Gustave MUTEL1854 - 1933
- Statut : Vicaire apostolique
- Identifiant : 1320
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Identité
Naissance
Décès
Consécration épiscopale
Autres informations
Missions
- Pays :
- Corée
- Région missionnaire :
- 1877 - 1885
- 1890 - 1933
Biographie
[1320] Gustave Mutel naît à Blumery, près de Doulevant (Haute-Marne) dans le diocèse de Langres le 8 mars 1854, de Nicolas Mutel et de Catherine Jacquin, cultivateurs.
Il fait ses études secondaires au collège de Joinville puis au petit séminaire de Langres, se montrant partout sérieux et brillant élève. Il entre ensuite au grand séminaire de Langres, où il reçoit la tonsure. Entré au séminaire des MEP le 4 octobre 1873, il étudie à Rome, puis il est ordonné prêtre le 24 février 1877. Destiné à la Corée, il quitte Paris le 5 avril 1877.
Ayant été chargé d'étudier la marche à suivre dans les causes en béatification, au cours de son voyage vers la Corée, il s'arrête au Tonkin pour s'informer, car l'instruction d'une cause est en cours dans cette mission. La suite de son voyage le conduit en Mandchourie où il arrive en décembre 1877. Il y étudie un peu les caractères chinois et coréens. Il se rend ensuite au Japon pour s'informer de ce qui y a été fait en vue de la béatification des martyrs de ce pays.
Rentré en Mandchourie, il s'occupe de la chrétienté dite de N.D des Neiges aux environs de Tcha-keou. Depuis la grande persécution de 1866 en Corée, cette localité a été le refuge des missionnaires de Corée qui ont échappé à la persécution, ou « Salle d'attente » pour ceux qui cherchent à y entrer.
Le P. Mutel fait avec le P. Liouville, en mai 1880, une première tentative pour entrer en Corée sur une barque chinoise qui doit rencontrer une barque coréenne aux abords de l'île Tai-chong (qui se trouve à quelques milles au sud de l'île Paik-ryong à environ 37°45 N et 125°15 O). Ils ont beau attendre plusieurs jours, hisser les signaux convenus et prendre de gros risques, ils ne rencontrent pas les Coréens qui devaient les mener à terre, et retournent en Mandchourie.
Corée (1880-1885)
Six mois plus tard, toujours avec le P. Liouville, le P. Mutel fait une nouvelle tentative pour entrer en Corée et réussit, le 12 novembre 1880, à entrer dans la province du Hoang-hai et à débarquer à Thai-than, au fond du Golfe Tai-dong qui sépare les deux arrondissements de Jang-yon et de Ong-jin.
Après avoir passé deux mois avec le P. Liouville dans une maison chrétienne de ce village de Thai-than, le P. Mutel se rend en janvier 1881 à Paik-chon, dans l'arrondissement de Yon-baik et du Kyung-ki , sur la rive droite du fleuve Han, pour rencontrer le P. Robert, qui est en Corée depuis trois ans et demi. Il y reste quelques semaines puis, à la suite d'une alerte, se rend à Séoul pour se cacher dans une petite maison chrétienne. Il y retrouve le P. Liouville qui, en mars 1881, a été capturé puis miraculeusement libéré. Une fois le danger passé, le P. Liouville part en province tandis que le P. Mutel est chargé de l'administration des chrétiens de Séoul, ainsi que de la procure de la mission. Il doit prendre beaucoup de précautions dans son travail, et changer souvent de domicile.
France (1885-1890)
Au printemps de 1885, le P. Mutel doit quitter la Corée : il est rappelé à Paris comme professeur de dogme et de liturgie et comme représentant des missions du Japon, de Corée et de Mandchourie au conseil des MEP. Durant son séjour à Paris, où il passe pour un modèle de vrai missionnaire, il négocie avec la maison-mère des religieuses de St Paul de Chartres l'envoi de religieuses en Corée. Les premières religieuses arrivent en juillet 1889.
À la suite du décès de Mgr. Blanc en février 1890, le P. Mutel est nommé évêque titulaire de Milo et vicaire apostolique de Corée en août 1890. Il est sacré dans la chapelle de la rue du Bac le 21 septembre suivant, le jour anniversaire du martyre de Mgr. Imbert, du P. Maubant et du P. Chastan en 1839.
Une semaine après son ordination épiscopale, Mgr. Mutel ordonne 36 nouveaux missionnaires, dont les pères Chargeboeuf et Dutertre, qui vont faire avec lui le voyage de Corée. Le 14 décembre 1890, Mgr. Mutel s'embarque à Marseille ; il s'arrête quelques jours pour visiter le Collège général de Pinang, puis arrive à Séoul le 23 février 1891, ouvertement, et chaleureusement accueilli par les chrétiens. Il ne lui est pas nécessaire de se cacher comme il avait dû le faire 11 ans plus tôt ; les temps ont changé et l'Église a acquis une certaine liberté, fragile toutefois.
Retour en Corée (1891-1933)
Mgr. Mutel constate rapidement l'étendue des transformations qui sont intervenues durant les 6 dernières années dans la vie politique et sociale de la Corée, dans la vie pratique des missionnaires et des chrétiens. Désormais, il est mêlé de près à tous les développements religieux dans le pays, mais il prend soin de n'être que témoin, ou à la rigueur conseiller, pour tout ce qui se passe par ailleurs. Malgré des sollicitations répétées, il se garde bien de se laisser entraîner dans les affaires politiques et se borne, dans ses relations avec le monde officiel, à la défense et à la sauvegarde des intérêts de l'Église.
Dans son action pastorale, Mgr. Mutel se conforme aux objectifs fondamentaux des MEP . Il se préoccupe donc beaucoup de la formation du clergé local et, à cet effet, renforce les assises du Séminaire, qui a été déplacé par Mgr. Blanc et le P. Maraval en 1887 du "trou de hiboux" où il se trouvait vers le quartier de Yong-san, dans la banlieue ouest de Séoul (1), l'agrandit en 1911, puis encore en 1914 ; finalement, il sépare le grand séminaire, qui reste à Yong-san, et le petit séminaire qui est établi dans le quartier de Hyé-hwa-dong, dans le nord-est de Séoul.
Durant son épiscopat, Mgr. Mutel ordonne 64 prêtres coréens. Il s'occupe de près de son troupeau, qui s'agrandit : entre 4 à 5 000 personnes par an en moyenne ; il visite tour à tour non seulement les chefs-lieux de districts, mais encore les chrétientés secondaires, ou dessertes, qui en dépendent, confessant, prêchant, donnant les sacrements, comme le fait tout missionnaire. Il divise les districts et établit de nouveaux postes autant que faire se peut.
C'est ainsi que de nouveaux postes sont fondés : à Chon-ju, capitale de la province du Chon-la septentrional en 1891, à Pyong-yang, capitale de la province du Pyong-An méridional, en 1895, à Won-ju, ville importante de la province du Kang-won en 1896, à Sa-ri-won, capitale de la province du Hoang-hai, en 1900, etc.
Cependant, il fonde aussi des postes dans les campagnes, non seulement dans des bourgades, mais encore dans des "trous perdus" comme :
- Mi-ri-nai, en 1896 où se trouvent les tombeaux de Mgr. Ferréol et du P. André Kim, premier prêtre coréen, et futur bienheureux, puis saint,
-Ha-ou-hyen, au sud de Séoul en 1900,
- Haing-ju, au nord-ouest de Séoul, en 1905, etc….
En conséquence, lors de l'annexion de la Corée par le Japon en 1910, il y a dans le pays 69 postes missionnaires, dont certains ont leur église et leur presbytère solidement construits, et 73.000 chrétiens ; en comparaison, lors de son arrivée comme vicaire apostolique en 1891, il n'y avait guère de poste établi et pas plus de 20.000 chrétiens en tout. En 1891, il n'y avait aucun prêtre coréen, mais il y en a 15 en 1910.
Les progrès se poursuivent dans ces divers domaines, mais Mgr. Mutel, tout en conservant le même objectif, et pour mieux réaliser cet objectif, va faire porter ses efforts dans une autre direction : la multiplication des vicariats apostoliques. En 1911, il obtient la création du vicariat de Taegu, encore confié aux MEP, et qui recouvre les quatre provinces méridionales du pays. En 1920, est créé le vicariat apostolique de Won-san, qui recouvre les deux provinces du nord-est du pays et la région du Kan-to en Mandchourie, et qui est confié aux Bénédictins allemands qu'il a fait venir en Corée en 1909. En 1923 arrivent des missionnaires de Maryknoll pour prendre la responsabilité des deux provinces du nord-ouest, en préparation de la création de la préfecture apostolique de Pyong-yang, qui s’effectue en 1927.
Entre-temps, en 1920, Mgr. Mutel a obtenu un jeune coadjuteur en la personne de Mgr. Devred, à qui il confie la direction des affaires pratiques de la mission. Lorsque Mgr. Devred décède inopinément en 1926, il s'empresse d'obtenir un nouveau coadjuteur, à qui il confie également la marche du vicariat de Séoul.
En 1928, il crée un vicariat forain dans la province du Hoang-hai en vue de préparer l'érection d'une mission indépendante confiée au clergé coréen, mais la tournure des événements en Corée ne permettra pas la réalisation de cet espoir. En revanche, avec la béatification de 79 martyrs en 1925, les efforts qu'il a entrepris dès les premiers jours de sa vie missionnaire sont récompensés, et le souhait "Florete, flores martyrum" qu'exprime sa devise épiscopale devient réalité.
En 1921, il travaille toujours en vue de cette béatification, traduisant les archives nationales coréennes du siècle précédent.
En 1931, à 77 ans, Mgr. Mutel réunit à Séoul un Concile Régional que préside le Délégué apostolique au Japon, et auquel participent les 3 vicaires apostoliques de Séoul, Taegu et Won-san, les deux préfets apostoliques de Pyong-yang et de Yeu-kil ; cette dernière préfecture, détachée du vicariat de Won-san, est située dans la région du Kan-to, en Mandchourie, et peuplée surtout de Coréens ; le Concile compte aussi les vicaires forains des provinces du Chon-la et du Hoang-hai ainsi que des délégués du clergé de chaque circonscription. Ce Concile Régional décide notamment la publication d'un directoire commun à toutes les missions de Corée, d'un catéchisme national, etc.
Le 12 janvier 1933, Mgr. Mutel prend froid durant sa prière devant le Saint Sacrement. Une bronchite se déclare, suivie d'une congestion pulmonaire qui ne cesse de s'aggraver, malgré les soins dispensés. Après avoir reçu les derniers sacrements des mains de Mgr. Larribeau, son coadjuteur, Mgr. Mutel rend son âme à Dieu le 23 janvier 1933.
(1) la notice nécrologique, au bas de la page 239 du C.R. de 1934 contient une double erreur : cela s'est fait en 1887, et non pas en 1890; cela s'est fait du temps de Mgr. Blanc et non pas du temps de Mgr. Mutel. D'ailleurs en 1890, Mgr. Mutel ne se trouvait pas en Corée.
Nécrologie
Notices Nécrologiques
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Mgr MUTEL
VICAIRE APOSTOLIQUE DE SÉOUL.
Mgr MUTEL (Gustave-Charles-Marie) né à Blumery (Langres, Haute-Marne) le 8 mars 1854. Entré tonsuré au Séminaire des Missions-Étrangères le 11 octobre 1873. Prêtre le 24 février 1877. Parti pour la Corée le 5 avril 1877. Evêque de Milo et Vicaire Apostolique de Séoul en 1890. Mort à Séoul le 23 janvier 1933.
Gustave-Charles-Marie Mutel naquit à Blumery (Haute-Marne) le 8 mars 1854. Une sœur et un frère l’avaient précédé, et un autre frère le suivit en 1862. Cultivateurs aisés, les parents travaillaient eux-mêmes leur bien ; laborieux et durs à la peine, ils ne laissaient pas leurs enfants vivre en paresseux, et les associaient à leurs travaux. Jusque sur ses vieux jours Mgr Mutel aimait à rappeler avec complaisance le temps où il aidait son père aux travaux des champs.
Les trois fils reçurent une bonne instruction soit au collège de Joinville, dont un oncle maternel avait la direction, soit au petit séminaire de Langres. Gustave Mutel se montra partout sérieux et brillant élève, et c’est à juste titre qu’à la fin de sa rhétorique, son Supérieur le qualifiait de « clerc fort distingué ».
Le petit séminaire de Langres était en ces temps une vraie pépinière d’apôtres ; pendant les trois ans que Gustave Mutel en fut l’élève, on ne compte pas moins de douze vocations apostoliques, y compris la sienne. C’est donc un sujet d’élite que Langres envoyait à Paris en 1873. Il n’est pas douteux que M. Mutel se montra au Séminaire des Missions-Étrangères comme à Langres, « clerc fort distingué », puisqu’il fut désigné pour aller à Rome tenir compagnie à M. Rousseille, procureur de la Société.
M. Mutel fut ordonné prêtre le 24 février 1877 et reçut sa destination pour la Corée. Deux autres missionnaires, MM. Doucet et Robert venaient de s’embarquer un mois plus tôt pour la même Mission, et étaient encore en route pour rejoindre MM. Blanc et Deguette, les deux seuls missionnaires qui avaient pu pénétrer en Corée l’année précédente.
Après la terrible persécution de 1866, pendant dix ans, cette Mission avait été privée de pasteurs, malgré les courageuses tentatives faites par de nouveaux ouvriers apostoliques pour y pénétrer. En 1877 la situation n’avait pas beaucoup changé ; l’édit de persécution n’était pas rapporté ; les persécuteurs vivaient encore et toujours régnait le même état d’hostilité contre l’étranger. Aucune puissance n’avait encore imposé de traité au « Royaume ermite ». M. Mutel pouvait donc considérer à bon droit comme glorieux à tous les titres la part de son héritage. Il devait pourtant attendre plus qu’il n’eût voulu avant d’en prendre possession.
A cette époque, le Séminaire de Paris, désireux de voir glorifier les nombreux martyrs de Corée, chargea M. Mutel de se mettre au courant de la marche à suivre dans les procès des causes de béatification, et dans ce but, l’envoya au Tonkin, autre terre classique du martyre où il pourrait prendre une leçon de choses, l’instruction d’une cause étant justement un cours. Déjà M. Mutel avait été initié à ce genre de travail pendant son séjour à Rome.
Après plusieurs mois passés au Tonkin, M. Mutel se rendit en Mandchourie avec l’espoir d’entrer sans retard dans sa chère Mission de Corée ; mais il lui faudra attendre trois longues années avant de réussir à y pénétrer. Cependant, il ne restera pas inactif ; il étudia la langue coréenne et les caractères chinois, et dès qu’il put parler suffisamment le langage du pays, il s’occupa de la chrétienté chinoise de Notre-Dame des Neiges.
Au printemps 1880, accompagné de M. Liouville, M. Mutel tenta une expédition qui échoua ; mais en automne tous deux se mirent de nouveau en route, réussirent à débarquer le 12 novembre dans la province du Hoang-hai-to, et s’installèrent à Tjyang-yen. Au mois de janvier 1881, M. Mut.el gagne Paik-tchyen, où il doit se rencontrer avec M. Robert. Il était encore dans cette région au printemps, lorsqu’une alerte vint l’obliger à se rendre à Séoul pour s’y cacher. Voici comment lui-même raconte son entrée dans la capitale : « Trois jours de « voyage en habit de deuil et en chaise. En passant la porte dite Sai-moun, à travers les « tentures de ma chaise, je vis d’immenses coutelas rangés au ratelier d’armes devant le poste « de garde. J’eus un frisson. Vingt minutes après nous arrivâmes dans une maison chrétienne, « où je fus installé dans une petite chambre bien retiré. J’étaie sauvé. » Cette unique chambre, il dut la partager bientôt avec M. Liouville, venu le rejoindre ; « on y était bien à l’étroit, on n’y pouvait causer qu’à voix basse et rire à l’étouffée, mais comme on le faisait de bon cœur. »
Bientôt M. Mutel est chargé officiellement de l’administration des chrétiens de la capitale et de la Procure. Quelle vie était la sienne ! « Par prudence, dit-il, nos chrétiens mêmes « devaient ignorer notre résidence ; le hasard la leur faisait-il découvrir qu’il leur était interdit « de la fréquenter, et la consigne était observée. Les catéchistes seuls nous tenaient en contact « avec le troupeau. Fallait-il administrer les sacrements ? la veille au soir, une fois la nuit « tombée, je me rendais dans la maison chrétienne choisie pour le lieu de la réunion ; le « lendemain j’entendais les confessions et le surlendemain, la messe célébrée avant le jour, je « gagnais soit un autre lieu de réunion, soit ma résidence... »
Malgré ces précautions, pendant les cinq années que M. Mutel passa à Séoul, il dut plusieurs fois changer de résidence. Dès cette époque les relations avec les puissances étrangères laissaient présager pour l’église de Corée un peu plus de liberté, et M. Mutel, tout en gardant les prudentes précautions en usage, n’épargnait pas les initiatives en ce sens. La vie très occupée qu’il menait lui plaisait beaucoup ; il trouvait tant d’occasions d’exercer son zèle et son savoir-faire ! Il s’était bien formé à tous les usages coréens jusque dans les détails et parlait une langue relevée ; la connaissance des caractères chinois qu’il avait acquise en Mandchourie, lui valait déjà la réputation de lettré. D’un air majestueux et d’un noble maintien ses confrères et les chrétiens l’appréciaient beaucoup ; comme pour le Supérieur de Langres il était pour tous un missionnaire « fort distingué. » Aussi quel regret en Corée, quand au printemps de 1885, M. Mutel fut rappelé à Paris comme Directeur du Séminaire. Lui-même, fort surpris et le cœur brisé, dut faire appel à tout son esprit de foi pour dire le Fiat de l’obéissance.
Pendant les cinq années qu’il resta à Paris, M. Mutel enseigna le dogme et la liturgie et fut dès le début chargé du secrétariat du Conseil, sans parler de la Procure des Missions du Japon, de la Corée et de la Mandchourie. D’une régularité parfaite dans tous les exercices de son règlement et dans sa vie de Directeur, M. Mutel passait aux yeux des aspirants pour un modèle du vrai missionnaire, mais son séjour au Séminaire devait être trop court pour laisser dans la maison une impression durable. Pour lui-même il garda toujours de cette vieille Maison et de ses collègues un très vif souvenir, inspiré par un sentiment de profonde vénération pour les Directeurs et un grand amour de la Société.
Même à Paris il était demeuré coréen de cœur ; sa grande joie était de recevoir des nouvelles de sa Mission. Il se tenait exactement au courant des événements qui allaient permettre à l’église de Corée de se montrer au grand jour ; il se réjouissait de voir naître des œuvres variées, telles qu’orphelinat, maison de vieillards, école de catéchistes. Lui-même négocia avec la maison-mère de Chartres pour faciliter l’installation des Sœurs de Saint-Paul à Séoul, lorsque le 21 février 1890, il reçut le télégramme annonçant la mort de Mgr Blanc, Vicaire Apostolique de la Corée. Lui-même deviendra le successeur de l’évêque défunt.
Nommé par le Saint-Père évêque titulaire de Milo et Vicaire Apostolique de Corée, Monseigneur Mutel s’adressant à « ses très chers confrères de Corée », exprimait ainsi les sentiments qui animaient son cœur d’apôtre : « ...C’est assurément avec une émotion pleine de « crainte et de tremblement que j’ai vu mettre sur mes épaules un fardeau qui épouvante les « saints ; mais je me hâte de dire que j’éprouve aussi un sentiment de joie très vive à la pensée « de revoir la Mission où j’ai laissé mon cœur, de retrouver mes bien-aimés missionnaires de « Corée, de revoir nos chers chrétiens »... Le bonheur d’être missionnaire en Corée, en faisant la volonté de Dieu, telle sera désormais la note caracté¬ristique de tout e sa vie.
Mgr Mutel fut sacré à Paris daims la chapelle du Séminaire le 21 septembre 1890 par S. E. le Cardinal Richard, Archevêque de Paris, et avec lui le nouvel évêque de Mayssour, Mgr Kleiner, reçut l’onction des Pontifes. Aussitôt après cette impressionnante cérémonie, Mgr Mutel écrivait à ses missionnaires et chrétiens de Corée pour les bénir et les assurer qu’il appartient pour toujours à sa chère Corée. « Daigne le Seigneur dans sa bonté, ajoutait-il, faire « que cette alliance soit aussi entièrement vouée à sa plus grande gloire. Je l’espère ainsi de sa « divine miséricorde dont j ai reçu tant et de si précieux gages, par l’intercession de nos « martyrs en qui après Dieu, j’ai mis tout mon espoir. J’ai cru devoir traduire ce sentiment « dans la devise que j’ai choisie, et qui sera : Florete Flores Martyrum.
Huit jours après son sacre, Mgr Mutel eut la joie de faire une grande ordination dans la chapelle du Séminaire ; les ordinands étaient nombreux : trente-six furent élevés au sacerdoce, et parmi eux MM. Dutertre et Chargebœuf qui devaient l’accompagner en Corée.
Le 14 décembre, le nouveau Vicaire Apostolique s’embarque à Marseille. Le voyage sans incident est coupé d’un arrêt à Singapore pour visiter le collège de Penang. Le 23 février, entrée à Séoul, mais non plus en cachette : l’Eglise de Corée est sortie des catacombes ; pour recevoir celui qui vient au nom du Seigneur, elle emprunte aux coutumes de l’Orient les plus pompeuses démonstrations. Voici enfin un épiscopat qui commence en plein jour : il durera quarante-trois ans.
L’évêque croyait être bien au courant des changements survenus en Corée ; cependant, une fois sur place, il doit constater que seule l’expérience personnelle permet de mesurer exactement l’étendue des transformations opérées dans la vie politique et sociale de la nation, dans la vie pratique des missionnaires et des chrétiens, dans les esprits surtout et les aspirations des générations nouvelles. Désormais, lui-même sera mêlé activement à tous les progrès religieux ; pour le reste, il se bornera à être témoin, quelquefois même conseiller. Malgré des sollicitations répétées et venant de haut, il ne se laissa pas entraîner dans les affaires politiques, n’entretenant des relations avec le monde officiel que pour défendre et sauvegarder les intérêts de l’Eglise.
Quant à son action pastorale, il faudrait, pour la faire connaître, écrire toute l’histoire de l’Eglise de Corée pendant ces 50 dernières années durant lesquelles il en fut le chef, et y consacrer de nombreuses pages, ce qui est pratiquement impossible ici.
Un des premiers actes de Mgr Mutel fut de décider, en 1890 l’érection du séminaire de la Mission à Ryong-san ; par deux fois dans la suite il dut l’agrandir ; puis séparer les petits des grands séminaristes et fonder deux séminaires distincts, afin de pourvoir à une meilleure formation de son clergé. Le nombre des prêtres coréens ordonnés par lui fut de 64. C’est grâce à eux qu’il put assurer l’administration de tous les districts ; car pendant une période de vingt ans environ, jusqu’en 1910, il vit son troupeau s’accroître de quatre à cinq mille âmes chaque année. Ce cher troupeau il le visitait aussi souvent et aussi longuement qu’il lui étai possible... Quel plaisir pour l’évêque de prendre à l’automne le chemin de la province ! il se retrouvait pour quelques mois sur le champ de travail qu’il aimait. Il parcourait les divers districts, s’arrêtant dans toutes les chrétientés, suivant le même itinéraire que le missionnaire en ses tournées, et comme lui, prêchant, confessant et administrant les sacrements. La fatigue inévitable de ces expéditions était acceptée vaillamment, et compensée par le plaisir d’approcher les chrétiens, de rendre service à ses missionnaires, et de jouir du progrès constant de la sainte religion.
Ces visites pastorales lui avaient permis d’acquérir une connaissance exacte de toute sa Mission, c’est-à-dire de toute la Corée. Aussi pour atteindre le troisième but de la Société, savait-il avec à propos diviser les districts, ou établir de nouvelles résidences, faisant ainsi luire aux yeux des infidèles la lumière de l’Evangile. Dans ces circonstances, de même qu’au moment des épreuves, qui ne lui manquèrent pas durant ce demi-siècle, Mgr Mutel agissait avec la plus grande prudence. Il disait lui-même : « Après moi vous aurez sans doute des évêques plus zélés ; vous n’en aurez probablement pas de plus prudents ». Cette qualité l’a peut-être empêché d’entreprendre des œuvres qui auraient pu réussir, mais elle l’a sûrement préservé de ne jamais exposer au moindre risque celles qu’il dirigeait. Sous sa direction toujours empreinte de modération et dictée par un jugement sûr, on pouvait avoir confiance ; on était en sécurité,
Malgré les obstacles suscités par le démon, l’Eglise de Corée faisait des progrès rapides, et le moment vint où Mgr Mutel songea à partager avec d’autres la responsabilité de l’évangélisation de son immense champ d’apostolat qu’était la Corée. En 1911, les quatre provinces du sud furent érigées en Vicariat, Apostolique confié encore à la Société des Missions-Étrangères, et en 1920 et 1927, les quatre provinces du nord devinrent deux Missions indépendantes, le Vicariat de Ouen-san et la préfecture de Hpyeng-yang. Il lui restait d’ailleurs assez de travail car les cinq provinces du centre constituent un vaste territoire. Trouvant que c’était encore trop pour lui seul, dès 1920 il supplia le Saint-Père de lui donner un coadjuteur, qui lui fut accordé en la personne de Mgr Dreved. Il se reposa dès lors entièrement sur son jeune Auxiliaire, et lui confia avec un désintéressement admirable toute la direction de la Mission. Hélas, c’était pour le perdre après seulement six ans de labeur. La mort de ce très aimé coadjuteur fut pour Mgr Mutel l’occasion de montrer cette parfaite égalité d’âme et cette maîtrise de lui-même qu’il puisait dans son esprit de foi et sa parfaite soumission à la volonté divine,
Il acceptait avec la même résignation les grandes peines et les contraintes de la vie quotidienne ; aussi était-il avec ses missionnaires d’un commerce agréable et réconfortant. Ceux-ci pouvaient entrer chez lui à n’importe quel moment de la journée, il était à eux ; s’il récitait son bréviaire, il le fermait aussitôt, et se mettait à leur disposition. La charité profonde dont il vivait se manifestait ainsi naturellement par bien des procédés pratiques, toujours empreints de délicatesse, de discrétion, d’indulgence aussi. Comme il était bon, et comprenait la faiblesse humaine, toujours prêt à excuser ! Comme il était simple, affable même avec les petits, avec les domestiques de la maison ! Tout cet ensemble, et le portrait est loin d’être complet, faisait de Mgr Mutel un personnage très grand dans sa simplicité. Personne ne s’y trompait, aussi prêtres et chrétiens éprouvaient-ils à son endroit des sentiments d’affection et de vénération qu’on imaginerait difficilement plus sincères et plus profonds.
Ce fut une bien douce joie pour tous quand le Saint-Père daigna honorer le Vicaire Apostolique de Séoul en le nommant Assistant au Trône Pontifical, et plus tard en lui conférant le titre d’Archevêque. De même on vit avec plaisir le gouvernement français rendre hommage à ce distingué Prélat en épinglant sur sa poitrine la Croix de la Légion d’honneur. Mgr Mutel laissait constater que ces distinctions ne lui étaient pas indifférentes, surtout parce qu’il y voyait un honneur pour l’Eglise de Corée... Mais l’événement qui remplit surtout son cœur d’allégresse, ce fut, en 1925, de considérer cette même Eglise tout à fait à l’honneur par la béatification de 79 de ses membres. Ce jour-là il vit en toute vérité « fleurir les fleurs des martyrs ». Il avait travaillé à cette cause depuis ses premières années de mission, et, quatre ans seulement avant la béatification, il y travaillait encore en traduisant du texte chinois les documents conservés dans les Archives coréennes. Ces pièces officielles, où sont rapportés les chefs d’accusation et les divers actes des tribunaux du temps de la persécution, sont des témoignages véridiques ; cette traduction fit à Rome une impression très favorable, et contribua dans une certaine mesure à hâter la proclamation de la Cause.
Une dernière joie de Mgr Mutel fut de voir se réunir en son évêché de Séoul le premier Concile Régional de Corée, sous la présidence de S. E. Mgr le Délégué Apostolique du Japon. Il mesurait alors le chemin parcouru, et en rendait à Dieu de ferventes actions de grâces.
Nous ne pouvons terminer cette notice sans parler du grand amour que Mgr Mutel eut toujours pour les cérémonies du culte. Son esprit de foi se manifestait là d’une manière plus saisissante encore qu’ailleurs. Il célébrait les offices avec une dignité et une maîtrise incomparables, et jusqu’à la fin il en préparait les cérémonies avec le plus grand soin.
Monseigneur Mutel allait atteindre sa quatre-vingtième année, lorsque le jeudi 12 janvier 1933, il prit froid durant la demi-heure consacrée à la prière perpétuelle de la Société qu’il passait toujours devant le Saint-Sacrement. Une bronchite se déclara suivie de congestion pulmonaire. Les soins les plus éclairés et les plus dévoués ne purent que retarder l’issue fatale ; l’auguste malade souffrait beaucoup, mais il supportait la douleur avec une patience et un esprit de foi qui édifiaient grandement son entourage. Après avoir reçu les derniers sacrements des mains de son Coadjuteur, Mgr Larribeau, le Vicaire Apostolique de Séoul rendit son âme à Dieu dans la matinée du 23 janvier 1933.
Ses funérailles, malgré l’inclémence de la température, furent très solennelles, et comme un magnifique témoignage de l’universelle sympathie dont jouissait l’illustre défunt, non seulement auprès des chrétiens mais aussi auprès des païens qui avaient pu le connaître...
Et maintenant du haut du ciel, que sa sainte âme nous aide par son intercession auprès de Dieu à réaliser de plus en plus le vœu de sa devise : Florete Flores Martyrum !
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Références
[1320] MUTEL Gustave (1854-1933)
Références bio-bibliographiques
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