Louis DIDIER1850 - 1902
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 1393
Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Inde
- Région missionnaire :
- 1878 - 1902 (Pondichéry)
Biographie
[1393] DIDIER Louis-Désiré naît le 15 août 1850 à Mandres en Haute-Marne et se livre d'abord aux travaux des champs. Il ne ressent qu'assez tard le désir de se consacrer à l'apostolat. Il apprend très rapidement le latin et le 21 septembre 1875 il entre tonsuré au Séminaire des MEP. Ordonné prêtre le 21 septembre 1878, il part le 30 octobre suivant pour la Mission de Pondichéry.
Diocèse de Pondichéry
Il débute à Vellantanguel, administre successivement Cortampet (1) en 1879 et 1880, Mayavaram (2) de 1880 à 1884, Cottapaleam (3) de décembre 1884 à mai 1889, Pratacoudi (3) de 1889 à 1891, Molatour de septembre 1891 à septembre 1893. Il retourne à Pratacoudi dont il achève l'église et où il lutte vigoureusement contre le protestantisme. En 1897, il est de nouveau à Cottapaleam, et en 1899 à Tranquebar (4) où il aide à la fondation de l'établissement des Sœurs missionnaires de Marie-Immaculée.
Bref apostolat dans le nouveau diocèse de Kumbakonam
En 1900, lors de la division du diocèse de Pondichéry, il intègre le diocèse de Kumbakônam (5). Il tombe gravement malade en 1902 et va se soigner à Pondichéry. Il y meurt le 11 décembre de la même année.
1 – Au nord-ouest de Pondichéry, en direction de Bangalore.
2 – Au nord et proche de Karikal, l’un des cinq comptoirs français en Inde sur le golfe de Bengale.
3 – Au nord-ouest de Tiruchirappalli.
4 – Ville côtière au nord et proche de Karikal.
5 – Ville à l’ouest de Karikal.
Nécrologie
M. DIDIER
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE DE KUMBAKONAM
Né le 15 août 1850
Parti le 30 octobre 1878
Mort le 11 décembre 1902
« En 1870, les armées allemandes envahissaient nos provinces de l’est, écrit un ancien « condisciple au défunt , mais Langres ne tombait point au pouvoir de l’ennemi. La « ville eut cependant à souffrir des suites de la guerre, et les séminaires, transformés en « hôpitaux pendant de longs mois , ne purent commencer l’année scolaire qu’au 1er mai « 1871 . Ce jour-là , nous vîmes arriver , comme élève de troisième , un solide gaillard, à « la démarche un peu lourde et âgé de plus de vingt ans. Ses lunettes , sa redingote grise, sa « mine austère et presque rébarbative, lui donnaient la tournure d’un instituteur, appelé « tardivement au sacerdoce. Les malins, abusant de la crédulité des simples, eurent bientôt « forgé autour du nouveau venu une légende complète. Il était veuf : sa défunte femme avait « nom Judith, etc., etc.
« Le soi-disant veuf n’était autre que Louis-Désiré Didier, de Mandres, petit village « situé à quelque six kilomètres de Nogent-le-Roi ( Haute-Marne ).
« Depuis longtemps, Louis avait quitté l’école primaire pour se livrer aux travaux des « champs, quand le curé de sa paroisse, discernant en lui des marques de vocation à l’état « ecclésiastique, s’offrit à lui donner des leçons de latin. Louis Didier se mit à l’œuvre, et « étudia les éléments de la langue latine tout en gardant les bestiaux.
« Au petit comme au grand séminaire, il se fit remarquer par son caractère franc, loyal, « et surtout, par une fervente piété. Son tempérament mélancolique et son esprit observateur « lui donnaient une tendance à la critique, mais son âge et sa discrétion le retenaient dans de « sages limites. Il se sentait mal à l’aise quand il avait à faire une composition grecque, thème « ou version ; l’histoire et la philosophie eurent toujours ses préférences. Un jour qu’il « discutait assez vivement sur l’élément simple, la divisibilité à l’infini et le vide « absolu, le banc s’effondra sous lui, au milieu de l’hilarité générale des professeurs et des « élèves.
« En 1875, pendant le repas du soir, nous lisions au grand séminaire l’histoire de « l’Église de Corée, et il échut à l’abbé Didier de lire la page finale racontant la scène qui se « passa à Meudon , quand les aspirants des Missions-Étrangères apprirent le martyre de « leurs frères de Corée. Le repas était achevé et pourtant le vénéré supérieur, M. Ravry , « n’agitait point la sonnette. La communauté entière écoutait dans un religieux silence . « Quand le lecteur fut arrivé à ces mots : Te martyrum candidatus laudat exercitus…, « l’émotion le saisit à la gorge, et il ne put achever qu’en mots entrecoupés les quelques « lignes qui restaient. Nous nous dîmes alors : « En voilà un qui sera missionnaire », et , à « la rentrée d’octobre , personne ne fut surpris d’apprendre que l’abbé Didier était parti pour « le séminaire de la rue du Bac.
« Désormais , il était fixé dans sa vocation , après l’avoir étudiée et mûrie dans le « silence et la prière . Cette pensée lui donnait des joies intimes , et son air « mélancolique fit place à une joviale sérénité. M. Didier sembla tout rajeuni, et sa « conversation intéressante faisait rechercher sa compagnie. »
Parti de Paris le 30 octobre 1878, le nouveau missionnaire, destiné à Pondichéry, s’embarquait à Marseille, le 7 novembre, sur le Sindh, après un faux départ par le Djemnah, quatre jours auparavant. Ce dernier bateau ayant touché un écueil, à quelques milles de Marseille, avait dû rentrer au port et céder son tour au Sindh.
A peine arrivé à Pondichéry, M. Didier fut envoyé à Vellantanguel, avec un confrère à peu près de son âge. Ils ne savaient le tamoul ni l’un ni l’autre, mais ils le parlaient tout de même : le geste remplaçant la parole au besoin. M. Didier avait d’ailleurs une mémoire si heureuse ; il aimait tant à causer, qu’il fut bientôt à même de s’exprimer facilement.
On sortait à peine de la grande famine de 1877, et l’ordinaire de notre confrère ne valait pas mieux que celui de ses chrétiens. J’étais alors son voisin, et je n’ai pas oublié la visite que je lui fis par un beau soir d’été. M. Didier et son confrère n’avaient pour tout potage, ce soir-là, qu’un peu de riz, largement arrosé d’eau poivrée. Je n’exagère rien, en disant que tel fut depuis son menu quotidien. Il devait bientôt contracter, à la suite de ces privations, le plus souvent volontaires, des douleurs d’entrailles qui ne le quittèrent plus. C’est ainsi qu’il usa sa santé, et les amicales remontrances de ses confrères ne lui firent point modifier son régime. Il vécut, et il est mort, hélas ! de ces mortifications, auxquelles il ne renonçait, de temps en temps, que pour recevoir un ami, et qu’il reprenait dès qu’il se trouvait seul.
Ce qu’il se refusait par mortification, il le distribuait largement autour de lui. Tous les districts dont il fut chargé successivement, Mayaveram, Cottapaleam, Molathour, profitèrent de ses généreuses libéralités. A Pratacudy surtout, il dépensa sans compter, pour finir la vaste église du chef-lieu et en commencer une autre dans un des gros villages du district. A Tranquebar, qui devait être son dernier poste, il appela les Sœurs Missionnaires de Marie-Immaculée, et leur établissement en cette ville fut son œuvre propre. C’est donc à lui que sont redevables de la grâce du baptême tant de pauvres enfants, à qui ces saintes filles, vrais anges du bon Dieu, vont montrer du doigt, au moment suprême, le chemin du paradis. Mais M. Didier ne voulait pas que son nom fût prononcé ; c’est dans le secret qu’il entendait faire le bien, sachant qu’un jour s’accomplirait pour lui cette parole de l’Évangile : Pater tuus qui videt in abscondito reddet tibi.
Il avait une foi raisonnée , profonde, inébranlable. C’est à dix-huit ans, nous disait-il souvent, qu’il retrouva, par un miracle de la miséricorde divine, la foi qu’il avait perdue. Dès ce jour, elle fut le mobile de toutes ses actions et lui donna la patience dans les épreuves de la vie apostolique.
Que n’eut-il pas à souffrir, par exemple, dans le district de Pratacudy, celui où il se dépensa tout entier ! Le protestantisme s’y était insinué depuis longtemps ; or, quand ce venin s’est infiltré dans les veines d’un catholique, quand il l’a pénétré à fond, Dieu sait le mal qu’il faut se donner pour l’expulser. L’émétique n’y suffit pas, et la quinine est impuissante. M. Didier, armé de la prière et de la foi, non content de défendre ses chrétiens contre cette peste, réussit à ramener plusieurs égarés, autant du moins qu’ils pouvaient l’être ; car, un catholique devenu protestant gardera toujours, même s’il se convertit, quelque trace funeste de son passage à travers les idées protestantes. Telle la fièvre typhoïde qui ne s’en va jamais sans laisser, dit-on, quelque marque, sans faire quelque mal à celui qu’elle quitte.
Quel crève-cœur aussi, pour M. Didier, que le mauvais esprit, la turbulence, l’insubordination de plusieurs de ses chrétiens ! Il employa, pour les ramener à l’obéissance, tous les moyens que lui suggérait sa loi profonde, servie par un jugement très droit ; mais le bon Dieu ne permit pas qu’il réussît toujours. Et pourquoi ne pas ajouter que notre confrère, qui savait donner des conseils très sages, qui voyait très juste, et pour les autres et pour lui-même, n’avait peut-être pas toujours, au moment voulu, l’esprit de décision nécessaire ? Cela venait de la délicatesse de sa conscience et de cette bonté naturelle qui se refuse à désespérer et n’ose pas quelquefois sévir à temps … Beati misericordes quoniam ipsi misericordiam consequentur.
J’ai parlé de l’admirable esprit de foi de M. Didier. Trahirai-je le secret de l’amitié en disant que le bon Dieu lui avait fait une grâce très spéciale qu’Il accorde rarement, même aux plus saintes âmes ? Notre confrère ne fut jamais en butte à certaines tentations, très pénibles pour ceux qui se sont consacrés à Dieu. Il tenait du ciel ce don gratuit. Beati mundi corde quoniam ipsi Deum videbunt.
Il faut ajouter aussi que ce don inappréciable, ce trésor, ce parfum divin, il fit ce qu’il devait pour le conserver en son intégrité : bréviaire, oraison, chapelet et autres exercices de piété n’étaient jamais négligés ni remis. Il y ajoutait des lectures pieuses ou instructives qui n’étaient pas pour lui un vain passe-temps. Rien de superficiel dans ses lectures : son esprit philosophique allait au fond des choses et savait s’en approprier la substance. J’ai vu des personnes, formées à la plus haute spiritualité, fort étonnées, après quelques minutes de conversation avec lui, de trouver ce prêtre, qui n’avait pourtant pas fait une étude spéciale de la théologie mystique, plus avancé qu’elles-mêmes. C’était un des résultats de ses lectures, et ce n’était pas le seul. Les connaissances acquises, les souvenirs accumulés en son esprit, formaient un fonds inépuisable ; car il avait reçu du ciel le don d’une mémoire que j’appellerai prodigieuse. Il n’avait rien oublié de ce qu’il avait appris ou même simplement lu. Et comme il savait raconter avec esprit et gaieté ! Quel régal pour ses confrères, quand on le décidait à puiser au trésor de ses souvenirs ! Un récit en amenait un autre, qui en éveillait un troisième, qui en suscitait lui-même un quatrième, et ainsi de suite. C’était une chaîne sans fin dans le genre des fables tamoules du Panjatandiram, où les contes s’enchevêtrent indéfiniment, jusqu’à ce que reparaissent, pour conclure, les deux premiers interlocuteurs…
Je dois ajouter, à propos de la mémoire extraordinaire de M. Didier, qu’il avait, à un degré encore plus élevé, celle des physionomies. L’Indien qu’il avait vu une fois, comme en passant, il le reconnaissait sans peine quinze ou vingt ans après. Aussi, qui l’avait trompé une fois n’essayait pas de recommencer.
Il connaissait mieux qu’eux-mêmes la généalogie de ses chrétiens, leurs parentés, leurs alliances, leurs villages d’origine. Je l’ai vu discuter plus d’une fois avec eux, à propos des empêchements de mariage. Une fois entre autres. Ils niaient toute parenté et ne voulaient rien entendre. « Voyons, finit par dire le missionnaire au père du garçon, n’est-il pas vrai que ton arrière-grand’mère, Karupi, avait été mariée dans le village de Mankoudy, que l’une de ses filles devint catholique et se maria avec Rayapen, ton grand-père ? » Et l’Indien, qui avait juré ses grands dieux que la jeune fille qu’il voulait faire épouser à son fils n’était en aucune façon sa parente, s’en alla tout ahuri en maugréant : « Il n’y a pas moyen de le tromper, ce Père-là ; il sait tout. »
S’il ne savait pas l’heure de sa mort, M. Didier pressentait du moins sa fin prochaine, comme en témoignent les notes qu’il a laissées. Depuis deux ans, il était chargé du district de Tranquebar. On avait espéré que le climat serait favorable à sa santé ; il n’en fut rien : elle s’altéra de plus en plus. Mais jusqu’au bout, il remplit tout son devoir, sans faiblesse et sans ménagements. Malgré la fatigue excessive, il prêchait régulièrement tous les dimanches, à la grande édification de ses chrétiens. Eux-mêmes me l’ont dit en pleurant : ils voyaient bien que leur Père était à bout de forces. « Journées sans repos, nuits sans sommeil, douleurs intolérables », c’est ce qu’il a écrit dans ses notes.
Bientôt il n’y put plus tenir. Il se résigna donc à partir pour Pondichéry, où l’attirait d’ailleurs sa respectueuse affection pour Mgr Gandy. Les médecins français ne comprirent rien à son mal, et leur dévouement fut impuissant à le soulager.
Nous ne le savions pas si gravement malade, et nous attendions d’un jour à l’autre la nouvelle de son retour à Tranquebar, quand arriva soudain comme un coup de foudre un télégramme alarmant de Mgr l’archevêque de Pondichéry… M. Didier avait reçu les derniers sacrements, et il restait peu d’espoir de le sauver. – Aussitôt deux des plus anciens amis du cher malade, M. Jégorel, alors de passage à Kumbakonam et celui qui écrit ces lignes, partirent pour Pondichéry, où ils arrivèrent le 10 novembre, à six heures du matin. Hélas ! notre ami nous reconnut à peine et nous vîmes que tout espoir était perdu. Mais comme le mourant était résigné, et avec quel accent de foi profonde il répétait les invocations qu’on lui suggérait ! Nous voyions souvent son énergique figure se contracter sous la morsure de la douleur ; parfois, il poussait un gémissement, aussitôt réprimé. Aux exhortations de M. Jégorel, il répondit une fois : « Oh ! que cette heure est dure, mais que Votre volonté soit faite, ô mon Dieu ! »
La journée du 10 et la nuit suivante s’écoulèrent ainsi, pleines de souffrances terribles pour lui, de déchirements pour nous qui veillions à ses côtés. Nos confrères de Pondichéry, qui l’avaient soigné depuis son arrivée, ne le quittaient pour ainsi dire point ; mais surtout le bon et saint archevêque de Pondichéry ne pouvait se résoudre à s’éloigner pour prendre un instant de repos.
A partir de minuit, le pauvre malade sembla reposer plus tranquille ; puis, vers les trois heures du matin, la respiration se précipita : c’était la fin. Mgr Gandy lui donna une dernière absolution, et l’âme du missionnaire s’envola vers un monde meilleur.
Le soir, au milieu d’un grand concours de fidèles, plus de vingt confrères de Pondichéry conduisirent à sa dernière demeure celui qui fut, durant sa vie, un vrai serviteur de Dieu, un modèle et un exemple pour tous les missionnaires.
NIEL,
Vicaire général de Kumbakonam.
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Références
[1393] DIDIER Louis (1850-1902)
Notes bio-bibliographiques. - C.-R., 1893, p. 240. - Sem. rel. Langres, 1904, p. 457.
Le culte de N.-D. de Lourd., p. 329. - Hist. miss. Inde, Tab. alph.
Notice nécrologique. - C.-R., 1903, p. 350.