François LIGNEUL1847 - 1922
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 1463
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Identité
Naissance
Décès
Biographie
[1463] LIGNEUL François, Alfred, Désiré, naquit le 21 septembre 1847 à Chatillon-en-Dunois, au diocèse de Chartres (Eure et Loir). Il fit ses études secondaires au Petit Séminaire Saint Chéron, puis il entra au Grand Séminaire du diocèse. Ordonné prêtre le 22 janvier 1871, il fut nommé professeur de seconde au Petit Séminaire. Il y enseigna huit années. Le 10 septembre 1879, il fut admis au Séminaire de la rue du Bac. Son année de probation terminée, il reçut sa destination pour le Japon septentrional. Il quitta Paris le 1er septembre 1880 et s'embarqua à Marseille le 5, en compagnie de neuf autres confrères destinés à diverses missions.
Débarqué à Yokohama le 21 octobre, il se rendit à Tokyo. Durant trente ans, il ne quitta pas la capitale pour occuper un autre poste. En 1881, il fut nommé Supérieur du Séminaire, où quelques élèves se préparaient au sacerdoce, et aumônier des "Dames de Saint Maur". Mais ce ministère ne suffisait pas au Père Ligneul : il se fit apologiste. Son premier livre visait à la réfutation d'un livre écrit par un professeur de l'Université Impériale, qui développait cette thèse : on ne peut être en même temps Japonais et Chrétien. Le livre du Père Ligneul ne put paraître. Sans se décourager, il le présenta quelques années plus tard sous un autre titre. Pendant trente ans, il fit paraître quelques quarante brochures. Il fut aussi un prédicateur de retraites ecclésiastiques et religieuses. Il lui sembla que ce ministère convenait davantage à ses aptitudes, et il demanda son admission à la Maison de Nazareth à Hongkong. Il y fut agrégé en 1912. Hongkong devint donc le centre dont il rayonna dans de nombreuses missions pour donner des retraites soit aux missionnaires, soit aux communautés religieuses. Entre ses voyages, il s'occupait de la petite communauté chrétienne japonaise qui vivait sur l'île. Le Père Ligneul mourut à Hongkong le 25 juillet 1922.
Nécrologie
M. LIGNEUL
DIRECTEUR DE LA MAISON DE NAZARETH
M. LIGNEUL ( François, Alfred, Désiré ), né à Châtillon-en-Dunois ( Chartres, Eure-et-Loir ), le 21 septembre 1847. Prêtre, le 22 janvier 1871. Entré au Séminaire des Missions-Étrangères, le 10 septembre 1879. Parti pour le Japon Septentrional, le 1er septembre 1880. Agrégé à Nazareth, en 1912. Mort à Hongkong, le 25 juillet 1922.
Le 10 septembre 1879, un jeune séminariste de Chartres, admis comme aspirant des Missions-Étrangères, arrivait à Paris et se présentait au Séminaire de la rue du Bac. Quelle ne fut pas sa stupéfaction, en pénétrant dans la chambre du Supérieur, d’y trouver un des professeurs du petit séminaire de Saint-Chéron qui, comme lui, allait se préparer à l’apostolat et, à 32 ans, après 8 années de professorat, redevenir séminariste. Jamais pourtant, il ne put considérer son ancien maître comme un condisciple : il le traita toujours, de même qu’à Saint-Chéron avec un respect confiant et affectueux. L’élève, après 33 ans de laborieux ministère au Tonkin, est parti le premier pour le Ciel en 1917. Le professeur, qui l’avait devancé en mission, lui survécut cinq années et s’éteignit doucement à la Maison de Nazareth, le 25 juillet 1922. Retracer brièvement sa longue carrière sacerdotale et apostolique, tel est l’objet de ces lignes.
François-Alfred-Désiré Ligneul naquit le 21 septembre 1847 à Châtillon-en-Dunois, au diocèse de Chartres, d’une famille de cultivateurs où la religion et le travail étaient également en honneur.
Le curé de la paroisse distingua bientôt cet enfant à l’intelligence vive, au caractère sérieux, à la piété précoce : il le fit entrer au Petit Séminaire, où de brillants succès couronnèrent ses études. Ses humanités achevées, le jeune homme n’eut pas un instant d’hésitation : le monde, avec la belle situation qu’il eût pu s’y créer, ne le tenta pas. Il alla droit au grand séminaire de Chartres, et, autant il avait montré jusque-là d’aptitude pour la littérature, autant il sut, dans les études ecclésiastiques, approfondir les questions de philosophie et de théologie. Et toute sa vie, il s’appliquera à revêtir d’une forme correcte, précise, distinguée, le fond sérieux de ses travaux.
Il fut ordonné prêtre le 22 janvier 1871. C’était pendant la guerre ; Chartres était occupé par les Prussiens ; aussi, la cérémonie, à la crypte de la cathédrale, n’eût-elle pas solennité qu’elle revêtait d’ordinaire : la tristesse, l’angoisse étreignaient tous les cœurs. Le lendemain, le nouveau prêtre célébra sa première messe au petit séminaire de Saint-Chéron, où il avait été nommé professeur à la fin de l’année scolaire précédente.
Prêtre et professeur, M. Ligneul le sera éminemment toute sa vie. Chargé de la classe de seconde, il s’y dévoua de tout son cœur. Il faisait beaucoup travailler ses élèves, mais il travaillait beaucoup lui-même. Non seulement il s’occupait également de tous, corrigeant régulièrement toutes les copies, mais aux classes réglementaires, il ajoutait fréquemment des heures supplémentaires pour disséquer les compositions, en faire ressortir les bons côtés ou les points faibles.
C’était lui aussi, qui chaque matin faisait la méditation pour tous les élèves, se mettant à la portée de ses auditeurs, petits et grands, et s’appliquant à leur donner une sorte de direction spirituelle immédiatement applicable à la journée commençante. Il était tout dévoué à ses élèves, et ceux-ci le lui rendaient en affection et en respect. Pendant ses huit années de professorat, il instruisit et forma des disciples qui lui firent honneur ; pour les retrouver aujourd’hui, après plus de quarante ans, il faudrait aller frapper à la porte des presbytères les plus importants du diocèse de Chartres, comme celui de Sainte-Madeleine de Châteaudun, voire même à celle des évêchés de Chalons ou de Singapore ; et partout sans doute, on retrouverait bien vivant le souvenir du professeur qui a travaillé et réussi non seulement à orner les intelligences, mais encore à former les cœurs, les volontés en vue des combats de la vie.
Et cependant, voici qu’un jour, pour répondre à un appel plus intime d’en haut, le professeur va dire adieu à ses cher élèves, le Chartrain à sa belle cathédrale, le Beauceron à ses horizons aimés. Il lui a paru que, quelque grande et méritoire que soit l’œuvre à laquelle il s’est dévoué, d’autres seront là pour la continuer, et mieux que lui, pense-t-il dans son humilité, tandis que là-bas, dans ce mystérieux Extrême-Orient, il y a des milliers, des millions d’âmes, qui n’ont pas même entrevu la lumière descendue du ciel il y a vingt siècles, pour « éclairer tout homme venant en ce monde », qui ignorent « la voie, la vérité, la vie », et son cœur de prêtre en a frémi de pitié.
Le 10 septembre 1879, il était admis au Séminaire de la rue du Bac. Il y passa une année, pendant laquelle il redevint le séminariste modèle, édifiant directeurs et aspirants par l’humilité, la simplicité avec laquelle il se soumet et à l’observation du règlement et aux exigences de la vie commune avec des confrères de dix à quinze ans plus jeunes que lui.
A la fin de l’année scolaire, M. Ligneul reçut sa destination pour la Mission du Japon Septentrional ; le 1er septembre 1880, avec neuf autres confrères, il quittait Paris, et, quatre jours plus tard, les dix « partants » s’embarquaient à Marseille sur le « Yang Tse » des Messageries Maritimes. A Hongkong, la bande apostolique se divisa : les uns continuant jusqu’à Shanghai leur voyage sur le « Yang Tse », d’autres partant de Hongkong même pour leur mission, tandis que M. Ligneul montait à bord du « Tanaïs » qui devait le conduire au Japon. Le domestique qui, de la procure, l’accompagnait à bord, ne le faisait que comme à regret, disant que ce pauvre Père devrait se rendre plutôt à notre Sanatorium de Béthanie, tant il paraissait de frêle santé. Cet état, du reste, ne fit que s’aggraver plus tard, à la suite d’une maladie qui amena la perte d’un poumon. Malgré cela, le courageux missionnaire fut toujours un ouvrier infatigable, le zèle chez lui suppléant au défaut de forces physiques.
Le 21 octobre, M. Ligneul débarquait à Yokohama, et, le lendemain, il était à Tokyo, qu’il ne quittera plus de pendant trente ans. Aussitôt arrivé, il se met à l’étude de la langue, de la très difficile langue japonaise. Il apporte à cette étude les principes pédagogiques qu’il appliquait dans ses classes ; il n’y a pas encore de grammaire japonaise, mais on trouve les mots dans un dictionnaire : aussi emploiera-t-il couramment des termes abstraits tirés du chinois, que connaissent les lettrés ou les étudiants, mais que le vulgaire ne comprend guère. Comme par ailleurs il ne sera jamais chargé d’une paroisse et n’aura pas de relations avec les chrétiens de niveau ordinaire, il se fera un langage un peu personnel, plutôt livresque, assez différent de la langue populaire.
Après quelques mois, il était nommé à la fois Supérieur du Séminaire et Aumônier des Dames de Saint-Maur : dans ces deux fonctions, il allait se retrouver professeur. Au moment où il en prenait la direction, le Séminaire de Tokyo, – petit et grand séminaire réunis – ne comptait que 7 ou 8 élèves, et ce chiffre, rarement dépassé, sera souvent diminué. Tout était à reprendre par la base, et, depuis les premiers éléments du latin jusqu’au dernier traité de théologie, il fallait conduire pas à pas ces jeunes intelligences extrême-orientales dans le chemin parfois ardu des sciences ecclésiastiques, et, tâche plus difficile encore, plier ces caractères, imprégnés par atavisme d’orgueil confucianiste et d’apathie bouddhiste, à la pratique des vertus chrétiennes et sacerdotales.
Le nouveau Supérieur se mit au travail de tout cœur : il savait d’avance qu’il entreprenait une œuvre de longue haleine, où les déceptions ne seraient pas rares ; mais optimiste déjà, – comme il le sera toujours en ce qui touche au Japon – il y consacra toutes ses énergies et toute sa persévérance. Ce n’est que douze ans plus tard, à Noël 1892, que les deux plus avancés de ses élèves furent appelés au sous-diaconat ; deux ans après, ils étaient prêtres. Quelle joie profonde ce fut pour M. Ligneul ! Et combien de douces espérances ne conçut-il pas alors ! Hélas ! elles ne devaient pas se réaliser toutes.
Du reste, les séminaristes étaient toujours peu nombreux, différents par l’âge et le degré de leurs études : chacun d’eux formait presque une classe à lui seul, ce qui rendait bien difficile la tâche de l’unique professeur ; de plus, vu ce petit nombre, il ne pouvait y avoir l’émulation qui excite au travail. Pour ces raisons et d’autres encore, Mgr l’Archevêque de Tokyo se décida à envoyer ses séminaristes au séminaire de Nagasaki, où les élèves étaient nombreux, les classes bien constituées, et où la jeunesse cléricale trouverait, chez des condisciples descendants des anciens martyrs et confesseurs de la foi, un milieu plus favorable aux progrès dans la piété en même temps que dans la science.
Déchargé ainsi du séminaire, M. Ligneul put consacrer plus de temps, sinon plus de zèle, à son ministère d’aumônier. Les Dames de Saint-Maur dirigeaient alors à Tokyo, tout près de l’archevêché, un orphelinat et un pensionnat comptant ensemble environ 250 élèves. Tous les matin, à six heures, l’aumônier célébrait la messe de la Communauté, suivie du catéchisme. L’après-midi des samedis et la veille des fêtes étaient consacrés aux confessions. Mais le grand désir de M. Ligneul était de faire produire à l’infatigable dévouement des maîtresses des résultats plus grands encore et d’étendre leur action aux jeunes filles de la classe élevée. « Il faut être au Japon, écrivait-il, pour comprendre combien il est difficile d’avoir une école appropriée à l’éducation des jeunes filles japonaises, surtout un internat tenu par une communauté européenne. Ce sont deux mondes tout à fait différents, attendu que rien ne se dit et ne se fait dans une maison au Japon comme dans une communauté française. Le problème à résoudre est celui-ci : que la communauté , pour se maintenir, vive de sa propre vie, suivant ses règles et ses usages particuliers ; que les Japonaises, de leur côté, soient élevées selon les coutumes et les usages de leur pays, puisqu’elles y doivent vivre, et qu’elles deviennent chrétiennes sans cesser d’être japonaises. En spéculation, rien de si simple ; en pratique, rien de plus compliqué. »
L’aumônier usa de toute son influence pour amener peu à peu ce résultat : ses conseils furent suivis avec une admirable abnégation, et si aujourd’hui les Dames de Saint-Maur comptent, dans leur seule maison de Tokyo, plus de 1.200 élèves, dont 420 dans leur école supérieure, et 450 dans leur cours spécial de demoiselles, il n’est que justice de reporter une part de ces succès au zèle éclairé de celui qui, pendant vingt ans, fut non seulement leur aumônier dévoué, mais leur conseiller sage et prévoyant.
La direction du Séminaire et l’aumônerie d’une importante communauté ne suffisaient pas à l’activité de notre confrère. « Ce qu’il faut au Japon, disait-il, ce sont des apologistes. Par l’enseignement public, tous les systèmes des deux mondes sont popularisés en même temps. Tokyo, sous ce rapport, rappelle absolument Alexandrie et ses écoles. Il lui faut des Origène. » Le zélé missionnaire se fit apologiste, et ses écrits allèrent porter, dans un milieu malheureusement inaccessible aux prédicateurs de l’Evangile, avec les principes d’une saine philosophie, la connaissance des grandes vérités du dogme catholique et des austères devoirs de la morale chrétienne.
Cet enseignement apologétique commença par la population d’une « Revue catholique » mensuelle, qui, à la vérité, existait déjà depuis plusieurs années, mais à laquelle M. Ligneul, dès qu’il en eut la direction, donna une allure plus conforme à ses vues. Puis, constatant bientôt que les abonnés du modeste périodique étaient presque exclusivement des chrétiens, il lança dans le public païen des tracts, des brochures, des volumes, dans lesquels, après avoir réfuté solidement les objections importées contre le catholicisme par les dissidents, il développa successivement toute la doctrine de l’Eglise.
Parmi ces ouvrages, il en est un qui mérita les honneurs de la censure. C’était en 1893, un professeur de l’Université Impériale, le docteur Inoue Tetsujiro venait de publier un volume qui avait fait grand bruit et obtenu un éclatant succès. La thèse de l’auteur était celle-ci : « Le Christianisme est contraire au bien du pays et de la famille au Japon. La vraie religion du Japon, c’est le patriotisme ; sa morale, la fidélité au Souverain et l’obéissance aux parents. On ne peut être en même temps Japonais et Chrétien. » M. Ligneul entreprit la réfutation de ce pamphlet ; le premier volume allait paraître ; et conformément aux règlements, deux exemplaires en avaient été déposés au Ministère de L’Intérieur , lorsque, à la veille même de la mise en vente, une décision ministérielle interdit la publication du livre, comme menaçant de troubler la paix publique. Le Père Ligneul, perturbateur de la paix publique ! Voilà ce qu’auront de la peine à se représenter ceux qui l’ont connu … Le coup lui fut sensible, mais ne le découragea pas. Quelques années plus tard, et sous d’autres titres, trois brochures reproduisirent l’ouvrage incriminé, qui, cette fois, passa sans encombre sous les fourches caudines de la censure et obtint un réel succès, comme du reste la plupart des productions de l’inépuisable auteur.
La seule énumération serait longue des œuvres qu’il publia pendant trente ans. A certains moments, il eut à son service deux ou trois lettrés ; plus tard, ce fut un de ses élèves, devenu prêtre, qui traduisait en japonais ce que M. Ligneul avait écrit en français. En 1902, il en était à son 42e volume.
« Il faut au Japon, disait-il encore, des gens de bien, des hommes d’intelligence et de cœur, qui se dévouent à enseigner la science, pour faire connaître et aimer la vertu. » Ce programme, nul ne la réalisé mieux que lui. Même après qu’il eût quitté le Japon, tout son temps libre était consacré à la composition d’opuscules, fruit de sa longue expérience et de ses continuelles méditations. Sa dernière maladie mit seule un terme à cette activité. « Je voudrais bien faire encore quelque chose pour mes chers Japonais, disait-il, j’ai réuni les idées à développer et les matériaux nécessaires. Si seulement je pouvais reprendre des forces pendant un mois pour composer ce petit livre ! » Il dut faire à Dieu le sacrifice de ce couronnement de ses travaux, de ces « novissima verba » de son zèle et de son amour pour le Japon.
Le 27 juin 1906, s’éteignait doucement, après trente années d’un fructueux épiscopat, le vénéré Mgr Osouf, premier archevêque de Tokyo. Cette mort fut un coup terrible pour M. Ligneul, qui, vivant depuis 25 ans dans son intimité, avait pu apprécier ses hautes vertus et lui avait voué un profond attachement et un religieux respect.
D’un autre côté, le séminaire n’avait plus d’élèves, les aspirants au sacerdoce étant envoyés à Nagasaki. Enfin, les Dames de Saint-Maur abandonnaient leur établissement proche de la cathédrale, pour s’installer en pleine centre de Tokyo, à une lieue de là.
Toutes ces circonstances concoururent, semble-t-il, à persuader à notre confrère que son rôle était terminé au Japon. Depuis quelques années, d’ailleurs, il avait goûté d’un ministère qui convenait bien à ses aptitudes : celui de prédicateur de retraites ecclésiastiques. Il lui parut que Dieu l’appelait à s’y consacrer, et que là il ferait plus de bien, la seule chose qu’il eût à cœur … Tokyo naturellement, puis Hakodaté avaient eu les prémices de ce nouvel apostolat. Passant le détroit, il porta la bonne parole aux missionnaires de Corée et de Mandchourie. Puis, orienté définitivement dans cette voie, il demanda son admission à la Maison de Nazareth, où il fut agrégé en 1912. Hongkong devint alors le centre d’où il rayonna de tous côtés, bravant, à 70 ans, les fatigues de longs et pénibles voyages, sous les climats tropicaux : Canton, Swatow, Yunnansen, Saigon, Penang, reçurent successivement la visite du prédicateur apostolique, et, bien que son principal objectif fût la retraite des missionnaires, les communautés religieuses de Frères et de Sœurs bénéficiaient de son passage et recueillaient aussi ses enseignements. Partout ses retraites ont laissé une impression profonde, partout elles ont opéré des fruits de salut. Non pas que M. Ligneul fût un orateur dans le sens que l’on attache communément à ce mot : sa parole était simple, claire, ses instructions étaient, plutôt que de vrais sermons, des conférences, presque des causeries, et il lui fallait sûrement se surveiller pour dire « mes chers confrères » et non pas « mes chers enfants ». Souvent, ses entretiens étaient plus philosophiques que théologiques : souvenir de ses passes d’armes contre les sophistes du Japon ; il aimait à présenter les fruits de son expérience, et plus encore les conclusions de ses réflexions personnelles ; mais, un texte de Sainte Ecriture, bien choisi et d’une application immédiate venait de temps en temps relever le sujet et le maintenir au niveau de spiritualité qu’exigeait l’auditoire.
Dans les intervalles de ses périgrinations apostoliques, M. Ligneul reprenait modestement sa place à Nazareth, simple comme un jeune séminariste, ponctuellement fidèle aux moindres prescriptions du règlement. Son occupation préférée était alors d’aider de sa direction et de ses conseils les confrères qui venaient passer quelque temps dans la maison, pour y faire une retraite et s’y renouveler dans la ferveur de leur sainte vocation. Sa seule présence, du reste, était une prédication : partout, il donna l’exemple d’une vie de recueillement, de prière et de travail. A la vérité, il vivait un peu à l’écart : cela d’abord par humilité, pour s’effacer et passer, si possible, inaperçu ; puis pour éviter toute occasion de manquer à la charité dans les inévitables discussions ou même les simples conservations entre confrères. Ce furent là, en effet, avec la foi profonde, principe de toutes ses actions, les vertus qui le distinguèrent particulièrement et qu’il recommandait surtout : humilité et charité. Ajoutons-y la patience dans les épreuves et les contradictions, dont sa vie ne fut pas exempte.
Cependant, toujours plein de zèle pour les Japonais, il se mit en relation avec les membres de la colonie japonaise de Hongkong, s’intéressa à leur école, à leurs réunions. Pour être mieux à leur portée et s’occuper d’eux plus facilement, il quitta même Nazareth et vint, de mai 1919 à juillet 1920, s’installer à la Procure, au centre de la ville. Il put ainsi suivre de plus près ses « chers Japonais » , les catéchiser, les conseiller, les encourager, en un mot, leur faire tout le bien en son pouvoir. Et lorsqu’il fut retourné à Nazareth, il n’en continua pas moins, tant que ses forces le lui permirent, à faire à pied, chaque semaine, les six kilomètres qui le séparaient de la ville pour aller faire le catéchisme aux enfants japonais.
Le 19 janvier 1921, quatre évêques et quarante missionnaires étaient réunis à Nazareth pour célébrer les noces d’or sacerdotales du vénérable apôtre, tous heureux de lui offrir leurs vœux pour la prolongation d’une existence si bien remplie.
Ce souhait ne devait pas être exaucé. La santé de notre confrère commençait à décliner : l’heure du repos approchait pour ce grand travailleur. Il voulut cependant prêcher encore la retraite des Sœurs de Saint-Paul à Hongkong, puis, au commencement de cette année, celle de Nazareth ; mais on sentait que la fatigue l’accablait : ce n’était plus le Père Ligneul d’antan. Bientôt la faiblesse générale s’accentua ; les jambes lui refusèrent leur service. Il dut se priver de dire la sainte messe et se vit condamner à ne plus quitter sa chambre. L’anémie gagna peu à peu : le corps était usé, mais les facultés qu’il avait employées avec un zèle si méritant et si efficace demeurèrent intactes. La veille même de sa mort, Mgr Pozzoni daigna venir le visiter et lui apporter une dernière bénédiction ; les Pères italiens, les Sœurs de Saint-Paul de Chartres vinrent aussi, et à tous il fit de touchants adieux.
Le 25 juillet, un confrère passa avec lui la récréation qui suit le souper, et lorsque, à 9 h ½ , la cloche l’appela à la chapelle : « C’est cela, lui dit le cher malade, allez faire la prière. Bonne nuit. » Et cinq minutes après, sans bruit, sans secousse, sans agonie, s’endormait doucement du sommeil des justes, apportant jusque dans la mort cette discrète simplicité qui fut l’une des caractéristiques de sa vie.
Les funérailles eurent lieu le lendemain. Tout le clergé de Hongkong et Mgr le Vicaire Apostolique lui-même, les communautés religieuses, une députation de la colonie japonaise de la ville y assistèrent.
Notre vénéré confrère repose maintenant dans le cimetière de Béthanie, attendant la Résurrection suprême ; mais son âme, nous en avons la confiance, jouit déjà de la récompense promise aux bons et fidèles serviteurs : « Bonum certain, eursum consummavi, fidem servavi : in reliquo reposita est mihi corona justitiae, quam reddet mihi Dominus in illâ die, Justus Judex. »
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Références
[1463] LIGNEUL François (1847-1922)
Références biographiques
AME 1903 p. 22. 1905 p. 37. 1906 p. 42 (art). 114. 1911 p. 277. 1914 p. 138. 1917-18 p. 5. 24+note. 38. 55 (art). 1926-27 p. 412. 413. 416. CR 1880 p. 96. 1885 p. 26. 1886 p. 32. 1891 p. 36. 262. 1893 p. 37. 38. 56. 1894 p. 43. 1897 p. 50. 1898 p. 45. 72. 1899 p. 15. 17. 19. 21. 43. 44. 49. 1900 p. 14. 15. 37. 38. 1901 p. 16. 17. 43. 51. 1902 p. 11. 19. 20. 52. 1903 p. 13. 1904 p. 15. 1905 p. 6. 13. 1907 p. 46. 47. 48. 1908 p. 35. 378. 379. 1910 p. 12. 56. 294. 1911 p. 18. 267. 1912 p. 74. 310. 1913 p. 192. 1914 p. 211. 1917 p. 233. 234. 1922 p. 201. 202. 248 (notice). 1924 p. 19. 1962 p. 30. BME 1922 p. 21. 59. 296. 451. 499 (cf.1924 p. 779. 780). 1927 p. 750. 1930 p. 342 (art). photo p. 352. 1959 p. 571. 662. 674. 767. EC1 N° 19. 86. 320.