Samuel PAUTHE1864 - 1922
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 1781
Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Vietnam
- Région missionnaire :
- 1888 - 1922 (Vinh)
Biographie
[1781] PAUTHE Samuel, Antoine, est né à Appelle, dans le diocèse d'Albi (Tarn), le 23 mars 1864. Après ses études au Petit puis au Grand Séminaires d'Albi, il entra, déjà sous-diacre, au Séminaire des Missions Etrangères, le 13 décembre 1886. Ordonné prêtre le 25 février 1888, il partit le 4 avril suivant pour la Mission du Tonkin méridional (Vinh).
De santé fragile, il occupa plusieurs postes (Van-Loc -la partie laotienne de la Mission-, Bot-Da, Trangden, la procure de Xa-Doai) pendant de courts séjours qu'il dut successivement interrompre pour aller se soigner à Hong-Kong par trois fois et par un retour en France en 1910. Revenu dans la Mission en 1911, il fut nommé à Vinh, chef-lieu de la province, et y resta près de huit ans. En 1919, il fut chargé du district de Nghia-Yen et de la maison centrale de la Sainte-Enfance. En mai 1922, il dut revenir à Vinh, mais cette fois à l'hôpital où, pendant plusieurs mois, il fit preuve d'une force d'âme et d'un courage dans la souffrance puisés dans son union à Dieu qui firent l'admiration de tous ceux qui en étaient témoins. Il mourut le 11 décembre, laissant à tous la réputation d'un Saint.
Nécrologie
M. PAUTHE
MISSIONNAIRE DU TONKIN MÉRIDIONAL.
M. PAUTHE (Samuel-Antoine), né à Appelle (Albi, Tarn), le 23 mars 1864. Entré sous-diacre au Séminaire des Missions-Étrangères, le 13 décembre 1886. Prêtre, le 25 février 1888. Parti pour le Tonkin Méridional, le 4 avril 1888. Mort à Vinh, le 11 décembre 1922.
Le « bon Père Pauthe » fut notre modèle à tous, par sa piété, par le soin qu’il mettait à tout bien faire et par sa patience dans les misères de la vie. Nous l’appelions « le saint homme Pauthe ».
Comme nous le verrons, il occupa un bon nombre de postes ; partout on devinait en lui l’homme de Dieu, et les âmes venaient à lui. Il fut le père en Dieu préféré des missionnaires, des prêtres indigènes, des catéchistes et des fidèles. Diverses aussi furent les fonctions qu’il eut à remplir ; mais de quelque nature qu’elles fussent, conformes ou non à ses goûts, il s’en acquitta avec un soin extrême qui s’étendait jusqu’aux plus petites choses. On le trouvait parfois méticuleux : c’est la tendance des consciences très délicates.
Les peines ne lui ont pas manqué dans sa vie de missionnaire ; mais elles ne furent jamais au-dessus de sa patience, qui força l’admiration, surtout durant sa dernière maladie.
Je voudrais le montrer particulièrement pendant ces longs mois de souffrances, passant rapidement sur les autres circonstances de sa vie. C’est surtout devant la mort qu’une âme se révèle.
M. Pauthe Samuel-Antoine naquit à Appelle, diocèse d’Albi, le 23 mars 1864. Ordonné prêtre le 23 février 1888, il partit le 4 avril de la même année pour la mission du Tonkin Méridional, où il arriva le 27 mai. Après quelques mois d’étude de la langue, il fut envoyé à Vanloc, le 13 décembre 1888. I1 commençait à y goûter les premières joies du ministère quand, le 8 mars 1890, il fut désigné pour la partie laotienne de notre Mission. Poste très lointain, peuplades différentes, nouvelle langue à apprendre, climat insalubre, privations de tout genre, ce n’était rien pour son âme de missionnaire, mais c’était trop pour son corps : Au bout de huit mois, la fièvre hématurique l’obligea à descendre et à passer un an au Sanatorium de Hongkong. Rentré en octobre 1891, il fit d’abord un intérim de quelques mois à Vanloc, son premier poste, puis remonta au Laos, le 11 juillet 1891. Sa santé fléchit aussitôt. L’expérience était faite : il ne pouvait se faire au rude climat de ce pays. Le 5 octobre 1892, il fut nommé procureur de la Mission. Ce n’était pas une sinécure ; les forces le trahirent de nouveau. Une nouvelle atteinte de fièvre hématurique le mit à deux doigts de la mort et, une fois hors de danger, il dut reprendre la route de Hongkong où il passa une année.
Rentré à la fin de 1902, il reprit sa place à la procure. Gardien vigilant des deniers de la Mission, il comprenait et accomplissait avec intransigeance les devoirs de sa charge. En 1903, il fut envoyé, en second, au poste de Botda. Eprouva-t-il alors quelque déception ? Personne n’en sut rien que Celui qui « consolatur nos in omni tribulatione ». Il se mit humblement à son humble travail, heureux peut-être au fond d’avoir plus de loisirs pour se recueillir devant Dieu.
En 1906, il changea de lieu de retraite ; il fut désigné pour Trangden. L’apôtre dut se faire « planteur » ; la nécessité le fit également bâtisseur. Dans la misérable bicoque qu’il habitait, vent, pluie et soleil entraient comme chez eux. Il s’agissait de se mettre en sûreté contre ces indésirables. L’orientation, l’inclinaison du soleil à telle et telle heure suivant la saison, la direction des vents, tout fut étudié minutieusement ; des renseignements furent pris auprès des connaisseurs, et après avoir combiné longuement son plan, voici le brave confrère à l’œuvre. Une fois la maison debout, le premier missionnaire qui vint visiter le génial constructeur s’arrêta à dix pas, extasié : « Mais, s’écria-t-il, c’est un aéroplane ! » Les appartements s’allongeaient en étroit corridor ; sur les deux côtés, de larges vérandas dont le toit semblait planer dans l’espace, comme deux grandes ailes… Depuis, l’aéroplane, mu par des bras annamites, a fait un long vol, de la montagne à la plage de Cualo, où il est transformé en maison très habitable ; mais le nom lui est resté et c’est toujours « l’aéroplane du P. Pauthe ». Je ne m’excuse pas de mêler cette note plaisante à mes souvenirs d’un confrère vénéré : il n’a nul besoin d’être surfait.
Pendant son séjour à Trangden, M. Pauthe fut encore éprouvé par la maladie. En juillet 1909, il va au sanatorium de Hongkong pour la troisième fois. Rentré vers la fin de la même année, il rejoint son poste. En septembre 1910, son état de santé et des difficultés de famille l’obligent à un retour en France.
Il revint fin 1911 et fut nommé à Vinh, chef-lieu de la Province. La paroisse française, une petite Sainte-Enfance, les relations avec les autorités françaises et annamites, recevoir les confrères de passage, soigner les malades venus en consultation auprès du médecin français furent ses occupations aussi multiples que variées. Le bon confrère fut tout à tous et l’achat d’un paquet de tabac ou de quelques grammes de sel ou de poivre obtenait de lui autant de soin que les affaires les plus importantes auprès des autorités.
En juillet 1919, M. Pauthe fut nommé à Nghiayen, chargé de la maison centrale de la Sainte-Enfance et du district comprenant quatre paroisses. Son prédécesseur, nature sensible, avait été une vraie mère pour les orphelins de la Sainte-Enfance. Le régime ne cessa pas d’être maternel, mais la mère était plus vigilante, toujours soucieuse de tout danger menaçant l’âme ou le corps de ses enfants. Jusque-là, le vaste enclos de la Sainte-Enfance se couvrait tous les ans d’une magnifique plantation de cannes à sucre ; c’était merveilleux pour jouer à cache- cache... Il fut décidé qu’on ne ferait plus aucune culture dépassant la taille des gamins, et ceux-ci, sentant toujours sur eux l’œil du maître, furent d’une sagesse peut-être au-dessus de leur âge. Mais il y avait encore de beaux jours pour eux, car le Père s’absentait souvent. Dès qu’il avait un jour libre, il allait visiter les chrétientés. Il aimait beaucoup ses chrétiens et ceux-ci le lui rendaient. Ses préférences, ou plutôt son attention spéciale allaient aux nouveaux chrétiens que lui avaient laissés ses prédécesseurs, et il eut le bonheur d’en accroître le nombre. Il préparait la fondation d’une nouvelle paroisse composée presque uniquement de néophytes, rêve longuement caressé. Dieu ne lui laissa pas la joie d’en voir la réalisation en ce monde.
En mai 1922, se sentant depuis longtemps fatigué, M. Pauthe descendit à Vinh pour consulter le médecin. Celui-ci constata une pleurésie purulente et pour faciliter les soins qu’il fallait lui donner, il l’engagea à entrer à l’hôpital. Là, notre confrère s’étendit sur sa croix pour ne plus s’en détacher. Couché sur le dos, il garda pendant six mois cette position nécessitée par son mal, édifiant tous ceux qui l’approchaient par une patience et une douceur inaltérables. Les deux confrères qui en furent les témoins de chaque jour ont bien voulu me fournir des notes que je n’ai guère qu’à transcrire.
Le Docteur fit d’abord au malade des ponctions souvent répétées ; puis la suppuration ne diminuant pas, il dut pratiquer une ouverture à travers une des côtes ; plus tard, il fallut y faire des retouches douloureuses. Enfin, le 3 novembre, une troisième opération élargit l’ouverture sur quatre côtes. Cette fois encore, comme pour les deux opérations précédentes, le malade ne voulut pas être endormi ; mieux que le chloroforme, l’âme, « maîtresse du corps qu’elle domine », maintint le patient immobile et aucune plainte ne sortit de ses lèvres : « hic ure, hic seca, modo in œternum parcas ». (S. Aug.)
Le Docteur était dans l’admiration ; son registre d’hôpital porte : « Malade admirable comme on n’en voit jamais. » Plus tard il écrivait au Père de Vinh : « Notre malade s’affaiblit de plus en plus, s’alimentant très difficilement ; on ne peut savoir s’il souffre, ni dans quelle mesure, le malade ne se plaignant jamais. »
Cette force d’âme, le malade la puisait à sa vraie source : dans l’union continuelle avec Dieu et dans la réception de l’Eucharistie ; c’était sa seule joie. Les notes du P. Delalex portent : « Chaque fois que j’apportais la sainte communion au cher malade, surtout pendant l’avant dernière semaine avant sa mort, j’étais témoin de sa foi si vive. Quand j’entrais dans la chambre, il se soulevait un peu pour adorer Notre-Seigneur ; et quand je repartais, il me disait : Merci, Père, merci. Puis, c’était les colloques intimes avec l’Hôte divin. »
La troisième intervention chirurgicale ne permit plus de douter de l’existence d’un cancer déjà soupçonné ; c’était la mort à bref délai.. C’eût été bien mal connaître le saint malade que de vouloir le lui cacher. Voici le récit de M. Delalex : « Je crus donc devoir avertir le Père de son état. Il me remercia trois fois, et rien ne troubla sa sérénité. –– « Apportez-moi alors, me dit-il, une image de la Bonne Mort ; je la mettrai au pied de mon lit et je me préparerai à la mort. » Il me pria de faire venir le P. Blanc, son confesseur et confident, pour régler toutes les questions. Il fit aussi venir son catéchiste, avec les comptes de la Sainte-Enfance et du district qu’il avait continué à gouverner, pendant sa maladie, avec autant de soin que quand il y était présent, et il mit tout au point.
Il songea à tout, à ses domestiques, aux orphelins ; il écrivit à ses parents pour leur faire ses adieux avec ses recommandations dernières ; puis il ne pensa plus qu’à la mort, à l’éternité. Il m’a avoué, deux fois au moins, qu’il n’avait pas peur de la mort. « C’est étonnant, me disait-il, je me mets bien en face de la mort ; je me dis : c’est pour demain ou après-demain. Eh bien ! je n’ai pas l’impression de la crainte. Et pourtant, ajoutait-il, il y a le Jugement, jugement terrible ; malgré cela, je n’ai pas de crainte.
Longtemps avant que le mal fut jugé incurable, il avait demandé à être administré, afin de recevoir les derniers sacrements dans la plénitude de ses facultés. Il choisit son jour : la fête de l’Assomption. Il se prépara plusieurs jours d’avance et reçut le saint Viatique et l’Extrême-Onction dans les sentiments de la piété la plus vive, suivant minutieusement chaque cérémonie, répondant lui-même à chacune des prières.
La semaine qui précéda sa mort fut très pénible ; il ne pouvait plus rien avaler, pas même la salive. Il ne put plus communier, et ce fut pour lui un grand sacrifice ; il ne parlait plus ou très peu ; mais il nous prêchait par sa patience et sa résignation ; il avait pour chacun un mot aimable, un petit sourire, puis, de nouveau, il était tout à Dieu. Il fit à M. le Docteur Herman les adieux les plus impressionnants : le bon Docteur, qui le vénérait comme un saint, fit venir ses enfants pour lui demander sa bénédiction, et le prêtre mourant reporta sur les enfants sa prière reconnaissante pour tant de dévouement que leur père lui avait donné.
Dans la nuit du 11 décembre, la mort parut imminente. Vers quatre heures du matin, on vint appeler les deux confrères présents à la Mission qui accoururent aussitôt. Le malade avait sa pleine connaissance, qu’il conserva d’ailleurs jusqu’au dernier moment : il serra la main aux deux confrères et les remercia d’être venus. Son confesseur lui donna l’absolution, puis commença les dernières prières, auxquelles le cher mourant s’unissait de tout son cœur : « Profiscere anima christiana... » Mais l’âme semblait ne vouloir qu’à regret quitter le corps dont la souffrance faisait rayonner la beauté.
A cinq heures, la respiration devint plus lente. Une voix émue murmura à l’oreille de l’agonisant : « In manus tuas, Domine, commendo spiritum meum. » La tête du saint missionnaire s’inclina lentement comme répondant à un appel intérieur. Le Divin Maître disait à l’âme : Venio cito ; l’âme répondit : Veni, Domine Jesu. Et le doux patient remit son âme entre les mains du Maître adoré.
Des messes furent dites aussitôt dans cette église de Vinh où, pendant huit années, M. Pauthe avait édifié les fidèles par son attitude si recueillie à l’autel. Dans la soirée, le corps dans son cercueil fut porté dans cette même église ; une absoute fut chantée, à laquelle assista toute la paroisse française et annamite. Le lendemain matin, les funérailles eurent lieu à Xadoai, chef-lieu de la Mission. Quatorze missionnaires, tous les prêtres indigènes des environs, les élèves du grand et du petit séminaire et les fidèles de la paroisse unissaient leurs prières à celles de l’Eglise. Suprême témoignage de la profonde vénération que lui avait inspirée son malade, M. le Docteur Herman assistait à la cérémonie avec toute sa famille.
Le corps du regretté missionnaire repose dans le cimetière de la Mission où l’avaient précédé tant de confrères qu’il avait connus. Le cimetière se remplit : nos cadres se vident ; il y a une vingtaine d’années, nous étions près de 40 missionnaires présents ; nous ne sommes guère plus d’une vingtaine. Sunt lacrimœ rerum.
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Références
[1781] PAUTHE Samuel (1864-1922)
Références biographiques
AME 1888 p. 6. 1889 p. 120. 1891 p. 305. 1923 p. 39. 135. 1924 p. 196. CR 1888 p. 207. 1889 p. 134. 1890 p. 110. 1892 p. 174. 175. 1894 p. 400. 1919 p. 68. 1920 p. 48. 1921 p. 71. 1922 p. 263. 1923 p. 221. BME 1922 p. 507. 1923 p. 124. 137. EC1 N° 28.