François GOURDON1842 - 1927
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 0923
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Identité
Naissance
Décès
Autres informations
Missions
- Pays :
- Chine
- Région missionnaire :
- 1867 - 1927 (Chongqing [Chungking])
Biographie
[0923] François-Marie GOURDON naquit le 24 novembre 1842, au hameau de la Chabossière, paroisse St Martin de Beaupréau, diocèse d'Angers, département du Maine-et-Loire. Il commença ses études au petit séminaire de Beaupréau, les poursuivit au Collège de Combrée jusqu'à la philosophie inclusivement.
Le 20 décembre 1863, il entra laïque, au séminaire des Missions Etrangères. Tonsuré le 21 mai 1864, minoré le 17 septembre 1864, sous-diacre le 10 juin 1865, diacre le 13 décembre 1865, il fut ordonné prêtre le 26 mai 1866 et reçut sa destination pour le vicariat apostolique du Sichuan oriental (Chongqing [Chungking]) qu'il partit rejoindre le 15 août 1866. Avant de partir en mission, M. François Gourdon apprit la zincographie, et il amena avec lui le matériel complet de zincographie dont le prix se montait à cinq cents francs.
M. Gourdon arriva à Chongqing [Chungking] le 13 décembre 1866. Dans les premiers jours de 1867, Mgr Desflèches envoya M. Gourdon à Tsiang-kia-pa, où, sous la direction de M. Rigaud, il apprit la langue chinoise. L'année suivante, il fut mis à la tête du district de Ta-tsiou.
En mars 1869, il s'en fut enseigner la philosophie au grand séminaire de Pee-ko-chou, dont M. Laurent Blettery était supérieur. Six mois après, pendant que Mgr Desflèches se rendait à Rome pour participer au Concile du Vatican, et que M. Blettery prenait la direction de la Mission, M. Gourdon assuma provisoirement la charge de supérieur du grand séminaire. En 1870, il fut nommé à la tête du petit séminaire de Choui-ia-tang, installé dans une maison chinoise, au fond d'un étroit vallon, à150 li de Chongqing [Chungking].
En 1875, le petit et le grand séminaire furent reconstruits et réunis en un seul à Choui-ia-tang puis transportés, l'année suivante, à Pee-ko-chou, où ils restèrent jusqu'en 1886. M. Gourdon fut chargé d'établir les plans et de les faire exécuter. Il ajouta un bâtiment destiné à recevoir une imprimerie qui, à partir de 1881, sous sa direction, assura l'impression régulière de livres tant en caractères latins qu'en caractères chinois. Le 8 décembre 1876, les nouveaux bâtiments furent inaugurés, et M. Gourdon prit la direction du séminaire. Il révisa les manuels pour les mettre à la portée des élèves, et en composa de nouveaux. Il donna une grande place à la liturgie.
Lors de la persécution de 1886, les établissements de la mission en ville de Chongqing [Chungking] furent pillés, incendiés, rasés. Le 23 juillet 1886 ; à son tour, le séminaire fut attaqué. Deux jours plus tard, missionnaires et élèves, abandonnant tout, réussirent à se sauver ; mais, les deux séminaires et l'imprimerie furent pillés et incendiés. M. Gourdon se réfugia à la résidence du sous-gouverneur de l'intendance de Chongqing [Chungking] où il retrouva Mgr Coupat et plusieurs missionnaires de la ville.
En juillet 1887, M. Gourdon aménagea une propriété récemment achetée à Cha-pin-pa, à environ trente lis de Chongqing [Chungking], et y installa les deux séminaires et l'œuvre de la presse. En septembre 1893, M. Savelon acheva les constructions du nouveau petit séminaire qu'il installa à Tien-tche, au milieu des montagnes boisées de Tchong-tcheou, à deux lieues et demie du Fleuve Bleu, tandis que le grand séminaire et l'imprimerie restèrent à Cha-pin-pa, sous la direction de M. Gourdon. C'est là que le 28 mars 1894, celui-ci célébra le vingt-cinquième anniversaire de son sacerdoce, de son professorat et supériorat. En 1896, il ajouta une belle chapelle au grand séminaire.
En 1898, M. Gourdon fatigué, céda à M. Jules Chaudier la direction du grand séminaire ; il se consacra alors au développement de l'imprimerie et à l'œuvre de la presse. En 1901, en vue de préparer l'installation d'une grande imprimerie en ville de Chongqing [Chungking], M. Gourdon, sur l'ordre de Mgr Chouvellon, partit à Hong-Kong pour étudier le fonctionnement et l'outillage de l'imprimerie de Nazareth. De retour à Chongqing [Chungking], il installa du matériel nouveau, et ajouta un atelier de reliure à son imprimerie.
Au mois de janvier 1906, M. Gourdon transporta l'imprimerie à Tsen-kia-gai, sur le bord du petit fleuve Kia-lin à une demi-heure de Chongqing [Chungking] à l'ouest. Il y bâtit une maison d'habitation pour les missionnaires, des locaux pour les ouvriers, -ils étaient une trentaine en 1910-, une chapelle pour le personnel et les fidèles. Ainsi autour de l'imprimerie, se forma rapidement une petite chrétienté. Ce nouvel établissement fut bénit par Mgr Chouvellon, le 8 mai 1906. En 1905, sous la direction de M Gourdon aidé par M. Lammonerie jusqu'à la mobilisation de ce dernier, en 1914, la Mission lança un journal bimensuel "La Vérité" qui devint hebdomadaire l'année suivante et compta deux mille abonnés. De 1909 à juillet 1917, le P. Fr. Ouang, futur vicaire apostolique de Wan-shien, fut le coopérateur de M. Gourdon.
Le dimanche 14 mai 1916, jour de la clôture de la retraite des 42 prêtres chinois, presque tous ses anciens élèves, M. Gourdon célébra ses noces d'or sacerdotales à Chongqing [Chungking] ; le mardi suivant, le couvert était mis pour 60 convives dans une salle de son imprimerie. En 1916, la maladie le conduisit à l'hôpital, et l'obligea à résigner ses fonctions. Sa santé rétablie, il revint à l'imprimerie et se mit au service de son successeur.
En 1922, M. Gourdon, surnommé "le calme perpétuel" reçut du Ministère de l'Instruction Publique, les palmes d'Officier d'Académie. Le dimanche 25 avril 1926, doyen d'âge de la Société des M. E., il célébra solennellement ses noces de diamant à la cathédrale de Chongqing [Chungking]. Les élèves du grand séminaire lui présentèrent leurs souhaits ; l'un d'eux, porte-parole de ses confrères, s'exprima en latin :"Circumdat te corona sacerdotum quos instituisti in scientia et pietate".
Dans la soirée du dimanche 24 juillet 1927, M. Gourdon fatigué, se rendit de l'imprimerie à l'évêché. Le lendemain, il célébra la messe, mais ne prit pas le repas de midi. Vers 17 heures, il se sentit fiévreux. Vers 20h30, M. Gallice se présenta pour lui faire prendre de la quinine. Il le trouva étendu sur le canapé, et sur le point de rendre le dernier soupir. On lui donna les derniers sacrements, et aussitôt, on appela M. le Docteur Viéron qui ne put que constater son décès.
Le 27 juillet 1927, Mgr Jantzen célébra un service funèbre dans l'église du Tse-mou-tang, puis le cercueil fut transporté à Tsen-kia-gay, dans la chapelle de l'Imprimerie. Les obsèques présidées par M. Lamonnerie, eurent lieu le jeudi 28 juillet 1927. Après l'absoute donnée par Mgr Jantzen, la dépouille mortelle de M. Gourdon fut conduite au cimetière de Tsen-kia-gay où reposent la plupart des anciens missionnaires.
Février 1998
Nécrologie
M. GOURDON
MISSIONNAIRE DE TCHONGKING (SETCHOUAN).
M. GOURDON (François-Marie) né à Beaupréau (Angers, Maine-et-loire) le 24 novembre 1842. Entré laïque au Séminaire des Missions-Etrangères le 20 octobre 1863. Prêtre le 26 mai 1866. Parti pour le Setchoan Oriental le 15 août 1866. Mort à Tchongking le 25 juillet 1927.
La tombe du regretté M. Bonnet était à peine fermée que la mort est venue en ouvrir une autre pour notre cher et vénéré doyen, M. François-Marie Gourdon, subitement enlevé à notre affection le 25 juillet dernier.
De l’imprimerie où il habitait en dehors de la ville, il était arrivé la veille à l’évêché et le matin il avait dit la messe comme de coutume. Cependant, à cause de la chaleur accablante dont nous pâtissions tous, il était mal à l’aise et à midi il ne vint point au déjeuner. Vers trois heures, se sentant mieux, il demanda à manger et fit un léger repas. Mal lui en prit, toute la soirée il souffrit de fortes douleurs à l’estomac. Son état ne semblait pas grave ; pourtant, comme il avait un peu de fièvre, il fut décidé qu’avant de se coucher, il prendrait de la quinine et que, si le repos de la nuit n’apportait pas d’amélioration, il irait le lendemain matin à l’hôpital. On le quitta pour aller dîner.
Vers huit heures et demie, M. Gallice revint avec un cachet de quinine. Quel ne fut pas son étonnement quand il vit M. Gourdon étendu sans connaissance sur sa chaise longue : il était mourant. Mgr Jantzen prévenu vint aussitôt lui donner les derniers sacrements. Pendant ce temps, on faisait appeler de docteur du Consulat de France ; il accourut en toute hâte. Hélas ! quand il arriva, M. Gourdon avait déjà rendu le dernier soupir.
L’émotion parmi nous fut profonde. Nous savions bien que notre confrère était le doyen d’âge de notre Société, qu’il avait quatre-vingt-cinq ans, mais la fraîcheur de son visage et la vigueur de son maintien nous trompaient sur le travail dissolvant de la vieillesse ; nous étions tellement habitués à le voir toujours aussi vaillant que nous pensions qu’il durerait encore de longues années. Lui-même n’avait-il pas cet espoir, lui qui se proposait de publier les « Acta » des Vicaires Apostoliques de notre Mission, puis la « Vie de Monseigneur Desflèches », quand il aurait terminé « l’Histoire du Clergé Indigène du Setchoan », dont la veille même de sa mort il corrigeait les épreuves ?
Né le 24 novembre 1842, à Saint-Martin-de-Beaupréau, hameau de La Chabossière, au diocèse d’Angers, François-Marie Gourdon trouva dans sa famille très chrétienne les exemples et les leçons qui développèrent en son cœur la vocation sacerdotale. Il commença ses études au séminaire de Beaupréau, les poursuivit au collège de Combrée jusqu’à la philosophie inclusivement, et en 1863 entra au Séminaire des Missions-Etrangères. Le 26 mai 1866 il était ordonné prêtre et désigné pour la Mission de Setchoan Oriental.
Il quitta la France ─ qu’il ne devait jamais plus revoir ─ le 15 août 1866. A cette époque, le canal de Suez n’était pas terminé ; la montée du Fleuve Bleu ne se faisait pas en vapeur, mais en jonque halée à petites journées avec de longs retards aux nombreux rapides ; aussi notre voyageur n’arriva-t-il à Tchongking que le 13 décembre. Le Vicaire Apostolique était alors Mgr Desflèches. Il attendait son nouveau missionnaire avec une certaine impatience, parce qu’il avait l’espoir d’entreprendre avec lui l’œuvre de la bonne presse, à laquelle il songeait depuis si longtemps, et que le manque de ressources avait retardée ; les besoins croissants de la Mission ne laissaient pas de fonds disponibles pour acheter une presse et les caractères nécessaires en si grand nombre pour imprimer l’écriture idéographique chinoise.
Or la nouvelle était parvenue jusqu’au fond de la Chine qu’on avait inventé un nouveau procédé pour imprimer facilement les livres en toutes langues, sans caractères mobiles, sans matériel dispendieux. On croit facilement ce que l’on désire, surtout quand on est poussé par un zèle ardent. Mgr Desflèches pria donc les Directeurs du Séminaire de faire apprendre ce procédé merveilleux au nouveau missionnaire qui serait destiné à sa Mission.
M. Gourdon avait appris la zincographie et apportait avec lui un matériel complet qui n’avait coûté que cinq cents francs ! C’est beaucoup trop pour le parti qu’on pouvait en tirer, et c’était trop peu pour le but proposé. Mais notre nouveau missionnaire apportait avec lui mieux qu’un matériel de zincographie : c’était une ardeur au travail soutenue par une grande patience et une volonté toujours souriante que rien ne pouvait décourager.
Mais n’anticipons pas. Avant de se mettre à l’œuvre, M. Gourdon doit apprendre la langue : Mgr Desflèches l’envoya à Tsiangkiapa sous la direction de M. Rigaud. Il y arriva dans les premiers jours de l’année 1867 et déjà à Pâques, il pouvait commencer à s’exercer au saint ministère. L’année suivante, M. Rigaud fut nommé à Ieouyang où il devait trouver la mort des martyrs, et M. Gourdon lui succéda à la tête du district de Tatsiou. Quels succès obtint notre confrère pendant ses premières années de mission ? Personne parmi ses contemporains n’est plus là pour nous renseigner.
Il ne resta pas longtemps à la tête de cet important districts ; la vie régulière du séminaire l’attendait. Lui qui, comme tous les jeunes, ne rêvait qu’à la vie de missionnaire missionnant, il s’en fut, au mois de mars 1869, obéissant et sans murmures, enseigner la philosophie au grand séminaire de Pekochou, dont M. Blettery était supérieur. Six mois après, pendant que Mgr Desflèches s’acheminait vers Rome pour assister au concile du Vatican et que M. Blettery quittait le séminaire pour prendre la direction de la Mission, M. Gourdon assumait provisoirement la charge de supérieur du grand séminaire. Il commençait l’apprentissage d’une fonction qu’il devait remplir pendant trente ans. Désormais il ne s’appellera plus que « tchang-chang » ─ le supérieur ─ ; le séminaire et le supérieur semblaient être faits l’un pour l’autre.
En 1870, il prit en main la direction du petit séminaire de Chouiia-tang, qu’il conserva jusqu’au retour de Mgr Desflèches. Le nombre des élèves ayant augmenté, et les étroites maisons où provisoirement on avait réuni les étudiants étant devenus insuffisantes en même temps que peu appropriées à leur but, on se vit dans l’obligation de reconstruire les deux séminaires. On décida, par mesure d’économie d’argent et de personnel, de les réunir dans un même endroit, à Pekochou. M. Gourdon fut chargé d’établir les plans et de les faire exécuter. Après deux années de travail, le 8 décembre 1876, il put inaugurer le nouveau séminaire dont il prit la direction.
C’est alors que s’affirma toute sa valeur et qu’il commença à donner toute sa mesure. Il ne négligea rien pour faire avancer ses séminaristes en science et en vertu : il revisa les manuels pour les mettre plus à leur portée ; il en composa de nouveaux ; il s’imposa une surveillance régulière des classes pour stimuler les bonnes volontés ; il fit célébrer les offices des dimanches et des fêtes comme dans nos séminaires de France ; il s’efforça sans relâche, par ses conférences spirituelles, à familiariser ses élèves avec les règles de la vie chrétienne, afin de les élever jusqu’à l’idéal de la sainteté… Ses directions, ses bons exemples firent de ses séminaristes les prêtres pieux qui, le jour de ses noces d’or et de ses noces de diamant lui faisaient une si jolie couronne, ainsi que l’un d’eux le lui dit : Circumdat te corona sacerdotum quos instituisti in scientiâ et pietate. Aucun d’eux ne lui connut jamais une pensée d’amour-propre ou d’irritation vindicative, dans les éloges qu’il distribuait aux uns ou les punitions qu’il infligeait à d’autres : le devoir seul était son guide, avec l’amour désintéressé de ses séminaristes pour eux-mêmes et surtout pour ce qu’ils devaient être un jour.
Il les aimait, car il fut bon, très bon. La bonté fut un des traits dominants de son caractère. On l’appelait du reste « le bon père François ». Lui-même disait un jour : « Pour que tous les rouages fonctionment bien, sans bruit et sans inutile frottement, il faut de l’huile, beaucoup d’huile… de la patience et de la bonté. » Cette vertu chez lui fut sans doute la conséquence d’un heureux caractère ; mais elle fut aussi celle de l’effort et du renoncement. Car il était le petit-fils du brave François Gourdon, de mémoire glorieuse dans l’histoire de la Vendée : Comme son ancêtre il était un homme énergique. Nous l’avons constaté dans nos récréations : comme il aimait à rire, nous nous permettions quelquefois de le taquiner ; la riposte ne se faisait jamais attendre, le coup donné était aussitôt rendu. Sous son apparence placide, il était ardent ; il avait la bonté vraie, la bonté associée à la force. C’était un homme maître de soi ; personne ici ne le vit jamais se fâcher, ni même montrer de l’impatience, sauf une fois peut-être où un premier mouvement fut aussitôt réprimé. Quelqu’un a écrit de lui avec vérité : « Le P. Gourdon est le calme perpétuel ; la paix de Dieu ne quitte pas son âme (1). »
(1) Le Haut Yant-tse, par le R. P. CHEVALIER, S. J., page 66.
Est-ce parce qu’il mena une vie régulière, exempte d’à-coups, dans le calme d’un séminaire ? Nous avons déjà vu qu’il avait construit le petit et le grand séminaire, nous verrons plus tard qu’il entreprit d’autres constructions importantes, qu’il monta une imprimerie et en forma les ouvriers. Ceux-là qui ont été constructeurs et qui connaissent le « tcha-pou-to » ─ l’à peu près ─ de nos ouvriers apprécieront toute la vertu de notre confrère. Au reste la vie régulière du supérieur de séminaire ne le mettait pas à l’abri des ennuis. Peut-on rester trente ans supérieur d’une institution sans être atteint par la critique ? Tel qui n’avait pas toujours le miel sous la langue et qui souvent trempait sa plume ailleurs que dans le lait, plus d’une fois ─ sans malice d’ailleurs ─ le fit souffrir… Jamais il ne voulut répondre on se défendre ; il s’enfermait dans le silence, estimant que c’était le meilleur moyen de conserver la paix, et il conserva toujours sa sérénité inaltérable…
En 1876, M. Gourdon terminait la construction du petit et du grand séminaire. Dix ans après, le vent de la persécution soufflait sur notre Mission : tous nos établissements en ville de Tchongking étaient pillés, incendiés, rasés ; il n’en restait rien, si ce n’est, à l’évêché, un pan de mur de la façade de la chapelle sur lequel on voit encore les traces de l’incendie. De la ville, la persécution s’étendait ensuite à la campagne. Le 23 juillet, les séminaires de Pekochou étaient entourés de gens armés de fusils et de coutelas ; une sortie du personnel de tout le séminaire dispersa les braves, qui se figuraient les moyens de défense des missionnaires beaucoup plus forts qu’ils n’étaient en réalité. Ils revinrent en plus grand nombre ; il n’y avait plus de salut que dans la fuite. Le 25, missionnaires et élèves, abandonnant tout, parvenaient tous à se sauver. Pendant cette retraite, l’un des professeurs, M. Ouvrard, déjà malade, tomba exténué de fatigue. M. Gourdon et M. Creste parvinrent, avec beaucoup de peine, à le transporter jusqu’à une auberge située à quelque distance de là, où la nuit suivante il expira. Pendant ce temps, nos persécuteurs, après avoir tout pillé, incendiaient les deux séminaires.
M. Gourdon vint chercher asile à la résidence du sous-gouverneur de l’intendance de Tchongking. Là il rencontra d’autres réfugiés, plusieurs missionnaires de la ville avec Mgr Coupat qui, en 1883, avait succédé à Mgr Desflèches. Pendant ces longs jours de réclusion, en attendant la fin de l’orage, Mgr Coupat songeait avec tristesse au labeur de tant d’années anéanti en quelques jours. « Consolez-vous, lui dit M. Gourdon, nous recommencerons. »
Il recommença. Dès juillet 1887, il aménageait la propriété récemment achetée à Chapinpa, pour y installer provisoirement les œuvres dont il avait précédemment la direction. Comme il arrive souvent, ce provisoire dura longtemps. Il arriva cependant un moment où l’exiguïte et la disposition des locaux eurent leur répercussion sur la discipline. Un nouveau séminaire fut construit à Tientche et reçut les petits séminaristes en 1893 ; et en 1895, à Pekochou, sur les ruines des anciens établissements fut réédifié ce que nous appelons le « probatorium. »
Le grand séminaire restait seul à Chapinpa : M. Gourdon le réorganisa. Il souffrait de n’avoir pu reprendre, faute d’un local convenable, la célébration des offices comme il en avait établi la coutume à Pekochou, ce dont la piété des séminaristes avait tiré si grand profit. Il construisit donc une chapelle. La vie régulière, fervente et laborieuse avait repris son cours ; elle continua ainsi sous sa direction jusqu’en 1898, qui marque la fin de sa vie de supérieur.
C’est un nouveau chapitre de la vie de M. Gourdon que nous abordons : la réalisation du rêve de Mgr Desflèches, c’est-à-dire de l’œuvre de la bonne presse. Reprenons d’un peu plus haut l’histoire de l’imprimerie de la mission de Tchongking ; elle ne manque pas d’intérêt et éclairera d’un nouveau jour la figure du bon ouvrier apostolique que fut M. Gourdon.
Dès 1858, par un achal de caractères latins, Mgr Desflèches avait fait le premier pas pour l’établissement d’une imprimerie ; le reste devait venir plus tard, au fur et à mesure des fonds disponibles. En attendant, les caractères avaient été déposés au petit séminaire de Chouiiatang, où MM. Eyraud et Larcher tentèrent d’en tirer parti. Leurs essais ne furent pas satisfaisants et furent abandonnés.
Vint M. Gourdon comme supérieur de séminaire en 1870. Il reprit les essais de ses prédécesseurs, avec une presse et un matériel fabriqués par les ouvriers du pays, et continua l’impression d’un traité de rhétorique, dont M. Larcher n’avait fait tirer que quelques pages. Pour améliorer l’exécution du travail, il s’ingénia de toutes façons, et souvent avec des moyens de fortune. Il manquait d’interlignes, il en fit en découpant le zinc des vieilles caisses d’emballage. L’encre jusqu’ici employée n’était que de la suie broyée avec de l’huile crue ; il apprit à cuire l’huile et après plusieurs tâtonnements, il obtint, avec du noir de fumée préparé spécialement, une encre à peu près convenable. C’était presque le succès, aussi quand il reconstruisit les séminaires à Pekochou, il eut soin d’y ajouter une annexe destinée à l’imprimerie. Il commençait ensuite la composition en caractères latins des sermons chinois de Mgr Pérocheau et bientôt on entendait gémir la presse.
« C’est la vérité, racontait M. Gourdon, que nous faisions gémir la presse. Elle était vraiment malade, et l’on entendait ses gémissements dans toute la maison ; je ne pouvais imprimer en entier une planche sans être obligé d’appeler le médecin, c’est-à-dire un menuisier ou un forgeron....Plusieurs confrères, voyant qu’il ne nous manquait qu’une bonne presse et quelques instruments de première nécessité, m’exhortèrent à les acheter en France. Sa Grandeur y consentit et la commande fut faite. Mais étant tous étrangers au métier, n’ayant ni catalogues ni donnés spéciales, notre commande ne fut pas assez précise et l’on ne nous envoya qu’une petite presse à roulette.... et encore nous arriva-t-elle brisée. C’était à décourager. »
M. Gourdon n’abandonna pas la partie et ne vit dans cet insuccès qu’un nouveau stimulant. Il entreprit lui-même la construction d’une nouvelle machine, faisant polir deux pierres de marbre et les enchâssant dans des cadres de fer, disposant des rails en fer, faisant monter tout le bâtis d’après ses plans, et ce fut un succès, si bien que plus tard celle machine pouvait concurrencer une autre venue de France. On acheta des caractères chinois pour imprimer nos livres de religion et de propagande ; la salle d’imprimerie étant devenue trop petite, il fallut bien ajouter une annexe. En 1881, l’installation était terminée, et l’on commença l’impression régulière des livres tant en caractères latins qu’en caractères chinois.
Mgr Coupat encouragea M. Gourdon et mit des fonds à sa disposition pour l’achat d’une nouvelle presse. A partir de 1883, commença un travail aussi actif que possible pour satisfaire aux demandes ; les deux presses ne chomèrent plus.
L’incendie de l’imprimerie par les persécuteurs en 1886 fit pousser à la nature humaine, écrasée de travail, un demi soupir de soulagement ; ce soupir ne fut pas achevé. Nous avons vu M. Gourdon ému devant la tristesse de son évêque et nous l’avons entendu lui dire : « Monseigneur, consolez-vous, nous recommencerons. » Comme il avait recommencé l’œuvre des séminaires à Chapinpa, il y recommença l’œuvre de la presse et la fit progresser.
Dans ses précédentes installations, il avait reconnu la nécessité d’une fonderie ; il y pourvut en faisant venir un moule à caractères, un fourneau à piston et un matériel de galvanoplastie, et il commença la série de matrices qui ont dépassé aujourd’hui le nombre de 30.000. Bientôt les deux presses ne suffisent plus et une troisième est achetée en 1893, ainsi qu’un fourneau-moule pour la fonte des clichés. Le travail devient de jour en jour plus considérable, si bien que, en 1898, il doit, comme nous l’avons vu, demander à être déchargé de la direction du grand séminaire pour se consacrer exclusivement à l’imprimerie.
Il s’y consacra tant et si bien que, malgré sa robuste constitution, en 1902, il dut prendre un congé – c’était le premier depuis 1866 – et alla à Hongkong chercher un peu de repos, ou plutôt une nouvelle occasion de perfectionner son œuvre, car pour lui le travail était l’un des termes d’une équation qu’il formulait ainsi : vivre égale travailler.
A son retour, il était muni de nouveaux perfectionnements, d’instruments pour la reliure et divers accessoires. Mgr Chouvellon l’engagea, pour parfaire son œuvre à éditer un journal. Il abtint un missionnaire et un prêtre indigène pour l’aider et en 1905 il lança. « La Vérité ». Là encore, comme pour la fondation de l’imprimerie, tout était à créer, tout était à apprendre. Malgré les difficultés du début, le journal a pu vivre et compte aujourd’hui plus de quinze cents abonnés directs.
Jusqu’ici l’imprimerie avait partagé le sort du séminaire et était restée dans la provisoire installation de Chapinpa. Elle y était à l’étroit et il était impossible de mettre un peu d’ordre dans les ateliers ; enfin, Chapinpa, situé à plus de trente lis de Tchongking, était trop éloigné de la ville pour les expéditions et les relations. M. Gourdon se fit de nouveau architecte et construisit à quelques minutes des portes de Tchongking, un vaste bâtiment pour l’imprimerie, des locaux pour les ouvriers, une maison d’habitation pour les missionnaires et une chapelle pour le personnel et les fidèles qui vinrent bientôt se grouper autour de l’imprimerie et former une petite chrétienté. Au mois de janvier 1906, il avait la joie de voir son œuvre définitivement et solidement installée.
Il continua là son labeur jusqu’à l’âge de soixante-quantorze ans, jusqu’en 1916, lorsque la maladie le conduisit à l’hôpital et l’obligea à résigner ses fonctions.
Sa santé rétablie, il retourna à l’imprimerie et se mit au service de son successeur, l’aidant de ses conseils, corrigeant les épreuves, rédigeant chaque année les calendriers, revisant les livres et en composant de nouveaux. Il fut toute sa vie et jusqu’au bout, jusqu’à la veille même de sa mort, un grand travailleur.
Dire de quelqu’un qu’il fut soixante ans missionnaire en Chine, qu’il fut supérieur de séminaire pendant trente ans, qu’il fonda une imprimerie et la dirigea pendant plus de temps encore, qu’il fut bâtisseur et que pendant tout ce temps il travailla, la figure toujours souriante, « qu’il fut le calme perpétuel et que la paix de Dieu ne quitta point son âme », ce n’est point faire un mince éloge. C’est ce que l’on peut dire du Père François-Marie Gourdon.
On doit dire encore qu’il fut un prêtre pieux, vertueux, zélé, qu’il fut un homme de bon sens, redire enfin qu’il fut un homme de grande bonté.
Pour échapper au reproche de présenter son héros meilleur qu’il n’est en réalité, on chercherait en vain quelque défaut à signaler : il n’y a vraiment que du bien à dire du P. Gourdon. Ab auditione mala non timebit.
Aussi il ne saurait tomber dans l’oubli, son souvenir sera pour nous un réconfort dans nos peines, son exemple un soutien dans nos travaux.
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Références
[0923] GOURDON François-Marie (1842-1927)
Bibliographie
"Beati Martyres Provinciae Se-tchouan" 1815,
103 pages, Cha-pin-pa 1901
"Acta RR.DD. V.A. Missionis Se-tchouan Collecta..",
273 pages , Cha-pin-pa 1901.
Références biographiques
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Bibliographie:
"Beati martyres provinciae setchoan", 1815, 103 pages, Cha-Pin-Pa, 1901.
"Acta RRDD V.A. Missionis Setchoan collecta", 273 pages, Cha-Pin-Pa, 1901.
Mémorial GOURDON François-Marie page 3
Grammatica latina accommodata ad usum alumnorum missionis Se-tchouan orientalis / opera et studio F. M. J. Gourdon, missionarii apostolici e Societate Missionum ad Exteros. Cha-pin-pa : Typis Missionis Se-tchouan orientalis, 1894. - 259 p. : 1 pl. dépl. ; 20 cm.