et Pondichéry.

Plus apprécié à Rome qu’à Paris et Pondichéry

Il est affecté à Cuddalore (1). En 1844, il prend une part très active au synode de Pondichéry et élabore un plan pour l'établissement de la hiérarchie en Inde. Après le synode, Mgr Bonnand lui fait développer ses vues, lui demande un mémoire et convoque un Conseil pour examiner la question. Après l'avoir approuvé, il décide de le faire présenter à la ‘‘Propaganda fide’’ (2) par l'auteur lui-même. Le missionnaire reçoit des instructions détaillées pour exposer l'ensemble du plan au Séminaire des MEP et à Rome. II part le 27 juin de la même année. A Paris, les directeurs approuvent sa mission, mais opposent des objections à l'établissement de la hiérarchie. Sans abandonner totalement ses idées, Luquet reformule ses suggestions sur de nouvelles bases et se rend à Rome où ses propositions sont prises en considération par la ‘‘Propaganda fide’’. Les cardinaux se réunissent en congrégation générale le 17 février 1845 et décident de diviser le vicariat apostolique de la Côte de Coromandel en trois missions : Pondichéry, Mysore et Coïmbatore, toutes avec des limites bien déterminées et un évêque à leur tête. Le P. Luquet continue ses négociations afin d'obtenir l'érection en vicariats apostoliques de ces trois nouvelles missions. Puis, il publie un livre : ‘‘Eclaircissements sur le synode de Pondichéry’’ qui produit une fâcheuse impression en Inde. Mais le Préfet de la ‘‘Propaganda fide’’ le trouve si remarquable qu'il propose d'élever l'auteur à l'épiscopat et de le nommer coadjuteur de Mgr Bonnand, proposition qu’agrée le Souverain Pontife. Le P. Luquet est donc sacré à Rome, évêque d'Hésebon, le 8 septembre 1845.

Cette nomination est mal accueillie à Pondichéry où l'on connaît l'inexpérience du nouveau prélat sur les questions pratiques de l'Inde. Mgr Bonnand lui fait aussitôt savoir qu'il restreint son mandat et lui défend d'entreprendre, en qualité de délégué, aucune affaire en dehors de celles qui se trouvent spécifiées dans ses instructions. Devant ces oppositions, Mgr Luquet s'abstient de retourner à Pondichéry, mais attend jusqu'en 1851 pour renoncer à la coadjutorerie.

A Rome

Resté à Rome, il est chargé par le Saint-Siège de négociations en Suisse, lors du conflit du Sonderbund (2) : il échoue. Il se retire alors au séminaire français à Rome avec une pension de la ‘‘Propaganda fide’’. Il rend de temps à autre des services aux missions de la Société.

Au milieu des combats en 1849

Lors de l'expédition française à Rome en 1849, sachant que nos troupes n'ont pas d'aumônier, il s'adresse à Mazzini afin d'obtenir, pour lui et pour deux prêtres français, l'autorisation de se rendre à nos avant-postes. Il se heurte à un refus. Le 30 avril, au premier coup de canon, revêtu de ses insignes épiscopaux, accompagné de l'abbé de Cosquer et de deux autres prêtres, il sort de Rome et se rend sur le champ de bataille où il donne ses secours aux blessés italiens.

Il compose de nombreux ouvrages de piété simple et intime, d'hagiographie, ainsi que deux volumes sur les missions. Il est ensuite nommé assistant au trône pontifical et membre de la commission d'archéologie sacrée. Il meurt au séminaire français de Rome le 3 septembre 1858, et est enterré dans l'église Sainte-Claire.

Visionnaire

Mgr Luquet, personnalité de haute intelligence et de grand dévouement, apparaît comme un esprit ardent, voulant obtenir trop vite d'importants résultats auxquels les esprits ne sont pas préparés. A la lumière des évolutions intervenues par la suite, ses projets apparaissent d'exécution plus pratique et ses vues plus justes, puisque la plupart sont aujourd’hui en vigueur. Des lettres de Mgr Luquet, son autobiographie et de nombreuses pièces se rapportant aux affaires dont il s'est occupé sont au grand séminaire de Langres, d'autres au collège de la même ville.

1 – Ville des Indes anglaises située entre Pondichéry et Karikal.
2 - Congrégation pour la propagation de la foi, une des administrations du Saint-Siège.
3 – En novembre 1847, la ligue composée de plusieurs cantons catholiques conservateurs sécessionnistes s'oppose dans un conflit armé à la plupart des autres cantons du pays qui défendent la Confédération suisse.