Eugène MUGNIER1880 - 1922
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 2691
Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Vietnam
- Région missionnaire :
- 1903 - 1922 (Qui Nhon)
Biographie
[2691] Eugène MUGNIER naquit le 13 Juillet 1880, à Avressieux, diocèse de Chambéry, département de la Savoie. Il entra en cinquième au Petit Séminaire de Pont-de-Beauvoisin, en Savoie.
Le 15 Septembre 1897, il entra laïque au Séminaire des Missions Etrangères. Tonsuré le 19 novembre 1898, il reçut les ordres mineurs le 23 Septembre 1899, puis partit faire une année de service militaire.Sous-diacre le 22 Février 1902, diacre le 28 Septembre 1902,il fut ordonné prêtre le 07 Mars 1903, reçut sa destination pour le Vicariat Apostolique de la Cochinchine Orientale (Quinhon), qu'il partit rejoindre le 29 Avril 1903.
Le 30 mai 1903, il arriva à Quinhon où son frère Gaspard vint le rejoindre en 1906.De Juillet 1903 à Mars 1904, il étudia la langue viêtnamienne à Trakieu, chez son compatriote M. Bruyère. A la rentrée de Mars 1904,on lui confia la chaire de philosophie au Grand Séminaire de Dai-An. C'est dans ce cadre qu'il aima passionément qu'il passa toute sa vie. In nidulo meo moriar", disait-il !.
En Novembre 1911, M.Mugnier succéda comme Supérieur du Grand Séminaire, à Mgr.Jeanningros qui venait d'être nommé Coadjuteur. Pendant la guerre, il eût le rare mérite de parer à toutes les perturbations que la mobilisation jetait dans le personnel enseignant. Il maintint les études et la discipline à leur niveau normal, grâce à son calme imperturbable, à son énergie souriante,à sa capacité de travail ordonné que rien ne paraissait presser.
Intelligence vive et très nette, il allait immédiatement au nœud de la question et à la décision à prendre; en pratique, se défiant de lui-même, il devenait parfois indécis. Son commerce était agréable; caractère toujours égal et gai, sachant se mettre à la portée de chacun,il était fort apprécié de ses élèves.
Le 15 Mai 1920, il dut descendre à Quinhon, où pendant un grand mois, le dévouement du docteur et les soins des religieuses infirmières parvinrent à l'arracher à la mort. Insuffisamment remis, en Septembre, il reprit son travail quotidien. La mort de Mgr.Jeanningros , le 21 mars 1921,l'affecta profondément.
Le 27 Juillet 1921,il entra à la clinique Angier à Saigon, et le 12 Août suivant, il subit une grave opération dont il ne vit jamais la guérison. Le 27 Septembre suivant au lieu d'aller se soigner en France, il rentra à Dai-An pour y préparer un de ses ordinands à la prêtrise; deux jours après,il regagna l'hôpital de Quinhon, d'où on l'évacua sur Saigon le 02 Janvier 1922. Le 18 mars 1922,à 14h30, il rendit son âme à Dieu. Pendant ses dix-huit ans de Dai-An, il avait travaillé à la formation de trente neuf prêtres viêtnamiens.
Nécrologie
M. MUGNIER
MISSIONNAIRE DE COCHINCHINE ORIENTALE
M. MUGNIER (Eugène), né à Avressieux (Chambéry, Savoie), le 13 juillet 1880. Entré au Séminaire des Missions-Étrangères, le 16 septembre 1897. Prêtre, le 7 mars 1903. Parti pour la Cochinchine Orientale, le 29 avril 1903. Mort à Saïgon, le 18 mars 1922.
M. Eugène Mugnier naquit à Avressieux, diocèse de Chambéry, le 13 juillet 1880. Nous n’avons pu recueillir de détails sur la famille et la première enfance de notre regretté confrère ; cependant, par une lettre écrite de Belmont, paroisse actuelle de la famille, et datée du 31 mars 1922, c’est-à-dire 13 jours après le décès d’Eugène, nous pouvons apprécier la sollicitude sacerdotale qui a veillé sur sa prime jeunesse et l’a accompagné durant le cours de son apostolat.
« Mon cher Eugène, écrivait le vieux curé de Belmont, je reçois toujours tes lettres avec le plus grand plaisir ; mais cette fois, le plaisir n’a pas été sans mélange… Je te vois couché sur un lit d’hôpital. Ma première impression a été bien pénible. Mon petit Eugène, cloué sur un lit d’hôpital !…Mais en te voyant si résigné à la volonté de Dieu, j’ai éprouvé un grand bonheur ; j’ai béni le Seigneur qui te fait, comme à saint Paul, la grâce de te réjouir dans tes épreuves. Assurément, là où tu es, où le bon Dieu te veut, tu travailles autant et plus peut-être à ta propre sanctification et à la cause de Dieu que lorsque tu t’acquittes de ton noble ministère de Supérieur de Grand Séminaire. Cependant, il m’est bien permis de désirer de tout mon cœur et de demander à Dieu ton retour à la santé. Mais avant tout, que Sa Volonté soit faite. »
Sous la direction aussi surnaturelle que paternelle que nous révèle cette lettre, on conçoit sans peine que les premières classes de latin d’Eugène Mugnier furent entourées de ce charme que donnent la piété précoce et le goût de l’étude, qui restent pour toujours la marque profonde de certaines natures d’élite.
Notre futur confrère entra en cinquième à ce séminaire de Pont-de-Beauvoisin, qui a déjà donné cinq évêques à notre Société. Un tel milieu ne pouvait que faire école et, dès le printemps, épanouir des vocations apostoliques ; aussi Eugène passa-t-il directement du petit séminaire aux Missions-Étrangères. Le 16 septembre 1897, il est au Séminaire de Bel-Air ; deux ans après il fait une année de service militaire aux Alpins ; puis il entre au Séminaire de la rue du Bac, d’où, ordonné prêtre le 7 mars 1903, il part pour la Cochinchine Orientale dans les premiers jours de mai. Le 30 du même mois, il débarque à Quinhon. Heureux, il est des nôtres, à la vie à la mort.
La mort venue, il nous est permis de dire que cette vie, si bien remplie, ne fut que la réalisation des promesses que sa jeunesse cléricale avait fait entrevoir : le vénéré M. Delpech, peu prodigue de ce genre d’interventions, avait fait précéder le départ de notre confrère, d’une note très élogieuse, adressée au Supérieur de la Mission, sur les qualités intellectuelles et la solidité des études théologiques du jeune partant.
De juillet 1903 à mars 1904, M. Mugnier étudie la langue à Tra-Kieu, près de son compatriote M. Bruyère, qui a laissé ici une réputation très méritée pour sa connaissance de la langue annamite. Notre jeune missionnaire ne pouvait être à meilleure école. Ses progrès, aidés d’un esprit toujours en éveil, permirent de lui confier, à la rentrée de mars 1904, la chaire de philosophie au Grand Séminaire de Dai-an. C’est là, au pied des montagnes qui, au nord-est, bordent la large plaine des rizières et la lagune de Quinhon, que s’écoulera désormais toute la vie de notre confrère. « In nidulo meo moriar » : ce fut là aussi le vœu que tout bas il formait, quand ses pas le portaient, presque chaque jour, vers le petit cimetière du Collège, où dorment déjà tant de prêtres, d’élèves et de religieuses du collège, qu’il avait assistés à leurs derniers moments. Ainsi que pour son prédécesseur, Mgr Jeanningros, Dieu en décida autrement, et tous deux sont allés mourir à Saïgon, loin de leur cher Dai-an.
Dai-an ! comme notre confrère l’aimait ! Il connaissait tous les arbres de la propriété et tous les buissons des ravins. Sa meilleure détente, qu’il trouvait moyen de rendre instructive, en se faisant accompagner d’un collègue indigène ou d’un catéchiste, sa meilleure, promenade était d’aller battre les fourrés, à la poursuite des sangliers qui dévastaient ses champs de patates ou ses plans de cannes à sucre. Il en faisait des hécatombes ; du moins est-ce le souvenir qui nous reste du récit de ces randonnées devenues légendaires. Son retour à la tombée du jour était quelque peu redouté de son Supérieur, M. Jeanningros qui, levant les bras au ciel, s’écriait : « Bon, encore quelque vieux solitaire laissé pour mort ! » M. Mugnier n’en entamait pas moins le récit de son « affût », avec une verve intarissable et une accumulation de détails qui ne faisaient grâce d’aucun épisode, longuement et largement mis en pleine lumière, exactement mais copieusement repéré.
Il n’était guère plus redoutable aux indésirables de la région : lors de l’essai de révolte, dite « des tondus », il fit l’achat de quelques clairons pour organiser les veillées d’armes et sonner le ralliement ; mais le manque de confiance en ses moyens faisait que les notes sortaient de son clairon encore plus indécises, ce qui n’est pas peu dire, que de son gosier rebelle. Toujours est-il que cette petite mise en scène guerrière écarta de Dai-an toute entreprise malévole.
En novembre 1911, M. Mugnier succéda, comme Supérieur du Grand Séminaire, à Mgr Jeanningros, qui venait d’être nommé coadjuteur. Ce que fut le nouveau Supérieur, un de ses professeurs va nous le dire : « Intelligence vive et très nette, allant tout de suite au nœud de la question, voyant très clairement ce qu’il y avait à décider ; en pratique, parfois indécis, par suite de la défiance exagérée que, par tempérament autant que par vertu, il avait de lui-même. Dans les rapports avec ses auxiliaires, il conservait son invariable bonne humeur, avec un grain de philosophie très avertie, qui lui faisait éviter les contestation irritantes et inutiles. Son commerce était extrêmement agréable, empreint d’une grande douceur et caractérisé par une charité rarement en défaut. » Un autre confrère, qui a pénétré très à fond dans son intimité, le dépeint en traits émouvants : « Au séminaire de Dai-an, il était vraiment tout à tous ; jamais on ne le dérangeait ; sa porte était ouverte à tout le monde ; il aimait à causer et on aimait à causer avec lui ; il s’y prêtait de la meilleure grâce du monde, comme s’il n’avait rien autre chose à faire que de vous écouter, et il entendait avec une sympathie visible les doléances de tous. Par contre, il ne perdait rien de ce qu’on lui disait, le gardait pour lui au besoin, ou s’en servait à l’occasion pour la bonne marche de la maison ; et sa direction y gagnait.
« Doué d’une excellente mémoire, il savait s’en servir pour rendre intéressantes ses moindres conversations, se souvenant, jusqu’aux plus petits détails, des faits qu’il avait vus, lus ou entendus. Esprit clair, il comprenait de suite, et savait se mettre à la portée de tout le monde : c’est ce qui le faisait apprécier de ses élèves : tout en lui était simple et son enseignement s’en ressentait en profondeur ; ses élèves après une classe trouvaient le travail tout « mâché » et se l’assimilaient sans peine. Pour s’en convaincre, il suffit de lire le cours de morale qu’il avait rédigé en partie.
« Obéissant, il ne prenait aucune décision importante sans l’assentiment de ses Supérieurs. Nommé Supérieur de Grand Séminaire, il se laissa conduire par les desiderata de son évêque, conduisant sa barque, le vent toujours en poupe, sans embardées ni fausses manœuvres. Je ne l’ai jamais entendu élever la voix, ni même paraître de mauvaise humeur ; caractère toujours égal, il ne s’emballait de rien, en rien, pour rien. Il me semble qu’on peut appliquer au cher Père Mugnier la parole du divin Maître : « Bienheureux les doux, car ils possèderont la terre, » – les enfants des hommes, les cœurs et les âmes. Par sa mansuétude, il attirait et retenait : confrères, prêtres indigènes, élèves, serviteurs, tous l’aimaient et le lui témoignaient à l’occasion, mais sans démonstrations tapageuses, car sa modestie comme son bon goût les avaient en horreur.
« Je ne pense pas qu’il ait jamais froissé personne : quand il avait quelque observation à faire, quelque avis à donner, il savait attendre l’occasion favorable ; et quand le moment opportun lui semblait arrivé, ou que son devoir lui commandait de parler, il s’exécutait en prenant toutes les précautions possibles, pour ne pas atteindre, disait-il, le « petit amour-propre » d’un chacun. Bref, ancien infirmier au Séminaire de Paris, il avait le talent professionnel de « dorer la pilule ».
« Il ne faisait pas beaucoup de bruit, mais l’aimait moins encore, marchait sans hâte apparente, mais arrivait toujours à point, menait tout de front sans se troubler, ne laissait rien en souffrance tout en paraissant tout quitter pour être pleinement à votre disposition. Sa piété était simple et cachée ; il aimait à aller visiter l’Hôte du tabernacle, quand la chapelle était déserte, et c’est ainsi qu’à l’heure de la sieste, quand tout le monde dormait, on pouvait très souvent le surprendre, seul, aux pieds de son Maître adoré. Dès quatre heures du matin, on pouvait l’entendre ouvrir les portes de la chapelle et, le soir, avant de les refermer, il prolongeait son adoration dans la nuit. Ces dernières années, fidèle à faire, tous les jeudis soirs de neuf heures à dix heures, son Heure-Sainte, il demeurait tout le temps à genoux. Avant d’introduire cette pieuse pratique au Grand Séminaire, il avait tenu à la suivre d’abord, et ensuite, expérience faite, c’est sans bruit, presque sans propagande extérieure, tout au plus par quelques lettres d’intimité ou dans des tête-à-tête de confidences, qu’il donna une plus grande extension au culte du Sacré-Cœur dans toute la Mission. »
Nous reprenons, pour finir, ce que dans le petit Mémorial de la Mission de Quinhon, nous écrivions sur notre regretté confrère au lendemain de sa mort. « Resté à la tête de la maison pendant toute la guerre, M. Mugnier eut la lourde tâche et le grand mérite d’y parer à toutes les perturbations causées par la mobilisation, dans le personnel enseignant : et si, aidé de concours dévoués, il réussit à maintenir les études et la discipline à leur niveau normal, ce fut surtout grâce à sa sérénité imperturbable, à son énergie toujours souriante et à la régularité d’un travail sans secousses, que rien ne semblait déranger, que rien ne paraissait presser, mais que rien non plus n’arrivait à laisser en souffrance : la veillée sous la lampe n’était-elle pas là pour suppléer aux insuffisances des journées ?
« Mais la lampe, à son tour, manqua d’huile… et bien que, dans sa démarche toujours égale et dans sa conversation toujours fournie, rien ne révélât l’usure, notre confrère fut bientôt atteint aux sources de la vie. Le 15 mai 1920, il dut descendre à Quinhon où des soins éclairés l’arrachèrent à grand’peine à la mort, – qu’il appelait pourtant de tous ses vœux, tant il s’y était bien préparé…
« En septembre, il reprit à Dai-an sa lourde part du poids du jour et de la chaleur.
« En février-mars 1921, la maladie et la mort de Mgr Jeanningros, qu’il affectionnait profondément, et qui le lui rendait en toute estime, le frappèrent au cœur plus qu’il n’affectait de le paraître. Aux vacances de juillet, il va changer d’air à Saïgon, mais au lieu d’une simple villégiature, c’est un lit d’hôpital qui l’attend : le 27, il entre à la clinique Augier et le 12 août y subit une première opération. Il n’ignorait pas que cette intervention chirurgicale présentait une certaine gravité : « Si je venais à mourir pendant l’opération… Ça me fait bien un peu peur, écrivait-il, mais à la grâce de Dieu ; il ne m’arrivera que ce qu’Il voudra : que sa Volonté soit faite. » Il s’y prépara donc avec son grand esprit de foi habituel. Nous lisons dans son carnet de notes de voyage, à la date du 8 août : « Je suis heureux que le Docteur ait choisi un vendredi pour mon opération, car ainsi je pourrai, après l’heure sainte du jeudi, commencer mon petit calvaire. J’unis d’avance mes souffrances et les ennuis de toute sorte, surtout la fatigue de rester immobile, aux souffrances de Notre-Seigneur Jésus-Christ sur la Croix ; j’aurai beau souffrir, ce ne sera rien en comparaison des souffrances de mon Sauveur. J’ai toute confiance dans le Sacré-Cœur ; j’espère qu’il m’accordera la force nécessaire pour tout supporter par amour pour Lui et en réparation de mes nombreux péchés. S’Il a voulu que je subisse cette opération, c’est qu’Il peut en tirer un bien même pour mon âme et Sa Gloire. »
« Le 27 septembre, au lieu de partir pour la France, où la sollicitude inquiète de tous ici l’envoyait, M. Mugnier rentra à Dai-an, reprit son cours de morale et prêcha une retraite d’ordination. Le lendemain même, 19 octobre, terrassé, il repartit pour Quinhon où le Docteur constata un abcès profond, enkysté dans la région opérée.
« Puis, de l’hôpital à la procure, ce furent des interventions continuelles pour enrayer la contagion, des alternatives de mieux suivies de rechutes, des éclairs d’espoir, puis de noires perspectives s’entrecroisant à des intervalles plus ou moins réduits. Le 2 janvier 1922, on put l’embarquer pour Saïgon. Deux mois et demi plus tard, le 18 mars, à 14 h. 30, le Divin Maître rappelait à Lui son bon et fidèle serviteur, mort à la peine et face au Devoir. »
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Références
[2691] MUGNIER Eugène (1880-1922)
Références biographiques
AME 1903 p. 377. 1917-18 p. 326. 328. 1922 p. 119. CR 1903 p. 305. 1914 p. 92. 1922 p. 106. 223. 1948 p. 153. BME 1922 p. 252. EC1 N° 4. 11.