Joseph MAIGRE1861 - 1905
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 1634
Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Birmanie
- Région missionnaire :
- 1885 - 1905 (Yangon [Rangoun])
Biographie
[1634]. MAIGRE, Joseph-Daniel, né à Serres (Hautes-Alpes) le 29 décembre 1861, entra laïque au Séminaire des M.-E. le 24 septembre 1880. Ordonné prêtre le 20 septembre 1884, il partit le 3 décembre suivant pour la Birmanie méridionale. Il débuta dans le district de Mittagon, et quand, en avril 1890, la partie sud-est en fut détachée, on le chargea de l'administrer. Il se fixa à Letthama. A lui seul, et sans autre ressource que la bonne volonté de ses néophytes, il bâtit résidence, chapelle et écoles. Les privations qu'il s'imposa pour mener ces travaux à bonne fin, de pair avec l'évangélisation de nombreux païens, épuisèrent sa santé. Mgr Cardot lui confia ensuite la direction des séminaristes revenus du Collège général de Pinang. Il mourut le 30 juillet 1905 à l'hôpital de Rangoon, et fut enterré dans le cimetière Puzundaung
Nécrologie
M. MAIGRE
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE DE LA BIRMANIE MÉRIDIONALE
Né le 29 décembre 1861
Parti le 23 décembre 1884
Mort le 30 juillet 1905
« Une des plus cruelles épreuves qui sont venues fondre, cette année, sur la mission de Birmanie méridionale, est, sans contredit, la mort de notre excellent confrère, M. Joseph Maigre.
« Né à Serres (Hautes-Alpes), le 29 décembre 1861, de parents plus riches en vertus chrétiennes qu’en biens de ce monde, l’enfant se forma de bonne heure à une vie toute de foi et de piété. De bonne heure aussi, il apprit à aimer Marie, fréquentant autant qu’il le pouvait le sanctuaire privilégié qu’Elle s’est choisi, au sommet des Alpes, sous le vocable de Notre-Dame du Laus. La première communion et le séjour au petit séminaire ne firent que perfectionner encore l’esprit et le cœur du futur apôtre. Aussi bien eut-il la bonne fortune d’y être aidé par un prêtre éminent, aujourd’hui élevé sur le siège de Gap, nous voulons parler de S. G. Mgr Berthet, qui n’a cessé de témoigner à la famille Maigre, au jeune Joseph plus particulièrement, un vif et paternel intérêt.
« Entré laïque au Séminaire des Missions-Étrangères le 24 septembre 1880, M. Maigre se met avec ardeur à l’étude des sciences sacrées. Sa conduite est exemplaire, sa piété solide, sa régularité parfaite. Avec ses confrères, il est toujours d’une charité non moins remarquable. Tout en lui porte une empreinte de modestie et d’humilité qui le fait paraître timide. L’extérieur répond bien à son nom, son abord est plutôt froid, son air réservé. C’est que notre petit montagnard, à l’œil vif, à la parole sèche et saccadée, à la répartie prompte, ne se révèle pas à tout venant. Il lui faut comme tâter le terrain, puis, se sentir en pays de connaissances ; alors, seulement, il a plaisir d’entrer en intimité, et se montre tel qu’il est, c’est-à-dire gai sans démonstration bruyante, franc et ouvert sans familiarité, bon confrère dans toute l’acception du terme, aimé de ses maîtres, estimé de tous.
« Le 20 septembre 1884, il fut ordonné prêtre et destiné, le lendemain, à la mission de Birmanie méridionale, où il arrivait dans les premiers jours de l’année suivante. Il fallait un bon ouvrier pour aider feu M. Bringaud dans l’œuvre, de plus en plus prospère, de la conversion des Carians, au nord du district d’Henzada. Mgr Bigandet, de vénérée mémoire, n’hésita pas à désigner le nouveau venu. Sous un maître comme le curé de Mittagon, au milieu d’un vaste district comptant plus de 3.000 âmes, et où le ministère laisse peu de loisirs, le jeune vicaire se met vite en état de rendre tous les services possibles. Pendant que M. Bringaud est en tournée d’administration, son assistant garde la résidence, surveille les écoles, reçoit les visiteurs païens et chrétiens, se livre à des travaux manuels, menuiserie et jardinage, profitant de toutes les circonstances pour se perfectionner dans la con¬naissance et la pratique de la langue birmane, qu’il réussit bientôt à parler d’une manière aussi aisée que correcte.
« A son tour, on le vit parcourir les chrétientés du district, y faire le catéchisme, prêcher, confesser, remplir en un mot tous les devoirs du saint ministère. Appelle-t-on le prêtre auprès d’un malade éloigné ? c’est lui qui, le plus souvent, est de service. Les longues courses à cheval lui plaisent plus qu’elles ne le fatiguent. Il est si heureux ( car les consolations ne lui manquent pas) de pouvoir travailler au salut des âmes !
« Pendant que les anciens chrétiens sont maintenus dans la ferveur, de nombreux païens surgissent de tous côtés, avides d’instruction, ne demandant qu’à se préparer au baptême. C’est ainsi que les années 1886, 87, 88, 89, font époque dans l’histoire du district de Mittagon. En 1890, M. Bringaud, d’accord avec l’évêque de Ramatha, se voit dans la nécessité de procéder à une nouvelle division de son vaste domaine. Déjà, avant l’arrivée de M. Maigre, la partie nord en avait été distraite pour former le poste de Sin-lu ; maintenant c’est la partie sud-est qui en est détachée et confiée au zèle du ci-devant vicaire de Mittagon.
« Laissons-le nous raconter lui- même son installation : « Le mercredi de Pâques, 16 avril « 1890, je quittai Mittagon, et le 17, je pris possession d’un pâturage voisin du village carian « de Letthama, à proximité de la rivière de Bassein. Tant bien que mal, je fixai ma demeure au « milieu de ce terrain. Elle venait d’être couverte en chaume, et n’avait encore que la moitié « du plancher avec quelques cloisons en bambou, lorsque je m’y installai le 5 mai. Le « lendemain, les pluies commençaient. J’avais avec moi deux enfants, Isaac et Gabriel, que « j’avais pris à mon service en arrivant à Mittagon. J’étais bien installé dans mon pâturage, « mais sans autre titre de propriété que celui du premier occupant. Il s’agissait donc de « régulariser ma situation et de demander aux autorités anglaises de vouloir bien ratifier ma « prise de possession. Mais voilà, je n’avais pas compté avec les objections que pourraient « faire les Birmans païens d’Euthabgu, gros bourg voisin de Letthama. J’attendais depuis dix « mois une réponse à ma demande, lorsque, pressé d’en avoir le cœur net, j’allai, le 8 « décembre, trouver le préfet de Bassein. Depuis des semaines, j’avais prié la sainte Vierge de « m’aider à triompher des Birmans païens, car c’eût été une honte d’avoir à lever le pied ; je « promis même à Marie que mon église, quoique en bois, serait sous le vocable de son « Immaculée-Conception. Donc, le 8 décembre, après avoir dit la sainte messe, je me rendis « chez M. le préfet.
« — Allez de l’avant, me dit-il, ne craignez rien ; c’est moi qui vous donne le terrain. « Pourquoi vous chasserait-on, maintenant que vous y êtes ? N’hésitez pas à construire votre « église. » Il me demanda alors comment j’étais établi. « — Je n’ai qu’une barraque pour « maison ; elle sert d’école les jours ordinaires, et d’église le dimanche ; car enfin, Paris ne « s’est pas bâti en un jour. — Ni Rome non plus, » me répondit-il. Là-dessus, très content, je « rentrai chez moi. Ce ne fut cependant que six mois après la susdite entrevue, que je fus mis « en possession de mes titres de propriété. »
« Le moment était venu d’offrir à Notre-Seigneur une demeure plus digne de sa divine majesté ; mais où trouver les ressources ? Elles font défaut à M. Maigre plus qu’à tout autre, puisque, tous les ans, il abandonne une partie de son viatique en faveur de son vieux père, plus pauvre encore peut-être que lui. Néanmoins, à force d’industrie, à force de privations, grâce aussi à la générosité de ses chrétiens, le missionnaire de Letthama voit s’élever, en 1892, une solide et élégante chapelle, toute en bois de teck et en bois de fer, avec toit de zinc galvanisé. L’intérieur, sans être somptueux, est de bon goût. Linges sacrés, ornements, tout ce qui touche à l’autel est l’objet de soins minutieux. On peut dire que notre confrère se fit toujours un point d’honneur de tenir son église et les objets du culte dans un état de propreté exem¬plaire.
« Cependant le toit en chaume et les séparations en bambou du presbytère sont dans un état lamentable. L’auteur de ces lignes peut en parler d’expérience. Un jour, qu’avec deux autres confrères il était de passage à Letthama, une forte pluie accompagnée d’un vent violent tomba durant toute l’après-midi et la nuit suivante. Nous vîmes le moment où la maison allait être emportée par l’ouragan. Transis de froid, nous ne pouvions prendre le moindre repos. Pour quatre, il n’y avait qu’une seule couverture ; tant bien que mal, on passa la nuit en tâchant d’éviter les gouttières. Notre hôte en riait, pour sa part, et aussi un peu pour nous. Nous crûmes devoir saisir l’occasion, pour l’engager à se procurer un logement plus confortable. Il ne tarda pas à s’exé¬cuter.
« Quelques années après, en 1897, lors de la fondation du noviciat des religieuses indigènes à Bassein, œuvre à laquelle il ne cessa de porter le plus vif intérêt, M. Maigre voulut encore préparer les voies à l’établissement, à Letthama, d’une école de filles dirigée par des religieuses. La construction, belle et spacieuse, était terminée bien avant que deux jeunes Sœurs pussent s’y installer en 1902.
« Tout en s’occupant de ces travaux extérieurs, le curé de Letthama ne néglige pas l’administration régulière de ses chrétientés, non plus que la conversion des païens. Il va même au loin, jusque dans les montagnes de l’Arrakan, et réussit à baptiser de nombreux adultes.
« Pour toute cette besogne, M. Maigre fut toujours absolument seul, mais comme il se trouvait à proximité des villes d’Henzada et Bassein, il put, grâce au dévouement de ses confrères, acheter, à prix réduit, les matériaux nécessaires à ses constructions. De son côté, il ne marchanda jamais ses services à personne. Petit séminaire, noviciat des Sœurs indigènes, école normale, établissements communs de la mission, le trouvent constamment prêt à leur venir en aide. Il découvre des vocations parmi ses enfants, et les dirige vers l’un ou l’autre de ces établis¬sements. A Bassein, il est appelé souvent à prêcher des retraites, et la confiance de son évêque le choisit pour confesseur extraordinaire des religieuses. Quand nos premiers séminaristes reviennent de Pinang, c’est sur M. Maigre que Monseigneur jette les yeux pour lui confier la formation dernière de ces jeunes lévites. Ils sont fiers et heureux de s’instruire à si bonne école ; et voici qu’au moment le plus important de leur probation, alors que maître et disciples s’aiment et se comprennent, le maître est ravi tout d’un coup par la mort.
Pendant ses vingt ans de ministère vraiment apostolique, M. Maigre n’avait cessé de jouir d’une santé florissante. Il avait même, ces dernières années, pris un peu d’embonpoint, et il promettait de travailler, longtemps encore, au salut des âmes. Dieu, se jouant du calcul des hommes, jugeait notre confrère mûr pour la récompense.
« Au mois d’avril dernier, il est pris de douleurs vives au côté droit. C’est, croit-il, le foie qui est engorgé ; et, se souvenant de la mort si inattendue de son voisin et ami, M. Ambiehl, il n’hésite pas à venir consulter les médecins de la capitale. Deux docteurs déclarent qu’il y a, de fait, engorgement du foie, mais que le cas n’est pas grave ; un séjour de plusieurs semaines au sanatorium de Maymyo guérira entièrement le cher malade.
Il n’en fut rien. L’air pur et frais de la montagne lui ayant rendu quelques forces, M. Maigre retourne à Letthama et se croit à peu près rétabli ; mais, au bout de six semaines, il est obligé de revenir à Rangoon. Il n’y tient plus et demande même à partir pour l’Europe. Sur l’avis du docteur, un voyage à Singapore est déclaré suffisant et préférable. Notre confrère se prépare à partir, quand, au commencement de juillet, le mal redouble d’intensité ; il se fait conduire à l’hôpital. Après un nouvel examen, le docteur craint qu’il y ait abcès au foie. Le 16 juillet, plus de doute possible : le viscère est double du volume normal, une opération est nécessaire. Elle a lieu le 21, avec succès apparemment, car le cher malade ne souffre plus autant et l’appétit revient. Par ailleurs, la plaie se ferme peu à peu et ne donne pas d’inquiétude ; tout paraît aller pour le mieux, lorsque, le vendredi 28, vers 5 heures du soir, une hémorragie interne se produit. Seul, le malade ne comprend pas la gravité de son état. Au confrère qui vient l’avertir du danger qu’il court : — « Tiens, dit-il, et moi qui me trouvais mieux ! Enfin, à la volonté de Dieu. » Il reçoit l’extrême-onction avec la plus grande ferveur, répondant lui-même aux prières liturgiques, corrigeant même quelques manquements aux rubriques. Un autre confrère lui apporte bientôt le saint viatique ; après quoi il s’endort d’un sommeil paisible. Le lendemain matin, l’hémorragie semble arrêtée ; nous nous reprenons à espérer. La journée du samedi est bonne, mais, hélas ! le soir, l’hémorragie reparaît plus abondante que jamais. « Tout est fini maintenant; il n’y a plus d’espoir, » dit le malade à ceux qui le viennent voir. Nul cependant ne voit la fin si proche.
« Vers minuit, la voix devient plus faible, mais pas de souffrance. Les confrères présents se mettent en devoir de réciter les prières des agonisants, auxquelles le malade s’unit parfaite-ment bien. A 1 h. ½ , la respiration semble plus difficile. — « Que l’agonie est longue ! » murmure-t-il. Puisque tout espoir est perdu, il a hâte de voir le Maître qu’il a si bien servi en mission. Volontiers il répète de sa voix mourante les invocations qu’on lui suggère. — « Avez-vous encore quelque chose à me dire ? » lui demande son confesseur. — Non, je suis « bien tranquille. — Vous ne souffrez pas trop ? — Non. » Il prononce les saints noms de Jésus, Marie, Joseph, et expire dans la plus grande paix, le dimanche 30 juillet, à 2 h. ¼ du matin. Douce et sainte mort, que M. Maigre mérita, on peut le dire, par une vie exemplaire, une vie de devoir et d’amour de Dieu.
« La dépouille mortelle du vénéré défunt, revêtue des ornements sacerdotaux, demeura exposée, tout le jour, à la vénération de nombreux fidèles. Les funérailles furent des plus solennelles, et présidées par Mgr le vicaire apostolique, au milieu d’un grand concours de prêtres et de chrétiens de la capitale, accourus pour rendre les derniers devoirs à celui que tous aimaient comme un frère et un missionnaire modèle. Son corps repose dans la chapelle du cimetière qui est comme le caveau des missionnaires, à côté de son voisin et ami, le regretté M. Ambiehl.
« Il n’y avait que quelques centaines de chrétiens à Letthama, quand M. Maigre prit en main la direction du poste ; or, c’est un millier d’âmes en plus qu’il lègue aujourd’hui à son successeur, avec des établissements en parfait état. Ses œuvres l’ont suivi devant le tribunal du Juge suprême ; elles lui survivent aux yeux de Dieu et des hommes. Requiescat a laboribus suis : opera enim illius sequuntur illum.
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Références
[1634] MAIGRE Joseph (1861-1905)
Notes bio-bibliographiques. - C.-R., 1890, p. 155 ; 1891, p. 196 ; 1892, p. 214 ; 1893, p. 225 ; 1894, p. 248 ; 1895, p. 264 ; 1896, p. 265 ; 1898, p. 213 ; 1899, p. 250 ; 1900, p. 193 ; 1903, p. 233 ; 1904, p. 225. - A. M.-E., 1912, pp. 269, 271.
Notice nécrologique. - C.-R., 1905, p. 378.