Jean-François ROBERT1828 - 1888
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 0707
Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Vietnam
- Région missionnaire :
- 1858 - 1861 (Vinh)
- 1865 - 1888 (Vinh)
- 1861 - 1864
Biographie
[707]. ROBERT, Jean-François, naquit le 20 octobre 1828 à Saint-Crépin (Hautes-Alpes). Ses études faites dans son diocèse, il y fut ordonné prêtre le 20 juin 1852, et exerça le ministère, en qualité de vicaire, à Ceillac, 1853-1854 ; à Monétier-les-Bains, 1855-1856.
Entré au Séminaire des M.-E. le 3 juillet 1856, il partit le 27 août de l'année suivante pour le Tonkin méridional. La violente persécution déchaînée par Tu-duc le força bientôt d'en sortir ; il se réfugia avec Mgr Gauthier et M. Marc-Dassa sur un navire français, le Primauguet, puis en Cochinchine Occidentale. Il apprit l'annamite à Saïgon, accomplit ses premiers travaux apostoliques à Thu-dau-mot, où il resta de 1861 à 1864, et passa quelque temps à Hong-kong. En juin 1865, rien ne s'opposant plus à son départ pour le Tonkin, il prit la mer ; arrêté une première fois par des pirates et débarqué par eux sur le littoral d'Haï-nan, il revint à Hong-kong, s'embarqua de nouveau, et, cette fois, parvint à destination. Il commença ses travaux dans la paroisse d'Ha-tinh ; il s'appliquait à relever les ruines des chrétientés, lorsqu'en 1866, on le chargea de remplacer Mgr Croc dans le Bo-chinh. Il remplit cet intérim à la satisfaction générale, et y construisit le premier presbytère en pierres de la mission.
En 1871, vers la fin de septembre, Mgr Gauthier lui confia l'œuvre de la Sainte-Enfance ; l'année suivante, il le chargea de fonder à Con-gai, dans le Nghe-an, un établissement du même genre, mais plus vaste. Lors de la persécution de 1874, son évêque l'envoya à Saïgon.
A son retour au Tonkin, il fut placé à Huong-phuong, et, en janvier 1878, nommé supérieur du petit séminaire, à Xa-doai ; la maladie ne lui permit pas de conserver longtemps cette fonction ; mais il continua à demeurer au milieu de ses élèves. Le 16 février 1888, il succomba à Xa-doai, unanimement regretté. On l'appelait " le bon papa Robert ", et on l'entourait de vénération.
Nécrologie
M. ROBERT (JEAN)
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE DU TONKIN MÉRIDIONAL
Né le 20 octobre 1828.
Parti le 27 août 1857.
Mort le 16 février 1888.
La notice suivante, si complète et si intéressante, nous a été adressée par le P. Frichot, provicaire du Tonkin Méridional.
« C’est dans les Hautes-Alpes, à Saint-Crépin, arrondissement d’Embrun, que naquit le P.Jean-François Robert. Par sa mère, il était neveu de Mgr Albrand et du vénéré P.Albrand qui, par leurs talents et leur haute piété, ont rendu tant de services aux missions.
« Le futur missionnaire reçut la prêtrise dans son diocèse; et, après avoir exercé quelque temps le ministère en France, il suivit les traces de ses deux oncles dont il avait la piété solide et éclairée, sinon les talents, et se consacra à l’oeuvre des missions étrangères. Un trait nous montre que, tout jeune vicaire, il avait l’esprit de sacrifice. Le P. Robert avait un goût prononcé pour la musique. Aussi parfois, pour se délasser, il réjouissait les échos d’alentour par quelques airs de violon. Mais, sur la remarque de son curé que ce genre d’exercice s’harmonise peu avec la gravité ecclésiastique, il abandonna l’archet qui ne reparut plus .
« En 1857, il partit pour le Tonkin Méridional. Mais, hélas ! la persécution sévissait avec fureur dans cette mission, et le jeune apôtre dut soupirer encore sept ant avant d’entrer dans la terre promise. Il resta d’abord quatre ans à Saïgon, apprenant la langue annamite, et exerçant le saint ministère ici et là, mais surtout dans la chrétienté de Thu-dau-mot qu’il dota d’une nouvelle église, dont il fut l’architecte et en partie l’ouvrier. Il séjourna encore à Hong-kong , épiant l’occasion d’entrer au Tonkin. Enfin, l’horizon paraissant moins sombre, le P. Robert reçut l’ordre d’essayer de pénétrer dans sa chère mission.
« Il partit avec bonheur, accompagné d’un jeune sous-diacre, maintenant prêtre, le P. Huan. On était aux premiers jours de juin 1865. mais l’homme propose et Dieu dispose. Poursuivi en mer par une jonque de pirates, il tomba entre leurs mains avec les effets qu’il emportait pour la mission. Cependant les pirates, avides seulement de butin, ne lui firent aucun mal ; et même ils le traitèrent relativement assez bien. En voici une preuve. Ces forbans avaient, sans plus de façon, défoncé un baril de vin de messe. Mais en hommes vraiment courtois, si toutefois on peut appeler ainsi des gens de cette espèce, ils lui servirent journellement sa ration de vin jusqu’à épuisement de la barrique. Finalement, ils le débarquèrent, lui et son compagnon, sur les côtes d’Hai-nan. Fort bien ; mais, à peine vêtus, n’ayant de vivres que pour deux ou trois jours, et ignorants de la langue du pays, que faire et comment s’orienter ? Par bonheur, le P. Huan, s’il ne parlait pas la langue du Céleste Empire, savait parfaitement l’écrire. Grâce donc à quelques caractères chinois tracés sur le papier, et grâce aussi à leur pantomime, les naturels du pays furent bien vite au courant de leur mésaventure, et les dirigèrent vers le sous-préfet de l’endroit. On ne saurait croire combien fut pénible ce trajet. Le P. Robert, dont les chaussures étaint en loques, avait les pieds gonflés et tout en sang ; la chaleur était accablante, et malgré sa forte constitution, notre confrère fallit tomber de fatigue. Le mandarin, touché de leur malheur, les hébergea de son mieux pendant quelques jours, puis il les fit conduire aux frais du fisc jusqu’à Canton. De là il était facile de gagner Hong-kong .
« Revenu au point de départ, le P. Robert s’embarqua une seconde fois pour le Tonkin, où il arriva vers la fin de 1865. C’est dans la province de Ha-tinh qu’il fit ses premières armes comme missionnaire du Tonkin. Là, comme dans tout le Vicariat, il n’y avait que des ruines amoncelées par la persécution. Que de misères spirituelles surtout ! Notre confrère commença par faire la visite des chrétientés. Malheureusement, il n’eut pas le temps de consolider son oeuvre. Car en 1866, lors du voyage de Mgr Gauthier en France, il dut aller au Binh-chinh remplacer Mgr Croc, alors provicaire, qui vint se fixer à Xa-doai, résidence du Vicaire Apostolique.
« Chargé de l’administration du Binh-chinh, qui compte plus de 20.000 chrétiens, et de la direction des prêtres indigènes qui desservent ce district, il sut encore trouver le temps de bâtir un presbytère assez convenable qui fut la premières contruction en pierre érigée dans la mission. Toutefois, ce fardeau semblait lourd à ses épaules. Aussi, au mois d’août 1868, ce fut avec une joie facile à comprendre qu’il vit revenir au Binh-chinh Mgr Croc, récemment sacré évêque le Laranda.
« Vers la fin de septembre 1871, Mgr Croc, de concert avec Mgr Gauthier, mit le P. Robert à la tête de l’Œuvre d la Sainte-Enfance, comptant sur son dévouement et ses aptitudes spéciales pour ce genre de travail. Un an après, on conçut le projet d’établir à Con-gai une seconde Sainte-Enfance sur une plus grande échelle. Sur l’ordre du Supérieur, notre confrère laissant, non sant regret, son poste du Binh-chinh qui passa aux mains du P. Tessier, vint occuper celui de Con-gai, au Nghe-an. Là, tout était à créer et à organiser, et il fallait payer de sa personne. Le P. Robert était homme à ne pas marchander son travait et sa peine. Sans parler de bien des tracas, Dieu a compté les coups de pioche qu’il a donnés, et les gouttes de sueur qu’il a versées pour défricher ce sol en partie inculte.
« Le démon voulut entraver son œuvre et le décourager. A plusieurs reprises, des mottes de terre et des pierres, parties on ne sait d’où, tombaient çà et là, surtout au réfectoire, atteignant bols, assiettes, marmites et toute la batterie de cuisine. C’était un vrai charivari, qui à part les dégâts, avait son côté amusant. Le personnel de la maison n’était pas à l’abri de ces projectiles. Mais chose étonnante, nous racontait le P. Robert, les pierres lancées avec violence, et arrivées à quelque distance des personnes, retombaient droit à terre comme par enchantement. L’orage ne cessa que quand on eut fait la bénédiction de l’établissement. Mais tout cela n’était rien comparé à des peines d’un tout autre genre qui vinrent assaillir notre confrère, et (le mot n’est pas de trop) transpercèrent toute son âme. Ce n’est pas ici le lieu de les décrire au long et de soulever le voile. Dieu qui récompense magnifiquement, mais à sa manière (et il faut l’en bénir), doublait ainsi ces peines, mais plus encore son courage, afin de pouvoir un jour couronner plus de mérites. Bref, il dut avec un serrement de cœur indicible, abandonner son oeuvre de prédilection. Du reste, peu de temps après survinrent des troubles qui empêchaient la reprise de cette oeuvre.
« On était à cette année terrible de 1874, où se déroulèrent au Tonkin ces scènes de carnage et de sang que tout le monde connaît. Il fallait à la fois et conjurer le péril du moment, et assurer l’avenir de la mission. Mgr Gauthier décida qu’un certain nombre de confrères resteraient pour organiser la défense, et au besoin mourir avec lui, et que les autres, le P. Robert était du nombre, iraient chercher un refuge à Saïgon. Le P. Robert et ses compagnons furent accueillis comme des frères par les missionnaires de la Cochinchine Occidentale. Mgr Colombert ouvrant aussi largement sa bourse que son cœur, s’ingénia pour nous venir en aide, à nous et à tous les chrétiens réfugiés avec nous. Que Dieu bénisse ce cher et vénéré Seigneur ! Vers le milieu de décembre de la même année, les nouvelles venues du Tonkin étant relativement meilleures, le P. Robert s’embarqua avec deux de ses confrères sur le D’Estrées pour revenir dans la mission. A partir de ce jour, nous le retrouvons à Huong-phuong, au Binh-chinh, exerçant le saint ministère auprès de Mgr Croc.
« Au mois de janvier 1878, Mgr de Laranda, qui.venait de succéder à Mgr Gauthier, confia la direction du collège au P.Robert. Dans cette nouvelle position qu’il garda presque jusqu’à ses derniers jours, notre cher confrère se trouva tout de suite comme dans son élément, car il aimait l’éducation de la jeunesse. Il se dévoua donc de tout son coeur à ses élèves, dont un certain nombre, catéchistes actuellement, sont sa couronne et l’espoir de la mission .
«Malgré sa robuste santé, dans les trois dernières années de sa vie, il s’affaiblissait sensiblement. A plusieurs reprises les jambes et le ventre lui enflèrent : il était atteint d’hydropisie ; et finalement c’est cette maladie qui l’emporta. Vers la fin de 1886, le Vicaire Apostolique crut devoir décharger le P.Robert, vu ses infirmités croissantes, de ses fonctions de supérieur du collège. Mais notre confrère resta cependant toujours au milieu de ses élèves : il ne pouvait s’en détacher. Jusqu’à son dernier soupir, il s’intéressa à leurs progrès dans les études et la piété.
« A partir du mois de janvier 1887, la santé de notre confrère déclina rapidement. Il faisait des efforts énergiques pour se rendre à la chapelle. Malgré son extrême faiblesse, il tenait scrupuleusement à s’acquitter de son bréviaire, ayant soin de le réciter par fractions pour diminuer la fatigue. C’est seulement quand il était à bout de forces qu’il se décidait à ne réciter que son chapelet. L’inaction lui pesait : « Que je suit fainéant, » disait-il un jour. Le temps de sa maladie lui fit recueillir une ample moisson de mérites, et fut pour tous un sujet d’édification. Dans son humilité, il était tout confus et presque contrarié des soins qu’on lui donnait, et remerciait cordialement quiconque lui rendait le moindre service. Toujours maître de lui au milieu de ses souffrances, il attendait sans se préoccuper, et presque avec indifférence les remèdes et les soulagements dont il sentait pourtant l’extrême besoin.
« Néanmoins, jusqu’à ses derniers jours, il se berça de l’espoir de guérir. Quand on lui insinuait que son état était inquiétant : « Mais je suis encore vaillant », disait-il avec feu. Et là-dessus, il faisait des projets pour l’avenir. A ces âmes qui ont vécu saintement et qui sont toujours prêtes, Dieu épargne souvent les appréhensions trop vives et la vue prochaine de la mort, pour qu’elles s’y préparent avec plus de calme et de fruit.
« Vint le moment où l’illusion n’était plus possible. Le P. Robert se résigna sans peine : « J’ai déjà vécu tant d’années, disait-il ; mais on voudrait toujours vivre davantage ; à quoi « bon ? » On lui proposa de faire un petit voyage en barque pour aller à la ville consulter un médecin français. Mais craignant de mourir en route, comme cela venait récemment d’arriver à un élève, et loin du collège, il s’en excusa le mieux qu’il put. Et de fait, il était d’une faiblesse extrême, et la chaleur vitale se retirant peu à peu, il ne pouvait se réchauffer. C’est dans un de ces moments qu’on le vit un jour s’asseoir à la porte sous un soleil brûlant que nous ne pouvions supporter ; lui prétendait ne pas le sentir !
« Le moment du sacrifice approchait, et le 13 février 1887, le P. Aguesse lui proposa de lui administrer les derniers sacrements. Il parut quelque peu surpris. Puis avec sa résignation et son calme habituels : « Puisqu’on le trouve bon, dit-il, je le veux bien.» Il voulut se lever et recevoir Notre-Seigneur, assis au moins dans son fauteuil. Épuisé par cet effort, il faillit s’évanouir pendant la cérémonie.
«Le 15 février, Sa Grandeur alla visiter notre cher malade. Dès qu’il vit Monseigneur, il lui dit avec respect et à plusieurs reprises : « Pardonnez-moi, Monseigneur, je ne puis pas me lever, je ne puis pas. » En effet, couché continuellement sur le dos, il n’était qu’une plaie vive de la tête aux pieds. Enfin, il reçut la bénédiction de son évêque : ce devait être la dernière.
« Il suivait exactement les oraisons jaculatoires qu’on lui suggérait, et embrassait pieusement le crucifix chaque fois qu’on le lui présentait.
« Le lendemain 16 février vers minuit un quart, le cher confrère exhalait le dernier soupir sans agitation ni secousse.
«Le juste en quittant la terre laisse en héritage ses vertus comme un baume qui fortifie et une lumière qui éclaire. On eût dit que le P.Robert avait adopté la pauvreté comme sa sœur de prédilection. Se contentant toujours du strict nécessaire, il fallait pour qu’il demandât quelque chose qu’il en sentît vivement le besoin. A le voir affublé d’habits râpés et rapiécés, se servant de vieilles chaussures dépareillées et bâillant, on sentait qu’il était vraiment détaché des choses de ce monde. Aussi ne trouva-t-on après sa mort que des objets bons à passer aux antiquailles, et quelque menue monnaie.
« Le cher confrère a passé maintes fois par des épreuves bien délicates pour l’amour-propre. Extérieurement sa paix en était si peu troublée, qu’on l’aurait volontiers taxé de stoïcisme et d’indifférence, si quelques paroles échappées dans l’intimité n’avaient révélé que son coeur était blessé au vif, et que la vertu seule imposait silence à ses ressentiments.
« Trop défiant peut-être de ses forces et de ses talents, par un excès d’humilité qu’on ne saurait blâmer, il n’aimait pas à se produire et laissait volontiers aux autres les emplois tant soit peu relevés, qui procurent plus ou moins de prestige et d’éclat.
« Charitable sans affectation et pacifique en tout, il souffrait qu’on l’appelât, comme on aimait à le faire, surtout dans les derniers temps, « le bon papa Robert ». Cette familiarité dont on usait en sa présence, ne diminuait rien du respect et de la vénération que commandaient la gravité de son maintien et la prudence de ses paroles. Il n’était pas ennemi d’une douce gaîté, tant s’en faut. Il suffisait d’un bon mot, d’une historiette pour le faire rire de ce rire franc et joyeux, indice de l’innocence et la pureté du cœur .
« Le P. Aguesse a célébré solennellement la messe des obsèques. Le même jour vers quatre heures du soir, le provicaire présida à la levée du corps et à l’office des morts. Sa Grandeur s’était réservé la consolation de faire l’absoute et de conduire les dépouilles mortelles à leur dernière demeure. A l’enterrement, le cercueil était placé sur un brancard, porté sur les épaules de vingt élèves, avec cette gravité et cette lenteur traditionnelles dans le pays, en ces circonstances. Cette marche plutôt triomphale que funèbre s’harmonisait bien avec les doux chants et les paroles si touchantes de la sainte liturgie : In paradisum deducant te angeli ; in tuo adventu suscipiant te martyres…C’est vraiment de tout cœur qu’à ce cher confrère, modèle pendant sa vie d’humilité et de pauvreté, nous avons adressé ce suprême mais consolant adieu : Cum Lazaro quondam paupere, oeternam habeas requiem !
Références
[0707] ROBERT Jean (1828-1888)
Notes bio-bibliographiques. - Ann. de N.-D. Laus, 1888, p. 364. - Am. de la Rel., clxxxiii, 1859. p. 219.
Notice nécrologique. - C.-R., 1888, p. 223.