Louis GROSBORNE1847 - 1910
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 1369
Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Inde
- Région missionnaire :
- 1878 - 1910 (Pondichéry)
Biographie
[1369]. GROSBORNE, Louis-Henri, né à Vesoul (Haute-Saône) le 24 novembre 1847, fit ses études au petit séminaire de Luxeuil, et au grand séminaire de Besançon. Après son ordination sacerdotale qui eut lieu le 1er septembre 1872, il fut vicaire à Belmont pendant quatre ans.
Il entra au Séminaire des M.-E. le 7 mars 1877, et partit pour Pondichéry le 16 avril 1878. Il étudia le tamoul à Chetpet ; administra le nouveau district de Polour, 1878-1879 ; travailla ensuite dans les districts de Outtamanur, 1879-1882 ; Akkravaram, 1882-1883 ; Covilour-Darmaboury, 1883-1885 ; Eroucour, 1885-1886 ; Vadouguerpatti, 1886-1888 ; Tolourpatty, 1888-1891 ; Viragalour, 1891-1896.
Malade à cette époque, il passa quelque temps à Hong-kong. A son retour, il fut placé à Viriour, 1897-1901, et à Attipakam, 1901-1905. Partout il fit preuve d'activité et de zèle, usant tour à tour de bonté et d'intelligente sévérité, de tact et de prudence ; aussi était-il devenu très populaire. Quand ses forces commencèrent à décliner, Mgr Gandy le rappela, 1905, à Pondichéry, et lui confia l'œuvre des catéchismes, et la direction spirituelle des élèves du petit séminaire. Il y mourut le 20 mai 1910.
Nécrologie
M. GROSBORNE
(Fils de Louis et de Madeleine GOUTHRET)
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE DE PONDICHÉRY
Né le 24 novembre 1847
Parti le 16 avril 1878
Mort le 20 mai 1910
Henri Grosborne était originaire du diocèse de Besançon, qui a fourni de nombreux apôtres aux Missions-Étrangères. Il appartenait à une famille peu favorisée des biens de la fortune, mais éminemment chrétienne. Sa pieuse mère avait consacré son fils, dès avant sa nais¬sance, à Notre-Dame de la Motte, dans la très élégante chapelle qui domine la ville de Vesoul où il naquit.
« C’est à cet acte de foi de ma mère, aimait à dire le cher défunt, que j’attribue les grâces de choix dont ma vie a été comblée. »
Privé de bonne heure de l’appui de son père, il reporta sur sa mère toutes ses affections et fut toujours envers elle d’une soumission que seuls savent inspirer le respect et l’amour. Tout jeune encore, il montra une intelligence ouverte et des aptitudes pour l’étude qui fixèrent promptement sur lui l’attention d’un des vicaires de la paroisse. Ce prêtre selon le cœur de Dieu, toujours en quête de voca¬tions, n’hésita pas à proposer à sa mère de faire commencer à son fils l’étude du latin. Celle-ci ne fut pas sans prévoir les sacrifices qu’elle devrait s’imposer pour subvenir aux frais de l’éducation de son cher Henri. Néanmoins, elle se décida vite. N’est-ce pas un grand honneur pour une famille chrétienne de compter un prêtre parmi ses membres et ne serait-ce pas la plus douce consolation comme la plus belle récompense pour une mère de passer ses vieux jours auprès de son fils devenu prêtre ?
Après une année d’étude à la cure, il fut envoyé au petit séminaire de Luxeuil (Haute-Saône), le plus florissant des établissements du diocèse. Dans cette antique et paisible maison, peuplée de glorieux souvenirs, sous la protection de la Vierge sainte, sa piété se développa d’elle-même et devint ce qu’elle restera toujours : sincère, simple et solide. Bientôt il fit partie de la Congrégation des Enfants de Marie qui ne comptait que les meilleurs élèves. Sérieux, bon travailleur, sans des talents hors ligne, il occupa dans toutes ses classes une place honorable et sut mériter l’affection et la confiance de tous, maîtres et élèves. Aussi, ses humanités achevées, nul ne fut surpris de le voir entrer au Grand Séminaire de Besançon.
Ce que furent les quatre années qu’il passa dans cette maison bénie, sa modestie ne lui permit jamais de le dire. Mais des notes trouvées dans son portefeuille, après sa mort, nous révèlent une âme résolue, coûte que coûte, à arriver à la perfection. A l’occasion de son sacerdoce, ces mêmes notes nous indiquent les beaux sentiments qui le remplissaient tout entier dans ce jour mémorable. Les résolutions qu’il prit alors peuvent se résumer ainsi : « vigilance conti¬nuelle sur mon cœur, défiance de moi-même, simplicité et humilité dans toutes mes actions, grand amour pour Dieu et ses âmes. »
Il terminait, en demandant à la Vierge Immaculée, sa Mère, d’être son modèle et son soutien.
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Quelques jours après son ordination, l’abbé Grosborne était nommé vicaire à Belmont, paroisse importante de la Haute-Saône. Dans ce poste, il fut ce que son passé promettait d’être : un prêtre zélé, patient, humble, aimant, courageux, ne craignant jamais sa peine, ne reculant devant aucune fatigue, quand il s’agissait d’un service à rendre ou d’un devoir à remplir.
Outre ses fonctions ordinaires de vicaire, il avait à desservir une annexe, située à une assez grande distance de la paroisse. En été, ce voyage à travers les sentiers, les petits chemins ombreux et les landes fleuries, était une promenade charmante et pleine de poésie. Mais l’hiver faisait payer largement ces jouissances.
Cependant, ce n’était point encore assez pour son âme ardente. Depuis sa sortie du Grand Séminaire, il songeait à se consacrer aux missions étrangères. Il exposa dès lors son désir à son archevêque. « Attendez... attendez..., lui répondit le prélat ; plus tard, mon cher Abbé... réfléchissez davantage. » L’abbé Grosborne suivit le conseil de son archevêque ; il pria, il médita silencieusement et lon¬guement l’appel de Dieu, et après avoir mûri son projet pendant 4 ans, il écrivit au chef du diocèse qui accorda cette fois la permission tant désirée.
L’heure des grands sacrifices allait sonner pour le futur apôtre. Nous avons dit combien il aimait sa mère et combien il en était aimé. Comment briser des liens aussi intimes et imposer à cette tendre mère une si douloureuse séparation ? Depuis quelque temps déjà, il lui avait, dans ses lettres, fait pressentir ses projets, lui en parlant d’abord en termes vagues, puis, peu à peu, en termes plus clairs. La pauvre mère comprenait, mais ne se rendait pas. Voici un extrait de la dernière lettre qu’il lui écrivit à ce sujet :
« Vous savez, ma très chère mère, la vive et profonde affection que j’ai pour vous. Après Dieu, vous êtes tout pour moi. Je dis : après Dieu, car c’est lui tout d’abord que je dois aimer. Or, aimer c’est faire la volonté de celui qu’on aime. N’est-ce pas là ce que vous m’avez enseigné dès ma plus tendre enfance ? « Fais toujours la volonté de Dieu, me disiez-vous, et « tu seras heureux, mon enfant. » Cette parole que j’ai gravée au fond de mon cœur a été le mobile de toute ma vie. Après m’avoir tant conseillé de faire en tout la volonté de Dieu, voudriez-vous aujourd’hui vous opposer à ses desseins sur moi ? Il en serait ainsi, pourtant, si par vos conseils, je ne suivais pas ma vocation : car, la vocation, vous le savez, n’est autre chose que la volonté de Dieu manifestée à une âme. Dites-moi donc, dans votre prochaine lettre, ce que je dois faire, si Dieu m’appelle à la vocation de missionnaire. Me conseillez-vous de lui obéir ou non, de faire sa volonté ou non. Pensez-y sérieusement devant Dieu et vous me répondrez ensuite. »
Cette fois, la pauvre mère fut vaincue. La vertu de la chrétienne fut plus forte que la douleur de la mère. Elle versa d’abondantes larmes, mais elle eut le courage de répondre à son fils : « Va, mon cher enfant, où le ciel t’appelle. Je pleure, mais le bon Dieu me conso-lera. Dans quelques années, je ne serai plus ; mais Celui pour l’amour duquel je fais le plus grand des sacrifices me donnera, je l’espère, le centuple dont tu m’as parlé. »
Libre enfin d’accomplir son pieux dessein, l’abbé Grosborne quitta la paroisse de Belmont, non sans laisser des regrets universels parmi la population, surtout dans le cœur de son pieux curé qui l’aimait et l’estimait très sincèrement. Ce fut, dès lors, plus que jamais entre ces deux dignes prêtres, une de ces amitiés vraiment saintes que la mort seule peut atteindre et qui ont le privilège de lui survivre.
Quelques jours après, il entrait au Séminaire de la rue du Bac. Là, il se donna tout entier à Dieu et à sa vocation, édifiant la commu¬nauté par sa modestie, sa piété, sa charité, sa régularité exemplaire.
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Son année de probation écoulée, il fut désigné pour la Mission des Indes et s’embarqua à Marseille, sans avoir revu son cher pays de Franche-Comté.
Le 7 mai 1878, il mettait le pied sur cette plage, séjour du soleil et de la chaleur, qui s’appelle Pondichéry. Il y était à peine arrivé que Mgr Laouënan l’envoyait à Chetput, pour y faire son édu¬cation apostolique, chose si importante et si décisive pour l’avenir du jeune missionnaire. Pouvait-il mieux commencer sa carrière et avoir un meilleur maître que le vénéré M. Darras ? Une autre bonne fortune lui était réservée. La grande famine de 1875, qui avait amené tant de nouvelles brebis au bercail de Notre-Seigneur, touchait, il est vrai, à sa fin : mais le mouvement de conversions qu’elle avait suscité continuait toujours. En arrivant à Chetput, le jeune mission¬naire trouva M. Darras entouré d’une foule de catéchumènes qui chantaient avec enthousiasme les prières. A la vue de cette belle moisson d’âmes à recueillir, le cœur de M. Grosborne débordait de joie. « Superabundo gaudio » , écrivait-il, le même jour, à son ancien curé. Oui, mais avant de se mettre à l’œuvre, il lui fallait tout d’abord apprendre la langue du pays et, à 30 ans, la mémoire commence à être rebelle. Cependant, il mit tant de ténacité et d’énergie à cette étude qu’il peut être cité comme un modèle. Personne plus que lui n’a pioché le dictionnaire, traduit du tamoul en français et vice versa. Aussi, ses progrès furent-ils rapides.
Esprit sérieux et pratique, il ne s’en tenait pas à l’étude de la langue : il cherchait en même temps à se mettre tout de suite au courant des usages de la Mission, des us et coutumes des Indiens ; il écoutait les anciens et les interrogeait sur les différentes manières de traiter avec les païens et les chrétiens, ainsi qu’avec les autorités indigènes ; puis, il notait les renseignements recueillis, les étudiait, les compa¬rait, en tirait une ligne de conduite à suivre. On peut dire qu’il savait s’assimiler promptement les connaissances des autres et les utiliser pour sa propre gouverne. On le vit bien plus tard.
Depuis longtemps, M. Darras sentait le besoin de diviser son immense district et d’établir un nouveau poste à Polur, ville assez considérable du North Arcot. M. Grosborne était bien l’homme qui convenait pour en être le premier pasteur. C’était, néanmoins, un lourd fardeau pour ses jeunes épaules. Il fallait organiser les conquêtes accomplies et former ces néophytes à la discipline et aux vertus chrétiennes : car deux ou trois ans de christianisme n’avaient pas assurément, suffi pour extirper des cœurs la couche épaisse de paga¬nisme que les années y avaient accumulée. Sous le rapport matériel, tout était aussi à créer. Il n’y avait ni chapelle ni presbytère, et le pauvre Père fut obligé, pendant plusieurs mois, de loger dans une misérable petite masure, tombant en ruines et ouverte à tous les vents, qu’un païen lui avait permis d’occuper.
A ce dénuement extrême venait se joindre une autre difficulté plus pénible encore. La population chrétienne de Polur se composait uniquement des néophytes amenés à la Foi par le zèle et l’industrie de M. Darras. « Or, dit un proverbe tamoul, les canards nouveau-nés reconnaissent difficilement pour leur mère la poule qui les appelle, même après qu’elle les a couvés. » Il est de fait que la paternité spiri¬tuelle, comme celle de la nature, engendre de part et d’autre des sentiments qui ne se transmettent pas. Le néophyte, surtout, n’aura jamais, pour n’importe quel autre prêtre, l’affection, la docilité, le dévouement qu’il a voués, comme naturellement, à celui qui l’a con¬verti et enfanté à Jésus-Christ par le baptême.
M. Grosborne eut à subir les douloureuses conséquences de cette loi du cœur humain. Cependant, à force de patience, de dévouement et de persévérante habileté, il conquit assez vite la position. Se faire tout à tous, à l’exemple du grand Apôtre, donner tout ce qu’on possède, se dépenser tout entier soi-même, telle est la tâche du missionnaire auprès des nouveaux chrétiens. Tout cela, M. Grosborne l’a fait avec une constance et une abnégation admirables.
Du matin au soir, et malgré l’ardeur du soleil, on le voyait parcourir son district en tous sens, prêcher, catéchiser, convertir, batailler avec les protestants et les païens, jetant partout la bonne semence de vérité. Le soir, après son maigre souper, il assemblait de nouveau ses néophytes et leur distribuait encore le pain de la parole divine. Aussi, Dieu bénit visiblement ses travaux et ses peines. Il eut non seu¬lement la consolation de voir ses chers néophytes marcher docilement à sa voix, mais celle encore de convertir deux à trois mille païens. Le bon témoignage, que notre archevêque, Mgr Morel, rendait tout dernièrement de la chrétienté de Polur, est une nouvelle preuve de la fécondité du travail que notre Confrère y a accompli.
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M. Grosborne était heureux et pensait jouir bien longtemps du fruit de ses peines et de ses efforts. Mais Notre-Seigneur qui, pour main¬tenir la charité et la défiance d’eux-mêmes parmi les ouvriers apos¬toliques, se plaît souvent à faire récolter par l’un ce que l’autre a semé, ne lui accorda pas cette joie. Rappelé de Polur, après de si beaux succès, il fut envoyé à Cortampet, où il ne passa que quelques mois. Placé successivement à la tête de districts importants, il se signala partout par son zèle, sa bonté, mais aussi par une sévérité de bon aloi à l’égard des chrétiens négligents.
A Viragaloor, qu’il occupa pendant plusieurs années, on n’a pas encore oublié le pasteur vigilant qui, le dimanche, allait chercher les indifférents jusque chez eux pour les forcer d’entendre la sainte Messe. Toujours calme, grave et posé, il avait pris sur les Indiens un ascendant qu’il n’est pas donné à tout le monde d’acquérir. Si on lui amenait un coupable, il se trouvait bientôt confondu par les répri¬mandes douces, mais sévères, de son juge, et tombait de lui-même à genoux pour demander pardon. Le Père le laissait quelques instants dans cette posture humiliée, tout en insistant sur la faute commise. En fin, il lui imposait une pénitence et le renvoyait avec une bonne parole, qui produisait le meilleur effet sur le délinquant.
Si, parfois, un coupable refusait d’accepter ses remontrances, le missionnaire ne perdait rien de son calme. Il lui représentait les châtiments auxquels il s’exposait, lui montrait comment la colère de Dieu s’exerce sur les pécheurs et le laissait tout tremblant à la pensée des malheurs qui pouvaient fondre sur lui.
Il savait attendre le moment de la grâce et finissait presque toujours par ramener le malheureux à résipiscence.
Ce qui contribuait à accroître la considération dont il jouissait, c’était son habileté toute spéciale dans l’examen des procès de toute nature, que les chrétiens viennent soumettre au missionnaire, d’un bout à l’autre de l’année. La popularité qu’il s’était acquise, par son intelligence dans ces sortes d’affaires, son tact et sa prudence, s’était répandue chez les païens qui le prenaient souvent eux-mêmes comme arbitre de leurs différends. A le voir à l’œuvre dans ces questions de procès, on eût cru facilement qu’il était né pour le « barreau » et que, s’il eût été lancé dans la magistrature, il y aurait fait florès.
A Viriur, il a laissé la réputation d’un homme de dévouement et d’action, mais aussi d’un prêtre selon le cœur de Dieu. Son dévoue¬ment et son amour pour les âmes, il les puisait dans la prière et dans la fidélité constante à ses exercices de piété. Levé, tous les matins, de très bonne heure, il donnait largement trois quarts d’heure à l’oraison, disait ensuite la sainte Messe avec ferveur, et il trouvait, chaque jour, le temps nécessaire à la lecture de l’Écriture Sainte et des auteurs spirituels. La visite quotidienne au Saint-Sacrement terminait tou¬jours ses laborieuses journées. Dieu seul sait combien lui étaient doux les longs instants qu’il passait auprès de l’Hôte divin.
Le dernier district dont il fut chargé fut celui d’Attipakam. C’est à cette chrétienté, plus encore qu’aux autres, qu’il avait donné tout son cœur. Il y accomplit avec la plus scrupuleuse exactitude tous les devoirs du ministère, consacrant de longues heures aux caté-chumènes, préparant ses instructions avec le plus grand soin, passant au confessionnal une bonne partie de son temps, voire même des jours entiers, à la veille de certaines fêtes. C’est là, dans ce mystérieux tête-à-tête, qu’il aimait à déployer tout son zèle pour l’avancement spirituel des bons, là qu’il appelait les pécheurs pour les instruire, les toucher et les convertir. Que de trésors de foi, de dévouement et de charité il a dépensés dans les obscurs labeurs du saint Tribunal !
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Cependant, tant de fatigues, jointes à son âge déjà avancé, avaient miné peu à peu la robuste constitution du brave Missionnaire. D’ail¬leurs, entièrement oublieux de lui-même, il traitait fort mal son socius corporel. On peut dire sans exagération que son ordinaire n’eût pas déparé la table d’un Trappiste.
Mgr Gandy, le sachant très fatigué et désirant lui procurer un repos nécessaire, sous l’apparence d’un travail moins pénible mais aussi utile, l’appela à Pondichéry, pour lui confier l’œuvre des caté¬chismes et la direction spirituelle des élèves du petit séminaire. Ce n’était point, certes, une sinécure. Quoiqu’il lui fût très pénible de quitter son cher Attipakam, qui était pour lui le poste idéal, son paradis sur terre, il n’hésita point à faire à Dieu et à son archevêque le sacrifice de ses préférences et de ses secrets désirs. A un ami qui s’affligeait de son départ, il répondit tranquillement : « J’ai toujours eu pour principe de ne rien demander, de ne rien refuser. Je vous engage à faire comme moi. »
A Pondichéry, les soins qu’il reçut, la compagnie des confrères et des enfants, qu’il aimait sincèrement et dont il était sincèrement aimé, produisirent une véritable amélioration dans son état de santé. Il vécut encore cinq ans, partageant les heures de la journée entre la prière et les obligations de sa charge auprès des enfants.
Ce serait négliger un des plus beaux côtés de son âme vraiment sacerdotale que de passer sous silence l’esprit de charité qui l’animait dans toute sa conduite et dans toutes ses paroles, surtout en ce qui touchait la réputation du prochain. Sous ce rapport, il était exemplaire. Bien rares, je crois, sont ceux qui ont pu saisir sur ses lèvres un mot contraire à cette grande vertu qui constitue un des principaux fonde¬ments de la sainteté.
La carrière apostolique du cher M. Grosborne touchait à son terme. Au commencement de mai dernier, il éprouva des maux d’estomac auxquels personne ne prêta atention. Mais lui pressentait sa fin prochaine. Il en parla même à plusieurs reprises. Et cette fin, il l’accéléra par ses veilles répétées auprès du jeune M. Darras et par les soins qu’il prodigua à ce jeune Missionnaire qu’il aimait tout particulièrement. En outre, je le soupçonne fort de s’être dévoué par quelque acte de charité encore plus héroïque.
Son humilité lui faisait croire que, désormais, il était un serviteur inutile, tandis que M. Darras, qui ne comptait encore que vingt-huit printemps, était plus capable de procurer la gloire de Dieu. Sa géné¬rosité ne l’a-t-elle pas porté à offrir sa vie pour celle de son jeune ami ? Nous ne le saurons qu’au Ciel ; mais tous ceux qui ont connu M. Grosborne l’ont jugé capable d’un pareil sacrifice : les circonstances de sa maladie et de sa mort, la guérison prompte et inespérée de M. Darras ne sont pas pour y contredire.
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Notre cher Vicaire général qui a assisté le malade à ses derniers moments, nous fait le récit suivant.
« Le 12 mai, se dessinent les symptômes d’une fièvre intestinale qui, s’aggravant rapidement, augmente sa faiblesse et détruit tous les ressorts de la vie que son énergie avait jusqu’alors maintenus intacts.
« Depuis plusieurs jours, la solitude des nuits l’effrayait. Pour ne pas s’exposer à mourir sans sacrements, il passait ses nuits près de moi. Le 18 mai, au soir, il vint comme d’habitude, s’asseoir sur son fau¬teuil, près de mon lit. A 1 heure, il changea tranquillement de position et se reposa sur une chaise. A 3 heures et demie, le râle semblait avoir commencé. Le transporter sur un lit et appeler le médecin fut l’affaire d’un instant. A 4 heures, il recevait l’Extrême-Onction des mains de Mgr l’Archevêque. Cependant, il reprit ses sens au petit jour, avec un peu de paralysie seulement.
« Cette halte vers la mort ne dura pas longtemps. Dans l’après-¬midi, la fièvre se déclara, persistante, et notre Confrère, avec toute la vigueur de son intelligence et de sa volonté, se prépara à paraître devant le Souverain Juge. Il s’y préparait depuis longtemps, d’ailleurs, tant les choses de ce monde lui inspiraient peu d’attrait.
« Ses derniers moments furent ceux d’un prédestiné. Durant sa vie, il récitait sans cesse son chapelet. A sa dernière heure, ce fut encore à la Mère des miséricordes qu’allèrent ses pensées et ses prières. A ses efforts pour tenir en main son chapelet, à ses yeux fixés sur le Crucifix, on le jugeait rempli de l’idée qu’il allait enfin voir son Dieu. Il expira, en effet, le 20 mai, à 6 heures du matin. »
Beati qui in Domino moriuntur !
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Références
[1369] GROSBORNE Louis (1847-1910)
Notes bio-bibliographiques. - C.-R., 1889, p. 306 ; 1893, p. 240 ; 1902, pp. 261, 264 ; 1904, p. 248. - Assoc. des anc. maît. et él. Luxeuil, 1890, Réunion du 12 août.
Hist. miss. Inde, Tab. alph.
Notice nécrologique. - C.-R., 1910, p. 369.