Albert DESHAYES1871 - 1910
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 2246
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Identité
Naissance
Décès
Autres informations
Missions
- Pays :
- Corée
- Région missionnaire :
- 1896 - 1910
Biographie
[2246]. DESHAYES, Albert-Victor-Jules, né le 25 octobre 1871 à Cérisy-la-Salle (Manche), élève du collège de Saint-Lô, aspirant du Séminaire des M.-E. le 16 octobre 1893, prêtre le 28 juin 1896, partit pour la Corée le 26 août suivant, et commença à Séoul l'étude de la langue. En mai 1897, on l'envoya à Achyeni, dans le district de Ko-tchang, province de Tjen-la, et bientôt il eut à évangéliser toute la partie sud de la province. Ses succès devenant plus grands à Mokhpo, il s'y construisit une résidence et y travailla pendant une dizaine d'années.
En 1907, étant allé au Japon, il fut atteint d'une fièvre dont les suites l'affectèrent assez longtemps. Obligé de prendre quelque repos à Séoul, il employa le temps de son séjour dans cette ville à préparer un ouvrage de doctrine. Placé à la tête du district de Ouen-san en 1909, il mourut dans cette ville le 1er février 1910, et fut enterré près de ses deux prédécesseurs, MM. Bret et Tournier.
Nécrologie
M. DESHAYES
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE DE LA CORÉE
Né le 25 octobre 1871
Parti le 26 août 1896
Mort le 2 février 1910
Albert-Victor Deshayes naquit à Cerisy-la-Salle, au diocèse de Coutances, le 25 octobre 1871. Entré laïque au séminaire de Paris, en octobre 1893, au lendemain de sa libération du service militaire, il fut ordonné prêtre le 28 juin 1896 et destiné à la mission de Corée, où il arriva en automne de la même année. Il passa quelques mois à Séoul, pour s’initier aux usages et aux premiers éléments de la langue du pays ; avantageusement servi par une heureuse mémoire et une grande assurance, il fit des progrès remarquables. A l’issue des exercices de la retraite annuelle, au mois de mai 1897, en compagnie de MM. Bau¬dounet et Lacrouts, le nouveau Missionnaire prenait la route du Tjyen-la-to, où il devait fournir une belle carrière.
Cette province du Tjen-la avait déjà, en 1897, un certain nombre de bonnes chrétientés dont les membres étaient, pour la plupart des anciens dans la foi, venus en ces montagnes éloignées avec l’espoir d’y trouver un refuge contre les satellites et une terre à défricher pour y vivre avec leur famille. C’est dans un de ces villages de montagne, à Achyeni, au district de Kotchang, que M. Deshayes fixa sa première résidence. Mais lui, qui s’était trouvé à l’étroit dans Séoul, estimant bien longs les six mois de stage préparatoire à la vie de missionnaire en province, n’était pas homme à rester confiné dans un petit hameau.
La partie Nord de la province était desservie par trois prêtres chargés de plusieurs milliers de chrétiens ; la province du Sud n’avait ni prêtre ni chrétiens. Il y avait là un vaste champ ouvert et à son zèle et à son besoin d’activité. M. Deshayes fut l’apôtre de cette région, non seulement sur le continent, mais encore, et surtout, dans les îles nombreuses semées sur tout le littoral.
Après une première administration des sacrements dans les chré¬tientés voisines d’Achyeni, il se rendit à Mokhpo, fit l’acquisition d’une petite maison et commença un fructueux ministère auprès des païens. Tantôt chez ses chrétiens d’Achyeni et environs, tantôt parmi les catéchumènes de Mokhpo, là-bas comme ici, toujours et tout entier, il se livra à l’apostolat et à l’étude.
Il put ensuite se fixer définitivement à Mokhpo, où il bâtit sa rési¬dence sur une colline écartée, du haut de laquelle, au visiteur étonné du choix d’un pareil emplacement, il s’empressait de faire admirer, bien au fond de l’horizon, un petit coin de l’océan. Pendant les dix années qu’il passa dans cette province, sans jamais se laisser arrêter par les difficultés, les oppositions, les déceptions et même les petites trahisons, M. Deshayes travailla sans relâche à susciter des catéchu¬mènes, à les instruire et à les ramener dans la bonne voie, quand, par malheur, ils s’en étaient écartés.
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Cette région qu’évangélisait M. Deshayes s’est souvent signalée par son agitation ; les esprits y sont avides de nouveautés ; beaucoup même ne connaissent pas de scrupules, et savent quitter le parti qui devient dangereux ou simplement cesse d’être utile pour suivre un parti nouveau, plus en faveur parce que plus avantageux..., prêts à le répudier, naturellement, sitôt que la fortune change.
Il y avait un danger, celui de l’engouement, créant un de ces mou¬vements en masse qui peut amener, parmi les catéchumènes sincères, des gens moins sérieux, aux vues intéressées, sinon suspectes. Ces circonstances de milieu et de tempérament sont de celles que le missionnaire ne peut modifier : il les subit, et, sans rien relâcher de son zèle, se montre prudent ; puis, quand toutes les précautions sont prises, il s’en remet à Dieu pour tout ce qui ne dépend pas de l’homme.
En outre, le concours d’anciens chrétiens, encadrant pour ainsi dire les nouvelles recrues, et leur prêchant les choses de la vie chré¬tienne par la parole et les bons exemples, fit complètement défaut à notre Confrère. Il en souffrit plus qu’il ne le laissa paraître ; il s’efforça d’y suppléer personnellement, sachant très bien que les insulaires ont encore plus besoin que les gens du continent d’instruction solide, de probation suffisante, et de surveillance suivie, après comme avant leur admission au baptême.
Pendant ces dix années, M. Deshayes, qui avait l’effort facile, fournit un travail considérable. Il ne se contenta point de l’étude de la langue parlée, qui, à elle seule, demande une application prolongée ; il eut à cœur d’apprendre, avec soin, les caractères chinois dont il acquit une connaissance suffisante pour la correspondance, comme pour la lecture et la traduction des livres de doctrine.
On le voyait, aux époques de séjour à Mokhpo, s’enfermer dans sa chambre, après le repas du matin, et, sans interruption, fournir huit ou dix heures de travail. Partout, chez les confrères, chez les chré¬tiens, voire même à l’auberge, il savait profiter de tout pour interroger et instruire. Quand, dans ses courses par les îles, il se voyait condamné par les vents contraires à rester sur place deux ou trois jours, — et même davantage, — il avait la précieuse ressource de savoir attendre, en prêchant, en causant, en étudiant.
Il avait des notes à jour sur chacune de ses chrétientés et sur chacun de ses catéchumènes ; or il en baptisa près de deux mille, et il en connut bien davantage. Du mois d’octobre au mois de mars, il était en tournée d’instruction et d’administration des sacrements : il ne reparaissait chez son confrère voisin, ou à Mokhpo, que pour les rencontres prévues. Il ajoutait souvent une administration complémentaire, au juin et juillet.
Ses efforts furent couronnés de succès. Il en était visiblement heureux, sans omettre d’en reporter tout l’honneur à Dieu, plein de confiance en sa grâce pour la persévérance de ses néophytes.
Plusieurs fois, la maladresse ou la mauvaise foi de quelques baptisés suscitèrent au missionnaire de grosses difficultés. Le plus souvent, ces difficultés lui vinrent de gens sans conscience, pour qui la présence du missionnaire ou de ses adeptes devenait un obstacle à la réalisation de projets perfides. Il eut à subir les outrages de la populace et les injures des prétoriens à Tjito. Il fut plus heureux à Nakan, où, averti du danger, il put se réfugier rapidement à la montagne voi¬sine. Toutes ces choses, loin de l’arrêter, étaient comme un nouvel aliment à son activité ; sans trêve ni repos, il multipliait les voyages, les lettres, les exhortations, les réprimandes même, en vue d’une solu¬tion conforme à la justice.
Dans de telles conditions de vie, les loisirs sont comptés. M. Deshayes se ménageait pourtant quelques semaines pour faire visite à ses con¬frères du Nord de la province. Ceux-ci gardent bon souvenir de la petite tournée qu’il faisait chez eux, en septembre, tantôt pour prendre des vacances, tantôt pour en donner à un nouveau confrère qu’il accompagnait. C’est qu’on passait des heures délicieuses avec M. Des¬hayes ; il était bon, indulgent, aimable, toujours prêt à rendre service.
Ses distractions amusaient ; elles lui valaient parfois une plaisanterie qu’il acceptait de très bonne grâce. Doué d’une belle mémoire, prompt dans ses citations, il se trompait quelquefois dans une interprétation : il était tout à fait charmant, quand on avait pu le convaincre d’erreur, de l’entendre dire : « Eh bien ! vous avez raison, je me suis trompé. » Et cet aveu était fait avec candeur, tout comme s’il y avait trouvé aussi une victoire.
Je ne crois pas qu’on l’ait jamais entendu se plaindre des fatigues et des incommodités multiples des voyages. Sans doute, il avait le précieux avantage d’une santé robuste ; peut-être même a-t-il trop compté sur ses forces. Il pratiquait fidèlement le manducate quœ apponuntur vobis et, devant une bouillie d’orge servie en une tasse sordide, il ne témoignait pas la moindre répugnance, mangeant de bon appétit, comme lorsqu’il avait la bonne fortune d’avoir une table garnie proprement de mets plus choisis.
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Cependant, en 1907, lors d’un voyage au Japon, M. Deshayes souffrit de la fièvre : c’est de là, apparemment, que date le mal qui l’emportera plus tard. Revenu à Mokhpo, il se remit péniblement à ses occupations ordinaires. En octobre 1908, son état inspira des inquié¬tudes au confrère qui le soignait. En juillet 1909, il est appelé à Séoul pour se soigner, tout en préparant quelque ouvrage de doctrine en langue coréenne. Mais, au dire du docteur, l’air de Séoul ne lui était point favorable et le mal s’aggravait.
Le 5 janvier 1910, un télégramme de Gensan annonçait à l’évêché la mort de M. Tournier La nécessité de remplacer sans retard le confrère défunt détermina Mgr Mutel à y envoyer provisoirement M. Deshayes. Quelques jours après son arrivée, il présida une réunion de jeunes gens dont il sut, de suite, gagner les sympathies. Invité à prendre la parole à l’issue de la conférence, il accepta avec plaisir. « Je m’en suis tiré sans trop ânonner, » dit-il dans une lettre, et il ajoute ce détail caractéristique, dont il est très content : « C’est la première fois que je suis applaudi en public en Corée. »
Quinze jours plus tard, en proie à une forte fièvre et voulant se faire mieux soigner, le Missionnaire entrait à l’hôpital. Il annonce la chose à son évêque sans paraître croire à aucun danger. « Ne vous inquiétez pas ; je suis persuadé que ce ne sera rien, écrit-il ; priez pour moi ! » Or, le lendemain, le cas était grave ; un courrier fut envoyé à Nai Hpyeng avertir M. Lucas. Celui-ci arriva près du malade, le samedi soir ; il le trouva en proie à une fièvre très violente. « Le Père me reconnut, dit-il, et commença aussitôt sa confession. La confession finie, j’administrai l’Extrême-Onction et l’indulgence in articulo mortis. A peine avais-je terminé que le malade perdait complètement connaissance. »
Depuis cette nuit du samedi, jusqu’au lundi matin, il fut tellement agité que le confrère et les infirmiers ne le quittèrent pas un instant, ayant beaucoup de peine à le maintenir sur son lit. Par une grâce toute spéciale, le lundi matin, le calme étant revenu, M. Lucas put aller à la mission y célébrer la sainte Messe et rapporter le saint Via¬tique que le malade reçut avec beaucoup de piété. Dans l’après-midi, le malade perdit de nouveau connaissance et la fièvre redoubla d’intensité. Le samedi 1er février, à 11 heures du soir, notre cher M. Deshayes rendait son âme à Dieu.
Le corps fut immédiatement transporté à la chapelle catholique où il fut exposé, revêtu des ornements sacerdotaux. Les chrétiens vinrent nombreux et de très loin réciter, jour et nuit, jusqu’au moment des funérailles, les prières pour les morts. Il repose à côté de M. Bret, un vétéran de l’apostolat, et de M. Tournier qui l’avait précédé d’un mois dans la tombe. Requiescat in pace !
UN MISSIONNAIRE.
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Références
[2246] DESHAYES Albert (1871-1910)
Notes bio-bibliographiques. - C.-R., 1898, p. 30 ; 1901, pp. 64, 65 ; 1902, p. 73 ; 1903, p. 53 ; 1904, p. 50 ; 1905, p. 37 ; 1906, pp. 43, 49 ; 1907, p. 67 ; 1908, p. 48 ; 1909, p. 48 ; 1910, p. 48. - A. M.-E., 1911, pp. 213 et suiv.
Sem. rel. Coutances, 1901, p. 792. - Bull. Assoc. Saint-Lô, 1910, Sa mort, pp. 40 et suiv. - Mél. Jap., 1907, Les Coréens jugés par un des leurs [sous le pseudonyme V. du Rouelle], n° 13, p. 43.
Notice nécrologique. - C.-R., 1910, p. 331.