Joseph GUILLOT1861 - 1894
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 1686
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Identité
Naissance
Décès
Biographie
[1686] GUILLOT, Joseph-Emile, né le 18 avril 1861 à Rognaix (Savoie), élève du petit séminaire de Moutiers, 1873-1881, aspirant du Séminaire des M.-E. le 16 septembre 1881, prêtre le 27 septembre 1885, partit le 2 décembre suivant pour le Cambodge. Après quelques mois d'étude de la langue à Cu-lao Gieng, il fut chargé du poste de Xoai-doi en 1886, et de celui de Soc-trang en 1887.
Il administra Prek-treng, 1888-1890, y éleva une chapelle et une résidence, et non loin de là, fonda le poste de Binh-ghi. Des difficultés locales le firent retourner à Soc-trang ; il y baptisa quelques Chinois, et fonda en 1892 la station de Cai-con. Gravement malade, il partit pour Saïgon ; il mourut en route, à Mi-tho, le 27 juin 1894. Son corps fut transféré et inhumé à Cu-lao Gieng, derrière le chœur de la chapelle du séminaire.
Nécrologie
M. GUILLOT
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE DU CAMBODGE
Né le 18 avril 1861.
Parti le 2 décembre 1885.
Mort le 27 juin 1894.
Le cher M. Guillot, écrit Mgr Cordier, nous a quittés, le 27 juin, pour aller jouir du repos éternel. Sa mort nous laisse dans les larmes, car nous perdons en lui un bon confrère et un vaillant missionnaire. Plein de zèle pour le salut des âmes, il leur a sacrifié même sa santé ; simple et aimant, il s’était gagné l’affection de tous ceux qui le con¬naissaient ; d’une piété solide et généreuse, il n’a jamais faibli au milieu des souffrances physiques et morales, qui certes ne lui ont point manqué pendant ses neuf années de mission.
Joseph-Émile Guillot naquit à Rognaix, arrondissement d’Albert¬ville (Savoie), le 18 avril 1861, dans une famille d’honnêtes cultiva¬teurs, chrétiens convaincus qui faisaient passer avant tout l’accom¬plissement des devoirs religieux. Leurs enfants, quoique nombreux, reçurent une excellente instruction, et deux d’entre eux devinrent prêtres. Joseph fut d’abord berger, et fit de bonne heure l’apprentissage de la vie dure qu’il devait plus tard mener comme missionnaire. Personne n’ignore que dans les montagnes de la Savoie, le jeune berger est exposé à toutes les intempéries des saisons, au froid, à la chaleur, aux vents, aux frimas. Cette vie simple charmait le cœur de Joseph, et il aimait à rappeler plus tard l’heureux temps où il gardait le troupeau de son père.
M. Guillot devait être pasteur, mais pasteur d’âmes. Un incident hâta son entrée dans l’état ecclésiastique. Un jour, ses chèvres, trom¬pant sa vigilance, se permirent de brouter l’herbe du voisin. Le garde-champêtre constata le délit et dressa procès-verbal contre le berger, qui, dégoûté du métier et attiré sans doute aussi par le bon Dieu vers le sacerdoce, entra quelques mois après au petit sémi¬naire de Moutiers, où son frère était professeur.
Gai et aimable, Joseph eut bientôt autant d’amis que de camarades ; il sut en outre donner pleine satisfaction à ses maîtres. Boute-entrain en récréation parfois même un peu espiègle. Il fut toujours, à la salle d’étude, un modèle de travail, d’attention et de régularité. Dans ses moments de loisir, il faisait sa lecture favorite des Annales de la Propagation de la Foi et de la Sainte-Enfance. Il les lisait et reli¬sait sans pouvoir parvenir à rassasier sa pieuse curiosité, et déjà, quoiqu’il n’eût ouvert son cœur à personne, tout le monde disait : Joseph sera missionnaire.
La prévision ne tarda pas à se réaliser, et au mois de septembre 1881, M. Guillot entrait au Séminaire des Missions-Étrangères. Son carac¬tère ouvert et simple lui assura, là aussi, l’affection de ses confrères. Observateur fidèle du règlement, M. Guillot le suivait dans ses moindres détails, et cette parfaite régularité n’était point chez lui le fruit d’une propension naturelle, mais bien de la vertu. Élevé dans les montagnes, il aimait le grand air et la liberté. Lorsque la règle se trouvait d’accord avec ses aspirations, les jours de promenade, par exemple, ou encore pendant les vacances, il redevenait subitement lui-même, était de toutes les courses et de toutes les expéditions. S’agissait-il d’organiser une fête à Notre-Dame des Aspirants, dans le bois de Verrières, M. Guillot était là et son entrain avec lui. Fal¬lait-il chanter en l’honneur de la Vierge solitaire, il grimpait au haut du chêne traditionnel et faisait résonner au loin sa puissante voix de montagnard.
A l’approche du sacerdoce, on vit M. Guillot redoubler de ferveur. Sa joie fut grande lorsqu’on lui fit connaître son appel à la prêtrise ; mais son humilité s’en alarma. « Soyez mon « mentor, disait-il à un confrère, avertissez-moi de mes manquements. Que faut-il faire pour « se préparer à l’ordination ? » Le départ approchait aussi. M. Guillot fut destiné à la Mission du Cambodge. Alors, il s’écria : « Vive le Cambodge ! » et ne songea plus qu’à sa nouvelle patrie, où il devait trouver bien des souffrances et le martyre « à petit feu ».
Il dit adieu à sa chère mère, à ses frères, à ses sœurs et à ses mon¬tagnes, et s’embarqua à Marseille, le 2 décembre 1885. Le 7 janvier suivant, il était à Cu-lao-gieng. Après quelques mois d’étude de la langue, il fut envoyé à Chau-doc, et y remplaça quelque temps M. Joly que le mauvais état de sa santé tenait éloigné du poste. L’époque de la retraite arriva, et M. Guillot fut nommé à Xoai-doi : c’est alors qu’il commença à proprement parler sa vie de missionnaire. Là, comme partout, il sut aimer et fut aimé. Ne reculant devant aucun sacrifice pour être utile à ses chrétiens, il n’épargna ni sa peine, ni sa bourse. Il n’oublia jamais qu’une âme a coûté le sang d’un Dieu, et cette pensée l’empêchait parfois de compter, comme un autre l’aurait fait, quand il était question d’aider une famille à devenir chrétienne. « Si vous « avez quelque succession à recueillir, écrivait-il à un ami, son¬gez à moi : mes besoins sont « immenses. Une foule de gens me demandent de les tirer d’embarras. Voir le bien qu’on « pourrait faire ici, et ne pas le faire, faute de ressources, c’est bien dur. »
Le séjour de M. Guillot à Xoai-doi ne fut que d’un an. A la voix de son supérieur, il dut quitter ses premiers chrétiens pour aller exercer son zèle à Soc-trang d’abord et bientôt après à Prec-treng. Il lui en avait coûté beaucoup de se séparer des catéchumènes de Xoai- doi ; or il retrouva à Prec-treng ce qu’il avait perdu. Un courant de conversions venait de s’établir ; il y avait là des catéchumènes à aider, à instruire, M. Guillot était dans son élément. En moins d’un an, il bâtit une chapelle et une résidence à Prec-treng, et fonda le poste de Binh-ghi au prix de mille sacrifices, pensant à tout, excepté à lui-même. Il rêvait encore d’autres travaux ; mais l’ennemi de tout bien veillait, et les succès du missionnaire excitèrent sa fureur. Un orage éclata, et M. Guillot fut contraint de revenir à Soc-trang. « Mes caté-chumènes, mes pauvres catéchumènes ! » s’écriait-il en quittant ses néophytes de Prec-treng.
A Soc-trang, M. Guillot consacra tous ses soins à l’orphelinat, à l’hôpital et aux deux chrétientés dont il était chargé. Il fut même assez heureux pour y établir une petite colonie de Chinois qu’il régénéra dans les eaux du baptême ; mais la maladie vint bientôt frapper à sa porte. Arrivé en mission avec un tempérament robuste, M. Guillot ne s était pas assez ménagé. Des courses trop longues et trop fré¬quentes sous un soleil brûlant, déterminèrent une grave affection du foie. Notre confrère partit pour Hong-kong ; hélas ! la machine était usée, et les soins qu’il reçut au sanatorium ne le guérirent pas. Il revint au Cambodge. On lui donna un aide, et il put rester à son poste de travail. Toutefois le temps des grandes entreprises était passé. Pendant quatre ans, la maladie ne lui laissa pour ainsi dire aucun relâche. Dieu permit en outre que des peines morales et des tracasseries de plus d’une sorte vinssent s’ajouter à la souffrance physique. M. Guillot acheva ainsi, en portant la croix de Notre-¬Seigneur, de purifier son âme et de tresser sa couronne. « Il y a deux ans, écrit M. Jacquemard, il se montra « pendant un mois d’une patience étonnante au milieu de douleurs atroces : il était même gai « par moments. Alors, je l’entendais chanter de petits refrains de la Savoie et me raconter des « historiettes du jeune âge. Il me faisait rire quand la vue des souffrances qu’il endurait « m’arrachait des larmes. D’une piété angélique, il avait sans cesse sur les lèvres les doux « noms de Jésus et Marie. Un soir, vers 9 heures, se sentant plus fatigué que d’habitude, il « demande à recevoir le saint viatique. Je m’empresse d’accéder à son désir ; mais je ne « trouve pas la clef du tabernacle. Pendant que je la cherche, le malade s’écrie dans un « mouvement de sainte impatience : « O mon Jésus, mon doux Jésus, venez donc vite, ne me « laissez pas mourir sans vous avoir reçu ! » J’arrive enfin avec le Saint-Sacrement, et je lui « donne la sainte communion. Aussitôt après il s’endort. Ce sommeil ne me rassura point ; « tout au contraire, je le regardais comme le calme avant-coureur de la mort : quelle ne fut pas « ma surprise de voir le mourant se réveiller bientôt, moins souffrant et plus calme. Dix jours « après, il célébrait la sainte messe. C’était une résurrection, hélas ! elle ne devait pas durer. »
M. Guillot, malgré sa faiblesse, ne resta point inactif : il lui fallait du travail. Il visita ses chrétiens et voulut encore fonder de nouveaux postes. La mort le trouva sur la brèche.
Voici en quels termes M. Gonet raconte les derniers moments de notre bien-aimé confrère. « Il ne comptait pas avec lui-même lorsqu’il s’agissait de l’intérêt de Dieu et des âmes, et il « était déjà atteint de la diarrhée quand il descendit à Bac-lieu vers la Fête-Dieu. Il insista « pour que je fisse avec lui un voyage à Talong, où il voulait établir un poste. Le jour du « départ fut fixé au lundi suivant. Nous fimes à pied sept ou huit kilomètres à travers champs, « par une chaleur étouffante et sous une forte averse. Nos bagages ayant éprouvé du retard, « nous dûmes garder nos habits mouillés et passer ainsi toute la nuit. Le lendemain, M. « Guillot eut la fièvre et me parut plus fatigué que la veille. Je le quittai à regret pour rentrer « chez moi, et il se dirigea sur Rach-gia. Son voyage dura quinze jours. Au retour, il était à « bout de forces ; la maladie fit dès lors de rapides progrès. Le dimanche 17 juin, il dit la « messe avec peine ; le lundi, il bénit encore un mariage. J’arrivai à Soc-trang, ce jour-là, pour « affaires ; je trouvai notre confrère accablé et se plaignant d’un violent mal de tête. La nuit « fut très agitée. Le mardi, j’allai prier le docteur de venir voir le malade ; mais il était absent « et n’arriva que le vendredi. La maladie de foie était bien caractérisée. Le médecin déclara « que la seule chance de salut était d’aller à Saïgon tenter une opération. Je trouvais le cher « Père bien faible pour un tel voyage ; M. Valour qui était présent aurait préféré lui aussi le « laisser là. Mais le malade voulut partir, et nous nous préparâmes pour le dimanche matin. « Toutefois nous crûmes prudent de le disposer à un plus long voyage. M. Valour célébra la « sainte Messe dans sa chambre et lui donna le saint viatique. Je lui administrai ensuite « l’extrême-onction. Le voyage fut pénible. Arrivé à Sadec, le rna¬lade commença à délirer. A « Mitho, le docteur vint le voir, et déclara le danger imminent. Il fallut s’arrêter. La nuit fut « mauvaise. Le lendemain un mieux sembla se montrer ; il fut de courte durée ; le mal reprit « bientôt avec plus de violence, et persévéra sans relâche les deux jours suivants. Le 27 juin, « notre cher malade, appuyé sur mon bras, rendait le dernier soupir. Son corps repose main¬« tenant à Cu-lao-gieng, près de M. Maillard, derrière le chœur de la chapelle du séminaire.
« Espérons que Notre-Seigneur lui a déjà donné place parmi ses bons et fidèles serviteurs, « et qu’en perdant un aide sur la terre nous avons un protecteur de plus dans le ciel. »
Je n’ajouterai qu’un mot à cette pensée d’espérance, que tous mes confrères partagent. A la lecture du télégramme qui annonçait cette mort, et, en repassant les combats, les contradictions, les souffrances qui avaient rempli la vie de ce missionnaire, si bon, si aimable, chacun put s’approprier ces paroles d’un confrère, qui sont la meilleure orai¬son funèbre du cher défunt : « Bon Père Guillot, requiesce in pace. » Oui, il a droit au repos, ce bon Père. Après avoir bien combattu et beaucoup souffert, il a l’éternité pour jouir en paix du fruit de ses travaux.
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Références
[1686] GUILLOT Joseph (1861-1894)
Notes bio-bibliographiques. - C.-R., 1887, p. 156 ; 1889, p. 183. - A. M.-E., 1913, p. 258.
Les miss. de Tarentaise, p. 35.
Notice nécrologique. - C.-R., 1894, p. 368.