Achille ROBERT1853 - 1922
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 1318
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Identité
Naissance
Décès
Autres informations
Missions
- Pays :
- Corée
- Région missionnaire :
- 1877 - 1922
Missionnaires de la même famille
Biographie
[1318] ROBERT Achille, Paul, est né le 21 octobre 1853 à Villers-sur-Saulnot, dans la Haute-Saône, au diocèse de Besançon, troisième enfant de Augustin Robert et de Julie Dupont.
Après être passé au Petit Séminaire de Luxeuil, il fait ses deux années de philosophie au Séminaire de Vesoul, puis entre laïque au Séminaire des Missions Étrangères le 10 septembre 1873, est ordonné prêtre le 23 décembre 1876 et destiné à la Corée.
Parti de Paris le 25 janvier 1877, il arrive d'abord à Inq-kow en Mandchourie, puis à Tcha-kou, où il rencontre son évêque, Mgr. Ridel, qui est absent de Corée depuis 1866 et où il cherche à pénétrer à nouveau. Durant le printemps et l'été de 1877, le jeune Père Robert étudie la langue coréenne dans ce village de chrétiens de Tcha-kou qu'il quitte à cheval le 4 septembre 1877 avec Mgr. Ridel et le Père Doucet. Le 8 septembre, ils s'embarquent tous trois sur une jonque chinoise qui doit les conduire en vue des côtes coréennes. Le 11 septembre, ils se trouvent aux abords de l'île où ils doivent rencontrer des émissaires venus de Corée. Ceux-ci finissent par arriver après une attente qui a paru bien longue aux missionnaires, qui passent alors sur la barque coréenne. Celle-ci longe la côte coréenne de la province du Hoang-hai durant trois jours, les Pères Robert et Doucet descendant sur le sol coréen dans la sous-préfecture de Yon-baik sur la rive droite du fleuve Han, tandis que Mgr. Ridel poursuit dans la barque son voyage vers Séoul.
Ainsi parvenus en Corée le 23 septembre 1877, les Pères Robert et Doucet sont conduits par leurs guides coréens vers un minuscule village, composé de quatre maisons chrétiennes et situé à peu de distance de la bourgade de Paik-chon. Tous deux partagent durant deux mois une toute petite chambre qui leur sert selon les moments de chapelle, de salle à manger, de chambre à coucher, etc., le manque de meubles facilitant l'adaptation de cette pièce à divers usages. Ils n'en sortent que la nuit, et après s'être assurés que personne ne les verra.
En fin décembre 1877, Mgr. Ridel donne l'ordre au Père Robert de se rendre à Komeikol, dans l'arrondissement d'I-chon de la province du Kang-won pour s'occuper des chrétiens de la région et surtout pour s'occuper des jeunes qui se destinent au séminaire. Mais peu après, la nouvelle que Mgr. Ridel a été emprisonné le 28 janvier 1878 lui parvient avec l'ordre de congédier les séminaristes et de se rendre dans une cachette sûre à Kok-san, dans les montagnes du Nord-est de la province du Hoang-hai, après avoir enterré toutes ses affaires. Il ne reste pas longtemps dans cette cachette sûre" qui, justement, est jugée trop peu sûre, et se retire dans une vallée très sauvage de l'arrondissement de An-Pyen, dans la province du Ham-kyong méridional, loin de toute habitation païenne. Et comme cette précaution paraissait insuffisante, le Père Robert pénètre encore plus profondément au milieu des montagnes. Il peut alors faire venir son nécessaire pour célébrer la messe et son bréviaire et, rappelés par lui, ses élèves-séminaristes peuvent reprendre leurs études de latin.
Cela fait un an que le Père Robert est en Corée. Devenu supérieur de la mission à la suite de l'expulsion de Mgr. Ridel du pays en juillet 1878, le Père Blanc fixe au Père Robert un itinéraire de visite des chrétientés des provinces du Kyong-ki et du Kang-won et lui désigne comme résidence ultérieure le village de Orikol dans le canton de Sak-nyung dans l'arrondissement de Yon-chon de la province du Kyong-ki, là où les trois provinces du Hoang-hai, du Kyong-ki et du Kang-won se réunissent. À ce propos, il peut être intéressant de noter que les chrétiens et les missionnaires des temps difficiles avaient une prédilection pour les zones-frontière, que ce soient les frontières des arrondissements ou celles des provinces : lorsque la persécution éclate d'un côté, il est relativement facile de se réfugier de l'autre côté en attendant que passe l'orage. Telle était sans doute l'idée qui guidait le Père Blanc. La localité désignée par le Père Blanc pour la "résidence" du Père Robert avait le double avantage d'être tout à fait excentrique, située qu'elle était aux confins de trois provinces, et d'être tout à fait centrale, se trouvant au centre géographique de la Corée, ce qui la rendait un peu plus proche des facilités de communication et qui permettait aux séminaristes d'être plus facilement réunis. Mais le Père Robert passe le plus clair de son temps à visiter les chrétientés, et cela d'autant plus qu'à la suite de l'arrestation du Père Deguette en mai et de son expulsion de Corée en septembre 1879, la mission ne compte plus que trois missionnaires, soit les Pères Blanc, Doucet et Robert. Dans ces conditions, il est impossible au Père Robert de s'occuper efficacement des séminaristes qui, d'abord renvoyés dans leurs familles, sont ensuite dirigés sur Penang.
De 1880 à 1885, le Père Robert sillonne donc une bonne partie de la Corée et, entre ses tournées, occupe tour à tour plusieurs "résidences". À partir de 1885, grâce à l'arrivée de plusieurs jeunes missionnaires (6 ou 7), le champ d'apostolat du Père Robert se réduit aux deux provinces du Kyong-sang Nord et du Kyong-sang Sud, au sud-est du pays. Il "réside" d'abord au village de Sinnamonkol (exactement situé à la commune de Yen-hwa, canton de Ji-chon, arrondissement de Chil-gok, province du Kyong-sang Nord), à 15 ou 20 km de la grande ville de Taegu. Trois ans plus tard, il a sa "résidence" à Sai-bang-kol, aux abords mêmes de Taegu, car Mgr. Blanc, devenu vicaire apostolique en 1884, l'a chargé de planter l'Église dans cette grande ville qui est capitale de province. Les temps commencent à changer et on ne pense plus à rester caché dans les zones-frontière, mais le changement se fait très lentement. En fin février 1891, le Père Robert se rend en plein jour en ville même de Taegu au chevet d'un malade, mais revêtu du "déguisement" habituel des missionnaires, c'est-à-dire du costume de deuil des coréens qui a l'avantage de les rendre méconnaissables. Bien que soupçonné d'être un étranger, il n'est pas inquiété; mais la nuit suivante, une bande de vauriens s'attaque aux chrétiens du quartier et s'apprête à piller le quartier sous prétexte de chercher l'étranger. Le lendemain, muni de son laissez-passer en bonne et due forme, le Père Robert veut se rendre chez le gouverneur de la province pour porter plainte contre les fauteurs de troubles de la veille. Ne portant pas le "déguisement" habituel, il est facile à reconnaître et vite reconnu comme étranger. Une foule s'assemble, lui lance des cris hostiles et lui jette des pierres, tandis que le gouverneur décrète son expulsion de la province. Du coup, le Père Robert se rend à Séoul pour faire appel et y réussit. Le gouverneur provincial de Taegu est destitué et le Gouvernement coréen accorde au Père Robert une escorte pour le reconduire dans cette ville dont il venait d'être chassé. Le Père Robert en profite pour s'établir définitivement à Taegu où il commence par acheter une maison, puis en 1897, un vaste terrain.
Le district dont il a la charge est encore bien étendu, mais se restreint peu à peu à la seule ville de Taegu, à la suite de l'augmentation des missionnaires, de l'ordination de quelques prêtres coréens et de la création de nouveaux postes. Le prestige que lui donne son retour glorieux à Taegu en 1891, les bonnes relations qu'il entretient désormais avec les gouverneurs et les mandarins, sa grande aisance dans l'usage de la langue coréenne, l'influence de son servant, à la fois lettré renommé et homme de foi profonde, tout concourt heureusement à attirer des sympathies pour l'Église et nombreux seront les anciens fonctionnaires de haut rang qui deviendront chrétiens dès qu'ils auront quitté leur charge. En 1898, le Père Robert sent que le moment est venu de rendre l'Église plus visible et qu'il faut construire. Mais, n'osant pas encore construire en dur comme cela s'est fait à Séoul, il construit en bois une église de style pagode et une maison qui, deux ans plus tard, deviendront la proie des flammes. Malgré la déception, le Père Robert voit dans cet incendie le signe que désormais il faut construire en dur. Il reconstruit donc son église, qui, vaste, faite de briques et avec deux cloches, deviendra en 1911 la "quasi cathédrale" du nouveau vicariat apostolique de Taegu.
En juin 1911, le vicariat apostolique de Taegu récemment créé voit arriver son premier vicaire apostolique, Mgr. Demange; mais le Père Robert est depuis plusieurs années et restera longtemps pour beaucoup de gens le "père fondateur de l'Église de Taegu". Quand le nouveau vicaire apostolique vient prendre la direction du vicariat, le Père Robert est bien malade depuis plusieurs semaines. Il se lève pour l'occasion, mais se recouche aussitôt après. Le vicaire apostolique persuade le Père Robert d'aller se faire soigner en France, ce qu'il fait.
À son retour en Corée en 1913, le Père Robert semble entièrement guéri, mais les symptômes de la maladie ne tardent pas à reparaître. En 1919, il demande à être déchargé de la chrétienté de Taegu et à prendre sa retraite. Il passe alors quelques mois à Hongkong, puis revient à Taegu et réside à l'évêché où sa préoccupation première est, dit-il, de "se préparer à la mort". En octobre 1921, il a la grande joie de recevoir la visite de son jeune frère Léon, procureur général de la Société, en route vers la France pour devenir assistant du Supérieur Général des MEP. Puis le Père Robert quitte ce monde dans l'après-midi du lundi 2 janvier 1922, après n'avoir cessé de baisser depuis Noël et après une agonie qui dure 8 heures et durant la majeure partie de laquelle il garde toute sa connaissance.
Ses obsèques sont célébrées le 4 janvier 1922 à la cathédrale de Taegu au milieu d'une foule immense, dans un climat de silence et de prière et avec une gravité bien rares en Corée. Il est inhumé au cimetière de l'évêché et attend que se réalise l'inscription que porte le socle de la grande croix de granit qui domine les tombes : Tunc parebit signum Filii hominis in Caelo !
Nécrologie
M. ROBERT
MISSIONNAIRE DE TAIKOU
M. ROBERT (Achille, Paul), né à Villers-sur-Saulnot, (Besançon, Haute-Saône), le 21 octobre 1853. Entré laïque au Séminaire des Missions-Étrangères, le 10 septembre 1873. Prêtre, le 23 décembre 1876. Parti pour la Corée, le 25 janvier 1877. Mort à Taïkou, le 2 janvier 1922.
M. Robert est mort à Taïkou, trois semaines avant le 45e anniversaire de son départ pour la Corée. Depuis le 22 août 1919, il était déchargé de tout ministère et se préparait au dernier voyage, à côté de la grotte de Notre-Dame de Lourdes, où il a dit la messe tant que ses forces le lui ont permis. Son évêque lui avait demandé de relater, quand le travail lui était possible, les souvenirs de sa longue vie apostolique. Il le fit avec la simplicité qui était une de ses vertus. Ce document, très précieux pour les archives de la mission, forme un cahier grand format de 148 pages. Bien souvent, pendant qu’il l’écrivait, il consultait le Vicaire Apostolique, ses confrères et les Coréens, pour s’assurer de l’exactitude de ses souvenirs. Sauf pour quelques détails, où son imagination a peut-être aidé sa mémoire, on peut considérer ces souvenirs comme exacts. Nous n’avons mieux à faire qu’à les résumer pour écrire cette notice.
« La date de ma naissance, écrit-il, se trouve être le 21 octobre 1853, à Villers-sur-Saulnot, canton d’Héricourt, Haute-Saône. Je fus baptisé deux jours après ma naissance et j’eus pour parrain mon cousin Paul Robert, mort prêtre à l’âge de 45 ans. J’étais le troisième de huit enfants. Mes parents étaient foncièrement chrétiens et d’une intransigeance extraordinaire sous le rapport de la morale chrétienne. Aussi, je puis avouer que, vu mon activité précoce, je reçus, dans mon enfance, de la part des auteurs de mes jours, plus de coups de verge que de baisers. »
A sept ans, il fut envoyé à l’école de Villers-sur-Saulnot, distante de trois kilomètres et demi de son village et il ne se rappelle pas avoir manqué une seule fois, pendant trois ans, à la messe qu’il servait ou à l’école, faisant allègrement la route, aller et retour matin et soir, et dînant du morceau de pain et de lard que la maman mettait dans son sac d’écolier.
« Aimant beaucoup l’étude, je contentais facilement mon maître d’école. C’est ainsi qu’invité un jour à dîner par mon père, il lui déclara que, bien qu’étant un des plus dissipés de ses élèves, je lui donnais satisfaction pour le travail. Mon papa en était tout fier et lorsque, à la messe paroissiale du dimanche, il m’entendait répondre sans hésitation aux différentes questions qui m’étaient posées par M. le Curé, il s’écriait : Si mon fils avait un peu plus de plomb dans la tête, on pourrait peut-être en faire quelque chose. Mais je suis trop pauvre pour lui faire continuer ses études. »
Le jeune Achille, plus sérieux au fond que son papa ne le supposait, priait le bon Dieu de lui aplanir les difficultés pour entrer au Séminaire. Entre temps, il apprenait un peu de latin auprès d’un de ses cousins, ancien séminariste. La question d’argent fut résolue d’une façon providentielle, et Achille Robert entra au petit séminaire de Luxeuil le 1er septembre 1867. Il était en rhétorique lorsqu’éclata la guerre avec l’Allemagne ; le séminaire fut licencié jusqu’en avril 1872.
Il fit ses deux années de philosophie au Séminaire de Vesoul. C’est pendant une retraite à ce séminaire qu’il se sentit appelé aux missions. Ses deux plus grands amis étaient M. Mossard, de son cours, et M. Cardot, du cours précédent. Il garda son secret jusqu’au moment de son admission. « Ce ne fut qu’après avoir obtenu cette admission, dit-il, que j’en confiai le secret à mon ami Mossard. De son côté, ce cher ami avait fait les mêmes démarches et jugez de notre joie en nous retrouvant sur la même voie pour suivre notre vocation. Cardot, plus jeune, fut tenu par nous à l’écart de la confidence et ce ne fut que de Paris qu’on l’exhorta à venir nous rejoindre, ce qu’il fit l’année suivante. » La veille de son arrivée étaient entrés entre autres nouveaux aspirants MM. Mutel et Doucet, avec qui il devait fournir une longue carrière en Corée.
« J’ai toujours regardé, écrit-il, les trois années et demi passées à la rue du Bac comme les plus belles de ma vie. Jamais je n’avais rencontré autant de cordialité, de charité et d’esprit de famille. Je m’étais particulièrement lié d’amitié avec M. Guillon de Chambéry plus tard évêque de Mandchourie et je suis resté en correspondance avec lui, jusqu’à sa mort à Moukden, où il fut brûlé dans son église par les Boxeurs. »
Le 23 décembre 1876, M. Robert fut ordonné prêtre, et le lendemain il recevait ; avec M. Doucet, sa destination pour la Corée où Mgr Ridel essayait de faire pénétrer des prêtres dont elle était privée depuis dix ans.
« Le premier jour de l’an 1877, je célébrai ma première messe à Saulnot, ma paroisse, et ce fut mon frère Léon, alors âgé de dix ans, qui me la servit. Je passai une semaine dans ma famille, et le 8 janvier je prenais le train pour Besançon et Paris. Le départ de Paris eut lieu le 25 janvier, et quelques jours après, nous quittions Marseille, ayant pour chef de départ M. Gasnier, déjà vieux missionnaire, qui venait d’être nommé évêque de Malacca… A Saïgon, j’eus la joie de revoir l’ami Mossard. Je pensais pouvoir me reposer à Shanghaï du mal de mer que j’avais eu pendant toute la traversée, mais à peine arrivés, nous reçûmes l’ordre du P. Patriat, procureur, de nous préparer à partir le lendemain. C’est en compagnie de six religieuses de Portieux que nous avions avec nous depuis Marseille, que le P. Doucet et moi nous montâmes sur le bateau anglais, à destination de Ingkow. Le bon et vénéré Mgr Verrolles nous reçut d’une manière tout à fait cordiale. »
Peu de temps après, les nouveaux missionnaires étaient près de Mgr Ridel, à Notre-Dame des Neiges, poste d’attente en Mandchourie, d’où se préparaient les expéditions apostoliques pour la Corée. Ils commencèrent à y apprendre la langue de leur future Mission.
« Au commencement de septembre 1877, Mgr Ridel nous avertit, le P. Doucet et moi, que nous avions à nous préparer pour l’accompagner en Corée. Le 4, après avoir récité les prières de l’itinéraire avec notre évêque, nous montâmes à cheval, et le 8, jour de la Nativité de la Sainte Vierge, nous nous embarquions à un petit port, sur une jonque chinoise qui devait nous conduire en vue des côtés coréennes. A la fin du troisième jour, nous étions en face de l’île ou devait avoir lieu le rendez-vous. Pendant deux jour nous attendions en vain la barque chrétienne qui devait simuler la pêche et nous recevoir. Le deuxième jour, à la tombée de la nuit, Mgr Ridel ordonna aux barquiers chinois de mettre à la mer la petite chaloupe, et en y faisant monter notre maître de langue, Kouen Thaddée, il lui recommanda d’accoster, de chercher tel chrétien, de s’informer près de lui au sujet de la barque attendue. Si celle-ci était arrivée, Thaddée devait monter sur la montagne, y allumer une torche et la tenir ainsi allumée quelque temps ; si elle n’était pas arrivée, sa torche étant allumée, il devait l’éteindre quelques instants après, puis la rallumer ; enfin si, arrivée, la barque portait de mauvaises nouvelles : persécution, péril des deux missionnaires précédemment entrés, il devait agiter la torche en tous sens. »
« Nous attendîmes longtemps. Enfin, la torche parût, agitée en tous sens. Alors, tout pâle, Monseigneur se tourne vers nous : « Pas de chance, l’expédition est manquée. Nos confrères sont probablement massacrés ou en prison. Si c’est l’ordre de Dieu, que sa Volonté soit faite. » On se préparait à lever l’ancre dès que la petite barque serait de retour. Elle nous ramena Thaddée, très gai, et manifestant bruyamment sa joie. Tout allait pour le mieux. Il avait rencontré les barquiers envoyés par le P. Blanc. Ils étaient arrivés quelques heures plus tôt, et dans sa précipitation à nous avertir, Thaddée avait trouvé trop simple de faire ce qu’on lui avait dit, et avait agité la torche avec enthousiasme. »
Après s’être revêtus des habits coréens, les trois voyageurs passèrent sur la barque coréenne et naviguèrent le long des côtes pendant trois jours. Alors, en vue du village où ils devaient résider, MM. Doucet et Robert descendirent, la nuit, et Mgr Ridel continua vers Séoul. Le village désigné par le P. Blanc était composé de quatre maisons chrétiennes. Les deux jeunes missionnaires y firent leur apprentissage de la vie coréenne, dans une petite chambre qui leur servait de chapelle, salle à manger, chambre à coucher : par le manque absolu de meubles, elle s’adaptait facilement à ces divers usages. Ils durent apprendre à user de précautions pour ne pas être vus des païens, ne sortir habituellement que la nuit et non sans s’être assurés que personne de suspect ne se trouvait à proximité. Pour un tempérament comme celui de M. Robert, cette vie de réclusion dut être bien pénible ; ses souvenirs ne signalent guère que l’enthousiasme du jeune missionnaire enfin entré dans la terre promise.
Au mois de décembre, arriva l’ordre de Mgr Ridel à M. Robert de se rendre dans le Kangouento, au village de Komeikol : il devait y commencer l’enseignement du latin à quelques enfants que l’évêque destinait au séminaire projeté, y continuer l’étude de la langue et faire ses débuts dans l’exercice du ministère auprès des fidèles du village. Deux jours de voyage, les jambes croisées dans la chaise de deuil, et notre P. Achille se trouva à sa nouvelle résidence.
Au jour de l’an coréen, il reçut la nouvelle de l’emprisonnement de Mgr Ridel, avec l’ordre de licencier ses séminaristes et de se retirer dans une cachette qu’il ne devait laisser connaître qu’à un ou deux chrétiens, chargés des communications.
Le lendemain matin, après avoir célébré la messe avant le jour, mis dans de grands vases en terre tous les objets européens, y compris le nécessaire de messe, et enterré le tout, M. Robert partit, avec son servant et son catéchiste, vers l’endroit que ces deux chrétiens avaient déterminé, dans le district de Koksan.
Pendant plusieurs mois, sans chapelle, même sans bréviaire, n’ayant que le nécessaire d’Extrême-Onction et son chapelet, il partagea sa vie entre l’étude de la langue, l’instruction et la confession des rares chrétiens de sa solitude et la prière. Il ne resta pas longtemps du reste dans cette première cachette. Le catéchiste de Séoul, à qui il avait fait connaître sa résidence, lui fit savoir, avec les tristes détails de l’emprisonnement de l’évêque dans la prison des voleurs, que les satellites étaient sur les traces de quelques missionnaires dispersés dans le pays ; que Koksan n’était pas assez sûr, et que le P. Kim (c’est le nom coréen de M. Robert) devait au plus tôt se réfugier ailleurs. Il partit chez un chrétien Kim François, dont le fils vient de célébrer cette année le 25e anniversaire de son sacerdoce. Retiré dans une vallée très sauvage, au district de An Hpyen, loin de toute habitation païenne, pendant deux mois il y instruisit, baptisa et confirma les membres de la famille de son hôte qui n’étaient pas encore chrétiens. Mais il dut s’enfoncer plus avant dans les grandes montagnes. A une journée de là, on avait trouvé trois paillotes que les habitants avaient abandonnées, après que deux d’entr’eux avaient été dévorés par le tigre et qu’ils vendirent presque pour rien. Il put enfin faire venir ses bagages de messe et eut la consolation d’offrir le Saint-Sacrifice et de dire de nouveau son bréviaire. Ses élèves, rappelés par lui, vinrent le rejoindre et reprirent leurs études de latin ; la vie devenait supportable.
M. Blanc que Mgr Ridel, avant d’entrer en prison, avait nommé provicaire, put indiquer à MM. Robert et Doucet un village où ils pourraient se rendre pour se confesser et échanger leurs impressions sur ces débuts mouvementés. Il y avait neuf mois qu’ils s’étaient quittés. On s’imagine aisément la joie de cette rencontre. L’entrevue dura deux jours et chacun regagna sa montagne.
Lorsque, sur l’intervention du représentant de la France à Pékin, Mgr Ridel eût été reconduit à la frontière de Chine, le danger de persécution sembla écarté. Tout en recommandant de rester caché, le Provicaire fixa à M. Robert son itinéraire de visite des chrétientés. Il lui indiqua comme résidence ultérieure un village plus à proximité des communications et où les séminaristes pouvaient être plus facilement réunis : c’était le village d’Orikol, au district de Sakryeng, dans la province du Kyeng-keui.
De ce moment et pour de longues années, commence pour notre missionnaire la vie ordinaire de l’administration qui, sur des étendues considérables, se poursuivait toute l’année. Au printemps de 1880, après l’arrestation de M. Deguette et son expulsion de Corée, il ne restait plus dans la Mission que 3 missionnaires : MM. Blanc Doucet et Robert. MM. Mutel et Liouville devaient y entrer peu après, mais pendant longtemps tous furent surchargés. Dans ces conditions, il était impossible à M. Robert de s’occuper utilement des séminaristes on les renvoya dans leurs familles, jusqu’au moment où ils purent être dirigés sur Penang.
Dans les souvenirs de M. Robert, les détails de ses voyages, les péripéties souvent dangereuses sont racontés avec le charme qu’il savait mettre dans ses récits. Ils fournissent pour l’histoire de nos chrétientés des renseignements précieux, mais ils ne peuvent trouver place ici. Nous ne le suivrons pas dans les nombreuses résidences qu’il occupe de 1881 à 1885
A cette date, le nombre de missionnaires ayant heureusement augmenté, les visites de notre confrère furent restreintes à la province de Kyengsyang to où, après Sinnamoukol et Saipangkol, il devait finalement fixer sa résidence à Taïkou, en 1891. Avant de le laisser raconter lui-même dans quelles circonstances il prit possession de la capitale de la province du Sud, dont on l’appela plus tard le « Gouverneur inamovible » empruntons à ses souvenirs le récit d’un petit événement qui fut pour lui cause de grande joie.
« Au printemps de 1888, Mgr Blanc, qui avait succédé à Mgr Ridel m’écrivit de me rendre à Séoul. « La raison pour laquelle je vous ai fait venir, me dit Sa Grandeur, est que je veux vous permettre d’aller voir votre frère Léon qui vient d’arriver à Shanghai comme sous-procureur. Pour que le P. Doucet qui est arrivé avec vous en Corée ne soit pas jaloux, je lui permets de vous accompagner. Ce sera pour lui aussi quelques jours de vacances bien méritées. » J’étais loin de m’attendre à une aussi agréable surprise. Nos effets laissés en Mandchourie nous ayant été envoyés à Séoul, nous pûmes, mon compagnon et moi retrouver chacun une soutane, un camail, un chapeau et une paire de souliers européens. Nous arrangeâmes tant bien que mal, sous la coiffure européenne, nos cheveux relevés à la manière coréenne, en toupet au sommet de la tête, et nous nous embarquâmes sur un vapeur à Chemulpo. Bien entendu, je n’aurais pu reconnaître mon frère qui n’avait pas onze ans lors de mon départ. Quelles émotions en le retrouvant missionnaire aussi ! Nous passâmes quinze jours ensemble, puis je repartis avec mon compagnon, en retournant en Corée par Nagasaki. »
Le 21 juin de l’année suivante, Mgr Blanc mourait, et le 23 février 1891, Mgr Mutel revenait de Paris à Séoul prendre sa place, à un moment où, à la suite des traités conclus avec les puissance étrangères, le « Royaume Ermite » s’ouvrait enfin. Mais il s’ouvrait à regret.
« A la fin de février 1891, écrit M. Robert, je fus appelé pour un malade à la ville de Taïkou. Je n’y étais jamais entré de jour, par prudence ; mais le cas pressait. Je m’y rendis dans mon habit de deuil. Comme je passais sur la place du marché, plusieurs individus me regardèrent attentivement et je les entendis murmurer : « Ce noble en deuil n’est certainement pas Coréen. » Je ne fus pas inquiété, mais je fus suivi et, la nuit suivante, une bande envahit le village, maltraita les chrétiens, et se mit, sous prétexte de chercher l’Européen, à vouloir procéder au pillage. On réussit à les chasser. Le lendemain, fort du passeport que nous avait remis M. le Ministre de France, je me rendis à cheval, et pour la première fois en soutane, chez le mandarin, accompagné de mon servant soi-disant interprète, également à cheval. Une foule immense s’assembla, poussant des cris hostiles et nous jetant des pierres. J’envoyai mon passeport au mandarin, attendis vingt minutes et un valet me rapporta le passeport que le mandarin renvoyait en refusant de me recevoir. Naturellement, l’hostilité de la foule en fut renforcée, et jusqu’au palais du gouverneur où je me rendis de suite, je fus escorté des injures et des pierres d’une foule qui grossissait à chaque instant. Le gouverneur refusa de recevoir le passeport. C’était le prince Min, proche parent de la reine. Alors, la foule se rua sur mon domestique et les chevaux. Les coups de bâtons tombèrent dru sur eux. Dans la chambre des satellites où l’on m’avait fait entrer, un prétorien me dit : « Tâchez de disparaître sans retard. Le Gouverneur vient de me donner l’ordre de vous expulser de la Province. Si la foule l’apprend et que vous soyez encore là, elle vous massacrera. » Je sortis précipitamment de la chambre, mais au lieu de me sauver, ce que du reste je n’aurais pu faire, je courus à la chambre du Gouverneur. Quand il me vit et surtout, quand il m’entendit parler Coréen, il pâlit, et finalement me donna une escorte de six soldats. Je partis pour Séoul, conduit par cette escorte. La première nuit que nous passâmes à l’auberge, après les avoir fait boire, je réussis à sortir, et ayant pu me procurer un peu d’argent chez les chrétiens, je me rendis à petites journées à la capitale où j’arrivai, toujours en soutane, mais en assez piteux état. M. Colin de Plancy prit vigoureusement l’affaire en mains, voulant réprimer la violation du traité, faite au lendemain de sa signature. Menacé de l’arrivée d’un bateau de guerre, le gouvernement Coréen céda ; le Gouverneur fut destitué, et je dus être reconduit, avec une escorte d’honneur, à la ville de Taïkou d’où j’avais été ignominieusement chassé. »
Ainsi rentré à Taïkou, M. Robert eut la bonne idée de s’y installer. Il acheta une maison. La notoriété que cet événement lui avait donnée ne contribua pas peu à établir ses bonnes relations avec les indigènes, et aida beaucoup au développement de cette chrétienté, qui est aujourd’hui une des plus considérables du pays.
Il travailla trente ans à Taïkou, s’occupant également de l’administration des chrétientés du district d’abord très vaste, mais qui alla en diminuant, à mesure qu’on en détachait de nouveaux centres. Finalement il n’eut plus à administrer que la ville même. Ce long séjour fut un élément de succès. Tout le monde à Taïkou connaissait le « Kim sin pou ». Que de fois les prédicants de l’hérésie, venus quand il n’y avait plus rien à craindre, s’entendirent répondre par les païens qu’ils exhortaient : « Si nous nous décidons à faire de la Religion, c’est celle du « Kim sin pou » que nous ferons ; lui, nous le connaissons depuis longtemps, et nous savons le bien qu’il fait. »
Il faisait, en effet, beaucoup de bien. Personnellement il n’a jamais su tenir à l’argent, et il avait un réel talent pour en trouver. Ecrivant volontiers, très intéressant dans ses lettres, il s’attachait ses correspondants par une affection durable, et Dieu sait les charités qu’ils lui ont faites ainsi, que celles qu’il a faites lui-même grâce à eux. Par le prestige que lui avait acquis sa rentrée à Taïkou, non moins que par les bonnes relations qu’il entretint avec tous les gouverneurs et mandarins, par l’adresse avec laquelle il sut avoir une influence sur les prétoriens qui, étant inamovibles, gouvernaient en fait beaucoup plus que les gouverneurs et les mandarins, il évita à ses chrétiens les mauvais traitements auxquels les exposaient leur faiblesse. Cela permit à plusieurs d’entr’eux, bien doués pour le commerce et sérieux, de réaliser une assez belle fortune. Comme il sut les conserver excellents chrétiens, il trouva en eux d’excellents collaborateurs. Assez fréquemment, à l’occasion d’une grande fête, ils faisaient aux pauvres de la ville des distributions de riz et mettaient cela au compte du Père Kim, c’est-à-dire présentaient ces largesses comme faites par lui.
Un autre élément de succès lui venait de son caractère. Nous l’avons vu confesser lui-même les défauts de légèreté qu’on lui reprochait dans ses jeunes années. On ne corrige jamais complètement son tempérament, et si M. Robert le corrigea très suffisamment pour être, dans toute la force du terme, un missionnaire sérieux, il en conserva la disposition de ne jamais prendre les choses au tragique. Très affecté sur le moment, grâce à cette espèce de versatilité, il était vite sorti de la tristesse. Les chrétiens savaient que sa mémoire était courte pour la sévérité, et si plusieurs en abusèrent, si la fermeté nécessaire s’en ressentit souvent, ces défauts n’étaient que l’excès d’une qualité. Aimant à causer et parlant admirablement la langue coréenne, il avait toujours chez lui une foule de gens, chrétiens et païens ; son servant, à la fois lettré renommé et homme de foi profonde, lui amenait les visiteurs et continuait l’œuvre commencée par la sympathie qu’avait provoquée le contact du missionnaire. Beaucoup d’employés du mandarinat et du palais du Gouverneur sortis de charge, entrèrent dans l’Eglise par cette porte, et la chrétienté de Taïkou comprend pas mal de fidèles de bonne condition sociale qui vinrent à Dieu pendant cette période.
Il construisit une église de style pagode, ne pouvant encore, du moins il le croyait, élever un bâtiment en briques. Sa maison fut dans le même style. Les peintures et décorations furent exécutées par une équipe de bonzes, dont deux se convertirent à cette occasion. On considérait ce monument comme le plus beau de Taïkou. A la bénédiction de l’église qui eut lieu à Noël 1898, toutes les autorités du pays assistèrent à la cérémonie et au banquet qui suivit. Ce fut une manifestation grandiose.
Deux ans après, un incendie dont la case n’a jamais pu être exactement connue, détruisit entièrement ce premier sanctuaire de Notre-Dame de Lourdes. Ce fut un coup terrible pour le missionnaire, mais il ne fut pas longtemps dans l’abattement. Dès le lendemain presque, il disait : « En effet cette église pagode n’était pas digne de la Mère de Dieu ; c’est une bonne chose qu’elle soit détruite, nous allons la reconstruire en briques. » Il en vint à bout, non sans difficultés, et c’est cette église à deux clochers qui devait devenir l’église principale ou quasi-cathédrale de la nouvelle mission de Taïkou, en 1911.
Quand le Vicaire Apostolique arriva en juin de cette année, M. Robert se leva pour la cérémonie de réception et se recoucha de suite. Depuis plusieurs semaines il était malade. A plusieurs reprises déjà, il avait dû interrompre son travail, aller même au Sanatorium. Très robuste, il ne prenait pas de précautions. Il ne sut jamais en particulier commander à son estomac. Celui-ci devenu capricieux se révoltait depuis de longues années. Le lendemain de son arrivée, le nouvel évêque fit venir un médecin qui déclara le malade atteint du « sprou ». M. Robert partit de suite pour la France.
Lorsqu’il en revint, en 1913, il semblait entièrement guéri. Il reprit sa place à Taïkou, secondé par M. Saucet qui devait inopinément le précéder dans la tombe. Mais les symptômes de la maladie ne tardèrent pas à reparaître. En 1919, conscient qu’il n’était plus capable de donner des soins assez réguliers à la chrétienté toujours grandissante, il demanda et obtint de prendre sa retraite. Après quelques mois passés à Hongkong, il s’installait à l’évêché où il n’eut plus d’autre préoccupation que de se préparer à la mort.
En octobre 1921, il eut la grande joie de recevoir la visite de son frère Léon, Procureur général, qui devait partir en France comme premier assistant de Mgr le Supérieur de la Société. Ce fut une entrevue bien agréable à la fois et bien pénible, car tous deux savaient qu’ils ne devaient plus se revoir ici-bas.
Voici en quels termes le Bulletin de la Mission porta aux confrères le récit des derniers moments de notre doyen :
« Le Père Robert nous a quittés le lundi 2 janvier 1922, à 4 h. 20 du soir, dans la 69e année de son âge, 23 jours avant le 45e anniversaire de son départ de Paris pour la Corée.
Sa mort n’était inattendue pour personne, pour lui moins que pour tout autre. S’y préparant depuis de longs mois, muni de tous les secours de la Religion, il en parlait comme d’une chose toute naturelle, l’attendait sans anxiété, la voyait approcher sans étonnement. Ses dispositions matérielles étaient prises dans les détails : « J’ai deux bonnes soutanes, disait-il tout dernièrement au Procureur ; pour m’ensevelir, vous prendrez la troisième qui est usée, les deux bonnes iront à tel confrère. »
Depuis Noël il baissait beaucoup. Le matin du jour de l’an, nous allâmes tous lui souhaiter la bonne année. Il nous reconnut, nous remercia et nous laissa voir qu’il se rendait compte que ce jour, probablement le dernier des années d’ici-bas, serait pour lui le premier d’une année qui ne finirait pas. Le lendemain matin, à 8 h. ½ , l’agonie commença. Monseigneur lui suggéra l’abandon de la vie à Dieu et les autres actes du moment suprême. En pleine connaissance, d’une voix encore forte mais insuffisamment articulée déjà, il répétait après l’évêque les paroles suggérées. Il reçut une dernière absolution, et posément, car nous savions avoir le temps, nous commençâmes les belles prières de la recommandation de l’âme. Cette agonie fut bien une lutte : la lutte, pour sa conservation, d’un organisme qui se souvenait d’avoir été très robuste. Elle dura huit heures, sous le regard attristé des confrères qui se remplaçaient près de lui, impuissants.
A 4 h. 20, un de ces vomissements qui avaient été la croix des derniers mois, s’acheva dans un hoquet et la tête retomba inerte sur l’oreiller. Monseigneur et tous les confrères présents à l’évêché récitèrent la prière : egressa anima ; le doyen de la Mission venait de la quitter.
Moins de deux heures après, revêtu des ornements, il semblait dormir sur le lit funéraire qui avait été dressé dans le grand Hall de la « Jeunesse Catholique ». Déjà accouraient de toutes les parties de la ville les fidèles, hommes et femmes. Constamment très nombreux, le jour et les deux nuits jusqu’aux funérailles, ils sont venus rendre au Père, à leur Père, à celui qui, de presque rien, fit, en trente ans de labeur, la belle chrétienté de Taïkou, à celui qui les a baptisés presque tous, l’hommage de leur gratitude par une prière ininterrompue.
Le lendemain soir, arrivait de Séoul, Sa Grandeur Mgr Mutel, le condisciple de la rue du Bac, le compagnon des temps de contrebande apostolique, pendant 21 ans l’évêque et toujours l’ami intime du défunt, Mgr Mutel qui reste le seul survivant du départ coréen de 1877. Son provicaire, le P. Poisnel, le plus ancien, après Sa Grandeur, des confrères du P. Robert, venait aussi partager notre deuil. On les attendait pour fermer le cercueil. Evêques, prêtres, séminaristes, chrétiens et chrétiennes, pressés dans la grande salle, portèrent un dernier regard ému sur la figure vénérée que l’on recouvrit à jamais.
La cathédrale de Taïkou vit, le 4 janvier la plus imposante cérémonie qui y ait jamais eu lieu… A 8 h. ½ le cortège quittait l’évêché. Toutes les écoles, les religieuses, les séminaristes, le chœur des hommes, chantant sur tout le parcours les prières coréennes, la croix, le provicaire de la Mission et ses ministres précédaient. Le corbillard construit exprès, noir, aux insignes chrétiens, était porté sur les épaules de 28 jeunes gens catholiques, tous vêtus de noir et coiffés du bonnet de deuil coréen… Evêques, missionnaires et prêtres indigènes, puis les hommes et enfin les femmes suivaient en foule interminable dans un silence et une gravité rares en Corée et la procession, lente, s’avançait dans les rues tortueuses et étroites, où l’ancien curé de Taïkou passait à la hauteur des toits de chaume.
Les Matines des Morts furent psalmodiées en entier et les Laudes chantées. Le Vicaire Apostolique de Taïkou célébra pontificalement la messe d’enterrement, et Mgr Mutel donna l’absoute. L’exécution du chant grégorien par les séminaristes de Saint-Justin ne laissa rien à désirer.
Le cortège reprit, dans le même ordre, le chemin du cimetière de l’évêché. C’est là que repose notre cher et. regretté Père Robert…Chaque jour notre cimetière reçoit au moins une visite et nos défunts un « de profundis ». Combien de fois le P. Robert lui-même n’a-t-il pas médité, devant la grande croix de granit qui protège les tombes et pensé à l’espérance qui est inscrite sur son socle : Tunc parebit signum Filii hominis in Cœlo !
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Références
[1318] ROBERT Achille (1853-1922)
Références bio-bibliographiques
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