Jules GUILLOU1862 - 1937
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 1642
Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Thaïlande
- Région missionnaire :
- 1885 - 1937
Biographie
[1642] GUILLOU Jules, est né le 23 mai 1862 à Aigrefeuille (Loire-Atlantique), au diocèse de Nantes. C’est à Tréguier qu’il passe sa jeunesse et fait ses études. Entré aux Missions Etrangères le 15 septembre 1880, il est ordonné prêtre le 28 février 1885 et destiné à la Mission du Siam. Il part en Mission le 8 avril 1885.
En 1885-1886, le Père Guillou est vicaire au Calvaire, en stage de langues : anglais et siamois. En même temps, il est professeur de français au Collège de l'Assomption. De 1887 à 1892, il est curé de Banphasoi. En 1893, il est nommé curé de Nakhonchaisi avec les succursales de Thachin et de Songphinong. Il ouvrira aussi de nouveaux postes à Bandon et Mot Daeng qu'il confiera à ses vicaires, les Pères Perros et Loetscher. En 1896, le Père Guillou est nommé curé de Huaphai : il y reste jusqu'en 1906. Il consent à aller se reposer aux Nilgiris en 1907. Rappelé, il est nommé curé de Vatphleng. En 1909, on le retrouve à Huaphai où il a acquis de vastes rizières. Il y donne toute la mesure de son zèle apostolique.
En 1914, il est nommé curé de la paroisse du Calvaire, également appelée du Rosaire, au milieu de chrétiens chinois auxquels il témoignera une grande charité. Il restera à cette paroisse jusqu'à sa mort, survenue à l'hôpital Saint Louis de Bangkok, le 8 avril 1937, suite à un cancer du foie. En 1932, le Père Guillou avait été nommé provicaire, charge qui lui permit d'aider ses confrères tant siamois que français.
Nécrologie
M. GUILLOU
MISSIONNAIRE DE BANGKOK
M. GUILLOU (Jules), né le 23 mai 1862, à Aigrefeuille (Loire-Inférieure), diocèse de Nantes. Entré laïque au Séminaire des Missions-Étrangères le 15 sep¬tembre 1880. Prêtre le 28 février 1885. Parti pour le Siam le 8 avril 1885. Mort à Bangkok le 8 avril 1937.
Si l’Ordo des Missions-Étrangères donne Nantes comme dio¬cèse d’origine à Jules Guillon, qui naquit, en effet, à Aigrefeuille le 23 mai 1862, son enfance et son adolescence s’écoulèrent néanmoins à Saint-Brieuc, où son père, gendarme, avait été transféré. Le climat de la Bretagne fut propice au développement physique de l’enfant ; et si, de son temps, la gymnastique scolaire se réduisait à quelques exercices d’agrès, il devint néanmoins par ses courses à travers landes et rochers, ce type breton résistant, trapu, si carac¬téristique encore aujourd’hui. On oserait presque dire que le régime de vie qui devait être assez dur, il y a soixante-quinze ans en terre celtique, lui profita grandement plus tard, quand, en terre siamoise, il eut à subir les assauts d’une alimentation très rudimentaire et d’un climat débilitant.
De ses jeunes années, nous n’avons aucun renseignement précis ; c’est dommage, car le jeune Guillou avait dû briller dans ses études primaires et secondaires. Nous ne pouvons que l’imaginer penché sur quelque livre de latin, de grec ou de français durant ses années d’adolescence. En tout cas, il est certain que le foyer familial, l’école et le collège aidèrent beaucoup à sa formation religieuse et qu’il entra au Séminaire des Missions-Étrangères, tout naturel¬lement avec l’impatience du labeur futur et du dévouement. Ordonné prêtre le 28 février 1885, il reçut de suite sa destination pour la Mission du Siam. Mgr Vey, qui en était le Vicaire Apostolique, fut très heureux de recevoir ce précieux renfort. Comme le Collège de l’Assomption, que dirigeait avec succès M. Colombet, avait besoin de professeurs, M. Guillou fut nommé pour y enseigner le français, tout en apprenant lui-même l’anglais et le siamois.
Disons sans réticence que si le jeune professeur se mit volon¬tiers à l’œuvre, ses supérieurs toutefois remarquèrent vite que son zèle réclamait un plus vaste champ et que son initiative, son endu¬rance dans le travail, son optimisme dans la bonne comme dans la mauvaise fortune devaient être utilisés pour de plus amples tra¬vaux. Au bout de peu de temps, Mgr Vey l’envoya à Bangplasoi. Ce village eut donc l’honneur de ses premières visites et l’on peut dire qu’il lui conserva de particulières attaches. Bangplasoi, que Mgr Pal-legoix visita vers 1838, n’était, pas plus hier qu’aujourd’hui, un centre chrétien chinois bien important ; mais du petit noyau de fidèles qu’il possédait, M. Guégo et plus tard M. Guillou surent recruter un personnel nécessaire pour la fondation des postes de Khok Kharieng, de Muang Phanat et de Huaphai.
De Bangplasoi on ne saurait brosser un très agréable tableau. De ce port de mer où il y a une industrie de salaisons et de saumure, les habitants, assez nombreux, ne comptent pas au nombre de leurs préoccupations, celle de leurs âmes. Ils n’avaient d’ailleurs, à cette époque, que peu de relations avec la capitale, et n’en pouvaient donc recevoir qu’une influence policée très minime. Gens quelque peu grossiers, pêcheurs rustiques, riziculteurs, planteurs de tabac et de canne à sucre, la religion catholique ne les attirait guère ; mais M. Guillou ne se découragea pas. Il se trouvait entouré d’un peuple indifférent, très attaché au bouddhisme, réfractaire à l’en¬seignement chrétien et superstitieux ; son ministère était ingrat. Sa présence à Bangplasoi fut nécessairement une période d’attente, de préparation et d’application sérieuse à l’étude de la langue, des mœurs, des coutumes et du bouddhisme. De tous les missionnaires du Siam, M. Guillou fut certainement un de ceux qui s’adonnèrent le plus jadis à l’étude du Bouddhisme : sa bibliothèque en fait foi ainsi que ses conversations sur ce sujet. Il disait volontiers que pour apprécier les vertus morales d’un peuple, il était important de connaître sa religion, et que le missionnaire qui a vécu longtemps dans le pays en était le seul capable. Or, qu’il s’agisse des Siamois, des Cambodgiens ou des Laotiens, le bouddhisme, encom¬bré plus ou moins de pratiques cultuelles brahmaniques, est l’unique source religieuse à leur disposition. Des étrangers, après un court séjour dans ces pays, admirent chez les habitants ce qu’ils croient naïvement être des qualités morales infusées par le bouddhisme ! « — Voyez, disait l’un d’eux à un missionnaire, combien sont cha-ritables et hospitaliers les Siamois aux carrefours des chemins à l’orée de la forêt, sur la rive des fleuves ; ils ont construit de petits hangars où le voyageur peut s’abriter, il y trouve même une jarre remplie d’eau pour étancher sa soif et un banc pour se reposer ! » Le missionnaire répondit malicieusement à son interlocuteur : « Cela n’a rien à voir avec la vertu de charité ; le bouddhiste, en agissant ainsi, acquiert des mérites, mais en même temps, cela lui évite surtout de recevoir le voyageur dans sa propre maison... »
Quand sonna l’heure pour M. Guégo de partir dans son éternité afin d’y recevoir une récompense bien méritée, M. Guillou se trou¬vait prêt à le remplacer dans ce poste de Huaphi, voisin de Bang¬plasoi, où il devait réaliser le désir qu’il avait eu depuis longtemps d’y fonder une colonie agricole. Entre la province de Muang Phanat et celle de Petriou, s’étendait une vaste plaine couverte de hautes herbes. Plusieurs fois, marcheur infatigable, M. Guégo l’avait tra¬versée et estimé que la terre était excellente pour la culture du riz. En 1872, il l’explora plus en détail et découvrit un endroit plus élevé que n’atteindrait point l’inondation. Il s’y fixa avec quelques chrétiens. Cette immense plaine était malheureusement infestée d’éléphants qui gênaient considérablement le missionnaire dans son travail d’inspection. Néanmoins, à l’aube du jour, M. Guégo ren¬fermait ses objets du culte dans une caisse, et faisait grimper un de ses serviteurs sur un arbre élevé qui se trouvait près de sa cabane. Lorsque la présence des pachydermes proboscidiens était signalée d’un côté, M. Guégo se dirigeait tranquillement de l’autre. La plaine put être ainsi parcourue par lui en tous sens et reconnue propre à l’établissement d’une colonie agricole. Une vaste circon¬férence, dont le centre serait Huaphai englobant 2.500 hectares de terres cultivables, fut tracée comme frontière. Il ne restait plus qu’une petite formalité à remplir : chasser les habitants qui n’étaient autres, à ce moment, que des centaines d’énormes pachy-dermes.
M. Guégo, dit-on, trouva au consulat de France à Bangkok un certain nombre de vieux fusils dont il fit l’acquisition à bon compte ; il se procura de la poudre et, tous les jours, les éléphants durent subir une fusillade intense. Au bout d’un certain temps, ces terres vierges furent conquises, mais les serpents y foisonnaient encore. En 1873, l’installation de M. Guégo à Huaphai était définitive ; cependant ce devait être la tâche ardue et longue de M. Guillou de mettre en pleine valeur tout ce domaine.
On ne dira jamais toutes les souffrances physiques et morales qu’endura le dévoué missionnaire dans ce poste de Huaphai. Les tribulations de saint Paul, furent aussi les siennes. Sans parler de la nourriture grossière dont il usait, de son manque de confort, de ses longues chevauchées, de ses naufrages en mer, il eut à sur¬monter bien d’autres soucis, des privations et des tracasseries de toutes sortes, jusque devant les tribunaux. Son zèle entreprenant se heurta à l’apathie, à la mentalité fruste de ces Orientaux, et son dévouement désintéressé ne rencontra pas toujours, hélas ! leur sympathie et leur reconnaissance.
M. Guillou fut de ceux qui trouvent leurs journées trop courtes et les heures trop brèves. Chaque matin, il était debout vers quatre heures, et ne s’endormait guère le soir avant dix ou onze heures. Parlant plusieurs dialectes chinois, le siamois et l’anglais, M. Guil¬lou pouvait s’adresser à tous les indigènes et aux Européens avec lesquels il avait l’occasion de s’entretenir. Ce fut à Huaphai que notre confrère donna toute la mesure de son zèle apostolique. Si plus tard, son Supérieur lui confia d’autres districts importants, les centaines d’hectares livrés aujourd’hui à la culture du riz à Hua¬phai demeurent son œuvre principale et un fonds de ressources pour ses successeurs.
Nommé durant la guerre curé de l’église du Rosaire à Bangkok, où il avait été jadis vicaire de 1886 à 1888, M. Guillou accepta ce poste tout en regrettant la brousse qu’il avait arrosée de ses sueurs et fécondée par les travaux considérables qu’il exécuta. C’était, en effet, une nouvelle éducation à faire en prenant la direction de sa paroisse. Il se trouvait au milieu de chrétiens presque tous chinois, dont quelques-uns étaient d’une classe sociale relativement élevée ; commerçants aisés, rompus aux affaires, ils ne se laissaient pas toujours facilement diriger par leur curé. Il fallait les ménager et surtout leur témoigner une grande charité. Cette vertu, M. Guillou l’exerça constamment. Ses forces, hélas ! diminuaient à mesure qu’il avançait en âge.
Il consentit une fois dans sa vie de missionnaire à aller deman¬der au climat salubre et tempéré des Nilghiris de réparer ses forces anémiées par un long séjour au Siam, mais il ne voulut jamais rentrer en France. Il avouait d’ailleurs, deux jours avant sa mort, qu’il n’avait pas songé, durant sa longue carrière aposto¬lique, à faire des économies pour se permettre un voyage en France ou ailleurs. Il était de cette phalange de missionnaires qui ont tout sacrifié ce qu’ils possédaient pour sauver le plus d’âmes possible pendant leur vie et qui comptent uniquement sur la divine Provi¬dence.
Si M. Guillou était très dévoué envers ses chrétiens, il accueillait volontiers aussi ses confrères. Sa charge de Provicaire lui offrait de fréquentes occasions de rencontrer soit les missionnaires, soit le clergé indigène de la Mission. On aimait à aller le voir, le con¬sulter ; il suffisait de passer quelques instants avec lui pour se sentir réconforté et encouragé à mieux travailler.
Depuis plusieurs années, notre confrère souffrait beaucoup du foie. Une opération aurait été peut-être opportune ; mais ses 76 ans interdisaient toute intervention chirurgicale ; le docteur ne pouvait donner que des remèdes capables de soulager le malade mais qui ne pouvaient pas arrêter l’évolution du cancer. Plusieurs séjours à l’hôpital Saint-Louis lui faisaient prévoir une mort prochaine. Il y entra pour la dernière fois le mardi de Pâques, 30 mars 1937. Une très grande fatigue, occasionnée par un surcroît de travail, et la chaleur torride durant la Semaine Sainte, l’obligeait à s’arrêter. Il ne se doutait pas alors que ce repos à l’hôpital serait de courte durée. En effet, M. Guillou fit une congestion pulmonaire aiguë, qui devait l’emporter en moins de quarante-huit heures. Il fut administré en pleine connaissance par Mgr Perros le mercredi 7 avril, en présence de la plupart des missionnaires de Bangkok, et le lendemain, jour anniversaire de son départ en mission, cinquante-deux ans auparavant, il paraissait devant Dieu pour y rece¬voir la récompense si bien méritée.
Les funérailles furent présidées par Son Excellence, entourée d’une quinzaine de prêtres et de tous les fidèles chrétiens qui prièrent devant son cercueil. La dépouille mortelle du vénéré M. Guillou repose dans l’église du Rosaire à Bangkok, qu’il a si longtemps et si sagement administrée, en attendant la bienheureuse résurrection.
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Références
[1642]. GUILLOU Jules (1862-1937)
Références biographiques
AME 1911 p. 147. 1913 p. 92. 196. 197. 200. 203. 1935 p. 178. 183. 1937 p. 143. 1938 p. 200. CR 1885 p. 143. 1895 p. 243 sq. 1901 p. 186. 1904 p. 214. 1912 p. 234. 1918 p. 91. 1920 p. 62. 1923 p. 129. 1928 p. 127. 211. 1931 p. 199. 203. 1935 p. 178. 180. 1937 p. 174. 234. 269. 1939 p. 159. BME 1922 p. 640. 1927 p. 764. 1928 p. 251. 1930 p. 445. 629. 1931 p. 78. 1933 p. 947. 1934 p. 213. 1935 p. 65. 206. 286. 1937 p. 449. EC RBac N° 356.
Notice nécrologique
CR 1937 pp. 269-273.