Alphonse GUÉRIN1832 - 1896
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 0686
Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Birmanie
- Région missionnaire :
- 1856 - 1896
Biographie
[686]. GUÉRIN, Alphonse-Félix, né le 1er mars 1832 à Morelmaison (Vosges), entra sous-diacre au Séminaire des M.-E. le 18 janvier 1855. Prêtre le 17 mai 1856, il partit le 1er juin de la même année pour la Birmanie. Sa formation apostolique commença à Toungoo, où il s'occupa plus particulièrement des soldats de la garnison. Il fut ensuite envoyé à Thayet-myo, en qualité d'aumônier militaire, et, en 1863, il passa à la cure de Saint-Patrick à Moulmein. Il embellit l'église à laquelle il ajouta un clocher, et reconstruisit celle de Sainte-Marie.
En 1870, il fit partie de la Birmanie méridionale, lors de la création de ce vicariat apostolique. En 1878, il fut de nouveau chargé du poste militaire de Thayet-myo, qui exigeait un homme d'expérience. Il y multiplia les preuves de dévouement, surtout pendant une épidémie de variole, donnant ses soins aux protestants et aux catholiques. Au début de 1886, Mgr Bigandet le nomma aumônier militaire à Rangoon et provicaire ; quelques années après, il voulut en faire son coadjuteur ; le missionnaire refusa.
Guérin mourut le 7 mai 1896 à Rangoon, et fut enterré dans cette ville, au cimetière Puzundaung. Il possédait des connaissances variées, avait étudié la faune de Birmanie, et était très apprécié des Anglais et des Birmans.
Nécrologie
M. GUÉRIN
PROVICAIRE DE LA BIRMANIE MÉRIDIONALE
Né le 1er avril 1832.
Parti le 1er juin 1856.
Mort le 7 mai 1896.
« Félix-Alphonse Guérin naquit en 1832 à Morelmaison, village de l’arrondissement de Neufchâteau, département des Vosges. Plus riches encore de foi et de piété que des biens de la fortune, ses parents ne négligèrent rien pour donner à leur fils bien-aimé une éducation profondément chrétienne. Aussi, est-ce au presbytère plutôt qu’à la maison, à l’ombre du sanctuaire plutôt qu’au foyer domestique, que se passèrent ses jeunes années, années de grâces et de bénédictions qui furent, pour l’heureux enfant, le point de départ de sa vocation à l’état sacerdotal. Nous n’avons aucun renseignement sur sa première communion, ni ne savons au juste ce qu’il fut pendant le temps de ses études au collège. Cependant, commencée sur des bases aussi solidement chrétiennes, il est permis de croire que fa formation de son âme à tout ce qu’il y a de bon et de bien, ne fit que progresser avec l’âge, en même temps que ses talents naturels durent lui assurer un rang distingué parmi ses condisciples. C’est alors qu’il se lia d’amitié avec M. Lecomte, amitié aussi vraie que forte qui allait se continuer au grand séminaire de Saint-Dié, se parfaire aux Missions-Étrangères et jusqu’en Birmanie pour ne finir qu’à la mort : Omni tempore diligit qui amicus est.
« Partis de Paris le 1er juin 1856, MM. Guérin et Lecomte n’arrivèrent à Rangoon qu’au commencement de 1857, après sept mois de traversée. La mission de Birmanie, récemment confiée aux Missions-Étrangères, ne comprenait alors qu’un seul Vicariat sous la juridiction de Mgr Bigandet. Déjà maître du royaume de Pégu, le gouvernement anglais ne laissait pas de faire sentir son influence jusqu’à celui d’Ava resté encore aux mains du roi birman. Les circonstances étaient donc des plus favorables à l’évangélisation. Après deux années consacrées à l’étude des langues anglaise et birmane, les deux inséparables amis reçurent ordre de se quitter. M. Lecomte fut dirigé vers le nord de la Mission, pendant que M. Guérin devait se rendre vers l’est, à Toungoo.
« Les voyages dans l’intérieur de la province n’étaient pas, cette époque, aussi faciles qu’ils le sont actuellement. C’est en canot birman et à force de rames qu’il fallait remonter le Sittang et parcourir ainsi la distance (200 milles) qui sépare Rangoon de Toungoo. A l’heure présente, grâce à la vapeur, c’est une affaire de douze heures à peine, tandis qu’alors il ne fallait pas moins de trente jours. On comprend tout ce que pareil voyage devait avoir de gênant, de fastidieux même pour un missionnaire européen, isolé au milieu de nombreux passagers birmans qu’il ne pouvait faire autrement que de coudoyer. L’heure du repas était-elle venue, l’embarcation s’arrêtait le long du rivage, à proximité d’habitations où il fût possible de trouver des vivres ; le soir venu, on y passait la nuit.
« M. Guérin n’était plus qu’à sept milles au-dessous de Toungoo, quand un jour il lui prit fantaisie de profiter de l’arrêt du canot, pour faire une promenade dans la forêt magnifique qui bordait le rivage. Son chien l’accompagnait, heureusement, car en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, notre confrère se vit enlacé par un énorme boa, suspendu à un arbre voisin. Serrer sa proie pour l’étouffer fut l’affaire d’un moment. Mais M. Guérin ne perdit pas sa présence d’esprit ; se sentant les bras encore libres, il saisit au plus tôt l’animal un peu au-dessous de la tête qu’il tint ainsi à l’écart. De son côté, le chien a vu le danger imminent où se trouvait son maître. Il ne cessa d’aboyer de toutes ses forces. A ce signal, plu¬sieurs Birmans accoururent, et l’un d’eux, muni d’un dah (sorte de long coutelas), ne tarda pas à couper le boa par le milieu du corps, et à débarrasser ainsi notre confrère de l’étreinte du reptile. Cette lutte n’enleva pas à M. Guérin son goût pour les excursions dans les forêts. Outre que l’exercice un peu violent était nécessaire à son tempérament sanguin, ces promenades à travers bois lui fournissaient autant d’occasions de se perfectionner dans la langue du pays. Il adressait questions sur questions aux Birmans qui l’accompagnaient. Aussi, rien de surprenant qu’il connût à merveille toutes les espèces et variétés de la faune de Birmanie. Son autorité en pareille matière était incontestable, recherchée même par les journalistes et autres écrivains de la capitale.
« Mais, avant d’aller plus loin, nous dit l’auteur de cette notice, M. Luce, ce que nous voulons signaler surtout, c’est la piété vraie, alimentée par une foi très vive, de notre regretté confrère. Pendant ce voyage, comme d’ailleurs pendant toute sa vie de missionnaire, en quelque circonstance qu’il se trouvât, il fut fidèle à réciter le saint office, à l’heure qu’il s’était fixée, lentement, goûtant avec fruit et délices tout ce qu’il disait. Quant à ses exercices de dévotion, dont l’accomplissement lui paraissait une obligation rigoureuse, nous ne croyons pas qu’il y ait jamais manqué volontairement. Plus tard, quand fut instituée la prière perpétuelle parmi les membres de notre Société, jamais il n’oublia l’heure qui lui avait été assignée, et il peut être en cela proposé comme un modèle à tous.
« Reprenons maintenant notre voyage avec M. Guérin. Après un mois de traversée sur le Sittang, il arriva à Toungoo, ville importante sur la frontière orientale de la colonie, où le gouvernement anglais avait établi un poste militaire. Il y fut reçu à bras ouverts par le bon et vénéré P. D’Cruz qui, depuis deux ans, y avait fondé une chrétienté. Son ministère d’aumônier de la garnison ne laissait guère à celui-ci le temps de soigner ses néophytes, comme il l’aurait désiré, et il fut tout heureux de posséder quelqu’un sur qui il pût se décharger. M. Guérin eut donc à s’occuper plus spécialement des troupes, pendant que le P. D’Cruz, ancien élève de la Propagande, se livrait au travail de l’évangélisation parmi les Birmans de l’endroit, et surtout chez les Shans et Karians des environs.
« Tel fut M. Guérin au cantonnement de Toungoo, tel il demeura dans les autres stations militaires de Thayetmyo et de Rangoon dont il eut successivement la charge, c’est-à-dire le vrai type de l’aumônier militaire autant aimé de ses soldats que respecté par les officiers. Ses connaissances variées le faisaient rechercher de tous, en même temps que sa science approfondie de l’anglais rendait sa conversation des plus intéressantes. Ses instructions de chaque dimanche se faisaient remarquer par leur caractère éminemment clair et pratique. Connu et aimé des Européens pour ses qualités supérieures et la finesse de son esprit, M. Guérin avait encore le talent de se rendre simple, familier même, avec les indigènes du pays. De là sa popularité chez les uns comme chez les autres.
« Cependant la mission de Toungoo allait grandissant de jour en jour. L’école adjacente à la résidence comptait une quarantaine d’élèves, tous pensionnaires, c’est-à-dire à la charge des deux missionnaires. M. Guérin, dont le cœur ne sut jamais rien refuser, y employait volontiers une partie de ses ressources personnelles. Il eût même joyeusement donné sa vie pour ses chers élèves. Témoin l’anecdote suivante.
« Un jour que nos deux missionnaires avaient conduit la bande écolière en pique-nique à la campagne, plusieurs jeunes gens voulurent prendre un bain dans la rivière. Pour un birman, la nage est chose naturelle, nécessaire même, vu le nombre infini de criques et de rivières dont le pays est sillonné. A la grande surprise de tous, voici qu’un des enfants a disparu sous l’eau. N’écoutant que son cœur, M. Guérin va se précipiter au secours du jeune imprudent. —Gardez-vous-en, lui dit le P. D’Cruz ; que voulez-vous faire, vous ne savez pas nager. — Qu’importe ! répond M. Guérin, je n’en suis pas à mon premier coup d’essai — et il s’élance vers l’infortuné. Se débattant de son mieux, il réussit à force de courage à sauver le jeune homme. Le P. D’Cruz se demande encore comment put s’opérer un pareil sauvetage. Qu’il nous suffise de constater ici qu’il est tout à la gloire de notre confrère.
« De Toungoo, M. Guérirt dut se rendre à Thayetmyo, puis à Moulmein, où il arriva en 1862. Là, comme à Toungoo, il se dépensa corps et âme au bien de son intéressante paroisse. Il dota son église d’un élégant clocher, l’enrichit d’un nouvel et superbe ameublement d’autel, y compris les magnifiques chandeliers avec croix qui font aujourd’hui l’orgueil de Saint-Patrick. L’autre paroisse de la ville, Sainte-Marie, n’était pas oubliée. Il trouva les moyens de reconstruire en briques l’église qui menaçait ruine. Enfin, il n’est rien que le zélé missionnaire n’entreprit pour embellir la maison de Dieu et rehausser l’éclat des cérémonies religieuses. Excellent musicien, il n’avait guère eu, depuis son départ du Séminaire des Missions où il exerça les fonctions de maître de chœur, l’occasion de mettre à profit ses talents et ses goûts artistiques. Maintenant qu’il se voyait entouré de nombreux jeunes gens, il allait voir ses désirs comblés. A force de patience, il parvint non seulement à faire exécuter à la perfection les chants de l’église, mais il forma de véritables artistes et établit parmi les enfants des Frères une fanfare en règle, qui fut longtemps l’honneur de l’école de Saint-Patrick. C’est à Moulmein surtout qu’il a laissé le souvenir du pasteur aussi dévoué que charitable. Il logeait, nourrissait et entretenait chez lui un nombre considérable d’enfants pauvres ou orphelins ; avec l’argent de son patrimoine, il aidait souvent ses chrétiens.
« Depuis onze ans, M. Guérin travaillait avec fruit au bien de sa paroisse, quand la grave maladie de son père l’obligea de rentrer en France, afin d’y régler certaines affaires de famille (1873). Quelle ne fut pas la douleur de notre confrère, d’apprendre, à son arrivée à Marseille, la mort récente de ce père bien-aimé. Peu de temps lui suffit pour mettre ordre à tout ; après quoi, il se fit un devoir de reprendre immédiatement le chemin de la Birmanie.
« Revenu à Moulmein en 1874, M.Guérin y resta jusqu’en décembre 1877, époque où le poste militaire de Thayetmyo réclamait un misssionnaire ayant une expérience consommée des hommes et des choses. Le jugement sûr de l’illustre évêque de Ramatha lui fit préférer M. Guérin à tout autre. Et, en effet, ce dernier se montra bien l’homme de la situation. Il serait trop long de le suivre pendant les neuf années qu’il passa à Thayetmyo. Là, comme ailleurs, il eut l’occasion de donner des preuves inoubliables de son dévouement. Digne successeur de M. Navech qui, plusieurs années auparavant, avait succombé victime du devoir en prodiguant son ministère aux cholériques, M. Guérin ne montra pas un moindre esprit de sacrifice, quand la petite vérole vint à son tour faire des ravages dans la garnison de Thayetmyo. Le ministre anglican ayant contracté la maladie, volontiers M. Guérin s’offrit à le remplacer auprès de ses administrés. Un autre clergyman arriva au secours de son ami ; on s’attendait à ce qu’il s’occupât aussi des autres malades. Il n’en fut rien. Le nouveau venu ne voulut jamais consentir à approcher un seul des malheureux soldats, attaqués de la contagion. Loin de s’en plaindre, M. Guérin continua à se dévouer jusqu’au bout à tous les malades de la place sans distinction de religion, et Dieu seul sait le bien opéré par le zélé aumônier pendant les quelques mois que dura l’épidémie.
« Tel était M. Guérin à Thayetmyo, quand la place de provicaire et d’aumônier militaire à Rangoon devint vacante par le départ de M. Bernard. Mgr de Ramatha n’hésita pas à l’y appeler. Il en coûta fort à notre confrère d’accepter les honneurs proposés. Lui, le moins ambitieux des hommes, eût préféré mille fois finir ses jours en paix à Thayetmyo. Il lui en coûtait d’autant plus que la guerre venait d’éclater entre le gouvernement anglais et celui du roi de Birmanie (1885-86), et s’il caressait une ambition, c’était celle d’accompagner ses chers soldats sur le champ de bataille. Mais deux aumôniers irlandais furent choisis pour cette pénible tâche. Au commencement de 1886, notre confrère se rendit à Rangoon, où, sans tarder, il fit construire une bonne et spacieuse maison en bois de teck au lieu et place de la vieille baraque que lui avait léguée son prédécesseur.
« Comme provicaire, M. Guérin fut à même de rendre à la Mission de très grands services. Mgr Bigandet, se sentant plier sous le poids des années, avait plus que jamais besoin d’un conseiller sûr et expérimenté. Il le trouva en M. Guérin et il voulait même faire de lui son coadjuteur, mais le vieil aumônier refusa toujours de se prêter à ce projet.
Cependant la mort de son ami d’enfance, M. Lecomte, arrivée en 1891, porta un coup terrible au cœur si tendre de M. Guérin. Il commença à se plaindre de douleurs dans le dos et souffrait d’un malaise général. Un moment, il pensa à prendre un peu de repos, quand l’élection et le sacre de Mgr Cardot, comme coadjuteur, parurent le rajeunir. La visite de Mgr Gasnier, son ancien condisciple à Paris, ajouta encore à sa joie. Les deux amis se doutèrent-ils alors qu’ils se voyaient, pour la dernière fois, en ce monde ? Hélas ! trois ans après, tous deux mouraient à un mois de distance.
« La mort de Mgr Bigandet, en 1894, semble avoir porté le dernier coup au cœur de notre si aimant confrère. Lui, que nous avions vu pleurer, comme un enfant, la perte d’un de ses domestiques, ne pouvait qu’être abîmé de douleur en se voyant séparé de celui qu’il n’avait cessé de vénérer et d’aimer comme un père. Pendant les derniers jours de l’auguste malade, M. Guérin demeura fidèle à son poste, c’est-à-dire au chevet de son évêque mourant. A peine le prélat eut-il rendu le dernier soupir, que le bon Père ne put comprimer sa douleur ; elle l’empêcha même de paraître aux funérailles,
Mgr Cardot, devenu vicaire apostolique, renouvela à M. Guérin son titre et ses pouvoirs de provicaire ; mais, depuis lors, le pauvre Père ne fut plus lui-même. Le poids de ses soixante années parut lui peser ; ses forces, voire même son énergie morale, diminuaient sensiblement.
« Dès son arrivée en mission, il avait contracté une maladie de foie qui avait mis ses jours en danger, et depuis, cet organe ne fut jamais sain chez lui. Vers la fin de 1895, il en souffrait plus que jamais. Hélas ! c’étaient les symptômes de l’hydropisie qui devait l’emporter. Une opération fut jugée nécessaire par les docteurs qui le soignaient ; malheureusement, elle ne produisit pas l’effet attendu. L’inflammation recommença de plus belle pour diminuer et augmenter alternativement, pendant les quatre longs mois que dura la maladie. A part quelques suffocations passagères, la plus grande souffrance du vénéré patient fut sans contredit de se voir condamné à garder le lit.
« Le 1er mai de cette année, il était très gai, comme à son ordinaire, et nous paraissait devoir vivre quelque temps encore. Quelle ne fut pas notre surprise, le dimanche 3 mai, alors que Monseigneur et plusieurs confrères se trouvaient à Nyaung-le-Bin, chez M. Mignot, pour une cérémonie de confirmation, d’apprendre par le télégraphe que le Père Provicaire était au plus mal. Sa Grandeur et les missionnaires qui l’accompagnaient, se rendirent aussitôt à Ran¬goon. Le lendemain matin, nous étions au chevet du malade que nous trouvâmes très faible et très abattu. Une forte diarrhée s’était déclarée ; tout nous porta à croire que c’était le prélude d’une fin prochaine. M. Guérin. lui-même, dont la connaissance était parfaite, comprenait la gravité de son état. A peine Monseigneur lui eut-il proposé de recevoir le saint viatique et l’extrême-onction, que le Père accepta avec la plus vive reconnaissance. Sa Grandeur tint à administrer elle-même les derniers sacrements. Dès lors, notre confrère ne sembla plus vivre que pour Dieu, et en communion de souffrances avec le divin Crucifié dont il aimait à presser l’image sur sa poitrine brûlante. Cependant, la diarrhée continuait son œuvre de destruction. Si du moins le malade avait pu prendre quelque peu de nourriture ! mais l’estomac irrite la rejetait immédiatement. Quelques gouttes de vin, noyées dans un verre d’eau glacée, étaient le seul breuvage qui sourit au cher Père, par suite probablement de la soif ardente qui le dévorait.
« Les confrères présents à Rangoon et plusieurs autres des postes les plus rapprochés s’empressèrent de veiller nuit et jour leur bien-aimé Provicaire. Le mardi matin, alors que l’un de nous lui recommandait d’offrir au bon Dieu la journée qui commençait, et de répéter avec lui les invocations : Jésus, Marie, Joseph, je vous donne mon cœur, mon esprit et ma vie ! — « Et ma vie », répéta par trois fois le malade, avec un accent de piété et de résignation vraiment admirables.
« Souvent il nous remerciait des petites attentions que nous lui témoignions ; et, comme s’il eût voulu nous voir prendre du repos : — A vous revoir, disait-il, merci ! — Il ne parlait guère à moins d’être interrogé ; il eût préféré n’être jamais troublé dans son recueillement et son union avec Dieu.
« Le mercredi, la faiblesse fut extrême ; un instant, nous crûmes le dernier moment venu. Sur la proposition de son confesseur, il reçut une dernière absolution. Comme nous nous disposions à commencer la récitation des prières des agonisants : « — Non, dit-il d’une voix claire ; attendez, je vous avertirai à temps. — Quand vous serez au ciel, promettez-nous de prier pour nous et pour la Mission, lui suggéra l’un des confrères présents. — Oui, répondit le mourant ; puis se tournant vers son interlocuteur : — Oui, fit-il encore.
Une forte fièvre s’étant déclarée, les traits parurent reprendre momentanément leur forme et couleur naturelles. Bientôt après, la respiration devint plus difficile, les yeux se voilèrent entièrement ; la mort approchait à grands pas. C’était aux premières heures du jeudi, 7 mai ; sur un signe du mourant, tous les confrères récitèrent les dernières prières. Ils venaient de les terminer quand, sans la moindre secousse, le bon M. Guérin rendit paisiblement son âme à Dieu. — « Puisse notre mort ressembler à la sienne ! » s’écria alors l’un de nous. Et, en effet, quoi de plus consolant pour un missionnaire que de se voir mourir au milieu de ses confrères, entouré de tous les secours de la religion !
« Les funérailles eurent lieu le lendemain. Mgr Cardot voulut chanter lui-même la grand’messe et donner l’absoute au milieu d’un immense concours de peuple. Le cercueil resta exposé à la vénération des fidèles jusqu’au soir où, après le chant des vêpres, eut lieu l’inhumation. Le parcours du cortège funèbre fut un vrai triomphe ; on y remarquait les principales autorités de Rangoon, le général commandant la Birmanie suivi de plusieurs officiers, l’évêque anglican avec nombre de ministres de toutes sectes, etc. Quant à la foule des fidèles et autres, qu’il me suffise de dire que sans l’aide des soldats qui faisaient partie du convoi, il eût été impossible de se frayer un passage au milieu d’elle.
Arrivé au cimetière, le corps de notre regretté confrère fut reçu par Mgr Cardot, et conduit au caveau qui lui était réservé dans la chapelle mortuaire. C’est là qu’il repose aux côtés même de son vieil et bien aimé évêque, Mgr Bigandet. Nous avons le ferme espoir que tous deux jouissent maintenant de la récompense promise à l’apôtre persévérant et infatigable, mort au champ d’honneur. Centuplum accipiet et vitam œternam possidebit.
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Références
[0686] GUÉRIN Alphonse (1832-1896)
Notes bio-bibliographiques. - C.-R., 1894, p. 243 ; 1895, p. 271. - A. M.-E., 1912, p. 146.
An account, p. 51.
Notice nécrologique. - C.-R., 1896, p. 383.