Jean-Marie GIRAUD1828 - 1903
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 0697
Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Inde
- Région missionnaire :
- 1857 - 1903 (Pondichéry)
Biographie
[697]. GIRAUD, Jean-Marie, né le 23 février 1828 à Saint-Priest-la-Roche (Loire), élève du petit séminaire de Saint-Jodard et du grand séminaire de Lyon, entra au Séminaire des M.-E. le 15 octobre 1855 ; il était alors diacre. Après son ordination sacerdotale qui eut lieu le 17 mai 1856, on l'envoya le 29 septembre suivant à Pondichéry. Six à sept mois après son arrivée, il fut placé à la tête du district de Cottagiri ; il devint, en 1859, professeur au grand séminaire, et en 1860, chef du district de Cottapaleam où il resta dix ans. On lui confia en 1870 le district de Kumbakônam, et en 1871 celui de Karikal qu'il occupa pendant près de vingt ans. Il s'y montra pasteur zélé, d'une piété qui lui attira la vénération de tous. Il construisit plusieurs chapelles dans le district. Ce fut sous son administration que le couvent du Carmel s'établit à Karikal.
Nommé vicaire général, il alla résider à Pondichéry en 1889. Sans se laisser absorber par une volumineuse correspondance, jointe à la direction d'un orphelinat, d'un hospice de vieillards et du couvent de Saint-Louis de Gonzague, il se tenait à la disposition de ceux qui voulaient se confesser à lui.
Aux missionnaires qui avaient la joie de convertir un grand nombre d'infidèles, il prodiguait ses conseils et ses félicitations ; puis, avec un retour de regret sur lui-même, il disait : " Tout le monde orne sa couronne d'âmes prises dans la forêt païenne ; et moi, j'ai si peu de ces heureuses captives, arrachées au plus ignominieux esclavage ! Seigneur, épargnez votre peuple idolâtre ; et à votre serviteur inutile donnez des âmes par milliers. " Il mourut à Pondichéry le 13 octobre 1903, laissant la réputation d'un saint.
Nécrologie
M. GIRAUD
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE, VICAIRE GÉNÉRAL DE PONDICHÉRY
Né le 25 février 1828
Parti le 29 septembre 1856
Mort le 13 octobre 1903
Le 25 février 1828, naissait à Saint-Priest-la-Roche (Lyon, Loire), un enfant qui reçut au baptême les noms du disciple bien-aimé de Notre-Seigneur et de sa sainte Mère.
« Que ferons-nous de notre protégé ? se dirent sans doute au ciel saint Jean et la Vierge Marie. Nous l’enverrons prêcher l’évangile aux infidèles, et le petit Jean-Marie deviendra un grand apôtre. »
L’enfant grandit sous l’œil de sa mère, devint pieux comme un ange et montra pour l’étude de réelles dispositions. Le curé de la paroisse l’envoya au séminaire, avec le consentement de ses parents.
Après avoir achevé ses humanités, il entra au grand séminaire de Lyon. A ce moment-là, l’Annam, le Tonkin, la Chine et la Corée ouvraient leurs prisons, et le sabre du bourreau faisait tomber bien des têtes de missionnaires. Jean-Marie lisait, dans les Annales de la Propagation de la Foi, les détails de leur glorieux martyre et rêvait de ceindre un jour, lui aussi, une couronne sanglante.
Mais pour réaliser cette ambition, la plus belle de toutes, il fallait dire adieu à son père, à ses frères, à ses sœurs, à ses amis, à sa patrie : en présence de sacrifices si douloureux, le cœur du jeune lévite se sentait défaillir, des larmes coulaient de ses yeux. Cependant, lorsque à genoux devant un crucifix, il entendait la divine Victime lui dire : « Sera-ce donc en vain que mon sang a été versé pour le salut des idolâtres ?... — Mon cœur est prêt, répondait le séminariste ; don¬nez-moi seulement le courage de tout quitter. Et la suprême résolu¬tion fut prise avec une énergie qui ne se démentit point.
M. Giraud était diacre quand il se présenta au séminaire des Mis¬sions-Étrangères le 15 octobre 1855. A peine arrivé, il alla se prosterner devant les reliques des martyrs et pria Dieu de lui accorder la grâce de verser son sang pour Jésus-Christ. Il se prépara au sacrifice par une vie d’étude, de mortification et de recueillement intérieur.
Après dix mois d’épreuve, les directeurs du séminaire lui assignèrent Pondichéry comme champ de ses travaux. Il tomba malade en arrivant, et le supérieur de la mission jugea bon de le soustraire à l’action du soleil de la plaine. Il fut donc envoyé dans une petite chrétienté de la montagne où il demeura six mois. Dès qu’il se trouva mieux, l’évêque lui confia successivement le district de Cottaguiry et celui de Cottai¬paléam.
Cottaipaléam est le chef-lieu d’un district qui comptait alors une centaine de villages. Quoique les villages chrétiens fussent moins nombreux que les villages païens, l’ouvrage ne manquait pas à M. Giraud. En ce temps-là, le missionnaire passait huit à quinze jours dans chaque chrétienté, où il était reçu avec la pompe réservée aux évêques. On allait processionnellement à sa rencontre jusqu’à deux ou trois milles de distance. Une foule de fidèles accouraient des villages environnants, et, quand le missionnaire apparaissait, tout ce monde tombait à genoux en disant : « Gloire à Dieu, notre père ! — O mes enfants, que la bénédiction divine descende sur vous et sur vos familles ! » répondait M. Giraud.
Et le cortège se remettait en marche. Les jeunes gens détachaient les bœufs de la charrette et se disputaient l’honneur de la traîner. Cependant, les joueurs de bâton s’évertuaient à faire de l’escrime devant la voiture, jusqu’à l’arrivée en face de l’église du poste.
Les petits canons, en bois dur comme du fer, faisaient alors parler la poudre, et la procession entrait dans le lieu de la prière aux accents du Salve Regina.
Le lendemain, tous les chrétiens assistaient au saint sacrifice. Ensuite, au son des tambours, ils apportaient leurs présents à la résidence du missionnaire : parfois du mouton ; toujours des poules, des bananes, des légumes, des fruits, du bétel et des noix d’arec. Et la mission commençait.
Pendant dix ou quinze jours, dans la matinée, on examinait les procès. Les assises se tenaient devant le Père et les principaux du village, et duraient presque toute la matinée. L’après-midi était consacré à l’examen sur les prières et le catéchisme et aux confessions.
Dix à quinze jours se passaient vite au milieu de ces labeurs bénis et, quand toutes les âmes avaient été purifiées, M. Giraud se séparait de ses brebis si chères. On l’accompagnait encore bien loin, au son des tambours ; et, le jour même ou le suivant, il était reçu dans une autre chrétienté pour y recommencer son rude travail, et cela, durant huit à dix mois de l’année. Pour le temps des pluies, il rentrait à Cottaipaléam.
Après douze ans de courses apostoliques, notre confrère fut chargé du district plus important de Kumbakonam. Il n’y resta qu’un an. Mgr Laouënan eut besoin de lui pour le poste de Karikal, devenu vacant par suite de la nomination de M. Ligeon comme vicaire général.
La principale dévotion de M. Giraud était celle de l’Eucharistie. Sa vie de courses à travers les campagnes aurait pu en diminuer la fer¬veur, vu le manque d’églises pour y garder la sainte Réserve ; mais il ne manqua jamais sa visite au Saint-Sacrement. Tous les soirs, après l’audition des confessions, il se transportait en esprit dans une église d’Europe, où il avait prié et adoré dans sa jeunesse ; c’était l’église où il avait reçu le baptême, où il avait fait sa première communion, où il avait senti les premières flammes de l’apostolat ; au petit séminaire, au grand séminaire. Son imagination lui rappelait ces lieux bénis, avec les couleurs poétiques qu’elle sait donner aux objets qui l’ont frappée, avec les souvenirs que l’éloignement sur une terre étrangère rend encore plus chers et plus impressionnants.
A Karikal, le tableau change. Plus de vie errante ; colonie française, une belle église et 8.000 chrétiens indigènes peu éloignés de ses tou¬relles. Quel bonheur ! Il est le voisin de Jésus-Eucharistie ; il devient son ami intime, son frère dans l’apostolat ; comme son patron, il aime à reposer sa tête sur la poitrine de Jésus. Son confessionnal est proche du tabernacle. Les deux amis s’adonnent à une conversation familière, intime, cordiale. Les intérêts de Jésus sont les intérêts de M. Giraud ; ils pleurent ensemble la perte des âmes ; ils prient ensemble pour leur conversion et leur amélioration. L’âme de Jésus et celle de M. Giraud n’en font qu’une, pour s’élever au ciel et en rap¬porter des grâces de bénédiction et de salut.
Ces opérations célestes et ces colloques intimes, les chrétiens les ont devinés au maintien angélique de leur nouveau pasteur, et chacun l’imite autant que possible dans les heures de loisir. En allant et venant près de l’église, on se dit : « Notre curé prie toujours devant le « Saint-Sacrement ; allons unir nos prières et nos adorations aux siennes pendant cinq « minutes ; cela fera du bien à notre âme. »
Après de si frappants exemples de piété envers le sacrement de nos autels, M. Giraud se sentit pressé de faire du cœur de ses fidèles des tabernacles vivants. Dans ses courses apostoliques, il lui avait été impossible, malgré son ardent désir, d’établir la communion fréquente. A Karikal, la réussite devenait plus facile : il se mit à prêcher avec onction, annonçant qu’il serait une bonne partie de la journée en ado¬ration devant la sainte Hostie, et que, par conséquent, il serait tou¬jours, à n’importe quelle heure, à la disposition des pénitents qui voudraient bien se disposer à recevoir, le lendemain, la sainte com¬munion. Il finissait ses exhortations par ces mots consolants de Notre-Seigneur Jésus-Christ : «Venez à moi, vous « tous qui êtes dans la peine, accablés sous de grands fardeaux, et je vous soulagerai. » Ces paroles, sorties d’un cœur brûlant et tombant sur des âmes souvent meurtries, produisaient l’effet d’un baume réparateur. Elles furent nombreuses les personnes qui vinrent puiser au banquet divin cou¬rage, confiance et vertus chrétiennes. « Nous n’aurons jamais de vrais « chrétiens, disait le missionnaire, sans la fréquente communion. »
Aussi, après vingt ans de ce travail assidu au confessionnal, de communions fréquentes, la chrétienté de Karikal était-elle devenue une communauté chérie de Dieu et de ses anges. Toute la journée, on trou¬vait des adorateurs devant le Saint-Sacrement. Le miel eucharistique attirait les abeilles aériennes, et c’était un bourdonnement céleste dans le parterre divin.
Pour décider le jardinier à en former un autre, Dieu lui envoya une maladie. Se voyant condamné à l’inaction, M. Giraud donna sa démission, et son évêque lui conseilla d’aller redemander aux montagnes la santé qu’elles lui avaient donnée, trente ans auparavant. Son grand corps était usé : il lui fallait du repos, l’air frais, un régime plus sub¬stantiel. La convalescence fut longue ét pénible, surtout à cause de l’inaction forcée. En dehors des promenades ordonnées par le médecin, la visite au Saint-Sacrement remplissait plusieurs heures de la journée. Les deux amis avaient tellement l’habitude de converser ensemble qu’ils ne manquaient pas une occasion de se revoir, et ces entrevues intimes leur étaient faciles, à cause de la proximité de la chapelle
Six mois se passèrent ainsi ; le divin médecin guérit son cher malade, qui demanda un petit poste. Sur ces entrefaites, M. Ligeon, vicaire général, vint à mourir, et le « petit poste » qu’il laissait vacant, Mgr Laouënan l’imposa à M. Giraud, qui dut, dès lors, prêter son concours à l’évêque pour la direction des deux cent quarante mille chrétiens de la mission de Pondichéry.
Sans se laisser absorber par une volumineuse correspondance, jointe à la direction d’un orphelinat, d’un hospice de vieillards et du couvent de Saint-Louis-de-Gonzague, M. Giraud, l’ami des âmes saintes, nombreuses à Pondichéry, le bon pasteur des brebis égarées se tenait toujours à la disposition des unes et des autres pour la confession. Il avait sa chambre attenante à l’église. C’est dire qu’il continua à Pondichéry ce qu’il avait fait à Karikal, et qu’il y établit la communion fréquente sur une plus grande échelle. Il savait que le curé et le vicaire de la cathédrale avaient des occupations trop nom¬breuses ; il voulut bien les remplacer pour rendre plus nombreux et plus empressés les convives du divin banquet.
M. Giraud eût désiré convertir de nombreux païens, mais ses occupations auprès des anciens chrétiens ne lui en laissaient pas le temps A ses confrères, chargés de lauriers moissonnés dans les champs du paganisme, il prodiguait les conseils et les félicitations avec une joie qui faisait voir combien il était heureux de leurs succès spirituels. Il disait alors en gémissant : « Tout le monde orne sa couronne d’âmes prises dans les forêts païennes, et moi, « j’ai si peu de ces heureuses captives, arrachées au plus ignominieux esclavage ! Seigneur, « épar¬gnez votre peuple idolâtre ; et à votre serviteur inutile, donnez des âmes sauvages par « milliers. »
C’est sans doute cette prière ardente qu’il lançait vers le ciel, quand, à genoux près du confessionnal, il était en adoration devant l’autel et priait immobile, absorbé en ce Dieu qu’il aimait et voulait faire aimer. Sa prière est montée jusqu’au trône du Très-Haut comme un encens d’agréable odeur ; l’ange des nouveaux chrétiens l’a mise dans l’encen¬soir ; son parfum a plu au Seigneur, et la grâce est descendue sur les contrées nouvellement converties à la vraie foi.
M. Giraud forma alors le projet d’établir à Tindivanam un dispensaire, où des Sœurs européennes et indigènes donneraient des remèdes à tout venant et pourraient, par ce moyen, baptiser les enfants païens en danger de mort.
Dans le nord de la mission, la famine avait amené la conversion de 100.000 Indiens qui formaient vingt-cinq à trente districts : M. Giraud plaça un dispensaire au milieu d’eux, pour leur faire comprendre l’excellence de la charité et attirer à la loi de grâce les païens, si nombreux dans ces contrées.
L’œuvre était magnifique, mais la réalisation, en paraissait impos¬sible. Où trouver, on effet, 30.000 francs pour bâtir l’hôpital et le fon¬der à perpétuité ? Cela exigea du temps, des correspondances, des entrevues, des démarches auprès des personnes charitables. Que de refus ! Que de prières devant le saint tabernacle ! Enfin le ciel se laissa toucher, répandit dans de belles âmes les flammes de la charité envers le prochain, et tressaillit de joie en voyant arriver, au milieu des élus et des anges, une foule d’enfants indiens régénérés dans les eaux du baptême. Les habitants de la céleste Jérusalem n’étaient pas habitués à faire des réceptions solennelles à dix ou quinze petits Indiens qui lui arrivaient, chaque jour, de Tindivanam (désert des éléphants), et, d’une seule voix, ils demandaient une belle couronne pour le bon M. Giraud. Mais, comme il était agréable à Dieu, il dut la payer cher.
L’archange Raphaël disait à Tobie après l’épreuve : « Parce que tu étais agréable à Dieu, il a été nécessaire que la tentation, que la souffrance te fît passer par son creuset. » Elle fut terrible pour M. Giraud. Pendant trois ans, un rhumatisme le fit souffrir dans son bras gauche. Point ou peu de sommeil, ni nuit, ni jour. Les docteurs eurent beau à épuiser les ressources de leur science ; rien ne parvint à le soulager tant soit peu. Ce mal semblait avoir quelque chose de mystérieux. « Comment se fait-il que le bon Dieu vous éprouve si cruellement ? lui « demanda un confrère. — C’est ma faute, répondit M. Giraud, je l’ai voulu. » Il allait continuer, quand, craignant d’en avoir trop dit, il retint la phrase commencée. Ame d’élite, initiée aux secrets de la perfection, il ne se plaignait point de ses souffrances ; il n’en faisait la confidence qu’à son intime ami du tabernacle. Il continua à confesser jusqu’à la veille de sa mort, où il se mit au lit et ne prit point de nourriture. La nuit fut excessivement pénible. On lui administra les derniers sacrements. Bientôt après, son âme s’envolait vers son Créateur. Quelle fête ce dut être en paradis !
FOURCADE
Missionnaire apostolique.
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Références
[0697] GIRAUD Jean-Marie (1828-1903)
Notes bio-bibliographiques. - M. C., iv, 1871-72, p. 203.
Hist. miss. Inde, Tab. alph. - Vingt ans dans l'Inde, p. 166.
Notice nécrologique. - C.-R., 1904, p. 337.