Léopold DELECOURT1855 - 1885
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 1479
Identité
Naissance
Décès
Autres informations
Missions
- Pays :
- Chine
- Région missionnaire :
- 1881 - 1885
Biographie
[1479]. DELECOURT, Léopold-Lucien-Désiré, vit le jour à Brugelette (Hainaut, Belgique), le 1er mai 1855. Elève des collèges d'Enghien et de Bonne-Espérance, il entra laïque au Séminaire des M.-E. le 10 septembre 1877. Ordonné prêtre le 26 septembre 1880, il partit pour la Mandchourie le 10 novembre suivant. En 1881, il étudia la langue à Yang-kouan. Il alla ensuite se former à la vie apostolique sous la direction de M. Bisson, à Chou-kai-touo, dans la province de Ghirin, et bientôt, il établit sa résidence à quelques lieues de distance, à Kin-ma-tsai. Il était à Chou-kai-touo, quand il fut enlevé par le typhus, le 9 mai 1885.
Nécrologie
M. DELECOURT
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE DE MANDCHOURIE
Né le 1er mai 1855.
Parti le 10 novembre 1880.
Mort le 9 mai 1885.
« Si le juste est enlevé par une mort soudaine et prématurée, c’est pour jouir plus vite de la paix et du repos. » (Sap., IV., 5.) La vie de notre cher confrère a été celle du juste, sa mort prématurée n’est donc que le passage rapide au séjour de la paix et de la félicité éternelles.
M. Léopold-Lucien-Désiré Delecourt naquit à Brugelette, le 1er mai 1855. Dès les premières années, on remarquait en lui une volonté ferme, un esprit décidé, ardent, impétueux, « une franchise qui allait parfois jusqu’à l’audace. » Lorsqu’il dut commencer ses études, ses parents le placèrent au collège d’Enghien et plus tard, au collège de Bonne-Espérance, où il se fit surtout remarquer par sa dévotion envers la Mère de Dieu. « Bonne-Espérance, d’ailleurs, c’est la maison de prédilection de la sainte Vierge, c’est sa famille privilégiée. »
Vers la fin de sa quatrième, M. Delecourt fit connaître à un de ses amis, son intention de se consacrer au salut des infidèles : « Êtes-vous bien sûr que ce soit votre vocation ? » interrogea son ami. — « Aussi sûr que si le bon Dieu m’était apparu pour me le dire, » répliqua-t-il vivement.
Pendant son année de rhétorique, il fit une retraite qui donna à sa piété plus de vivacité, à sa vie plus de sérieux. C’est alors qu’il prit la résolution de ne plus se rendre aux concours des jeux de balle, si recherchés et si brillants en Belgique. « J’ai été heureux de pouvoir faire ce sacrifice pendant ma retraite, et de l’offrir à la sainte Vierge. Si dans ces fêtes, je puis perdre facilement ma voca¬tion au sacerdoce, combien plus facilement je perdrais ma vocation de missionnaire. »
Et plus tard il ajoutait : « Ce sont des plaisirs bien agréables sans doute, mais j’aime mieux une de ces journées de vacances passées dans le calme et le silence. Oh ! alors comme on prie bien, comme on aime Dieu, comme on est heureux. Comme j’aime les jours sereins où, le soir, je puis me dire : « J’ai fait quelque bien cette journée, j’ai consolé quelqu’un dans la peine. » Ainsi son âme avançait de plus en plus dans les voies de la spiritualité et dans l’amour de la croix.
Son année de philosophie fut une des meilleures de sa vie. Il écrivait le 7 novembre : « Je suis vraiment heureux en philosophie. Nous sommes ici comme dans une grande famille ; une charité douce et chrétienne règne parmi nous. On travaille dans le silence, et on est content. Mais ce qui fait le charme de cette classe, ce sont les pieuses et fréquentes exhortations, la lecture presque quotidienne de la vie des saints, la méditation de chaque jour. Le bon Dieu veut que cette année soit une préparation au grand moment du départ. »
Lorsque arriva ce moment, le jeune homme sentit son cœur se briser à la pensée de la douleur de ses parents : il n’osa leur faire ses adieux de vive voix. « Mon départ, a-t-il écrit depuis, ressemblait à la fuite d’un malfaiteur. Après le dîner, je me retirai dans ma chambre, je pris de mes affaires ce que je pouvais emporter, et je partis. Je partis, mais la douleur m’oppressait. Je serrais mon cru¬cifix sur mon cœur, et le coup fut porté ; après avoir quitté la mai¬son, je m’arrêtai quelques secondes contre une porte de grange, et par un effort, je m’éloignai de la maison. Mais j’avais oublié des objets importants ; et puis il m’était impossible de résister au désir de voir encore ma mère. Avec quel bonheur je rentrai ! Mais cette fois, pour partir, le coup fut plus terrible encore. Je ne pouvais fermer la porte de la maison, je tins la main sur la serrure pendant quelques minutes, je retournai encore une fois à ma chambre, enfin, fortifié par Celui qui me demandait un tel sacrifice, je partis d’un pas plus ferme. Mais lorsque je fus éloigné, j’avais comme une sorte de vertige, et ce ne fut qu’en approchant de Saignies que je sentis mon cœur un peu soulagé en versant des larmes. »
Arrivé à Paris, il se remit rapidement de ses émotions. « Je suis heureux, disait-il, je sens que Dieu me veut ici ; cependant quand les tendres souvenirs de la famille arrivent, les larmes coulent. Oh ! qu’elles font du bien, on est soulagé de pleurer en silence, dans sa cellule, seul à seul avec Dieu. »
Il reçut l’onction sacerdotale le 26 septembre 1880. Quelques jours plus tard, il était au milieu des siens pour leur faire ses adieux. « Où allez-vous, lui demandait-on au séminaire de Tournai. — En Mandchourie, répondait-il ; et laissant entrevoir ce désir suprême que porte au cœur tout missionnaire, il ajoutait : « Ah ! qu’elles sont belles, les missions chinoises ! » Et pourquoi donc ? — « Elles sont les plus enviées, continue-t-il, parce qu’on y recueille à chaque pas la misère et la souffrance. Et quoique Dieu ne réserve qu’à ses privilégiés de verser leur sang pour son nom, tous, en Chine, nous pouvons avoir cette espérance, surtout dans les temps que nous traversons. »
Le 9 avril 1881, M. Delecourt arrivait à Ing-Tsé. Quinze jours plus tard, il partait pour Yan-Kouan, petit village situé au milieu des montagnes ; et la première parole qu’il prononce est une parole de reconnaissance pour Dieu et d’amour pour les âmes : « J’oubliais toutes les peines, toutes les souffrances, toutes les douleurs, et remerciant le bon Dieu, je lui disais merci, oui merci de m’avoir conduit sur cette terre étrangère. »
Au bout de six mois d’étude, il pouvait prêcher en chinois ; ses succès de la première heure ne se démentirent point, et son Évêque pourra lui rendre ce témoignage : « La facilité avec laquelle M. Dele¬court parlait la langue chinoise, son zèle et son dévouement en faisaient un excellent missionnaire, capable de rendre bien des services à la mission. »
Bientôt il s’en alla à travers son immense district, faire l’adminis¬tration de ses chrétiens dispersés sur un grand nombre de points. A son retour, il forma le projet de fonder des catéchuménats dans chaque village, pensant que c’était le meilleur moyen pour étendre et fortifier le règne de Jésus-Christ. Hélas ! son zèle dut s’arrêter devant la persécution, qui venait de frapper deux ou trois paroisses et particulièrement celle de M. Conraux. « Les mandarins, disait M. Delecourt, n’attendent qu’une occasion favorable pour nous faire sauter la tête. »
Les mandarins ne l’inquiétèrent point, mais il faillit être victime d’un criminel attentat. Il avait dû congédier un de ses domestiques : celui-ci, ne pouvant supporter la honte de ce renvoi, gardait à son ancien maître une haine mortelle. Un jour, M Delecourt, après avoir célébré les saints Mystères, venait de rentrer chez lui, lorsque tout à coup la porte s’ouvre, et le domestique, armé d’un large couteau, s’élance sur lui. Heureusement il put soutenir la lutte jusqu’au mo¬ment où les chrétiens, avertis par le bruit, accoururent apporter secours à leur vénéré Père.
La guerre faite par la France en Chine et au Tong-King eut son contre-coup jusque dans la lointaine mission de Mandchounie. «. Nous sommes, écrivait M. Delecourt, comme l’oiseau sur la branche, prêts à partir, mais à partir pour l’éternité. » Et dans sa dernière lettre, à un de ses amis, il disait : « Je ne vous écrirai plus … que du ciel. »
Était-ce un pressentiment ? Mais pour arriver au céleste séjour du repos, le jeune missionnaire ne suivit pas le chemin qu’il espérait.
Pendant l’hiver de 1884 il avait eu une névrose à la joue droite : peu à peu il s’était rétabli, et la maladie ne semblait pas avoir laissé de traces. Vers le 20 avril il dut se rendre à 12 ou 13 lieues de chez lui, pour acheter un vaste terrain, au milieu de la forêt. Les routes étaient épouvantables, l’installation nulle : « C’est là probablement, nous dit un de ses confrères, que M. Delecourt a pris sa maladie. A son retour cependant, il était encore vaillant, mais un violent mal de tête se déclara. Comme il faisait creuser un puits, il voulut en surveiller les travaux, malgré son état. Ses jambes refusaient de le porter. Croyant pouvoir vaincre la nature, il fit faire deux longues béquilles, à l’aide desquelles il se traînait jusqu’auprès de ses ou¬vriers. Bientôt on reconnut les symptômes du typhus ; la fièvre se déclara intense, il vit son état, se prépara à la mort, et mit ordre à sa conscience. Enfin, après onze jours de maladie, après quatre années d’apostolat, le 9 mai, à 4 heures et demie du matin, un sa¬medi, pendant le mois de Marie, il rendit sa belle âme, pleine de mérites, à son Créateur. »
Références
[1479] DELECOURT Léopold (1855-1885)
Notes bio-bibliographiques. - C.-R., 1883, p. 71.
Notice nécrologique. - C.-R., 1885, p. 195.