Pierre MERLE1859 - 1927
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 1608
Identité
Naissance
Décès
Autres informations
Missions
- Pays :
- Chine
- Région missionnaire :
- 1884 - 1927
Biographie
[1608] MERLE Pierre est né le 5 septembre 1859 à Monistrol sur Loire, diocèse du Puy (Haute-Loire). Il fit ses études au Petit Séminaire de Monistrol, et entra aux Missions Étrangères le 19 septembre 1880. Il fut ordonné prêtre le 29 septembre 1884 et partit pour le Kouangsi le 5 novembre 1884.
Arrivé à Hongkong, il trouva les évêques et les missionnaires du Kwangtong et du Kouangsi réunis dans notre maison de Bétanie. Ils attendaient la fin de la guerre du Tonkin. Mgr Foucart, préfet apostolique du Kouangsi décida, en accord avec le Procureur général, M. Martinet, d'emmener M. Merle au Kwangtong. Le préfet apostolique du Kwangtong, sachant que M. Merle désirait plutôt le Kouangsi, l'envoya dans un poste à plus de 200 km de Canton, à Hoyun, sur le fleuve de l'Est, pour y apprendre le chinois. Le curé de cette paroisse était M. Ferrand, animé d'un grand esprit de foi et de pénitence, mais d'un zèle tout personnel. M. Merle n'était pas fait pour s'entendre avec lui, et dès 1886, il fut envoyé à Lapchak, où il devait passer 42 ans, toute sa vie missionnaire.
Il bâtit là une résidence confortable, une école et une grande chapelle. En dehors de Lapchak, il acheta un terrain et une maison dans la ville de Yunon, qui devint la résidence d'un prêtre chinois. Il baptisa les premiers chrétiens de cet endroit et développa la paroisse et les autres stations, où travaillent aujourd'hui trois prêtres chinois. Inflexible à son poste, il l'administra, en dépit d'une infirmité des reins, qui lui rendit de bonne heure les voyages plus difficiles. Très traditionnel, il n'aimait pas être dérangé dans ses vieilles habitudes liturgiques ou autres.
Il connaissait à fond les formules de la politesse chinoise, ce qui lui permit de frapper aux portes des mandarins, à une époque où les mandarins se croyaient obligés de traiter honnêtement les missionnaires. Il en profita pour redresser certaines injustices envers ses chrétiens, qui d'ailleurs se montraient reconnaissants envers lui. Il put ainsi acheter des rizières, dont les revenus servirent aux dépenses du culte à Lapchak et ailleurs. Il alla jusqu'à organiser un grand jardin, que ses successeurs apprécièrent beaucoup pour ses produits en légumes et en fruits.
M. Merle était de robuste constitution. Il ne voulait pas consulter les docteurs. Son régime n'aurait pas convenu à tous les estomacs. Il ne faisait qu'un repas par jour, vers midi. Il est vrai que le repas était plutôt copieux. Un jour vint cependant où il dut se résigner à aller dans la ville de Hoyun, vers la fin de l'année 1926, consulter le docteur protestant allemand. M. Merle commença à réaliser que sa vie était vraiment en danger, quand le docteur prononça le mot de cancer.
Après tout, pensait notre confrère, les docteurs ne sont pas infaillibles, même les docteurs allemands ! L'appétit était revenu, et M. Merle se crut guéri. Pourtant le 18 janvier 1927, il s'alita. Il souffrait de violente douleurs d'intestin. Le 2 février, il demanda l'Extrême Onction, prêt à mourir sans refuser de vivre, il continua à souffrir sans se plaindre et sans vouloir d'autres soins que ceux de son fidèle domestique.
Le 14 mars, il vit arriver un chrétien de Lapchak. Il demanda la présence d'un confrère à ses derniers moments. Le 15 mars 1927, au matin, après les prières des agonisants, on entendit M. Merle murmurer : Jésus, Marie, Joseph... puis plus rien. Il rendit le dernier soupir vers midi. Les obsèques eurent lieu le 19 mars et le Père repose maintenant à côté de sa résidence, au flanc d'une colline qui domine la chapelle. Les chrétiens viendront prier sur le tombeau du fondateur de leur église et garderont le souvenir du premier missionnaire qui, venu du lointain pays de France, voulut, malgré toutes les tribulations, vivre et mourir dans ce coin de Chine qui s'appelle Lapchak.
Nécrologie
M. MERLE
MISSIONNAIRE DE CANTON
M. MERLE (Pierre) né à Monistrol-sur-Loire (Le Puy, Haute-Loire) le 5 septembre 1859. Entré laïque au Séminaire des Missions-Etrangères le 19 septembre 1880. Prêtre le 20 septembre 1884. Parti pour le Kouangsi le 5 novembre 1884. Missionnaire au Kouangtong (Canton) en 1885. Mort à Lapchak le 15 mars 1927.
Pierre Merle naquit à Monistrol-sur-Loire de Jacques Merle et Catherine Duvert, le 5 septembre 1859. Il perdit son père de bonne heure. Une de ses sœurs est morte en 1924 Supérieure des Sœurs de Notre-Dame du Puy. La correspondance qu’ils échangèrent toute leur vie témoigne d’une affection très profonde et toute en Dieu.
Après de brillantes études au petit séminaire de son diocèse, il dut orienter sa vie. Sa mère aurait voulu le retenir au pays. Seul garçon héritier d’un beau domaine, il avait pour voisin un riche propriétaire qui, par l’union de Pierre avec sa fille unique, rêvait d’unir les deux domaines. Tout semblait concourir à la fondation d’un foyer auquel l’avenir souriait. Pierre réfléchit quelques jours et … partit pour le séminaire des Missions-Etrangères.
Ordonné prêtre le 20 septembre 1884, il reçut sa destination pour la Mission du Kouangsi et partit le 5 novembre suivant. Il trouva à Hongkong les évêques et les missionnaires du Kouangtong et du Kouangsi réunis dans cette île anglaise, en attendant la fin de la guerre du Tonkin. Les difficultés étaient grandes dans lesquelles se débattaient, à cette date, évêque et missionnaires de la Mission du Kouangsi, ingrate et pauvre entre toutes. Mgr Foucard, préfet apostolique, ne jugea pas opportun d’emmener avec lui un tout nouveau missionnaire, et il fut décidé entre les deux évêque et M. Martinet, procureur général, que M. Merle passerait à la Mission du Kouangtong.
Mais la déception du jeune missionnaire fut grande et elle ne fut pas dissimulée. Depuis sa destination il avait longuement regardé et étudié le Kouangsi sur la carte. Il s’était donné à cette terre sauvage comme à une fiancée de rêve, difficile à conquérir et d’autant plus désirable. Et voilà qu’on rompait brutalement ces fiançailles mystiques !…..
Mgr Chausse, préfet apostolique du Kouangtong et compatriote de M. Merle le consola : « Vous désirez un Kouangsi, lui dit-il, je vous en donnerai un. » Et il l’envoya à Hoyun, à plus de deux cents kilomètres de Canton, sur le fleuve de l’Est. La seule résidence de missionnaire existant alors dans cette région était au village de Vounay. Ce village de deux cents chrétiens formait le noyau du district qui comptait en outre quelques petits groupes de néophytes dispersés en de lointaines localités. Le chef du poste, M. Ferrand, était animé d’un grand esprit de foi et de pénitence, mais d’un zèle tout personnel. Sergent-major pendant la guerre de 1870, il avait conservé dans sa vie de missionnaire la discipline rigoureuse et austère de l’année terrible. En 1884, tandis que tous ses confrères, répondant à l’appel de leur évêque, s’étaient réfugiés à Hongkong, il avait de ses propres mains creusé une caverne dans le repli d’une montagne, prêt à s’y réfugier si les soldats étaient avertis de sa présence au village chrétien. Il s’enfonçait dans cette caverne plus obscure qu’une prison et y passait chaque mois un jour de retraite.
Tel était l’homme auquel Mgr Chausse adjoignit M. Merle en 1885. Les deux caractères, peut-être même à cause des qualités ou défauts qui leur étaient communs, n’étaient pas faits pour s’entendre. Il fallut séparer Paul de Barnabé. M. Merle demanda à son évêque de lui tailler un district indépendant. Mouseigneur qui aimait beaucoup les initiatives lui donna en fief la sous-préfecture de Yunon, aujourd’hui Tsikam.
Ce nouveau district ne comptait qu’une centaine de chrétiens répartis à Lapchak, Pakpou et Gniyong. M. Merle s’établit à Lapchak où il trouva pour résidence une masure abandonnée, achetée en 1880 par M. Guillaume. C’est à Lapchak qu’il passa jalousement quarante deux ans, toute sa vie de missionnaire.
Il y laisse aujourd’hui une résidence confortable, une école et une grande chapelle dont il a été l’architecte et qu’il a construite de ses propres deniers. En dehors de Lapchak, il a acheté un terrain et une maison dans la ville de Yunon, qui est maintenant chef-lieu de résidence d’un prêtre chinois ; il en a baptisé les premiers chrétiens. De même à Chakongshin et dans la plupart des autres stations de cette sous-préfecture qui occupe maintenant trois prêtres chinois.
A cinq reprises, il eut à faire l’administration de Vounay. La persécution et la maladie ont trop souvent forcé les missionnaires de ce district à le quitter, et toujours ce district retombait sur les bras de M. Merle qui s’en chargeait en attendant l’arrivée d’un nouveau titulaire. Pendant sept ans il fit même les visites régulières de la station de Tonghaitien dans le Loktong.
Inflexible à son poste, il regardait passer les événements sans avoir l’air de s’en préoccuper. Une infirmité des reins lui rendit de bonne heure les voyages très difficiles et il ne descendait pas souvent à Canton. Peut-être aussi y avait-il dans cet isolement voulu reste de rancœur : Il boudait Canton qui remplaçait son Kouangsi. Et pourtant, quel homme charmant ! Sa conversation était toujours intéressante. Il avait des opinions bien tranchées sur toutes choses, et s’il aimait la discussion, c’était que ses idées reposaient sur des fondements solides, et il le démontrait. S’il n’arrivait pas à convaicre sn contradicteur, il retroussait ses larges manches et concluait brusquement : « Vous n’êtes pas de mon avis, c’est bien ; gardez votre manière de voir, je garde la mienne et soyons bons amis. »
Un jour cependant il fut obligé de s’avouer en défaut : il s’agissait de la position géographique d’une petite ville sur le transsibérien. Il reconnut aussitôt son erreur, mais son orgueil de géographe en souffrit, car M. Merle était un grand géographe. Il employait ses loisirs à étudier les statistiques ; il connaissait le nombre des habitants de toutes les villes du monde. Pour peu que l’on s’y prêtât il ne tarissait pas en descriptions sur les diverses parties de l’univers. Il rêvait ─ car ce n’était qu’un rêve ─ de faire le tour du monde pour bien se convaincre qu’il connaissait, avant de les avoir parcourus, les deux hémisphères dans tous leurs détails.
En attendant, il restait à Lapchak. Il n’aimait pas que de nouveaux liturgistes vinssent troubler la paix de ses vieilles habitudes. A ceux qui lui disaient qu’il pouvait se dispenser de réciter les prières ordinaires après la messe solennelle du dimanche, il répondait : « Je les ai toujours récitées et je continuerai de les réciter. » Un peu dur d’oreille, il voulait s’entendre lui-même, semblait-il et prononçait lentement et distinctement toutes les syllabes de tous les mots de toutes ses prières. C’était très édifiant, mais un peu long.
Cette attention à parler distinctement, il la portait dans ses conversations. La porte de sa résidence s’ouvre sur un large parloir. Chrétiens et païens étaient toujours admis à venir y prendre le thé et fumer la pipe. Lui ne fumait pas et l’odeur du tabac l’incommodait ; il supportait cependant ce petit inconvénient pour avoir le plaisir de causer.
Il connaissait à fond les formules de la politesse chinoise et les utilisait sans répit. Beaucoup de porteurs de palanquin n’ont jamais reçu que de sa bouche l’épithète de monsieur. Son urbanité lui ouvrait les portes des mandarinats à une époque où les mandarins se croyaient obligés de traiter honnêtement les missionnaires. Il en profita pour redresser certaines injustices envers ses chrétiens ou ses catéchumènes, et ceux-ci reconnaissants ouvraient facilement pour lui les cordons de leur bourse ; l’argent qu’il recevait ainsi passait entièrement dans la construction d’écoles ou chapelles. Il a acheté quelques rizières dont les revenus serviront aux frais du culte à Lapchak et ailleurs. Il a , morceau par morceau, ouvert un grand jardin attenant à la chapelle. Ah ! ce jardin ! c’était sa grand distraction. Chaque jour il allait voir pousser ses choux et ses navets ; il a même avoué s’être levé quelquefois la nuit pour aller constater si les semis commençaient à lever. Ses successeurs lui seront reconnaissants d’avoir rendu agréable la résidence de Lapchak, mais ils ne se douteront jamais du travail persévérant que cela a coûté.
Un jour peut-être la région de Hoyun, y compris Yunon, formera un diocèse chinois indépendant. M. Merle ne verra pas ce couronnement de son œuvre, et cependant il espérait vivre assez longtemps pour le voir. Il avait en effet une petite manie : quand arrivait un nouveau confrère, il se demandait aussitôt : « Est-ce que je l’enterrerai aussi celui-là ? » C’était un moyen de se rassurer lui-même. En butte à diverses maladies, il prétendait qu’elles se neutralisaient les unes les autres et refusait obstinément d’aller consulter les docteurs. On prétend ─ c’est sans doute une légende ─ que dès qu’un sapin croissant dans sa propriété semblait devenir assez grand pour faire une planche de cercueil, il le faisait couper.
Son régime n’aurait pas convenu à tous les estomacs. Pendant vingt ans, il n’a fait qu’un repas par jour vers midi ; il est vrai que ce repas en valait certainement deux. Un jour, le missionnaire de Vounai, averti que M. Merle n’avait rien mangé depuis longtemps, se crut obligé d’aller le voir ; les chrétiens de Lapchak étaient tous d’avis que leur Père était malade à mourir. Le missionnaire arrive à la porte de la résidence, elle était fermée. Il frappe, pas de réponse. Au bout de cinq minutes d’attente, la porte s’ouvre et M. Merle souriant et revêtu de sa plus belle longue robe vient recevoir son hôte. Il s’était mis en tenue pour rassurer son confrère sur son état, et de fait, le surlendemain le missionnaire le quitta pleinement rassuré sur ses capacités digestives. L’arrivée de son confrère l’avait, paraît-il, guéri subitement.
Un jour vint cependant où M. Merle commença à craindre. Vers la fin de l’année 1926, il se résigna à aller à la ville de Hoyun consulter le docteur protestant allemand. Le docteur lui fit une petite opération qui soulagea le malade, mais il prononça le mot de cancer, et M. Merle comprit que sa vie était vraiment en danger. Pourtant il espérait encore. Après tout, les docteurs même allemands, ne sont pas infaillibles. L’appétit était revenu et il écrivait triomphant : Je suis guéri.
Soudain, le 19 janvier 1927, il s’alita. Il se crut empoisonné : A de violentes douleurs d’intestin et une soif ardente se joignaient tous les symptômes d’une pleurésie. Le missionnaire de Vounai, averti par les chrétiens, accourut. M. Merle fut étonné de voir arriver son confrère qu’il n’avait pas appelé, mais cette fois il n’alla pas le recevoir à la porte. Le 2 février il demanda l’Extrême-Onction ; il voulut répondre lui-même aux prières sacramentelles, et ferma ses mains sur ses genoux pour que le prêtre n’oubliât pas les onctions à l’extérieur.
Après avoir pris toutes ses dispositions envers Dieu et envers les hommes, prêt à mourir sans refuser de vivre, il continua à souffrir sans se plaindre et sans vouloir d’autres soins que ceux de son fidèle domestique qu’il appelait de temps en temps avec une clochette. Le missionnaire de Vounai, ne croyant pas à un danger imminent, dut rejoindre son poste où l’appelaient d’autres devoirs.
Le 14 mars il vit arriver un chrétien de Lapchak. M. Merle n’ayant plus d’illusions sur sa mort prochaine, demandait la présence d’un confrère à ses derniers moments. Le missionnaire partit aussitôt et arriva à Lapchak à dix heures du soir. Le malade conservait toute sa lucidité et donna ses instructions pour ses funérailles avec la plus grande tranquillité d’âme. Quoique l’agonie ne commençât pas encore, il voulut qu’on récitât les prières des agonisants. Un peu avant l’aube sa parole devint difficile à comprendre et la respiration pénible. A neuf heures, il murmura : Jésus, Marie, Joseph ; puis plus rien ne sortit de sa bouche qu’un souffle de plus en plus espacé, jusqu’un dernier à peine plus prononcé que les autres. Il était midi.
Notre confrère gardait encore sa bonne figure souriante et gracieuse comme si, par un suprême effort de volonté, cet homme qui avait tant souffert dans sa vie sans vouloir le laisser soupçonner, ne voulût pas faire savoir qu’il était mort.
Il resta quatre jours exposé dans la chapelle qu’il a lui-même bâtie. On put ainsi prévenir les chrétiens des environs qui arrivèrent quelque trois cents tous baptisés de sa main.
M. Nicouleau, assisté de deux prêtres chinois chanta la messe et présida les obsèques qui eurent lieu le 19 mars, en la fête de saint Joseph, patron de la bonne mort.
M. Pierre Merle repose à côté de sa résidence, au flanc d’une colline qui domine la chapelle. Sur son tombeau, les chrétiens viendront prier pour le fondateur de leur église et transmettront de génération en génération le nom du premier missionnaire qui, venu du lointain pays de France, voulut, malgré toutes les tribulations, vivre et mourir dans ce coin de Chine qui s’appelle Lapchak.
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Références
[1608] MERLE Pierre (1859-1927)
Références bio-bibliographiques
AME 1914 p. 126. 1926-27 p. 360. CR déc.1884 p. 153. 1887 p. 117. 1892 p. 140. 146. 1894 p. 167. 1897 p. 111. 1901 p. 122. 123. 1902 p. 141. 1906 p. 125. 1907 p. 148. 1908 p. 123. 1909 p. 134. 1912 p. 159. 1913 p. 159. 167. 1918 p. 51. 1919 p. 53. 1922 p. 71. 1923 p. 85. 87. 1924 p. 201. 1925 p. 73. 1927 p. 74. 203. 1934 p. 94. BME 1927 p. 328. EC1 N° 128.