Auguste DANGY1847 - 1929
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 1215
Identité
Naissance
Décès
Autres informations
Missions
- Pays :
- Chine
- Région missionnaire :
- 1874 - 1929 (Chongqing [Chungking])
Biographie
" Je suis né à Châtellerault le 4 février 1847, sous le gouvernement de Louis-Philippe. Accueilli avec joie par mes parents, dont j'étais le premier garçon, je fus baptisé le lendemain par mon oncle le vicaire; le grand oncle, archiprêtre, fut mon parrain et me donna son nom d'Auguste", ainsi débute un petit mémorandum rédigé par M.Dangy.
Lors de la fondation de la manufacture d'armes, son père, originaire des Ardennes vint s'établir à Châtellerault, paroisse St.Jacques le Majeur, diocèse de Poitiers, département de la Vienne. Il se maria avec une jeune fille du pays, dont l'oncle était archiprêtre de Châtellerault et le frère vicaire. Auguste commença ses études primaires chez les Soeurs de la Sagesse, puis à l'école cléricale ouverte par son oncle. En octobre 1858, il entra en cinquième au petit séminaire de Montmorillon. En 1866, il se dirigea vers le grand séminaire de Poitiers. Ordonné pêtre le 13 novembre 1870, il fut nommé vicaire d'abord à Montmorillon, puis à la cathédrale de Poitiers.
Le 7 octobre 1873, M.Dangy entra au séminaire des Missions Etrangères. Un an après, il reçut sa destination pour le vicariat apostolique du Setchoan Oriental (Chungking) , qu'il partit rejoindre le 29 juillet 1874.
Après 42 jours de navigation, M. Dangy atteignit Chungking le 3 décembre 1874, non sans quelques ennuis sur le Fleuve Bleu. Accueilli par Mgr. Desflèches, il passa quelques temps à l'évêché, puis, après la retraite des missionnaires, il fut placé à Yun-Tchang, pendant cinq mois, dans une famille chrétienne chinoise, avec un latiniste comme professeur de langue.
En juillet 1875, il fut envoyé à Tchong-Tcheou. Le territoire confié à ses soins comptait 30 à 40 stations des deux côtés du Fleuve Bleu. La chaleur à Tchong-Tcheou étant étouffante, il se fixa à Tien-Tche, station chrétienne dans la partie montagneuse de son district. En avril 1876, dans la sous-préfecture de Kiang-Pêe, proche de ChungKing, éclata une persécution sanglante; Tchong-Tcheou fut menacé, mais pas inquiété. Là, un soir d'été de 1877, M.Dangy reçut la très brève visite inopinée de Mgr. Desflèches poursuivi par les soldats ayant reçu mission de l'arrêter et de le conduire à Shanghai, les fers aux mains.
En 1878, M. Dangy partit à Pee-Ko-chou, où, depuis 1876, étaient réunis le petit et le grand séminaire de la mission. Tout en soignant sa santé, il professa en classe de seconde et enseigna la philosophie. En 1880, il assista au synode de Sui-Fu, en qualité de théologien de son évêque.
De 1881 à 1883, il fut placé à la tête du district de Kiang-tsin fondé vers la fin du XVIIème siècle. En 1883, Mgr. Coupat, nouveau vicaire apostolique, lui confia le district de Ly-tou-pa, chrétienté ouverte vers la fin du XVIIIème siècle, dans la sous-préfecture de Kiu-hien, à six étapes au nord de Chungking. Les persécutions y avaient fait des confesseurs de la foi, et le Bx.Thaddée Lieou, béatifié le 27 mai 1900, y fut étranglé le 30 novembre 1823. Malgré sa taille imposante et sa forte voix qui impressionnaient de prime abord, M.Dangy se concilia vite le respect et l'affection de ses ouailles. Il acheta les terrains nécessaires et bâtit une église vaste, spacieiuse, coquette, dédiée à St. Michel, dont la statue, dit-on, ressemblait fort au curé du lieu. Homme cultivé, amateur de calembours, les confrères des environs aimaient se réunir chez lui.
En 1892, M.Dangy quitta Ly-tou-pa, et après avoir tenu pendant quelques mois, le poste de Siu-Tin, il devint, à la rentrée de septembre 1893, professeur de latin et supérieur du nouveau petit séminaire de Tien-Tche, situé au milieu des montagnes boisées de Tchong-Tcheou, à quatre jours de barque en aval de Chungking, et à deux lieues et demie du Fleuve Bleu. En 1897, nommé curé de la paroisse du Sacré-Coeur, à Chungking, il s'occupa des chrétiens et des dix mille néophytes traqués que la persécution de 1899 avait chassés de leurs districts de Iun-Tchang, de Ta-Tsiu, de Tong-Ieang et forcés de se réfugier à Chungking. Il aida aussi les étrangers nombreux repliés ou installés en cette ville. La mort rapide de son vicaire, le P.Tchan, en 1899, l'affecta profondément. En 1900, il fonda une "Société de la Charité" pour aider les pauvres et les malades, et lança l'apostolat de la prière.
En août 1902, M.Dangy succéda à M. Chaudier fatigué, à la tête du grand séminaire, à Cha-pin-pa, près de Chungking. Après un congé de plusieurs mois en France, il rentra à Chungking, le 2 avril 1904, avec une presse à cylindre Marinoni. Il reprit d'une main ferme et douce la direction du grand séminaire qu'il garda jusqu'en 1917. Il se retira alors au petit séminaire de Tien-Tche, dans une demi-retraite. C'est là qu'en novembre 1920, il fêta ses noces d'or sacerdotales.
En 1922, bien fatigué, il alla se faire soigner à Chungking, puis il accepta la charge d'aumônier du Carmel de Tsen-Kia-Gay, qui venait d'être fondé par celui de Shanghai. Il occupa ce poste jusqu'au jour où, n'en pouvant plus, il se retira à l'évêché de Chungking, occupant son temps à prêcher des retraites.
Le 29 octobre 1929, il eut la joie de revoir Mgr. Jantzen, absent depuis quelques jours. Le 30 octobre 1929, vers cinq heures et demie du soir, il rendit son âme à Dieu, en présence de son évêque et des confrères de Chungking. Il avait aimé réciter ce verset du Psaume 70,9:" Ne projicias me in tempore senectutis, cum defecerit virtus mea ne derelinquas me.."
Le 2 novembre 1929, Mgr. Jantzen présida les funérailles du doyen d'âge de la mission, devant une assistance nombreuse. M.Dangy repose à Tsen-Kia-Gay, dans le cimetière des missionnaires.
Nécrologie
M. DANGY
MISSIONNAIRE DE CHUNGKING
M. DANGY (Auguste-Omer-Amédée) né à Châtellerault (Poitiers, Vienne), le 4 février 1847. Entré prêtre au Séminaire des Missions-Etrangères le 7 octobre 1873. Parti pour le Szechwan Oriental le 20 juillet 1874. Mort à Chungking le 30 octobre 1929.
« Je suis né à Châtellerault le 4 février 1847, sous le gouvernement de Louis-Philippe. Accueilli avec joie par mes parents, dont j’étais le premier garçon, je fus baptisé le lendemain par mon oncle le vicaire ; le grand-oncle, archiprêtre fut mon parrain et me donna son nom d’Auguste. »
Ainsi commence un petit mémorandum, malheureusement inachevé, écrit par notre regretté confrère et trouvé dans ses papiers après sa mort. Son père était des Ardennes ; il vint s’établir à Châtellerault quand fut fondée la célèbre manufacture d’armes ; il se maria avec une jeune fille du pays, dont l’oncle était archiprêtre de Châtellerault et le frère vicaire. L’enfant reçut une éducation profondément chrétienne dans ce milieu familial où était de tradition le respect des enseignements de l’Eglise. A l’âge de trois ans il eut une méningite qui le conduisit aux portes du tombeau. Voué à la Sainte Vierge et à sainte Radegonde, il revint à la vie. On le mit aussitôt que possible à la salle d’asile sous la discipline des Sœurs de la Sagesse, plus tard à l’école cléricale ouverte par son oncle, où il commença les premiers rudiments du latin. Le 30 mai 1858, il fit sa première communion, « bien résolu de se donner à Dieu qui se donnait à lui » écrit-il dans son mémorandum, et l’année suivante il recevait la confirmation des mains de Mgr Pie.
Au mois d’octobre il partit pour le Petit Séminaire de Montmorillon et entra en cinquième. Le Supérieur M. Baudry, ancien directeur du Bienheureux Vénard, le poussa à la communion fréquente ; sa piété, qui était grande, s’accrut encore après une retraite prêchée par Mgr de Ségur ; la lecture de la vie de saint François Xavier commença à l’orienter du côté des Missions, et cette idée se fortifia encore par celle de la vie du Bienheureux Vénard qui venait de paraître. En 1866, il entra au Grand Séminaire de Poi¬tiers, et en 1868 après le sous-diaconat, il essaya d’entrer au Séminaire des Missions-Etrangères ; la famille ne s’opposa pas à cette vocation, mais lui demanda, pour un examen plus mûri, d’attendre encore. Ordonné prêtre en novembre 1870, il fut d’abord vicaire à Montmorillon, puis à la cathédrale de Poitiers. En 1873, il obtint enfin la permission de suivre sa vocation et entra au Séminaire de la rue du Bac.
Un an après il recevait sa destination pour la Mission du Szechwan Oriental, actuellement Mission de Chungking, et le 29 juillet, quittait Paris en compagnie de trois autres jeunes missionnaires destinés à la même Mission. Le voyage fut long : 42 jours de navigation au cours de laquelle on essuya un violent typhon, et ce n’est que le 3 décembre que l’on atteignit Chungking, non sans quelques ennuis sur le Fleuve Bleu.
Le renfort arrivait fort à propos à Mgr Desflèches : la Mission venait de perdre trois missionnaires massacrés à Yeou-Yang et il ne restait de vieux confrères que MM. Blettery et Vinçot. La ville de Chungking qui comptait alors 3 à 4.000 chrétiens, avait des prêtres chinois, cependant que les autres missionnaires français étaient dispersés au loin dans les régions difficiles de la Mission. L’Evêque retint auprès de lui les nouveaux venus et, après la retraite, leur donna leur destination. M. Dangy fut placé à Yun-Tchang dans une famille chrétienne, suivant l’usage d’alors, avec un latiniste comme professeur de chinois ; ce dernier lui fut d’un secours médiocre, et c’est plutôt en conversant avec les personnes de la famille, surtout avec les enfants, que notre étudiant parvint peu à peu à se mettre au courant de cette langue. Au bout de cinq mois, on le jugea capable de tenir un poste et on l’envoya dans le district de Tchong-Tcheou, où il se rendit au mois de juillet 1875.
La maison épiscopale à Chungking n’était guère qu’une masure : que dire de la résidence du missionnaire à Tchong-Tcheou ? La chaleur y était étouffante : 42 degrés le jour, 38 la nuit ! Le pauvre missionnaire ne put y tenir ; on le conduisit dans la partie montagneuse du district à Tien-Tche, où il y avait alors une station de chrétiens. Le territoire confié à ses soins comptait 30 à 40 stations, des deux côtés du Fleuve Bleu ; c’est dire que M. Dangy y fit un rude apprentissage de la vie apostolique ; heureusement il ne jouissait pas encore de cet embonpoint qui lui survint avec les années, il n’était encore que « le long et maigre Dangy ».
En 1876, une persécution s’éleva contre les fidèles dans le pays de Kiang-pé, où Mgr Desflèches voulait faire un essai d’évangélisation. Une vingtaine de néophytes furent massacrés, une bonne vieille maîtresse d’école fut brûlée vive, les oratoires de Mou-Tong et de Fou-Tcheou furent saccagés, Tchong-Tcheou lui-même fut sérieusement menacé. M. Dangy consacra alors son district au Saint Cœur de Marie, et l’orage menaçant s’apaisa comme par enchantement. A la même époque un accident faillit lui coûter la vie : comme il faisait le plan de sa maison, que lui avait demandé le Vicaire Apostolique, il tomba du premier étage ; on le ramassa évanoui ; revenu à lui, il éprouva des vomissements de sang, et, convaincu que l’accident lui serait fatal, il se prépara à la mort. Ce n’était heureusement qu’une fausse alerte, il revint rapidement à la santé.
Un événement poignant dans la vie de M. Dangy à Tchong-Tcheou signala l’année 1877 : l’arrivée inopinée, un soir d’été, de Mgr Desflèches à sa résidence. L’entrevue ne dura qu’un instant : l’Evêque, poursuivi par les satellites, était en fuite et passait rapidement faire ses adieux à son jeune missionnaire. Les mandarins, ne pouvant venir à bout de l’Evêque à propos des affaires de Yeou-Yang et de Kiang-pé, l’avaient chargé calomnieusement à la Légation de France et voulaient l’arrêter pour le conduire à Shanghaï, les fers aux mains. Il s’enfuit nuitamment sur une petite barque et réussit de cette manière à éviter les poursuites.
De Tchong-Tcheou, M. Dangy passa au Grand Séminaire de Pe-Ko-Chou, où il professa la classe de seconde avec le cours de philosophie, tout en soignant sa santé fortement compromise par un acclimatement difficile. Il ne fit guère qu’y passer, assista en 1880 au Synode de Suifu en qualité de théologien de son Evêque, et, après un court séjour à Kiang-Tsin, fut nommé par Mgr Coupat au dis¬trict de Ly-tou-pa.
Cette chrétienté se trouve dans la sous-préfecture de Ku-hien, à six étapes au nord de Chungking ; elle date de la fin du XVIIIe siècle. Les deux persécutions de Kia-Kin et de Tao-Kouang y firent des confesseurs de la foi et un martyr, le Bienheureux Thaddée Lieou. On dit que les chrétiens de ce pays ont le caractère difficile, batailleur, et qu’ils savent se faire respecter des païens : natures frustes, mais foncièrement attachées à la religion ; personne, dans les nombreuses stations du district, ne voudrait mourir sans les derniers sacrements. M. Dangy passa là neuf années, les meilleures de sa longue vie apostolique ; il se concilia vite le respect et l’affection de ses ouailles par son zèle, son dévouement et son inépuisable charité. De taille imposante et de belle prestance, il effrayait bien un peu les gens au premier abord, surtout quand il prenait sa grande voix du dimanche ; il n’hésitait pas à dire la vérité à ceux qui avaient besoin de la connaître, usant à la manière de saint Paul d’expressions un peu fortes, mais on lui passait tout cela, parce qu’i1 avait manifestement bon cœur, parce qu’à la grosse voix grondeuse succédait finalement un bon et cordial sourire qui faisait oublier les admonestations.
Ly-tou-pa n’avait à son arrivée, comme lieu de prière et de réunions religieuses, qu’une grande chambre pour les hommes, et une seconde, séparée de celle-là, pour les femmes. Le logis du curé et de ses hôtes était compris dans le même corps de bâtiment. A cette époque, on se contentait de cet état de choses : M. Dangy ne s’en contenta pas, il voulut un oratoire, un vrai oratoire séparé du logis du missionnaire ; il acheta, en vue de réaliser son projet, les terrains nécessaires pour une église. Et cette église, il l’eut, vaste, spacieuse, coquette même, avec un immense tableau représentant l’Archange saint Michel, fort ressemblant, au dire des gens, au curé de Ly-tou-pa ! Elle eut même, cette église, une petite cloche qui chantait gaiement dans la plaine ; sa voix argentine plaisait beaucoup aux fidèles, mais beaucoup moins au diable qui finit par se fâcher : un jour d’orage, la foudre tomba sur l’oratoire, mais saint Michel veillait : tout le mal se borna à un bruit épouvantable et à quelques dorures noircies.
La résidence de Ly-tou-pa était un lieu de réunion fort prisé par les confrères des environs. M. Dangy savait traiter ses hôtes ; et puis ses lectures abondantes avaient fait de lui, grâce à une heureuse mémoire, une bibliothèque parlante : on ne se lassait pas de l’entendre, pas plus que lui ne se lassait de parler. Lui reprochera-t-on ses calembours ? Passons-lui ce petit travers, il fallait bien égayer le moral des « broussards » qui venaient chercher chez lui repos et détente. Et quel mal à répéter ce remerciement d’un bon prêtre chinois à qui M. Dangy avait fait cadeau d’un âne : « Magnificat anima mea Dominum, quia Pater Dangy obtulit mihi asinum ! » Mais il fallut quitter le cher Ly-tou-pa. Il tint quelques mois le poste de Su-tin, puis devint Supérieur du Petit Séminaire de Tien-Tche, qu’il acheva, organisa, meubla convenablement. Les brouillards de Tien-Tche lui furent fatals : un beau matin, il s’éveilla perclus de rhumatismes les membres raides comme du bois mort ; il monta à Chungking et, grâce à un traitement à l’électricité, se remit complètement.
En 1897, M. Dangy était nommé curé de la grande paroisse de Chungking ; dès l’année suivante une occasion se présentait au nouveau pasteur de manifester les trésors de savoir-faire et de bon cœur dont il était abondamment pourvu. La persécution de Iu-man-tse avait fait refluer sur Chungking plusieurs milliers de chrétiens chassés de leurs districts de Iun-tchang, de Ta-tsiou de Tong-leang ; la Mission dut pourvoir à la subsistence de tous ces pauvres gens, et cela durant des mois : vêtements, logement, literie, nourriture, tout leur manquait du jour au lendemain ; et que dire des risques de perversion morale de ces âmes au milieu d’une grande ville païenne ? Tous les prêtres de la ville furent surmenés, mais surtout M. Dangy, à qui son influence permettait de faire le bien dans une plus large mesure. Sa sollicitude ne se bornait d’ailleurs pas aux fidèles chinois : à cette époque, beaucoup d’étrangers affluaient à Chungking, et M. Dangy, par sa culture, par sa parole facile, par sa franche bonhomie, par son obligeance extrême, réussit à avoir sur eux une réelle influence, qu’il exerça pour leur plus grand bien, au besoin par des remontrances amicales qu’on lui permettait volontiers.
Au mois d’août 1902, M. Dangy était nommé Supérieur du Grand Séminaire. Après la persécution de 1886, qui avait anéanti le Grand Séminaire, cet établissement avait été transféré et remis sur pied, vaille que vaille, à Cha-pin-pa, près de Chungking, par M. Gourdon. M. Dangy alla donc occuper ce poste de confiance ; il y fut maintenu plus de dix ans, à la réserve d’un congé de plusieurs mois qu’il prit en France ; sa vieille mère vivait encore : elle pensa mourir de joie en revoyant son cher missionnaire, son cher Auguste, dont le départ lui avait causé tant de larmes ! Il alla à Lourdes, à Lorette, à Assise, à Rome, où il reçut la bénédiction de Léon XIII. Le 2 avril 1904, il rentrait à Chungking, avec tout un matériel d’imprimerie moderne pour M. Gourdon, et des anecdotes à n’en plus finir sur son voyage...
Son cher Séminaire le revit. En ces temps fortunés, la direction du Séminaire était chose relativement facile ; on ne parlait pas encore de nationalisme, ni de libération des vieilles idées de discipline, ou de respect à l’autorité ; on ignorait les nouveautés mal¬saines qui de nos jours font tourner la tête à tant de futurs prêtres en Extrême-Orient. La direction de M. Dangy, paternelle et douce, n’excluait pas la fermeté, et l’on reconnaît encore à leur bon esprit les prêtres formés par lui. En 1917, déjà âgé et bien fatigué, il se retira au Petit Séminaire de Tien-Tche, dans une demi-retraite, tout en aidant ses confrères plus jeunes, mais surchargés de travail. C’est là qu’en novembre 1920 il célébra ses noces d’or sacerdotales, à l’occasion desquelles il recevait de Rome la bénédiction apostolique. En 1922, de nouveau bien fatigué, il vint se faire soigner à Chungking ; mais, ne pouvant se résigner à une retraite totale, il accepta avec empressement de donner ses soins comme aumônier aux filles de sainte Thérèse, qui venaient de fonder le Carmel de Tsen-Kia-Gay : cette fonction lui plaisait, il y était d’ailleurs tout préparé par sa longue expérience des âmes, par ses connaissances théologiques étendues, et aussi par sa connaissance des Œuvres de Mgr Gay, son compatriote du diocèse de Poitiers. Il occupa ce poste jusqu’au jour où, n’en pouvant plus, il fut forcé de se retirer à l’Evêché.
Malgré le diabète dont il souffrait depuis longtemps et malgré son grand âge, il était tourmenté par le désir de travailler. Bien des fois il demanda à son Evêque de lui donner un district à tenir ; mais à plusieurs reprises des arrêts du cœur se produisaient, qui faisaient appréhender une mort subite. Aussi, ni Mgr Chouvellon, ni Mgr Jantzen, ne consentirent à accéder à son désir : c’eût été l’exposer à mourir loin de tout secours ; il le gardèrent donc à l’Evêché, consentant seulement à lui donner de-ci de-là la charge de prêcher des retraites aux prêtres indigènes, aux élèves du Grand-Séminaire, aux Religieuses du Sacré-Cœur, à l’hôpital catholique. Il aimait prêcher, et il prêchait bien ; il prêcha jusqu’à ses derniers jours. Au mois d’août de cette année 1929, Mgr Jantzen le pria de donner la retraite aux prêtres chinois ; ce fut son dernier effort, sa der¬nière joie.
Il apparut à tout le monde que sa fin approchait, et lui-même se rendait compte que la mort n’était plus loin : « Cette année, disait il, sera ma dernière année, nous ne nous verrons plus en ce monde. » Depuis longtemps il se préparait au passage suprême ; il s’y prépara désormais avec plus de soin. De son argent il fit des bonnes œuvres ; sa chapelle, ses livres, allèrent aux confrères ou aux prêtres indigènes « Dispersit, dedit pauperibus » aimait-il à dire de certains prêtres ; on pouvait aussi le dire de lui ; à sa mort tout était distribué.
Quelques jours avant la fin d’octobre, l’approche de la mort s’annonça de façon plus visible ; il ne parlait plus guère et ne répondait plus que par signes. Il réclamait pourtant avec instance la présence de Mgr Jantzen, qui était descendu à Ichang pour les funérailles de Mgr Jans et des deux missionnaires franciscains massacrés par les communistes du Fu-pé. Enfin, le 29 octobre, Sa Grandeur revenait à Chungking et se rendait immédiatement au chevet du mourant. Le lendemain, vers cinq heures et demie du soir, il voulut se lever, mais il fallut le remettre au lit, et presque aussitôt il rendait son âme à Dieu, en présence de son Evêque et des confrères de Chungking. Il avait aimé à réciter ce verset des Psaumes : « Ne projicias me in tempore senectutis, cum defecerit virtus mea ne derelinquas me. » Sa prière avait été exaucée.
Les funérailles de notre cher doyen d’âge eurent lieu à la cathé¬drale le 2 novembre. La messe fut célébrée par Sa Grandeur. L’assistance fut nombreuse ; au premier rang M. le Consul de France, M. le Commandant de Carsalade, capitaine de frégate, commandant la flottille du Haut Yang-tse, M. Lamour, enseigne de vaisseau et intendant de la marine, M. le Docteur Balny, qui tous voulurent malgré le mauvais temps, accompagner le cher défunt jusqu’à sa dernière demeure à Tsen-Kia-Gay. C’est là, dans le modeste cimetière des missionnaires, que M. Dangy repose, le vingt-quatrième après les deux Evêques qu’il a connus et les vingt et un confrères qui l’ont devancé là-haut, en attendant le grand jour de la résur¬rection des morts.
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Références
[1215] DANGY Auguste (1847-1929)
Références bibliographiques
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