Célestin RENAULT1878 - 1921
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 2697
Identité
Naissance
Décès
Autres informations
Missions
- Pays :
- Vietnam
- Région missionnaire :
- 1903 - 1921 (Hanoi)
Biographie
[2697] Pierre, Célestin, Désiré RENAULT naquit le 10 décembre 1878, à la Joussinière, commune de Cherves, dans ce coin de la Vienne qui appartient au Bocage Vendéen, diocèse de Poitiers, département de la Vienne. Il fit ses études primaires à l'école communale de Cherves , distante de 3 kms. Son intelligence éveilla l'attention du curé de Cherves, qui lui donna des leçons de latin, puis le confia à l'école cléricale de Poitiers. C'est là qu'il apprit à aimer la musique religieuse et la liturgie. En 1893, il partit pour le petit séminaire de Montmorillon Il s'y montra travailleur et appliqué, primesautier, et d'une franchise parfois un peu rude. Doué en dessin, il aimait caricaturer ses maitres et ses camarades. Grand de taille,maigre, émergeant de partout, il se signalait à l'attention de ses surveillants.
En octobre 1898, il passa au grand séminaire de Poitiers où il resta trois ans; Il y fut tonsuré et y reçut les ordres mineurs le 29 juin 1901.
Compatriote de Jean-Charles Cornay et de Théophane Vénard, le 13 septembre 1901, il entra au Séminaire des Missions Etrangères. Sous-diacre le 28 septembre 1902, diacre le 20 décembre 1902, il fut ordonné prêtre le 7 mars 1903, et reçut sa destination pour le Vicariat Apostolique du Tonkin Occidental (Hanoï) qu'il partit rejoindre le 29 avril 1903.
Mgr. Gendreau envoya le jeune arrivant commencer l'étude de la langue viêtnamienne, à la communauté de Ke-So. Sa voix souple et son oreille juste l'aidèrent à faire des progrès rapides en viêtnamien; aussi en 1904, il fut nommé à Ngoc-Lu, vicaire de M. Pierre Guinand. Il y perfectionna sa connaissance de la langue viêtnamienne, et des us et coutumes du pays, tout en apprenant à administrer une paroisse viêtnamienne.
En 1904, la paroisse de Nam-Dinh devint vacante. Mgr Gendreau confia à M.Renault ce poste délicat. Il y arriva avec l'ardeur de sa jeunesse et une certaine inexpérience. Il y trouva un prêtre viêtnamien, âgé, intelligent, fondateur de la paroisse. L'esprit sacerdotal fut plus puissant que froissements et frictions.
En 1905, M.Renault inaugura les processions du St. Sacrement; en 1906, il ouvrit une école paroissiale et commença une souscription pour l'achat de trois cloches. Celles-ci furent bénites par Mgr Gendreau le 30 janvier 1908. Puis, il rendit son église plus digne et plus belle. Pendant la guerre, avec les militaires et les familles qui se trouvaient à Nam-Dinh il organisa une chorale. Outre son ministère pastoral, il multiplia les oeuvres de charité, reconstruisit la Sainte Enfance, s'interessa à un petit hôpital situé au bord du fleuve, réorganisa une maison d'accueil pour les aveugles.
Prédicateur infatigable, conférencier moderne, il utilisa tracts et projections lumineuses. En 1910, un groupement de catéchumènes se forma à l'extrémité de la ville; un peu plus tard, trois villages demandèrent à devenir chrétiens.
En Novembre 1919, il se sentit fatigué: une grippe disait-il, évolution de la tuberculose disaient les médecins. Quelques jours avant sa mort, craignant de devenir gênant, il demanda à monter à Hanoï. C'est là qu'après avoir reçu le sacrement des malades, il s'éteignit doucement, sans souffrance, un samedi du mois de mai. C'était le 21 mai 1921.
Nécrologie
M. RENAULT
MISSIONNAIRE DU TONKIN OCCIDENTAL
M. RENAULT (Pierre-Célestin-Désiré) né à Cherves (Poitiers, Vienne), le 10 décembre 1878. Entré minoré au Séminaire des Missions-Etrangères le 18 décembre 1901. Prêtre le 7 mars 1903. Parti pour le Tonkin Occidental le 29 avril 1903. Mort à Hanoï le 21 mars1921.
Grand, maigre, d’allure un peu anguleuse, l’œil vif sous l’arcade sourcilière très prononcée, les traits plutôt gros, M. Renault n’aurait eu dans son extérieur rien de très sympathique si un bon sourire n’était venu bien vite modifier cette impression première, illuminant toute sa personne et donnant à cette figure un peu austère ce charme d’accueil que tant de confrères ont pu apprécier.
Pierre-Célestin-Désiré Renault naquit le 10 décembre 1878 à la Joussinière, commune de Cherves, dans ce coin de la Vienne qui appartient au Bocage vendéen. Comme son visage s’éclairait quand ce nom de la Joussinière venait sur ses lèvres ! c’était toute sa jeunesse qui revivait alors, le doux chapelet des vieux souvenirs que tous aiment à égrener quelque peu. C’était la vieille maison familiale, trapue, massive, où les anciens avaient vécu, passé, laissant toute une tradition de foi, de vertu et d’honneur ; la pièce immense, au foyer démesuré, servant tout à la fois de cuisine et de salle à manger, où il aimait à évoquer la silhouette aimée de sa vieille maman veillant au bien-être de tous ; les champs, les vergers, les haies profondes où l’on se cache si aisément, et où les oiseaux viennent aussi nicher ! Ces sentiers ombreux, ces chemins encaissés, il les connaissait bien, l’enfant qui tous les jours devait parcourir à pied les trois kilomètres qui séparaient la maison paternelle de l’école communale ! Que de tentations l’attendaient à tous les détours du chemin ! en hiver, c’était la neige qui se prête si bien aux batailles, ou la glace sur laquelle on s’envole en glissades grisantes ! Et le printemps, il était parfois si irrésistible, que le jeune écolier s’attira plus d’une punition pour avoir musé plus que de raison le long des haies en fleurs. Cependant son intelligence très éveillée le mettait au niveau des plus assidus travailleurs, et son entrain, sa bonne humeur, sa franchise lui faisaient déjà une place parmi ses petits camarades.
Comment fut-il remarqué par le curé de Cherves ? Sa piété déjà vive, son intelligence du catéchisme, attirèrent-elles l’attention du pasteur ? Toujours est-il qu’après quelques leçons de latin l’enfant fut confié par lui à l’école cléricale de Poitiers. Là, Célestin se trouva dans son milieu : chants à la maîtrise, belles cérémonies à la cathédrale, messes servies dans les communautés religieuses, tout cela lui donnait déjà le goût déliat qu’il aura plus tard pour la musique d’église et la pompe bien ordonnée de nos rites sacrés. Mais ce que son jeune être avide de grand air, de vie libre, eut à souffrir de cette claustration dans une vieille maison d’une très vieille ville, on peut l’entrevoir ; il s’en souvenait encore jusque dans ses dernières années, et souvent il aimait à rappeler que la brave personne qui prenait soin de toute cette jeunesse dut acquérir bien des mérites à supporter ses espiègleries toujours renouvelées.
Malgré tout, la grâce du bon Dieu faisait doucement son œuvre dans cette âme bien disposée ; et ce fut plein de ferveur qu’il partit en 1893 pour le petit Séminaire de Montmorillon. Son caractère très vivant, son ardeur au jeu le firent vite aimer de ses condisciples ; son application à l’étude, la vigueur de son intelligence le firent remarquer de ses professeurs. Sa piété était déjà sérieuse, plus en profondeur qu’en surface ; et cependant il ne fut jamais admis dans la congrégation du Sacré-Cœur. Trop franc, il blessait quelquefois, car sa franchise allait jusqu’à la rudesse. Très primesautier, il avait une peine énorme à réprimer les saillies de son caractère. Et si maintes caricatures aux marges de ses livres et cahiers annoncent d’heureuses dispositions pour le dessein, elles dénotent surtout la facilité avec laquelle le jeune séminariste saisissait les travers de ses compagnons, voire même de ses maîtres ! Ajoutez à cela la longueur démesurée de ce grand corps maigre émergeant de partout, se signalant à l’attention des surveillants, et vous aurez la raison de cet ostracisme dont il se souvint toujours avec une pointe de regret. Mais là aussi la grâce luttait contre la nature et il les résultats n’étaient pas encore très apparents, ils allaient se rendre plus sensibles dès l’entrée du jeune homme au grand Séminaire au mois d’octobre 1898.
Avait-il déjà entendu l’appel de Dieu ? Les rives lointaines avaient-¬elles déjà hanté son imagination ! La misère immense des peuples asservis au culte des idoles attristait-elle déjà son âme pleine de foi ? C’est probable, car son culte pour le Bienheureux Vénard son compa-triote, datait de sa prime jeunesse. Les fêtes de la béatification du Bienheureux Cornay, un autre poitevin, furent-elles le dernier stimulant, le suprême appel de Dieu ? il n’y aurait rien là qui dût surprendre. En septembre 1901, Célestin Renault déjà clerc minoré venait demander à notre cher Séminaire de la rue du Bac de lui ouvrir la porte de ces pays lointains qu’il brûlait d’évangéliser. Il s’y mûrit encore, et quand en avril 1903 il partit pour le Tonkin, il était prêt pour le bon combat, pour les luttes apostoliques.
Son arrivée dans sa nouvelle patrie fut marquée d’une légère déception : point de « ces monts entassés jusqu’aux cieux » qu’il avait chantés jadis au Séminaire à la gloire du Tonkin : quelques montagnes pelées, brûlées par le soleil, d’un entassement pittoresque, bizarre si l’on veut, et c’est tout. Qu’importe ! Du train qui l’emporte de Haïphong à Hanoï il entrevoit les villages aux toits de chaume blottis sous les bambous frissonnants, les mares vertes…, le delta tonkinois enfin avec tout son charme exotique, mais aussi avec sa monotonie. Et ce fut là dans notre grande communauté de Keso qu’il s’initia aux difficultés de la langue annamite et commença à se plier aux usages tonkinois.
Sa voix souple, son oreille juste le servirent merveilleusement pour l’étude de la langue qu’il ne tarda pas à parler assez bien pour être envoyé à Ngoclu comme vicaire de M. Guinand.
Son modeste bagage confié aux porteurs de la chrétienté, le jeune Père s’en fut par des chemins de traverse gagner son nouveau poste. Les diguettes du delta ne sont pas souvent praticables, et en cette saison il fallait souvent patauger. Ce n’était pas pour embarrasser un jeune apôtre partant à la conquête des âmes ! Se mettant bravement pieds-nus, il continua son chemin, pataugeant comme un vieux routier. Mais une chose l’ennuyait ; malgré les protestations du catéchiste qui l’accompagnait, il avait tenu à porter lui-même ses souliers, et la route se faisant longue, il aurait encore voulu se charger de la légère valise que son suivant portait. « Non decet ! » avait beau dire le latiniste. Il n’y avait pas de Non decet ! qui tienne, grommelait le jeune Père peu au courant des usages annamites ; et lui passant les souliers, il saisissait d’une poigne vigoureuse l’objet de la contestation. Le jeune suivant marchait, consterné d’un tel manque aux convenances. Le Père porter la valise, lui, catéchiste, ne porter que les souliers, c’était le bouleversement de toute la hiérarchie sociale. Aussi quelle entrée à Ngoclu ! triomphale pour le jeune missionnaire portant fièrement son léger bagage, piteuse pour le catéchiste n’ayant que les souliers ! Un sourire, un mot du P. Guinand remirent tout en place, puis notre débutant se lança à corps perdu dans l’étude des us et coutumes d’une paroisse annamite. Ce ne fut pas pour longtemps. Une vacance se produisait à Namdinh, les supérieurs jugèrent M. Renault à la hauteur de la situation et lui confièrent ce poste délicat. Il en prit possession en 1904, et jusqu’en 1921, année de sa mort, il fut le pasteur vigilant et zélé, l’exemple du troupeau, le confrère le plus aimablement hospitalier que l’on puisse souhaiter.
La situation n’était pourtant pas sans présenter de sérieuses difficultés. Le Père arrivait dans toute l’ardeur de sa jeunesse et de son inexpérience ; il trouvait un prêtre indigène âgé, intelligent, et par ¬surcroît, fondateur de la paroisse. Ne pouvait-on craindre des frictions, des froissements ? il y en eut, c’était inévitable ; l’esprit sacerdotal fut plus puissant que la faiblesse humaine, et le jeune missionnaire cordialement aidé du vieux Père « La Majesté » ne tarda pas à donner la mesure de sa valeur.
Ce fut une floraison d’œuvres en 1905, inauguration des processions du Saint-Sacrement ; en 1906, ouverture d’une école paroissiale avec enseignement du chinois et de l’annamite et des éléments du français ; la même année, souscription pour donner des cloches à son église ; en 1908 bénédiction solennelle de trois magnifiques cloches dont les voix puissantes firent accourir toute la ville quand on les sonna pour la première fois. Puis ce fut son église qu’il voulut plus digne du Dieu qui y réside ; ses grands murs blancs, ses colonnes carrées avaient un air froid, austère, de temple protestant ; il y remédia avec un tel talent et un goût si sûr que quand dans la suite l’habile pinceau d’une pieuse personne eut doté le cœur de magnifiques peintures, l’intérieur de l’église de Namdinh devint un vrai petit bijou.
Ces occupations extérieures ne le détournaient pas du but à atteindre : les âmes. L’Eucharistie avait toujours été le centre de sa dévotion ; il suffisait de le voir célébrer le saint sacrifice ou faire sa visite au Saint-Sacrement pour deviner avec quelle foi, avec quel cœur il aimait Jésus-Hostie. Le chiffre des communions atteignait à peine 10.000 à l’aurore de son ministère paroissial, il montait à 70.000 à son couchant ! Il fallait encore attirer les païens ; il multipliait les œuvres de charité, reconstruisit la Sainte-Enfance, s’intéressa à un petit hôpital situé au bord du fleuve, regroupa l’hospice des aveugles sous le vocable de Saint Antoine. Il fallait instruire : tant qu’il put il fut un infatigable prédicateur ; à l’église, au parloir, en visite, chrétiens, païens, tous l’écoutaient avec plaisir ; projections lumineuses, conférences, tracts, tout lui servait pour acheminer les âmes vers Dieu. S’il n’eût d’abord que quelques épis à glaner, que quelques conversions isolées, il eut vers la fin de 1910 le bonheur de voir un premier groupement de catéchumènes se former à une extrémité de la ville, et plus tard trois villages païens s’ouvrir entièrement à l’évangélisation. Si cette année la paroisse de Namdinh a pu enregistrer 270 baptêmes d’adultes, c’est que d’autres engrangeaient une moisson qu’ils n’avaient pas semée, M. Renault avait peiné là où nous récoltions dans la joie.
Cette vie intense, ces travaux continus laisseraient supposer une santé florissante ; il n’en était rien. Le Père était atteint d’une maladie qui ne pardonne pas, la tuberculose. Sa vigoureuse constitution et sa remarquable énergie purent lutter longtemps, donner même l’espérance d’une guérison presque complète, ce n’était qu’une illusion, et le mal terrible reparaissait plus implacable que jamais. Le Père n’en laissait rien paraître, et les nombreux confrères qui ont joui de son hospitalité savent avec quel bon sourire il les accueillait. Ce qui lui était plus sensible, c’était de ne pouvoir chanter comme il l’eut voulu les louanges de Dieu. Doué d’une voix puissante et juste, il aimait le chant ecclésiastique, et je ne crois pas que dans beaucoup de paroisses les chants aient plus de sûreté qu’à Namdinh. La guerre amena dans sa paroisse des soldats, des sous-officiers que leurs blessures éloignaient du front français : il se trouvait parmi eux quelques bonnes voix, et la colonie européenne de Namdinh possédait d’ailleurs quelques dames bonnes musiciennes ; avec le concours de toutes ces bonnes volontés, le Père put organiser les chœurs qui embellissaient ses chères solennités.
En novembre 1919, il se sentit fatigué ; une grippe, disait le malade ; évolution de la tuberculose, disaient les médecins. Il ne s’en releva pas. Plus d’une année encore il fut l’édification constante de tous ceux qui le virent souffrir. Très soumis à la volonté de Dieu, mais se souvenant que saint Joseph l’avait guéri en 1915, il lui fit une neuvaine à laquelle tous les chrétiens de la paroisse s’unirent avec ferveur ; une autre neuvaine à la Sainte Vierge lui mérita le don inestimable de la résignation, et ce fut de tout son cœur que le cher malade dit son fiat. Il lui en coûta assurément, mais comme il était heureux d’offrir sa vie en sacrifice pour ses catéchumènes ! Il en arriva à un point de détachement qui touche presque au ciel : un soir de 1921, quelque temps avant sa mort, par une de ces soirées étouffantes, pénibles, où même les plus robustes se sentent oppressés, le malade haletait. Je l’avais laissé seul dans sa chambre, quand je crus entendre comme des soupirs, des gémissements ; craignant quelque complication, je montai sans bruit : quelle ne fut pas ma surprise, mon édification surtout, quand arrivé dans sa chambre j’entends sa pauvre voix douloureuse s’essayant à chanter quand même le « Te Deum laudamus ! » puis le grand cantique de nos grands jours de fête : « O Dieu de tes soldats… »
On ne craint plus la mort quand on en est là ; et si quelques jours avant sa mort le Père demanda à monter à Hanoï, ce fut bien plus dans la crainte de gêner que dans l’espoir d’une amélioration. Il pensait peut-être aussi que le bon Dieu prolongerait son épreuve. Il n’en fut rien, et notre confrère, après avoir reçu les derniers sacrements en la fête de saint Pierre-Célestin son patron, s’éteignit doucement, sans efforts, sans souffrance, un samedi du mois de mai. En fils très aimant il allait fêter au ciel sa Mère tant aimée !
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Références
[2697] RENAULT Célestin (1878-1921)
Références biographiques
AME 1903 p. 377. 1922 p. 159. CR 1903 p. 305. 1908 p. 150. 1912 p. 175. 1913 p. 189. 1919 p. 66. 1920 p. 46. 1921 p. 68. 179. 1947 p. 280. 1957 p. 166. BME 1938 p. 148.