Antoine LARGETEAU1839 - 1895
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 0887
Identité
Naissance
Décès
Autres informations
Missions
- Pays :
- Chine
- Région missionnaire :
- 1866 - 1888
- 1891 - 1895
- 1888 - 1891 (Hong Kong)
Biographie
[887]. LARGETEAU, Antoine, né à Guîtres (Gironde) le 19 juin 1839, fit ses études au petit et au grand séminaire de Bordeaux. Ordonné prêtre à Angoulême le 24 septembre 1864, il passa quelques semaines à la Solitude à Issy, et entra le 6 décembre de la même année au Séminaire des M.-E. Parti le 15 septembre 1865 pour le Kouy-tcheou, il fut envoyé près de Gan-chouen, dans une région alors en pleine révolte. Tout d'abord, il évangélisa les chrétiens réfugiés dans les cavernes des montagnes en groupements qu'on appelait des camps. Après avoir été chargé de l'instruction canonique du procès des martyrs, et de l'orphelinat de Saint-Etienne dans un des faubourgs de Kouy-yang, il fut nommé vers 1869 supérieur du grand séminaire, et se dévoua de tout cœur à la formation du clergé indigène.
De 1888 à 1891, il fit partie de la maison de retraite de Nazareth, à Hong-kong, dont le règlement, tel qu'il était à cette époque, lui parut sévère. Retourné au Kouy-tcheou, il fut placé dans le district de Tou-chan. Il mourut à Kouy-yang le 31 juillet 1895. On a, et avec raison, fait l'éloge de sa piété. Ses dernières paroles furent : " Ah ! enfin ! le ciel ! oh ! beau ciel ! "
Nécrologie
M. LARGETEAU
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE DU KOUY-TCHEOU
Né le 19 juin 1839.
Parti le 15 septembre 1865.
Mort le 31 juillet 1895.
M. Largeteau (Antoine), né à Guîtres (Gironde), le 19 juin 1839, fit ses études au petit séminaire de Bordeaux. Il entra ensuite au grand séminaire de cette ville, et fut ordonné prêtre à Angoulême, par Mgr Cousseau. Il passa ensuite une année à la solitude d’Issy, d’où il sortit, le 6 décembre 1864, pour entrer au Séminaire des Missions-¬Étrangères. Ecoutons maintenant son confrère M. Lucas nous racon¬ter la vie tout apostolique de ce dévoué serviteur de Dieu et des âmes.
Parti de France au mois de septembre 1865, et destiné au Kouy-¬tchéou, c’est « le fer à la main », pour ainsi parler, que M. Largeteau pénétra dans sa Mission. Ses compagnons de voyage aiment à racon¬ter l’héroïque début du jeune missionnaire. La Province tout entière était alors en proie à la rébellion ; on ne marchait que sur des che¬mins jonchés de cadavres, car les panthères et les tigres ne suffisaient plus à dévorer les morts. Les brigands répandus dans les campagnes achevaient de dépouiller ceux qu’avaient épargnés la famine et la peste. Enfin l’hiver était venu jeter son froid manteau de neige sur ces lamentables horreurs. Tel était l’aspect désolé du Kouy-tchéou quand la petite caravane apostolique, composée de MM. Largeteau, Esslinger, Mercusot, Chemier, Lamy et Gréa, en franchit la frontière. Après une journée de fatigue, les messagers de l’Evangile campaient le plus souvent sur l’emplacement d’un village incendié la veille, ou au milieu des ruines encore fumantes d’une ville dont les remparts venaient d’être renversés. Le lendemain, dès la première lueur de l’aube, ils recommençaient à gravir, à la file indienne, les escarpe¬ments des hauts plateaux. Tout à coup, un cri retentit dans la mon¬tagne : « Les rebelles ! » Un Chinois de l’escorte saisit ses armes et s’enfuit de toute la vitesse de ses jambes. M. Largeteau qui ne goûte pas cette tactique, court après le fuyard, s’empare de sa lance, et revient se mettre à la tête de la colonne. Les autres guides un instant ébranlés, se rassurent peu à peu et finalement se décident à emboîter le pas derrière celui qu’ils ont mission de protéger. Quant aux rebelles qui avaient été cause de cette alerte, ils comprirent qu’il était plus prudent pour eux de laisser libre le chemin que suivait la caravane. Les jeunes missionnaires arrivèrent sains et saufs, le 23 février 1866, à Kouy-yang-fou. Ils furent reçus par leur évêque Mgr Faurie, qui leur fit bien vite oublier par ses bontés les misères et les souffrances du voyage.
Après quelques mois consacrés à l’étude de la langue, M. Largeteau prit rang aux postes les plus avancés, dans les environs de la ville de Gan-chouen-fou. La rébellion durait toujours. On le vit s’enfermer avec ses chrétiens fugitifs dans des camps organisés à la hâte sur la cime des montagnes, ou encore s’enfoncer dans des cavernes inac¬cessibles à l’ennemi. C’est là, au milieu d’une population affolée, dans une région sillonnée sans cesse par des patrouilles menaçantes, au bruit du canon et du tamtam de guerre, c’est là, dis-je, que l’an-cien et pieux élève de Saint-Sulpice catéchisait les petits, prêchait les grands et exhortait tout le monde à vivre en paix au moins avec le bon Dieu et à observer ses commandements. Mais bientôt le généreux soldat du Christ dut replier sa tente et dire un long adieu à ces chers chrétiens qu’il avait su s’attacher et auxquels il avait donné tout son cœur. Sur l’ordre de son chef hiérarchique, il devait désormais se consacrer à l’instruction canonique du procès des martyrs et rédiger toute une série d’actes notariés. Le choix de Mgr Faurie ne pouvait tomber sur un sujet plus apte à remplir cette noble mais difficile fonction.
Après avoir fait ainsi ses preuves dans le ministère et dans la pro¬cédure, M. Largeteau fut promu à un poste honorable entre tous par son évêque qui le chargea de travailler à la formation du clergé indi¬gène en qualité de supérieur du grand séminaire. C’est dans l’exer-cice de ce ministère si délicat que s’est révélé tout entier le confrère que nous pleurons aujourd’hui. Pendant plus de 20 ans, il a enseigné à ses élèves la science sacrée et leur a inspiré l’amour de la sainte Eglise avec un zèle qui ne se démentit jamais. Aussi les prêtres indi¬gènes sortis de ses mains possèdent-ils, à un degré remarquable, l’esprit et les mœurs sacerdotales, un inébranlable attachement à leur sainte vocation, et, ce qui est le couronnement de l’édifice, un cœur rempli de l’amour de Dieu et des âmes. L’un de ces prêtres est déjà mort victime de la haine des païens contre notre sainte Religion.
Quand la maladie vint sonner pour M. Largeteau l’heure du repos, elle le trouva calme et résigné. Comme un vieux soldat blessé mor¬tellement le soir d’une glorieuse bataille, il lui restait la douce joie d’avoir bien combattu. Les rhumatismes et je ne sais quelles autres méchantes douleurs réussirent à engourdir ses membres vieillis avant l’âge, mais ils ne purent jamais rien sur son cœur qui resta jeune jusqu’au dernier moment. La fièvre, qu’il ne connaissait que de nom, le surprit dans l’île de Hong-kong, où il était allé pour répondre à l’appel de M. Rousseille. Il revint alors au Kouy-tchéou, mais la fièvre ne le quitta pas et elle le suivit dans son beau district de Tou-chan. Le bon ouvrier comprit alors que sa journée était finie, et, cédant aux invitations de son évêque, il vint s’établir au Pé-tang, prêt à mourir quand il plairait à Dieu.
On a entrevu par ce trop court exposé, le côté extérieur des oeu¬vres du missionnaire ; il est juste de dire un mot maintenant des qualités intimes de notre confrère. M. Largeteau était homme à ne reculer devant aucun sacrifice ; son âme énergique ne sut jamais transiger avec le devoir. A trois heures et demie du matin, il était debout, et se rendait aussitôt à la chapelle pour faire son chemin de Croix. Il présidait la prière et la méditation des sémi-naristes, montait à l’autel et célébrait pieusement la sainte Messe. Ainsi le voulait son règlement particulier.
L’éIoge de sa piété n’est point à faire. Il se confessait régulièrement tous les huit jours. Il se sentait à l’aise dans cette chapelle du sémi¬naire, où il pouvait donner libre cours à ses goûts nettement prononcés pour la pompe extérieure du culte catholique, la célébration des messes chantées et les bénédictions solennelles du très Saint Sacrement. Peu d’églises en Chine ont vu s’accomplir d’aussi belles cérémonies religieuses que l’humble oratoire du village de Lou¬tchong-kouan. Mais c’est surtout dans les derniers mois de sa vie mortelle, qu’il nous a été donné d’admirer la piété angélique de notre cher confrère. On pouvait alors, chaque matin vers cinq heures, voir le pauvre malade se traîner à pas lents, jusqu’à la chapelle voisine de sa chambre, monter péniblement au saint autel, et au prix d’efforts inouïs, unir amoureusement son sacrifice au sacrifice du Calvaire.
Un jour, après sa messe, il se laissa tomber sur sa chaise longue ; il était comme anéanti. Depuis lors, il ne sortit plus de sa chambre, et ne prononça plus que quelques mots à peine perceptibles.
Cet homme, embrasé de l’amour de Dieu, était plein de charité pour le prochain. Il conservait précieusement le souvenir du moin¬dre service qu’on lui avait rendu. Une simple prévenance était ac¬cueillie par lui avec une aimable reconnaissance. Insensible à ses propres infirmités, il savait compatir aux souffrances d’autrui. Les pauvres de son district, c’est-à -dire à peu près tous ses chrétiens, ont éprouvé les effets de son inépuisable générosité. Il est même per¬mis de croire que certains d’entre eux ne se montraient pas assez discrets à son égard et puisaient trop souvent dans la bourse tou¬jours ouverte du cher défunt. Il aimait à se dépouiller pour les autres de tout ce qu’il avait. Bref notre secourable confrère était de l’école de celui qui a dit :
« Donnez sans espoir qu’on vous rende.
« Donnez sans savoir qui reçoit.
« Le plus noble geste qui soit
« C’est d’ouvrir la main toute grande. »
Enfin, après avoir tout donné, il ne lui restait plus qu’un don à faire, le don de lui-même. C’est ce qu’il accomplit généreusement le 31 juillet 1895, en remettant sa belle âme à son Créateur.
Les derniers jours de M. Largeteau eussent été exempts de toute tristesse s’il avait pu, selon le grand désir qu’il en avait, recevoir la sainte communion ; mais son estomac complètement délabré ne supportait aucune nourriture, même liquide. Le moindre aliment provoquait infailliblement de pénibles vomissements ; sa chère âme ne fut donc pas réjouie, au seuil de l’éternité, par la visite de son Dieu. A cette peine s’en ajouta une autre : le mourant s’affligea et pleura devant celui qui écrit ces lignes, en songeant à la douleur qu’un frère tendrement aimé ne manquerait pas de ressentir à la nouvelle de son trépas.
Tout le reste le laissait indifférent. Il vit venir la mort avec une sorte d’allégresse. Un confrère qui l’exhortait à la résignation, lui ayant dit : « Courage, cher ami, vous allez nous « quitter, mais c’est pour jouir de la vue de Dieu, dans la société des saints ; vous n’avez rien « à perdre au change. » Il répondit de sa voix défaillante : « Oui, je compte bien retrouver Mgr « Faurie, notre vénérable M. Néel et tous les « vieux » du Kouy-tchéou. » Il demanda et reçut la béné¬diction de Mgr Guichard et de tous les confrères présents ; puis, profitant d’un instant d’accalmie, il fit venir son domestique. C’est alors qu’eut lieu une scène bien touchante ; nous vîmes M. Largeteau à moitié soulevé sur sa chaise, le regard fixé en haut, les mains levées, le visage illuminé d’un radieux sourire, et nous l’entendîmes prononcer ces paroles d’une voix à peine perceptible, mais émue et joyeuse : « Ah ! enfin ! le ciel ! Voici le ciel ! oh ! beau ciel !... » Ce sont là les derniers mots articulés qui soient tombés de ses lèvres mou¬rantes. Il s’éteignait doucement quelques heures après, pendant qu’à genoux autour de lui, nous récitions en pleurant les prières de l’agonie. Peu de jours auparavant, il avait reçu l’extrême-onction, en parfaite connaissance, des mains de M. Seguin.
Adieu, M. Largeteau, adieu et merci pour les enseignements salu¬taires que vous nous avez donnés à la fin de votre vie. Puisse l’exemple de votre courage dans la souffrance et de votre sérénité en face de la mort nous apprendre à baiser avec amour la main de Dieu quand elle viendra nous frapper à notre tour !
(Lucas)
~~~~~~~
Références
[0887] LARGETEAU Antoine (1839-1895)
Notes bio-bibliographiques. - C.-R., 1877, p. 21 ; 1886, p. 69 ; 1892, p. 125. - L'Aquitaine, 1873, p. 309 ; 1895, p. 617 ; 1896, p. 253.
Hist. miss. Kouy-tcheou, Tab. alph.
Notice nécrologique. - C.-R., 1895, p. 390.