Jean LABORIER1873 - 1903
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 2412
Identité
Naissance
Décès
Biographie
[2412]. LABORIER, Jean-Louis, né à La Chapelle-de-Bragny (Saône-et-Loire) le 11 mai 1873, fit ses études à l'école cléricale de Rimont, d'où il passa au grand séminaire d'Autun. Son service militaire accompli, il entra tonsuré au Séminaire des M.-E. le 14 octobre 1896, reçut le sacerdoce le 24 septembre 1898, et partit le 23 novembre suivant pour le Cambodge. Il étudia la langue cambodgienne à Battambang, fit ses premiers travaux apostoliques, en 1899, à Tra-long, puis il prêta son concours à Gonet, dans le district de Bac-lieu. On le nomma, en 1901, professeur de théologie au séminaire de Cu-lao Gieng. Atteint de la fièvre typhoïde en décembre 1902, il fut transporté à l'hôpital de Phnom-penh, et y succomba le 24 janvier 1903.
Nécrologie
M. LABORIER
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE DU CAMBODGE
Né le 11 mai 1873
Parti le 23 novembre 1898
Mort le 24 janvier 1903
Souvent la mort n’attend pas l’âge pour frapper dans nos rangs les coups qu’il lui plaît. Ces coups, déjà plus douloureux parce qu’ils étaient inattendus, sont encore plus vivement ressentis lorsqu’ils enlèvent à une mission des hommes de choix, sur lesquels elle pouvait compter pour assurer son avenir. M. Laborier était un de ces missionnaires qu’on remplace difficilement ; sa mort laisse un grand vide au Cambodge.
« Jean-Louis Laborier naquit à la Chapelle-de-Bragny, au diocèse d’Autun, le 11 mai 1873, de parents profondément chrétiens et jouissant d’une modeste aisance. Sa sœur aînée, qui est religieuse, nous a fourni les détails suivants sur la première jeunesse du cher défunt.
« Jean-Louis était d’un caractère vif ; il exposa souvent sa vie dans un coup de force ou « d’adresse. Néanmoins, les vérités de notre sainte religion firent sur lui de bonne heure la « plus profonde impression ; il se plaisait à me demander l’explication du catéchisme quand il « ne le comprenait pas. On voyait dès lors en lui les germes de cette charité qui remplira sa « vie. Jamais il ne laissa les pauvres s’en aller les mains vides ; il les accueillait avec bonté, « leur donnait à boire et parfois s’attirait les reproches de notre mère pour sa trop grande « libéralité. Très jeune encore, entendant médire d’une personne, il fit cette réflexion : « Que « voulez-vous ? si elle était plus intelligente elle ne ferait pas cela ; elle ne comprend pas « qu’elle fait mal. »
« A onze ans, M. le curé lui parla du petit séminaire, mais Jean-Louis n’avait point songé à « se faire prêtre, ou plutôt il n’avait pas pensé qu’il lui fût possible de le devenir. Il se mit « alors à réfléchir, s’anima au travail par la pensée du but à atteindre, et, comme il l’a raconté « lui-même, en servant le prêtre à l’autel, il lui enviait la puissance de changer la substance du « pain et du vin au corps et au sang de Notre-Seigneur. »
Entré au petit séminaire de Rimont, Jean-Louis satisfait pleine¬ment ses maîtres. D’une intelligence plus qu’ordinaire, d’un jugement sûr, il se livre à ce labor improbus qui remplira toute sa vie. Sa piété devient plus vive, plus ardente et plus profonde. Pendant son séjour au grand séminaire d’Autun, cette piété est communicative : ses lettres sont remplies des sentiments qu’elle inspire au jeune lévite. En vacances, il exerce la plus heureuse influence autour de lui ; il cherche les occasions de porter à la piété, de pousser à l’esprit de sacrifice. Ses deux jeunes frères, entraînés par sa parole et ses exemples, entrent au séminaire ; sa sœur, docile à ses inspirations embrasse la vie religieuse. Il va la voir souvent au noviciat, lui écrit plus souvent encore, et la maîtresse des novices admire les rapports si pieux qui existent entre le frère et la sœur. Cette affection pour sa famille, M. Laborier la gardera jusqu’à son dernier jour, et sa correspondance intime, pleine de cœur et de sentiments élevés, ferait les délices de plus d’une âme, si elle était publiée.
Après deux années de grand séminaire et une année de service militaire, M. Laborier exécute le projet qu’il caresse depuis longtemps et qu’il a mûri dans le silence ; il déclare à ses parents qu’il va entrer aux Missions-Étrangères. L’affliction de toute la famille est extrême. Pour éviter la pénible scène des adieux, l’aspirant missionnaire quitte le toit paternel pendant la nuit et se rend à Paris.
Au séminaire de Bièvres, d’abord, au séminaire de Paris ensuite, il passe sans faire de bruit. Toute son ardeur est pour l’étude et la prière. Ses lettres nous montrent la haute idée qu’il a de chacun des saints ordres qu’il est appelé à recevoir. Il ne croit jamais avoir assez fait pour répondre dignement à sa vocation.
Ordonné prêtre en septembre 1898, M. Laborier part de Paris le 23 novembre et arrive bientôt au Cambodge. Mgr Grosgeorge l’envoie à Battambang. C’est là qu’il étudie la langue cambodgienne. Ses progrès sont rapides, quoique traversés par la fièvre typhoïde qui le met à deux doigts de la mort. A l’automne 1899, il est envoyé à Tra-long, en basse Cochinchine, où il prépare au baptême un groupe de catéchumènes cambodgiens et apprend la langue annamite. Au bout de quelques mois, se trouvant à l’étroit avec les Cambodgiens, il prête son concours à M. Gonet dont le district est très étendu. C’est alors que se révèle son activité extraordinaire, peut-être même l’entraîne-t-elle parfois au delà des limites de la prudence. Il se donne tout entier à l’œuvre de Dieu et accepte avec une joie égale les consolations et les insuccès, le bien-être et les privations. Son logement est plus que modeste, voire même malsain ; il voyage par tous les temps : ni la pluie, ni l’ardeur du soleil ne l’arrêtent. Il va tantôt à pied, tantôt en barque, tantôt à cheval, il ne redoute aucune des fatigues que le missionnaire doit s’imposer dans un district de fondation récente. Tous les moyens de locomotion, tous les moyens d’action lui sont bons pourvu qu’ils conduisent au but. Il accueille avec déférence les conseils de son confrère, M. Gonet, qui lui-même se range plus d’une fois à l’avis de son jeune collaborateur. Les faits et gestes du zélé mis-sionnaire deviennent le thème inépuisable des récits de ses chrétiens qui, cependant, en passent quelques-uns sous silence, et pour cause. C’est que l’œil vigilant du maître a vu certain point noir : la punition est venue souvent sévère, toujours méritée. Il n’en aime pas moins ses ouailles et celles-ci le savent ; il veut leur bien ; le mal, il le déteste, et c’est le mal qu’il poursuit en elles. Lorsque, après un an et demi de travail assidu, M. Laborier devra partir, il sera unanimement regretté. M. Gonet, qui avait trouvé en lui l’idéal de ses rêves, ne se consolera pas de son éloignement et fera démarche sur démarche pour l’avoir à nouveau près de lui.
Sur ces entrefaites, le vicaire apostolique a besoin d’un professeur de théologie au séminaire de Cu-lao-gieng. C’est un poste de confiance ; Mgr Grosgeorge le confie à M. Laborier. Sans hésiter, notre regretté confrère se met à la tâche et recommence sa vie d’étude d’autrefois. Il s’agit pour lui maintenant de se perfectionner dans la langue annamite et d’exposer à ses élèves les questions théologiques. Il le fait en professeur émérite. Comme il a une haute idée de la vocation sacerdotale, il demande beaucoup à ses élèves. On le trouve d’abord sévère ; mais il est vite connu et apprécié.
M. Laborier se plaît dans son beau séminaire ; il ne demande pas mieux que d’y rester longtemps, si telle est la volonté de Dieu. Dieu en a décidé autrement. Après la retraite annuelle du mois de décembre 1902, au cours d’un voyage de vacances, il tombe malade avec tous les symptômes de la fièvre typhoïde. Transporté à l’hôpital de Phnom-penh, il reçoit les soins les plus dévoués de la part du docteur et des religieuses, qu’il étonne par son énergie et sa résistance extraordinaires. Peut-être aurait-on raison de la fièvre, si une maladie de cœur, dont le cher malade portait en lui les germes depuis longtemps, ne prenait soudain un caractère d’extrême gravité. Les moments de répit que lui laisse la douleur sont consacrés à la prière. Il reçoit avec piété les derniers sacrements et fait de bon cœur le sacrifice de sa vie. Les visites de Mgr Bouchut et des confrères, accourus pour le voir une dernière fois, lui causent un sensible plaisir. Il parle de sa famille, de ses confrères et du séminaire. Enfin, le 24 janvier 1903, il s’endort dans le Seigneur. Le cher défunt n’avait pas encore trente ans. Mgr Bouchut entouré de plusieurs confrères et d’une foule de chrétiens a voulu le conduire lui-même à sa dernière demeure. M. Laborier repose à l’ombre de la cathédrale de Phnom-penh. Il a combattu le bon combat ; le juste Juge, nous en avons la confiance, lui aura donné la couronne réservée aux vain¬queurs.
Bonum certamen certavi, cursum consummavi... Reposita est mihi corona justitiœ, quam reddet mihi justus Judex.
UN MISSIONNAIRE DU CAMBODGE.
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Références
[2412] LABORIER Jean (1873-1903)
Notes bio-bibliographiques. - C.-R., 1901, p. 182. - A. M.-E., 1913, pp. 252, 314. - Sem. rel. Autun, 1903, Notice, pp. 366, 400.
Notice nécrologique. - C.-R., 1903, p. 363.