Célestin DELALEX1864 - 1929
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 1821
Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Thaïlande
- Région missionnaire :
- 1889 - 1928
Biographie
[1821] DELALEX Célestin, est né le 25 mars 1864 à Marin (Haute-Savoie) au diocèse d'Annecy. Il fait ses études secondaires au Collège d'Evian où il se crée de solides amitiés avec de futurs missionnaires. Il entre laïc au Séminaire des Missions Etrangères le 18 septembre 1885. Ordonné prêtre le 22 septembre 1888, il est destiné à la Mission du Siam pour laquelle il part le 12 décembre suivant.
Il étudie la langue à Banpeng sous la direction du Père Quentric. Au bout d'un an, il est envoyé dans la partie laotienne ; c'est le Père Dabin qui le conduira de Ban Hua Phai à Ubon, un voyage de 40 jours à l'époque. Le Père Prodhomme l'envoie à Tharé comme vicaire du Père Combourieu : il est spécialement chargé du poste de Xangming où il bâtit bientôt un presbytère. C'est lui aussi qui va bâtir l'école des catéchistes. Il est ensuite nommé curé des postes de Paksan et de kengsadok : il est même chargé par l'Administration française d'y créer un bureau de poste ! Il se met aussi à l'étude de la langue annamite. Il est nommé curé de Vientiane où il bâtit un presbytère et ajoute un clocher, avec trois cloches, à son église. C'est là qu'en 1927, il recevra la visite de son frère Joseph, missionnaire au Tonkin.
Mais l'âge arrive avec ses infirmités. Après l'accident du Trentinian", une chaloupe du Mékhong, le Père Delalex, fatigué est désigné par Mgr. Gouin pour accompagner la dépouille de M. Bartholomi, victime de cet accident. L'hiver, plus rigoureux que d'habitude eut raison de sa santé et dès la fin février 1929, il accuse encore plus nettement la fatigue. Le 4 mars, il meurt pendant qu'on le soigne. La sépulture eut lieu le 7 mars. Le Père Delalex repose dans le petit cimetière de sa paroisse natale, à l'ombre de la croix.
Nécrologie
M. DELALEX
MISSIONNAIRE DU LAOS
M. DELALEX (Célestin), né à Marin (Annecy, Haute-Savoie), le 25 mars 1864. Entré laïque au Séminaire des Missions-Etrangères le 18 septembre 1885. Prêtre le 22 septembre 1888. Parti pour la Mission de Siam le 12 décembre 1888. Mort à Marin le 4 mars 1929.
Notre très regretté confrère M. Delalex Célestin était né à Marin, au diocèse d’Annecy, de parents foncièrement chrétiens ; des neuf enfants qu’ils élevèrent dans la crainte de Dieu, deux se consacrèrent au service de l’Eglise dans la Société des Missions-Etrangères. Un oncle paternel, missionnaire dans la Congrégation de Saint-François, partit pour la Mission de Vizigapatam en 1854, et mourut en 1887. Un grand oncle maternel était mort nonagénaire, curé de Minzier au diocèse d’Annecy ; un oncle était curé de Margemel, et un cousin germain devait mourir curé aussi de cette dernière paroisse. Deux tantes étaient religieuses de la Con- grégation des Sœurs de la Charité : famille non seulement chrétienne mais religieuse, où les vocations, naissaient sans interruption depuis quatre générations. La paroisse elle-même avait ceci de particulier que, située dans le Chablais, elle n’avait pourtant jamais abandonné le culte catholique, et c’est sur son territoire que se trouve la chapelle de Saint-Etienne où Saint François de Sales allait célébrer la messe au début de son apostolat.
Durant les veillées, le père de famille faisait le catéchisme aux enfants, puis il leur lisait les rares mais longues lettres de l’oncle missionnaire aux Indes. C’est sans doute cette dernière circonstance qui inspira à Célestin le dessein de se faire missionnaire.
Il fit toutes ses études au collège d’Evian : bon élève, plus solide que brillant, il n’eut pas, disons-le, le prix d’excellence, il ne rentrait pourtant pas à la maison sans l’accessit. Il se créa au collège de solides amitiés : M. Charles, plus tard missionnaire à Hanoï, M. Tapponnier, missionnaire au Yunnan, M. Beauquis missionnaire à Chengtu, furent de ses meilleurs amis ; après une séparation de plus de trente ans, il correspondait encore avec M. Beauquis, le seul survivant de cette pléiade de missionnaires savoyards. Pendant les vacances, on courait la montagne, et l’on ne choisissait pas les moindres pics comme but de ces randonnées ; Célestin s’attaqua même au Mont Blanc, mais moins heureux que Don Achille Ratti au Mont Rose, il ne put atteindre le sommet. A la fin de ses études, notre futur missionnaire eut un moment d’hésitation : devait-il suivre l’oncle chez les Missionnaires de Saint-François-de-Sales, ou entrer au Séminaire de la rue du Bac ? il se décida pour ce dernier, et y entra avec son ami Tapponnier ; M. Beauquis les y avait précédés d’un an. Ses études philosophiques et théologiques terminées, il fut désigné pour la Mission de Siam ; le départ eut lieu sur la fin de 1888.
Le Vicaire Apostolique de Siam, Mgr Vey, l’envoya faire ses premières armes à Ban-Ping sous la direction de M. Quentric. Bien doué du côté de la mémoire, il fit de rapides progrès dans l’étude de la langue, et son professeur était si content de lui qu’il le laissait souvent seul pour tenir le poste. C’est alors qu’eut lieu un épisode tragique dont M. Delalex conserva toujours un douloureux souvenir, souvenir qui ne contribua pas peu à mûrir son expérience : il était seul à la résidence, et se préparait à aller prendre son repos, lorsqu’un familier de la maison vint lui annoncer que des voleurs étaient en train de dévaliser le poulailler, et lui demanda son fusil pour les chasser. Le missionnaire ne pensa qu’à un coup à tirer en l’air ; malheureusement, le domestique tira dans la direction des voleurs, et l’un de ceux-ci resta sur le terrain, tué. Au désespoir, M. Delalex partit pour Bangkok, où l’Evêque, tout en déplorant cette triste affaire, le rassura quant aux suites légales, le voleur ayant été tué en flagrant délit, et la loi du pays interdisant les poursuites contre l’auteur d’un meurtre commis en semblable circonstance. Notre confrère se reprocha toujours la malheureuse précipitation avec laquelle il avait remis l’arme meurtrière aux mains d’un maladroit.
M. Delalex ne fit qu’un court séjour au Siam, le Laos réclamant du renfort : il y fut envoyé au bout d’un an. Ce fut l’austère M. Dabin qui le conduisit de Ban-Hua-Phai à Oubone, par les chemins les plus abrupts, les plus affreux que l’on puisse rêver. Durant quatre jours consécutifs, M. Delalex apprit à coucher sur la dure, sous le soleil du bon Dieu, au milieu des chars et des bœufs, au bord des ruisseaux ou dans les clairières au voisinage du tigre et des voleurs. Il fut reçu à bras ouverts par M. Prodhomme, alors supérieur de la Mission, qui le dirigea aussitôt dans le Nord, à Tharé, sous la direction de M. Combourieu. Outre les catéchismes et les confessions qui commençaient à devenir nombreuses au poste central même, il fut chargé plus spécialement du poste de Xang-Ming que l’on venait de fonder. De suite et sans attendre, il se mit à la construction d’une maison d’habitation pour lui et ses successeurs.
La Mission de Laos projetait à cette époque la fondation d’une école de catéchistes : on jeta les yeux sur M. Delalex pour la réaliser. Il commença par élever une habitation grande et commode pour les élèves et pour lui. Il avait bien la direction effective de cette école, mais il devait rendre compte à M. Rondel qui en était le Supérieur de droit. Cette dualité des pouvoirs n’était peut-être pas très heureuse, d’autant plus que les tempéraments des deux missionnaires étaient aussi opposés que possible : l’un était le juriste qui épluche les textes et en tire tous les sens qu’ils sont susceptibles de fournir, l’autre était le réaliste qui veut un but. Cette situation ne pouvait durer, elle fut réglée par la Providence. Les postes de Paksan et de Keng Sadok venaient d’être fondés, et, éloignés de tous les autres, avaient besoin d’un missionnaire à demeure. M. Delalex fut choisi et s’installa à Paksan en 1894. C’est là qu’il passa trente années de sa vie apostolique.
Il éleva églises et maisons d’habitation dans ses deux chrétientés de Paksan et de Keng Sadok, et même fut chargé par l’administration française de construire un bureau de poste. A Paksan, il était au centre de la grande voie de communication avec le Tranninh ; ce fut pour lui l’occasion de rendre mille petits services aux Européens qui voyageaient dans ces quartiers, et ceux-ci, à leur tour, savaient reconnaître sa bonne volonté. Prévoyant de bonne heure une forte immigration des Annamites au Laos, il n’hésita pas à se mettre à l’étude de la langue annamite à l’âge de soixante ans, et, s’il ne parvint pas à la parler dans la perfection, il en sut assez pour se faire comprendre sans difficulté, et d’aucuns disent que le nombre de mots dont il disposait était bien supérieur à celui dont les vieux routiers de 1’Annam pouvaient se servir.
A Paksan, M. Delalex passa par une espèce de crise de mysticisme qui n’eut pas d’ailleurs de conséquences. Il aurait voulu de toute l’ardeur de son âme, et elle était grande ! aller terminer sa vie de missionnaire dans la Trappe de Phuok-Son, dans la Mission de Hué. Il s’en ouvrit à son Evêque et à son confesseur qui l’un et l’autre lui eussent sans doute permis de satisfaire sa très grande piété, mais les circonstances étaient telles qu’il dut faire ce sacrifice, et accepter le poste de Vientiane : il vit dans cette nomination une indication de la Providence, et continua sa vie de missionnaire « missionnant », au grand contentement de son Supérieur et de ses confrères. Ne pouvant pas se retirer à la Trappe, il devint moine chez lui : tous ses moments libres, il était à l’église, et à dix heures du soir il y était encore ; avait-il des insomnies, il descendait à l’église pour satisfaire sa piété. Le nombre de ses rosaires fut incalculable : il priait pour le Laos, il priait pour son troupeau qui ne lui donnait pas rien que des consolations, mais beaucoup de soucis et de tracas à l’occasion.
A Vientiane, il bâtit un presbytère, un beau presbytère, ajouta un clocher à son église qu’il ne voulait plus muette, et la dota de trois belles cloches qu’il paya entièrement de ses deniers personnels ; il eut la joie de les voir arriver chez lui, mais non de les faine bénir et de les monter dans leur beffroi, les battants ayant pris une direction inconnue et n’ayant retrouvé leur destination légitime que six mois après. Vientiane, capitale du Laos au point de vue civil, ne peut pas ne pas devenir un centre important, même au point de vue religieux. M. Delalex le comprit de bonne heure : en vue de l’avenir, il fit l’acquisition de certains terrains propres à l’installation d’une école et d’un hôpital que l’on aurait confié à des Sœurs européennes. Le Vicaire Apostolique prit l’affaire en mains, et aurait abouti sans certaines circonstances qui renvoyèrent l’exécution des plans à des temps plus favorables.
M. Delalex était vraiment bien doué pour former son personnel. Très aimable et très aimant, quand il avait donné sa confiance à quelqu’un, il lui fallait une preuve éclatante pour qu’il la lui retirât ; confiant dans le Laotien, il croyait que celui-ci le payait de la même honnête monnaie, règle qui souffre quelques exceptions. On cite à ce propos, entre missionnaires du Laos, certaine anecdote parfaitenment plaisante parce qu’elle finit bien, alors qu’elle aurait pu avoir une issue des plus tragiques.
Notre confrère avait un caractère jovial, et trouvait une vraie jouissance dans la conversation des confrères qui savaient le distraire. Lui-même délicieux dans les histoires qu’il offrait en retour. Il parlait souvent de son Marin et d’Evian sur lesquels il ne tarissait pas. On jouissait d’entendre l’histoire de ces deux paysans qui, dans leur patois savoureux, se congratulaient mutuellement : « Dans notre Marin, disait l’un de ces bons hommes, il y a deux braves gens : il y a toi, mon Louis, et puis un autre qu’il ne m’appartient pas de nommer. »
Il avait la main largement ouverte pour venir au secours de toutes les infortunes. Plus d’un confrère dans l’embarras fit l’expérience de sa générosité ; et quand il donnait, sa main gau-che ignorait en vérité ce qu’avait laissé tomber sa main droite. Nous savons qu’il prit à sa charge l’éducation de deux jeunes Laotiens qu’il envoya au Petit Séminaire de Xadoai, et dont il paya les frais de pension pendant sept ans. Il fut assez heureux pour les conduire lui-même au Grand Séminaire de Hué.
Extrêmement sensible, il détestait par-dessus tout cette bonne opinion de soi-même dont les Laotiens et surtout les Laotiennes ne sont pas tout à fait exempts ; ce défaut capital, il savait le relever vertement : « Oh, ma petite, tu suintes l’orgueil, tu es orgueilleuse en tout, dans ta figure, dans tes regards, dans ton maintien, dans ta démarche, dans ta chevelure, et jus-qu’au bout de tes ongles. » L’intéressée, on s’en doute, prit la réprimande assez mal, et demanda au missionnaire de l’encre pour écrire à l’Evêque. Il lui remplit l’encrier à pleins bords : Et si çà ne suffit pas, ajouta-t-il, je t’en donnerai encore. » La pauvre enfant finit par comprendre.
L’âge arrivait avec tout son cortège d’infirmités. Depuis quelque temps, M Delalex paraissait plus triste, et la disparition d’un bon confrère avec lequel il était particulièrement lié, lui porta un coup sensible. Il avait coutume, quant il allait pour affaires à l’Evêché, de passer ses moments libres chez l’ami Pierre ; désormais c’était fini, il fallait rester à l’Evêché. Il parut à 1’œil le moins exercé, abattu, affaissé ; une sérieuse distraction aurait peut-être pu le remettre. Il eut pourtant quelques joies : la visite de S. Exc. Mgr Ajuti, Délégué Apostolique, en tournée au Laos ; puis la visite de M. Robert, son contemporain et son ami, en visite officielle dans la Mission. Sur ces entrefaites, une occasion se présenta, dont il put profiter pour revenir en France : tout le monde connaît l’affreux accident survenu au « Trentinian », qui coûta la vie à soixante indigènes et à quatre Français, dont M. Bartholoni, ancien député de la Haute-Savoie et compatriote de M. Delalex. Le corps de M. Bartholoni, qu’on avait cherché en vain bien longtemps, fut enfin retrouvé dans la chaloupe même ; la famille fit des démarches pour qu’un missionnaire accompagnât le corps jusqu’en France. Mgr Gouin pensa de suite à M. Delalex pour rem¬plir cette mission : il avait quarante ans de séjour au Laos, et était fatigué outre mesure, un voyage en France ne pourrait que lui faire le plus grand bien. M. Delalex prit donc charge du corps qu’on lui confiait, et rentra en France avec M. Courrier fatigué lui aussi. La dépouille mortelle de M. Bartholoni une fois remise à la famille, il alla prendre quelques jours de repos dans sa famille à Marinel, petit village de la commune de Marin. Il se promettait bien de revenir au Laos au plus tôt. Malheureusement, cette année l’hiver fut atrocement froid, et pour un habitué des climats tropicaux, devait lui être fatal.
« Depuis Noël, écrit un de ses neveux qui a bien voulu nous relater les derniers moments de notre confrère, l’oncle souffrait d’une grippe persistante, mais qui n’inspirait pourtant pas d’inquiétudes. Le mercredi 27 février, il se sentit subitement mal, le médecin diagnostiqua un catarrhe avec affaiblissement du cœur. Pendant plusieurs jours, la respiration fut difficile : « Je suis comme un poisson hors de l’eau, disait-il, je ne saurais pourtant pas dire quelle partie « du corps me fait souffrir. » Le lundi 4 mars, M. le Curé lui apporta la sainte communion ; il y avait déjà quelques jours qu’il n’avait pas dit sa messe. La matinée fut très bonne, lui-même nous disait : « Je crois que je suis guéri, je vais passer une bonne journée. » Il nous parla de son Laos, de Monseigneur, de ses confrères, des Sœurs qu’il désirait pour Vientiane. Mais dans l’après-midi, un peu d’oppression apparut. Le soir il dîna vers les sept heures. A neuf heures, comme on lui appliquait les ventouses, et l’une d’elles étant tombée, il dit : « Remets-la. » En même temps, sa tête s’en va en arrière, il pousse un gros soupir, et ce fut tout.
« Sur son lit de mort, il avait gardé la même physionomie, il semblait reposer, et tous ceux qui l’ont vu en étaient frappés. La sépulture a eu lieu jeudi 7 mars à 10 heures. 25 prêtres y assistaient, ainsi qu’une foule nombreuse et recueillie. M. Beigbeder, autrefois vicaire à Paksan, était venu de Paris pour représenter aux obsèques la Mission du Laos et la Société des Missions-Etrangères. Notre cher oncle repose maintenant dans le petit cimetière de sa paroisse natale à l’ombre de la croix. »
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Références
[1821] DELALEX Célestin (1864-1929)
Références biographiques
AME 1889 p. 36. 1892 p. 614. 1906 p. 346 sq. 1913 p. 99. 1919-20 p. 326. 331. 337. 341. 350. 351. 356. 1925 p. 95. 96. 1928 p. 167. 1929 p. 132. CR 1888 p. 208. 1900 p. 217. 1901 p. 225. 1902 p. 248. 360. 1903 p. 251. 1904 p. 242. 1910 p. 252. 1912 p. 276. 1914 p. 117. 1915 p. 138. 1916 p. 159. 1923 p. 152. 1929 p. 191. 298. 1940 p. 137. BME 1925 p. 285. 646. 1926 p. 259. 1927 p. 255. 258. 389. 517. 576. 646. 1928 p. 125. 381. 443. 506. 636. 696. 765. photo p. 257. 1929 p. 304. 377. 1953 p. 585. 1954 p. 751. 756. 1956 p. 1094. 1957 p. 1094. EC RBac N° 162. 172.
Bibliographie
"Une Lumière s'est levée" ,p. 87. 89-94. par Mgr. Cl. Bayet.
Notice nécrologique
CR 1929 pp. 298-303.