Pierre LE DARRÉ1876 - 1945
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 2605
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Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Vietnam
- Région missionnaire :
- 1902 - 1945 (Qui Nhon)
Biographie
[2605] Pierre-Marie LE DARRE naquit le 30 Octobre 1876 à BREST, paroisse St. MARTIN, diocèse de QUIMPER, département du FINISTERE. Tout jeune, il perdit son père et sa mère, et fut élevé à l'extrême pointe-nord du Finistère, par un oncle et une tante qu'il aima comme ses propres parents. Il commença assez tard ses études secondaires au Petit Séminaire de Pont-Croix. Il les termina en 1897,et passa ensuite au Grand Séminaire de QUIMPER. Exempté du service militaire, il fut ordonné sous-diacre le 25 Juillet 1900.
Le 07 Octobre 1900, il entra au Séminaire des Missions Etrangères. Diacre le 01 Juin 1901,ordonné prêtre le 23 Juin 1901, il reçut sa destination pour le Vicariat Apostolique de Cochinchine Orientale (Quinhon) qu'il partit rejoindre le 13 Novembre 1901.
Arrivé à QUINHON, courant décembre de la même année,son compatriote, M. GEFFROY, Supérieur intérimaire de la Mission, l'accueillit avec joie, mais il ne pût dissimuler une moue discrète devant la petite taille et la stature peu étoffée de ce nouvel arrivant, qui pendant quarante quatre ans, sans jamais retourner en France, fournira un excellent travail missionnaire. Il l'envoya à XOM-QUAN, petite chrétienté proche de la résidence épiscopale pour y étudier la langue viêtnamienne.
Le 21 Mars 1902, Mgr. GRANGEON était nommé Vicaire Apostolique, M. GEFFROY retourna dans son district de GIA-HUU, emmenant avec lui M. LE DARRE. Celui-ci s'installa pendant quelques mois, dans la chrétienté de XOAI, En 1903, il devint vicaire puis chef du district de H_I-DUC, à une quizaine de kms au sud de GIA-HUU. Il dota son église d'une cloche sur laquelle il fit graver l'inscription suivante : Je chante le triomphe de 20.000 martyrs, et j'annonce l'entrée dans la religion catholique de 20.000 païens". Allusion aux sanglantes persécutions de 1885, et à la foule des catéchumènes qui maintenant, se présentaient.
Lors de la guerre russo-japonaise (1904-1905), les succès du Japon provoquèrent une vague de xenophobie, et vinrent jeter le trouble jusque dans ces jeunes et fragiles chrétientés. L'épreuve fut rude pour M. LE DARRE ! En 1906, fatigué, il dût prendre quelques mois de repos à HONG-KONG.
De retour dans sa mission, en 1907, M. LE DARRE prit la direction du district de CH+U-ME, dans la province de QUANG-NGAI. Il entreprit la construction de l'église. Celle-ci à peine terminée, fut renversée par un violent typhon. Sans se décourager, il remit les ouvriers au travail et éleva un belle et solide église capable de résister aux plus violentes bourrasques..
En 1918, il fut nommé curé de GIA-HUU, succédant à M.GEFFROY qui avait administré ce district durant quarante ans. Il construisit un presbytère vaste, commode et gracieux, et une église digne de cette chrétienté centrale , avec des riches vitraux et une haute tour. Il dota les stations secondaires de chapelles convenables et définitives.
M. LE DARRE n'épargna jamais sa peine pour que triomphe la justice. Il s'imposa de nombreux voyages pénibles et longs jusqu'à HUE, pour y régler des affaires embrouillées et difficiles Il .aima fortement ce district et la population lui était très attachée. C'est au pied du monument des victimes de 1885, à côté de son prédécesseur qu'il rêvait de reposer un jour.
Mais en 1928, Mgr. GRANGEON lui demanda de prendre en charge le district de PHANRANG. Timide et se défiant de lui-même,M. LE DARRE craignit de ne pas réussir auprès d'une population très différente de celle qu'il avait dirigée jusque là. Courageusement, il mena de front spirituel et matériel : Les chrétiens furent dirigés d'une main ferme et charitable, les bâtiments réparés ou rebâtis, les écoles développées au centre du district et dans les chrétientés secondaires.
En 1935 et en 1937 la formation d'un jeune missionnaire lui fut confiée. Il se montra toujours très accueillant,plein de délicatesses et de prévenances pour eux, faisant réparer avec soin le modeste presbytère d'une chrétienté voisine, et surveillant tous les détails de son aménagement. Cette marque de confiance fut pour lui source d'une très grande joie !
A la fin de 1936, il se rendit une seconde fois à HONG-KONG pour assister à une retraite prêchée par le P.Matéo CRAWLAY. A son retour, il s'empressa d'inviter les PP.Rédemptoristes de SAIGON à venir donner une mission à ses chrétiens. Ce fut un grand succès !.
Survint le coup de force japonais du 09 Mars 1945. M. LE DARRE resta à son poste pour soutenir le moral des chrétiens, et rendre service à ses compatriotes internés. D'abord assez libre de ses mouvements, il lui fut bientôt interdit de sortir de l'enclos de l'église et du presbytère. Se rendant vite compte que sa présence occasionnait maintes vexations à ses chrétiens., il se décida à rejoindre ses confrères à NHATRANG où il arriva le 27 Juillet 1945, veilli, fatigué, sans appétit.
La compagnie des confrères de QUINHON et de KONTUM, en résidence surveillée au presbytère de NHATRANG, l'aida à reprendre courage. Dans la nuit du 18 Août 1945, éclata la révolution viêtminh. Chassé du presbytère avec ses confrères, le 30 Septembre 1945, il se réfugia dans une maison amie, puis à l'hôpital.
Le 17 octobre 1945, il demanda à recevoir les derniers sacrements. Quand les Viêtminh attaquèrent la ville de NHATRANG, il fut transporté le soir sur un brancard de l'hôpital à la caserne japonaise. Deux jours plus tard,dans la nuit du 24 au 25 Octobre 1945, M. LE DARRE y rendait le dernier soupir, dans le dénuement le plus complet. Le lendemain soir eurent lieu les obsèques , sa dépouille mortelle fut inhumée dans un jardin au bord de la mer, en attendant la possibilité de la transférer dans le cimetière de la ville.
Nécrologie
M. LE DARRÉ
MISSIONNAIRE DE QUINHON
M. LE DARRÉ (Pierre-Marie) né le 30 octobre 1876 à Brest, diocèse de Quimper (Finistère). Entré sous-diacre au Séminaire des Missions-Étrangères le 7 octobre 1900. Prêtre le 23 juin 1901. Parti pour la Cochinchine orientale le 13 novembre 1901. Mort à Nhatrang le 24 octobre 1945.
Pendant les dernières années de sa vie, M. Le Darré aimait à rappeler malicieusement comment il fut accueilli par son Supérieur à son arrivée en Mission. Ce Supérieur était alors M. Geffroy, breton encore solide malgré ses soixante ans dont trente passés en pays d’Annam. Celui-ci, tout en manifestant la joie d’accueillir un compatriote, ne put dissimuler une petite moue devant la stature peu étoffée du nouvel arrivant, et murmura tout bas : « Jamais il n’arrivera à dix ans de mission. » De fait, M. Le Darré, d’une taille au-dessous de la moyenne, paraissait peu solide et ne semblait pas pouvoir fournir les quarante-quatre années d’excellent travail apostolique, qu’il a passées dans les différents postes où il a été placé par ses Supérieurs.
M. Le Darré naquit à Brest le 30 octobre 1876. Plutôt discret sur ce qui le concernait personnellement, il nous a confié peu de détails sur ses premières années. Ayant perdu tout jeune son père et sa mère, il fut élevé à l’extrême pointe-nord du Finistère par un -oncle et une tante qu’il chérissait comme ses propres parents. Il commença assez tard ses études au petit séminaire de Pont-Croix et, en doublant les étapes, il les termina en 1897. Il entra ensuite au grand séminaire de Quimper et trois ans après exempté du service militaire, il fut ordonné sous-diacre le 25 juillet 1900.
Admis au Séminaire des Missions-Étrangères, M. Le Darré y arriva le 7 octobre 1900. L’année suivante il reçut la prêtrise le 23 juin et envoyé dans la Mission de Cochinchine orientale, où il débarqua à Quinhon dans le courant de décembre de la même année.
Il fut d’abord placé à Xom-Quan, petite chrétienté proche de la résidence épiscopale, pour y étudier la langue et les coutumes du pays : et, à la nomination du nouvel évêque, Mgr Grangeon, M. Geffroy retourna dans son district de Gia-huu emmenant avec lui M. Le Darré. Là le jeune missionnaire s’initia au ministère des âmes pendant quelques mois dans la chrétienté de Xoai et fut nommé vicaire, puis chef du district de Hôi-duc, à une quinzaine de kilomètres au sud de Gia-huu. Il se mit tout de suite au travail, absorbé par le grand nombre de conversions dans cette partie de la Mission, où les districts pouvaient enregistrer chaque année des centaines, des milliers de catéchumènes. Aussi pouvait-il en toute vérité faire graver sur la cloche, dont il dota l’église de Hôi-duc, cette inscription : « Je chante le triomphe de 20.000 martyrs et j’annonce l’entrée dans la religion catholique de 20.000 païens. » Dans cette région, en effet, toute la population chrétienne avait été massacrée en haine de la foi par les lettrés en 1885. Hélas ! ces jeunes chrétientés, où la foi n’avait pas encore jeté de profondes racines, ne purent résister à l’épreuve. Lors de la guerre russo-japonaise, les succès du Japon, provoquant une vague de xénophobie, vinrent y jeter le trouble et ruiner de si belles espérances. Quel crève-cœur pour le pauvre missionnaire, qui, sous un aspect plutôt froid, cachait la plus fine sensibilité : ce furent bien alors, avec les derniers mois de 1945, les plus sombres années de sa vie apostolique. Quelques mois de repos lui étaient nécessaires, il les passera à Hongkong.
A son retour en mission, M. Le Darré prit la direction du district de Châu-me, dans la province de Quang-Ngai où tous les bâtiments du poste construits hâtivement après la terrible tourmente de 1885 étaient en ruines. Malgré la modicité de ses ressources, notre confrère se mit courageusement à l’œuvre et entreprit la construction de l’église. Aimant le travail solide et bien fait, il passa sur le chantier tout le temps dont il pouvait disposer, grimpant sur les échafaudages pour s’assurer de la bonne exécution des travaux. L’église était à peine terminée qu’elle fut renversée de fond en comble par un typhon. Sans se décourager, M. Le Darré fit reprendre la truelle à ses maçons, le rabot à ses menuisiers, et dota la paroisse d’une belle et solide église, qui a résisté jusqu’à maintenant aux plus violentes bourrasques.
En 1918, il fut nommé curé de Gia-huu, en remplacement de M. Geffroy, qui avait administré ce district durant quarante ans. Là aussi, église et presbytère étaient à rebâtir ; les matériaux ayant été rassemblés par son prédécesseur, M. Le Darré commença par construire un presbytère vaste, commode et si gracieux que Mgr Jeanningros, lors de la tournée pastorale de 1920 pouvait lui dire aimablement : « Vous êtes mieux logé que votre évêque. » L’église suivit, digne de ce grand district, avec de riches vitraux et une haute tour. Mais les faibles moyens et l’inexpérience des ouvriers dont il disposait pour ce travail, ne lui permirent pas de la surmonter d’une flèche : il dut se contenter d’y placer une grande croix. Les Européens qui s’aventurent dans ce coin de brousse sont agréablement étonnés de voir un si bel édifice.
Après la chrétienté centrale. M. Le Darré voulut également doter les chrétientés secondaires de chapelles convenables et définitives. Il aimait fortement ce district, et les chrétiens lui étaient très attachés ; quelques-uns cependant hésitaient à lui donner pleine confiance, se souvenant sans doute de quelques actes de sévérité et mouvements de vivacité du jeune missionnaire de jadis. Mais par sa charité et les nombreux services rendus, il ne tarda pas à gagner tous les cœurs. Quand surtout il croyait ses chrétiens victimes de quelque injustice, il n’épargnait pas sa peine pour leur faire obtenir réparation des dommages subis. A cette époque-là les voyages étaient difficiles et cependant, combien de fois il se rendait à Hué pour y régler des affaires embrouillées : ses démarches auprès des autorités locales ne se comptaient plus.
Il pensait alors que Gia-huu serait son dernier poste, et il indiquait même l’endroit qu’il avait choisi pour sa tombe, au pied du monument des victimes de 1885 à côté de son prédécesseur, M. Geffroy. Grand fut donc son sacrifice, quand Mgr Grangeon fit appel à son dévouement pour le transférer à Phanrang. Timide et se défiant de lui-même, M. Le Darré eut quelque inquiétude de ne pas réussir auprès d’une population très différente de celle qu’il avait dirigée jusque-là, et la responsabilité d’avoir à administrer un aussi grand district lui causait une certaine anxiété. Toutefois, si ce changement lui fut pénible, son zèle et son courage n’en souffrirent pas. Spirituel et matériel furent menés de front : les bâtiments réparés ou rebâtis, les écoles surtout développées dans les chrétientés secondaires comme dans le centre du district. Ses chrétiens furent dirigés d’une main ferme et préservés, autant qu’il était possible, des mauvais exemples qu’offrait la proximité d’un gros marché. Sans doute tout ne se fit pas sans peine, mais sa charité parvint, là aussi, à désarmer les plus récalcitrants et lui concilier peu à peu tous les cœurs.
Une de ses plus grandes joies fut la marque de confiance que lui témoignèrent ses Supérieurs quand ils le chargèrent en 1935, puis en 1937, de la formation d’un jeune missionnaire envoyé par le Séminaire de Paris. Aussitôt, il fit réparer avec soin le modeste presbytère d’une chrétienté voisine de son poste pour l’y installer, se préoccupant des moindres détails de l’aménagement et de la nourriture, pour que lui fût moins pénible la transition de France en Annam, s’empressant de lui apporter son courrier, s’intéressant à ses progrès dans l’étude de la langue et des mœurs du pays, se faisant un plaisir de le recevoir à sa table et de l’accompagner dans les visites aux chrétientés et aux confrères voisins.
En 1936-1937, il se rendit une deuxième fois à Hongkong pour assister à une retraite prêchée par le Père Matéo Crawlay. Ce furent là les seuls voyages qu’il fit hors de sa Mission pendant ses quarante-quatre ans d’apostolat. Jamais il n’envisagea la possibilité que lui donnait le règlement de la Société, de prendre un congé en France. Rentré de Hongkong, rajeuni et plein d’enthousiasme, il ne voulut pas garder pour lui seul le bienfait de la retraite ; il s’empressa d’inviter les PP. Rédemptoristes de Saigon à venir donner une mission à ses chrétiens, mission qui eut un immense succès : conversions de païens, retour d’indifférents aux pratiques religieuses, régularisation de nombreux mariages, etc...
Pendant la dernière guerre et malgré la présence des Japonais, le district de Phanrang continua à progresser sans trop d’ennuis ; seule l’administration des chrétientés devint plus difficile par suite du manque de transport. Survint le coup de force du 9 mars 1945 par lequel les Japonais s’emparèrent de l’Indochine, que les forces françaises trop peu nombreuses ne purent pas défendre. Tous les Français civils et militaires furent alors rassemblés dans les camps de concentration. Comme la plupart de ses confrères, M. Le Darré resta à son poste pour soutenir le moral de ses chrétiens. Cependant il était profondément affecté et s’attendait au pire, sans toutefois laisser percer ses appréhensions. Il n’épargna rien pour rendre service à ses compatriotes internés et relever leur courage. Tout d’abord les Japonais le laissèrent libre de ses mouvements, mais bientôt ils lui interdirent de sortir de l’enclos de l’église et du presbytère. Il s’aperçut très vite que sa présence occasionnait maintes vexations à ses chrétiens. Il se décida alors à rejoindre ses confrères à Nhatrang. Il y arriva le 27 juillet, vieilli, fatigué, sans appétit. Mais la compagnie des confrères de Quinhon et de Kontum internés à Nhatrang, l’aida à reprendre courage, d’autant plus que la capitulation japonaise paraissait proche. La confiance était générale, quand éclata dans la nuit du 18 août la révolution viêtminh. Chassé du presbytère avec ses confrères le 30 septembre par un groupe de jeunesse annamite, il se réfugia dans une maison amie, puis à l’hôpital. Sa vue baissait de jour en jour ; il dut s’abstenir de la célébration de la sainte messe et de la récitation du bréviaire. Persuadé de l’approche imminente de la mort, il demanda lui-même les derniers sacrements qu’il reçut avec un grand esprit de foi le 17 octobre ; il fit généreusement le sacrifice de sa vie et demanda pardon aux confrères qu’il aurait pu contrister par quelque mouvement de vivacité.
Quand les Viêtminh attaquèrent la ville de Nhatrang, il fut transporté le soir sur un brancard de l’hôpital à la caserne japonaise. Deux jours plus tard M. Le Darré y rendait le dernier soupir dans le plus complet dénuement, à l’exemple de son divin Maître, dans la nuit du 24 au 25 octobre pendant que le « Richelieu » illuminait la ville des feux de ses projecteurs, redonnant à tous courage et confiance.
Le lendemain soir eurent lieu les obsèques, bien modestes en raison des circonstances, et le corps de notre cher confrère fut inhumé dans un jardin au bord de la mer, en attendant la possibilité de le transporter dans le cimetière de la ville.
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Références
[2605] LE DARRÉ Pierre (1876-1945)
Références biographiques
AME 1902 p. 93. 1926 p. 23. 1934 p. 39. CR 1901 p. 278. 1903 p. 183. 1905 p. 155. 1909 p. 174. 1910 p. 177. 1911 p. 162. 1914 p. 186. 1916 p. 126. 1917 p. 94. 1922 p. 104. 1923 p. 116. 1925 p. 101. 1926 p. 112. 1933 p. 286. 1947 p. 80. 365. 1948 p. 90. 1949 p. 194. BME 1924 p. 185. 685. photo p. 802. 1929 photo p. 464. 1931 p. 605. 1932 p. 213. 1933 p. 867. 1935 p. 602. 1938 p. 700. 1937 photo p. 32. 1939 p. 661. 1940 p. 137. 1941 p. 270. EC1 N° 441.