Paulin RENAULT1846 - 1913
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 1080
- Bibliographie : Consulter le catalogue
Identité
Naissance
Décès
Autres informations
Missions
- Pays :
- Chine
- Région missionnaire :
- 1870 - 1878
- 1878 - 1913
Biographie
[1080]. RENAULT, Paulin, né le 3 juin 1846 à Thilay (Ardennes), fit ses études au petit séminaire de son diocèse, et entra minoré au Séminaire des M.-E. le 28 mai 1868. Prêtre le 11 juin 1870, il partit le 3 août suivant avec sa destination pour le Kouang-si. Cette province étant à peu près fermée aux missionnaires, il travailla au Kouy-tcheou, d'abord à Houang-tsao-pa, puis à Ta-chan, et en 1873 à Hin-y fou dont il construisit le presbytère. Il s'occupa en même temps de Tchen-fong tcheou et de l'apostolat des Miao-tse.
A la fin de 1878, il put pénétrer au Kouang-si, et s'installa à Chang-se dont il fut chargé, sauf quelques intervalles, pendant 18 ans. Il eut à y supporter bien des misères de la part des mandarins et des païens ennemis du christianisme. Sa résidence fut pillée en 1885, lors des hostilités qui éclatèrent entre la France et la Chine à propos du Tonkin. Le missionnaire, comme la plupart des ouvriers apostoliques du Kouang-si, fut obligé de se réfugier à Hong-kong.
Il avait été nommé pro-préfet en 1881 ; il le resta jusqu'à sa mort, et eut plusieurs fois à gouverner la mission en qualité de supérieur, particulièrement à la mort des évêques Foucard, Chouzy et Lavest.
En 1896, il commença la fondation de la chrétienté de Nan-ning, qu'il avait déjà essayée sans succès en 1880. En 1897, il construisit la résidence de Long-tcheou ; en 1898, celle de Ou-tcheou ; en 1901, celle de Kouy-lin, la capitale du Kouang-si, où depuis plus de vingt ans les évêques et les missionnaires avaient en vain tenté de s'établir. Tout en évangélisant les païens, il installa une école de français pour les fils des mandarins. Il revint à Nan-ning en 1912, y fut supérieur du grand séminaire, et y mourut dans la nuit du 15 au 16 juin 1913.
Nécrologie
M. RENAULT
PRO-PRÉFET APOSTOLIQUE DU KOUANG-SI
Né le 3 juin 1846
Parti le 8 août 1870
Mort le 16 juin 1913
S’il est une carrière apostolique admirable entre toutes, c’est bien celle du cher M. Renault, et nous n’hésitons pas à nous étendre longuement sur ce modèle des missionnaires, dont la vie, toute de dignité sacerdotale et de fidélité au devoir, a imposé, pendant près d’un demi-siècle, à ceux qui l’ont connu, un respect et une vénération extraordinaires.
*
* *
Paulin Renault naquit à Thilay (Reims, Ardennes), le 3 juin 1846. Son enfance se passa au milieu des sites pittoresques de la Semoy, dont l’aspect ravissant, par sa variété sauvage, attire en foule les touristes. Son âme sera pure comme les eaux transparentes de la rivière, et sa vertu inébranlable comme les rochers de la montagne. Sa vocation fut, sans doute, l’œuvre de la grâce, mais que de circonstances favorables vinrent la faire éclore !
Deux de ses oncles sont curés à Fraillicourt et à Chagny, un de ses cousins germains est éducateur de prêtres à Saint-Sulpice, et il vient, chaque année, passer ses vacances à Thilay. Une mère chrétienne nourrit de sa foi l’âme de l’enfant, qui se montre déjà si pieux, si intelligent, si édifiant au moment de la première communion.
Il n’en faut pas tant pour diriger un adolescent vers le sacerdoce : le jeune Paulin était prêt pour le séminaire. Ce fut son oncle de Fraillicourt qui lui donna les premières leçons de latin. Il resta quelque temps auprès de lui, recevant une forte instruction, et entouré des soins les plus affectueux.
Au petit séminaire de Charleville, Paulin suivit, comme ses condisciples, les cours du collège. A cette époque, en effet (c’était en 1859), l’existence des deux établissements était encore intimement liée. On se rappelait au petit séminaire le passage de Mgr Guillemin, évêque de Canton, à Charleville, où il était venu apporter quelques souvenirs de M. Auguste Mail fait, missionnaire, ancien curé de Damouzy, qui fut massacré dans l’île de Haïnan. Un jeune Chinois accompagnait Sa Grandeur et paraissait en brillant costume national, le dimanche à la chapelle, où il excitait l’admiration des élèves.
Le souvenir de ce passage de l’évêque missionnaire à Charleville, et le départ pour la Chine de M. Lenoir, ancien élève du petit séminaire, déterminèrent sans doute la vocation du jeune Paulin. Un monde nouveau se révèle à son esprit. Bientôt, son horizon n’est plus borné à Virgile et à Cicéron. Pendant les retraites, quand il entend le prédicateur parler de dévouement, de sacrifice, d’abandon à la volonté de Dieu, ses yeux brillent d’un éclat inaccoutumé, et son visage reflète l’ardeur qui l’anime intérieurement. Son travail, dans les classes supérieures, devient plus opiniâtre, et le succès le suit. Sa piété grandit parallèlement.
A Reims, Paulin est toujours l’élève exemplaire ; mais il sent que le ministère paroissial n’est pas fait pour lui, et qu’il étouffera dans un presbytère. Il s’ouvre de son dessein au supérieur, M. Manier, et c’est après avoir mûrement réfléchi, que celui-ci lui permet de demander son exeat à Mgr Landriot, archevêque de Reims.
Reste à annoncer cette dure nouvelle à son père et à sa mère. Il prévoit qu’une entrevue sera trop douloureuse, et il ne veut pas exposer ses parents à une aussi poignante épreuve. Il quitte Reims sans bruit et se rend au Séminaire de la rue du Bac à Paris. Une lettre avertira, avec tous les égards et les ménagements possibles, ceux qu’il aime tendrement.
La décision du futur missionnaire jeta sa famille dans la consternation. Le chagrin du pauvre père était si profond, que rien ne put en adoucir l’amertume : ni les consolations dont l’entourèrent les proches, ni les paroles des bons chrétiens, ses voisins et ses amis. Insensible à tout, il ne comprend qu’une chose, c’est que son fils est perdu pour lui.
Le jeune aspirant allait-il se décourager ? Certes non, il relève les courages : « Satan, écrit-il, multiplie, sur le chemin des missionnaires, les plus grands obstacles pour les décourager, car il sait bien que nous, prédicateurs de l’Evangile, nous sommes destinés à renverser son empire. » Et l’âpre vertu du lévite se révèle dans une lettre écrite à M. Millet, directeur au petit séminaire de Charleville : « Malheur, dit-il, à celui qui, après avoir mis la main à la charrue, regarde en arrière. »
*
* *
Ses lettres manifestent l’ardeur dont il est rempli ; les premiers mots le peignent déjà tout entier : « Jésus et les âmes. » — « Bien-aimé frère, salut et amour en Notre-Seigneur. » Il décrit la salle des martyrs, où se trouvent les instruments de supplice qui ont servi à torturer ses devanciers : les cangues et les chaînes qu’ils ont portées ; les sabres qui leur ont donné la mort ; les estampes annamites qui représentent leur exécution. Ce spectacle ne fait que consolider sa vocation ; elle est désormais irrévocable.
Il parle aussi des aspirants aux Missions : ils sont plus nombreux que jamais, cette année-là (1869). Le sang des martyrs, qui vient d’être versé, obtient cette grâce du bon Dieu. Cette année, celle du concile du Vatican, est décisive pour lui ; il écrit le 26 mai : « Samedi, j’ai eu le bonheur, en m’étendant sur le pavé de notre église, de renoncer au monde et de me consacrer pour toujours à Dieu. »
Il est ordonne prêtre le 11 juin 1870, veille de la Trinité. Cette fois, son cœur déborde de joie. Le soir même, il arrive à Thilay, où il doit célébrer sa première messe le lendemain. C’est une fête pour la paroisse, mais surtout pour sa famille. Son jeune frère, âgé de sept ans, lui sert la messe. Paulin adressa à ses compatriotes des paroles qui firent couler les larmes. Il demanda à tous de prier pour « ce prêtre qu’ils ne reverraient plus sur la terre ». Quelques jours après, ses proches l’accompagnaient jusqu’à Levrézy, où un de ses oncles était instituteur. Là, se fit la pénible séparation.
Le 3 août, M. Renault et dix de ses confrères prenaient le train pour Marseille. En partant, les voyageurs entendent, dans les rues de la capitale, des chants d’allégresse, des cris de victoire : la guerre, en effet, était commencée, et le combat de Sarrebrück faisait espérer des victoires futures. C’est le lendemain de leur embarquement, qu’on apprit la défaite de Reichshoffen. Les partants ne connaîtront nos revers qu’à leur arrivée en Extrême-Orient.
*
* *
M. Renault était le second missionnaire envoyé directement de Paris au Kouang-si. En arrivant à Canton le 2 novembre, il y trouva son supérieur, M. Mihières. Ce dernier se demandait par quel côté il pourrait bien pénétrer dans une province, si obstinément fermée aux ouvriers apostoliques. Plusieurs mois se passèrent à chercher les moyens les plus pratiques, pour donner l’assaut à la place. Pendant ce temps, M. Renault apprenait la langue cantonaise. M. Bazin ayant déjà pénétré dans la région de Sy-lin par le Kouy-tchéou, M. Mihières, d’accord avec ses missionnaires, se décida à forcer l’entrée du Kouang-si par plusieurs côtés à la fois. M. Souchières, qui avait précédé M. Renault de quelques mois, gagnerait Sy-lin en remontant le Si-kiang et en traversant tout le Kouang-si, du sud-est au nord-ouest ; M. Foucard tenterait une installation sur les frontières du Kouang-tong ; quant au supérieur lui-même, M. Mihières, il gagnerait avec M. Renault le Kouy-tchéou, pour suivre, de là, la marche des événements.
Le 24 avril 1871, les deux missionnaires s’embarquaient avec Mgr Faurie, l’évêque du Kouy-tchéou. Arrivés à San-choui, nos voyageurs remontèrent le fleuve du Nord jusqu’au Fou-nan, d’où ils espéraient, pour abréger leur chemin, gagner la capitale du Kouy-tchéou, en passant par Chang-te-fou et Tchen-vuen-fou ; mais, arrivés à Siang-tan-hien le 17 mai, ils apprirent que la route était interceptée par les rebelles, et ils durent se résigner à continuer leur chemin par eau. Après avoir passé la fête de l’Ascension chez les PP. Franciscains, ils remontèrent en barque, pour gagner les provinces du Hou-pe et du Su-tchuen par le lac Tong-tin et le fleuve Bleu. Ils arrivèrent à Kouy-fou, dans le Su-tchuen oriental. M. Mihières, obligé de s’arrêter dans cette ville, à cause de Mgr Faurie mourant, envoya son jeune compagnon l’attendre à Tchongking, où il vint le rejoindre quelques jours plus tard. Ils prirent alors ensemble la route de Kouy-yang, où ils arrivèrent après quinze jours de marche.
Voilà donc un an que M. Renault a quitté la France, et il n’est pas encore à la veille d’entrer dans sa mission. La mort de M. Mihières, survenue le 16 octobre suivant, lui en fermait les portes pour longtemps. Sans guide, sans supérieur, ne sachant où diriger leurs pas, M. Renault et M. Chouzy, qui était venu le rejoindre à Kouy-yang au commencement de 1872, mirent leur bonne volonté à la disposition du supérieur de la mission du Kouy-tchéou. M. Lions les envoya à Houang-tsao-pa. N’ayant pas de résidence, les deux amis restèrent à l’auberge pendant un mois. Pour se rapprocher davantage du Kouang-si, leur objectif, ils poussèrent vers le Sud ; enfin à Ta-chan ils trouvèrent des chrétiens. C’est sans doute de là, que M. Renault écrivit une lettre au supérieur du grand séminaire de Reims, M. Bieil. Cette lettre fut lue aux élèves assemblés : on y voit que le cœur de l’apôtre exulte ; il a été, dit-il, reçu dans un village chrétien, il peut prêcher, administrer les sacrements.
Deux ans plus tard, Mgr Lions envoya M. Renault reconstruire la résidence de Hin-i-fou, brûlée par les musulmans. Notre cher missionnaire inaugura, dans cet endroit, son rôle de bâtisseur, au milieu de difficultés qui sont restées légendaires. Il s’occupa, en même temps, de Tchen-fong-tchéou, où, sans bruit, il construisit la résidence et évangélisa les Miao-tse. Avant de quitter le Kouy-tchéou, il avait baptisé deux cents de ces sauvages. Quarante ans plus tard, au souvenir de cet heureux temps, un éclair de suave bonheur semblait encore illuminer son visage, et faire revivre en lui des joies lointaines et profondes. Entre temps, le Kouang-si avait été complètement séparé de la mission de Canton et érigé en Préfecture apostolique. Mgr Foucard, le premier évêque, aussitôt nommé, s’empressa d’appeler M. Renault près de lui à Chang-se. Notre missionnaire quitta Hin-i-fou le 11 novembre 1878, passa par Sy-lin, descendit la rivière de Pa-tou, celle de Pe-se, et arriva à Chang-se le 2 décembre.
Voilà donc M. Renault dans sa mission, et même au centre de sa mission, puisqu’il habite la résidence épiscopale avec Mgr Foucard, deux mois avant le sacre du nouvel évêque. Dans ce palais, un seul pouvait être à l’aise, mais un second était de trop. M. Renault promit de remédier à cet état de choses, et, pendant que son évêque était allé se faire sacrer au Kouy-tchéou, il acheta une nouvelle maison, qu’il lui offrit à son retour. C’est dans ce poste, que M. Renault vécut pendant dix-huit ans, et il faut ajouter que, pendant ce temps, les occasions de méditer le Tollat crurem suam de l’Evangile ne lui manquèrent pas. Dix-huit ans de tentatives sans cesse renouvelées et toujours infructueuses, c’est long et c’est dur. Haine ou dédain, il ne connut guère que cela à Chang-se ; des affiches ignobles ameutaient contre lui la population, et donnaient un prétexte au mandarin pour faire une minutieuse perquisition domiciliaire ; le chinois qui n’avait pas craint de lui vendre sa maison, fut emprisonné et mis à mort.
Fort heureusement pour notre cher confrère, à deux journées de Chang-se, se trouvait la petite chrétienté des Cent-mille-Monts. C’est là que M. Renault vint souvent chercher quelques-unes des consolations, qu’il ne trouvait nulle part ailleurs. Marcheur intrépide et infatigable, allant toujours à pied à travers les montagnes, il étonnait ses chrétiens eux-mêmes.
La délicatesse de M. Renault, dans ses relations avec les quelques confrères qui l’entouraient à cette époque, a été consignée dans une note, par le seul survivant de ce temps déjà lointain : « Les missionnaires étaient alors peu nombreux et fort dispersés. Dans notre région, nous n’étions que trois : M. Renault à Chang-se, M. Lacaille, qui débutait dans la vie apostolique, aux Cent-mille-Monts, et votre serviteur, qui étudiait la langue à la résidence de Tong-tchong. Nous avions, de temps en temps, l’occasion d’aller faire visite au vénéré pro-préfet, et chaque fois que nous allions le voir, nous étions sûrs d’avance d’être toujours chaleureusement reçus. C’est que cet homme de Dieu était tout cœur pour ses confrères. Ainsi, pour rendre l’étude de la langue plus facile aux nouveaux missionnaires, qui n’avaient pas alors leur disposition des dictionnaires comme aujourd’hui, il leur faisait la traduction mot à mot de tout le catéchisme ; il leur composait aussi des dialogues pour leur aplanir les difficultés de la langue chinoise. Enfin, par son aimable gaieté, son cœur ouvert et sans secret, il rendait sa compagnie fort agréable et faisait oublier à ses nouveaux confrères les peines inhérentes aux débuts de la vie apostolique. »
M. Renault était venu passer la fête de l’Epiphanie aux Cent-mille-Monts, en 1885, lorsqu’un chrétien lui apporta la nouvelle du pillage de la résidence de Chang-se par les soldats du général Fong. Il partit immédiatement pour Tong-tchong ; mais les affaires allaient de mal en pis, et la résidence de Tong-tchong fut attaquée à son tour. Alors M. Renault, accompagné de M. Poulat, voulut regagner les Cent-mille-Monts, pour de là se rendre à Hongkong. La route était difficile et dangereuse ; M. Renault tomba dans un gouffre, en franchissant un torrent, et faillit se noyer. Traversant des pays occupés par les partisans de Lieou-eul, le fameux chef des Pavillons-Noirs, les fugitifs furent sur le point d’être pris ; un de leurs guides, homme d’une audace et d’un sang-froid extraordinaires, les sauva en se disant envoyé directement par le consul anglais de Pakhoi, pour assurer leur retour à la colonie anglaise de Hongkong. Au nom du consul anglais, le chef, qui voulait les retenir, se hâta de les laisser passer. Un peu plus loin, l’habileté de ce même guide les préserva d’un pillage imminent.
L’orage passé, M. Renault revint à Chang-se, où il resta jusqu’en 1896. Il vint alors fonder le poste de Nanning ; dès 1880, il avait essayé d’occuper la maison que M. Foucard y avait fait acheter, quelques années auparavant ; mais sa barque avait été criblée de pierres, par la populace. Il fut obligé de partir pour ne pas être lapidé, et la maison fut détruite. En 1896, les différentes affaires de la mission avaient été réglées à Long-tchéou ; M. Renault y avait contribué en personne, en assistant son évêque dans ces difficiles négociations, et son entrée à Nanning fut beaucoup plus calme qu’en 1880. Son ministère n’y fut guère plus prospère qu’à Chang-se. Après avoir aménagé une maison qui servit d’église et de procure, il put, en 1897, construire la résidence de Long-tchéou. En 1898, il construisit la procure de Ou-tchéou et revint à Nanning.
Comme on le voit, une certaine détente et une paix relative avaient fait place à l’ancien état de persécution, grâce au dévouement intelligent et à l’énergie de S. E. M. Gérard, ministre de France à Pékin. Le Kouang-si, en effet, avait obtenu une indemnité pécuniaire, les droits de la mission avaient été reconnus et affirmés, et les missionnaires purent réintégrer les postes dont ils avaient été dépossédés depuis longtemps.
A cette mission cependant, qui avait jusqu’ici semé dans les larmes, il fallait le baptême du sang : elle l’eut bientôt, et deux des jeunes confrères de M. Renault arrosèrent de leur sang le sol du Kouang-si ; ce furent MM. Mazel et Bertholet.
En 1900, Mgr Lavest, successeur de Mgr Chouzy, décida de transférer à Nanning la résidence épiscopale et les principales œuvres de la mission. M. Renault entreprit immédiatement les agrandissements que cette translation réclamait, et construisit le petit séminaire. Dieu sait la peine qu’il se donna pour la direction de ces longs travaux.
M. Renault avait quelque droit au repos, après un passé si bien rempli, d’autant plus que les infirmités, venues avec l’âge, faisaient de sa vie un véritable martyre ; cependant, sur le désir de son évêque, le cher pro-préfet alla fonder le poste de Kouy-lin, en septembre 1901. Cette ville, alors capitale du Kouang-si, avait toujours été fermée aux ouvriers apostoliques. M. Mihières, premier supérieur du Kouang-si, et après lui, Mgr Foucard, avaient longtemps essayé d’y pénétrer, mais leurs efforts avaient échoué devant l’opposition des autorités chinoises. En 1901, les affaires avaient pris une autre tournure, et les événements de l’année précédente avaient fait lever, même au Kouang-si, une ère de paix relative pour l’Eglise. M. Renault entra à Kouy-lin sans la moindre difficulté.
Près des autorités, son rôle, dans les affaires de la mission, fut particulièrement important ; mais la diplomatie chinoise n’a jamais abandonné ses procédés si connus, et le cher pro-préfet ne put pas toujours, à son grand regret, faire triompher la justice.
Dès son installation à Kouy-lin, M. Renault voulut travailler pour la France et pour l’Eglise. Encouragé par lé gouverneur du Kouang-si, il se fit maître d’école, et enseigna le français aux fils des mandarins, avec l’espoir de faire connaître l’Evangile à ces jeunes gens, que l’éducation plaçait à la tête de la société de Kouy-lin. Ce travail absorbant ne l’empêcha pas de jeter les bases d’une petite chrétienté, qui lui procura, d’abord, des consolations qu’il n’avait jamais goûtées, ni à Chang-se, ni à Nanning. Hélas ! les espoirs que les débuts faisaient prévoir, ne se réalisèrent pas, et M. Renault, une fois encore, eut à pleurer sur des ruines.
A la fin de 1912, le vénéré pro-préfet revint à Nanning pour aider des conseils de sa vieille expérience, celui dont il avait suivi avec un affectueux dévouement les débuts dans l’apostolat, et sur qui pesait maintenant le gouvernement de la mission. Là, comme partout, il se met au travail avec ardeur ; il dirige le couvent confié aux religieuses de Saint-Paul de Chartres, il enseigne la théologie à cinq ou six grands séminaristes ; en outre, il prêche chaque dimanche à la cathédrale, et, chaque samedi, il doit entendre une quarantaine de confessions. Néanmoins, depuis son arrivée à Nanning, M. Renault était continuellement souffrant, malgré toute son activité. Dès les premiers jours du mois de juin, il se sentit à bout de forces, et se résigna, avec regret, à prendre du repos.
Le 3 juin, jour anniversaire de sa naissance, les chrétiens, les élèves du séminaire et les Européens vinrent, à tour de rôle, lui offrir leurs souhaits. Il en fut très touché ; c’était une grande joie, pour son cœur de Père, de se sentir aimé ; mais on voyait qu’il faisait des efforts pour se montrer joyeux. Le 12 juin, jour anniversaire de sa première messe, il monta à l’autel pour la dernière fois. Le 13, une fièvre violente s’empara de lui. Le 14, le médecin anglais, qui vint le voir, ne parut pas trop alarmé. M. Renault semblait lui-même plein de confiance. Cependant, comme la fièvre s’était compliquée d’une forte oppression, on le veilla toute la nuit.
Dans la journée du dimanche 15, il se croyait réellement en voie de guérison, mais il se faisait illusion. A 11 heures du soir, en effet, il eut un commencement de syncope. Le missionnaire, qui le veillait, lui dit alors : « Mon Père, on va vous donner l’extrême-onction, le voulez-vous ? — Je veux bien, répondit le vénéré malade ; je ne veux pas, autre chose que la volonté du bon Dieu. » Un peu après minuit, le cher pro-préfet reçut le saint viatique. Puis il dit : « Maintenant, je voudrais me reposer. »
Ce fut sa dernière parole. Il reçut l’indulgence plénière ; puis, l’agonie commença : elle fut courte. Pendant la récitation des prières des agonisants, le râle cessa tout à coup. Une dernière absolution lui fut donnée, et quelques secondes après, le vénérable missionnaire rendait le dernier soupir. Il était 2 heures du matin. Le cher mourant avait demandé à se reposer, et le bon Dieu l’avait exaucé, en l’appelant à l’éternel repos du ciel.
Sa dépouille mortelle, revêtue des ornements sacerdotaux, fut exposée au parloir, où les chrétiens vinrent prier, durant toute la journée du lundi. Les funérailles solennelles eurent lieu le mardi matin. Tous les chrétiens y assistaient ; les Européens de la douane et de la poste étaient présents. Dès la veille, ils avaient eu la délicate attention d’envoyer une couronne de fleurs. Les païens regardèrent passer le cortège d’un œil indifférent ; tout au plus entendit-on quelques-uns d’entre eux émettre une appréciation sur la valeur du cercueil. Pauvres aveugles ! Puissent-ils songer un peu au prix de leurs âmes, pour lesquelles le cher M. Renault a, pendant de si longues années, tant travaillé, tant souffert, et peut-être souvent pleuré ; pour lesquelles il a, en un mot, donné toute sa vie !
Le vide que laisse cette mort est immense. M. Renault représentait au plus haut point la tradition, ayant connu tous les sacrifices que la fondation de la mission avait demandés à ses premiers apôtres. Il savait au besoin les rappeler aux jeunes missionnaires pour soutenir leur courage.
Nommé pro-préfet en avril 1881 par Mgr Foucard, il eut, pendant plus de quarante ans, une part prépondérante dans le gouvernement de la mission. C’est toute l’histoire du Kouang-si qu’il faudrait écrire, pour mettre en relief son influence et son rôle. Jusqu’ici, l’épiscopat des évêques du Kouang-si n’a pas été de longue durée ; la Providence y a remédié en permettant que le pro-préfet fournît une longue carrière. D’autre part, c’était un exemple réconfortant de voir à quel point ce vétéran de l’apostolat, qui avait conduit la mission dans des heures difficiles, poussait le respect de l’autorité et l’amour de l’obéissance.
M. Renault était un homme humble. Il n’aimait pas qu’on parlât de ses vertus. Toutefois il n’est pas inutile, croyons-nous, de faire connaître la force sur laquelle il s’est appuyé sans cesse : cette force, c’était l’amour de Dieu, qu’il entretenait dans son cœur par la prière et la méditation. Ceux qui l’ont connu, dans les dernières années de sa vie, n’oublieront jamais l’impression que produisait sur eux ce grand vieillard usé, d’une maigreur excessive, se levant à 4 heures 1/2 tous les jours, même en hiver, pour aller faire sa méditation, prosterné au pied du tabernacle, dans sa petite chapelle de Kouy-lin. Les notes pieuses qu’il a laissées, et les plans de retraite que l’on retrouve sur des feuilles éparses, prouvent que sa vocation apostolique fut vraiment la lumière de toute sa vie.
Un jour qu’il s’entretenait avec plusieurs confrères des difficultés particulières de l’apostolat au Kouang-si, de l’écart énorme qui existe entre les désirs des jeunes missionnaires et la réalité, M. Renault eut cette belle parole : « S’il me fallait aujourd’hui recommencer ma vie de missionnaire, je la recommencerais, avec le même enthousiasme qu’il y a quarante ans ! »
Quand on a connu M. Renault, cette parole n’a rien qui étonne de sa part, car elle exprimait exactement sa pensée. L’appel de Dieu, qui avait orienté sa jeunesse, était resté pour lui aussi irrésistible qu’au premier jour. Les cris de haine et de mort, l’écroulement des plus belles espérances, les travaux sans succès, n’ont jamais pu couvrir cette voix. Le saint vieillard est mort avec la certitude d’avoir travaillé à une œuvre voulue par Dieu : il lègue à tous ses confrères l’exemple d’une foi inébranlable dans l’avenir de sa mission, et le souvenir d’un apôtre qui a vécu au milieu des tribulations, sans jamais connaître le découragement.
~~~~~~~
Références
[1080] RENAULT Paulin (1846-1913)
Notes bio-bibliographiques. - C.-R., 1872, p. 30 ; 1876, p. 19 ; 1880, p. 49 ; 1881, p. 55 ; 1882, p. 51 ; 1883, pp. 35 et suiv. ; 1884, p. 79 ; 1886, p. 79 ; 1887, p. 121 ; 1888, p. 111 ; 1889, pp. 116, 257, 290 ; 1890, pp. 97, 295 ; 1891, pp. 131, 174 ; 1892, p. 151 ; 1893, p. 158 ; 1894, p. 174 ; 1895, p. 182 ; 1896, pp. 155, 159 ; 1897, pp. 129, 280, 304 ; 1898, p. 136 ; 1899, pp. 165, 303 ; 1900, p. 131 ; 1901, pp. 98, 131 ; 1902, p. 146 ; 1903, p. 138 ; 1904, pp. 146, 151 ; 1905, p. 122 ; 1906, p. 132 ; 1907, p. 157 ; 1908, p. 128 ; 1909, p. 139 ; 1910, pp. 138, 139, 141, 144, 323 ; 1911, p. 115.
A. P. F., lxix, 1897, Massacre de M. Mazel, p. 323. - M. C., iv, 1871-72, p. 328 ; xviii, 1886, Persécution au Kouang-si, p. 398 ; xxix, 1897, Massacre de M. Mazel, p. 289 ; xxxiv, 1902, Etablissement d'une mission dans la capitale du Kouang-si, p. 37 ; xxxviii, 1906, p. 291. - B. O. P., 1897, p. 742. - A. M.-E., 1899, p. 120 ; 1901, Le Kouang-si, pp. 247, 290 ; 1904, Kouy-lin fou, capitale du Kouang-si, p. 90 ; 1911, p. 184. - Petit Mess. Kouang-si, 1913, Notice, nos 58, 59, 60, 61, 62, 63, 64. - Ann. rel. Orléans, 1889, p. 497.
Hist. miss. Kouang-si, Tab. alph.
Notice nécrologique. - C.-R., 1913, p. 400.
Biographie. - Le Père Paulin Renault, de la Congrégation des Missions-Etrangères, pro-préfet du Kouang-si (Chine) 1846-1913. - Imprimerie Albert Antiaux, 37, rue de l'Arquebuse, et 18, rue de Clèves, Charleville, 1913, in-8, pp. 16.