Adolphe LEDUC1881 - 1910
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 2895
Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Inde
- Région missionnaire :
- 1906 - 1910 (Mysore)
Biographie
[2895]. LEDUC, Adolphe-Michel-Joseph, vit le jour à Anstaing (Nord) le 28 novembre 1881, et commença ses études au petit séminaire d'Hazebrouck. Entré laïque au Séminaire des M.-E. le 13 septembre 1901, il reçut le sacerdoce le 22 septembre 1906, et partit le 28 octobre suivant pour le Maïssour. Il fut pendant une année vicaire à Mysore, puis Mgr Kleiner le nomma professeur au collège Saint-Joseph à Bangalore, où il resta jusqu'au commencement de 1909. Il devint alors, dans la même ville, vicaire à la paroisse du Sacré-Cur et aumônier des Petites-Surs des Pauvres. Il mourut le 4 août 1910 à l'hôpital Sainte-Marthe à Bangalore.
Nécrologie
M. LEDUC
MISSIONNAIRE APOSTOLIQUE DE MYSORE
Né le 28 septembre 1881
Parti le 28 octobre 1906
Mort le 4 août 1910
La Mission de Mysore perdait, le 4 août 1910, un de ses plus jeunes missionnaires, M. Leduc. Arrivé aux Indes à la fin de 1906, ce Confrère n’avait assurément pas eu le temps de faire de grandes choses ; mais il avait laissé deviner, en dépit de sa profonde modestie, tant et de si belles qualités que l’on avait fondé sur lui de légitimes espérances. Aussi, ce fut avec un unanime regret que nous apprîmes la mort de celui que, par un accord tacite, beaucoup se plaisaient à appeler le bon Père Leduc. Et, en effet, la bonté était bien le trait saillant de sa douce et sympathique figure.
Adolphe-Michel-Joseph Leduc naquit le 28 septembre 1881 à Anstaing, modeste paroisse du diocèse de Cambrai, où son père exerçait les fonctions d’instituteur communal. Il n’est guère possible à une famille d’instituteur de pousser des racines profondes dans un même lieu. La volonté de l’administration, et quelquefois son caprice, l’oblige à se transplanter un peu partout. Ce n’est donc pas au Douaisis ni à Anstaing que Joseph attachera le plus volontiers le doux nom de « pays », mais plutôt à la Flandre maritime et à la ville de Dunkerque où s’était écoulée sa jeunesse.
La paroisse Saint-Martin de Dunkerque possédait alors comme vicaire M. l’abbé Lecomte, prêtre au cœur vraiment apostolique. Il eut tôt fait de remarquer le petit Joseph et de se l’attacher ; et quand il eut discerné en lui les signes de l’appel divin, il l’entoura de plus de sollicitude encore. M. Leduc garda toujours une tendre affection au bon prêtre qui avait dirigé ses premiers pas vers le sanctuaire.
Cependant, avec le temps, sa vocation se dessinait plus clairement ; il fallait trouver un terrain favorable à son épanouissement.
Dunkerque possède un collège ecclésiastique de premier ordre que dirigent les prêtres du diocèse, et où Joseph aurait pu trouver, avec de solides études, l’avantage de l’externat et de la vie de famille. Pourtant, c’est au Petit Séminaire d’Hazebrouck que l’on songea. Cet établissement, ne recevant que des jeunes gens qui présentent déjà des signes positifs de l’appel divin, peut les orienter vers le sacerdoce plus directement que ne le ferait un collège ecclésiastique ; pour cette raison, l’on se décida à éloigner Joseph de la maison paternelle.
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Nous ne possédons que peu de détails sur la vie du jeune pensionnaire d’Hazebrouck. M. Leduc était un modeste qu’il n’était pas facile de faire parler de lui. Dès cette époque, il aimait volontiers à s’effacer et à passer inaperçu, un peu par timidité sans doute, peut-être déjà par vertu. Bientôt, pourtant, ses condisciples remarquèrent ce camarade au caractère conciliant, aux manières aimables, et dont la piété se révélait si profonde, quoique sans affectation. Leur affection lui fut désormais acquise, et il n’en est peut-être pas un qui ne regardât Joseph Leduc comme un modèle.
Modèle, il l’était en effet en tout et partout, mais plus particulièrement au travail auquel il s’adonnait avec une consciencieuse ardeur. Alors que beaucoup d’élèves ne voient dans les copieuses versions latines et grecques dont on agrémente leurs journées, qu’une corvée, qu’il faut bien accepter puisqu’on ne peut pas faire autrement, mais qu’on s’empresse d’ailleurs de bâcler le moins mal qu’on peut, Joseph Leduc y voyait, avec le grand esprit de foi qu’il apportait en toutes choses, la tâche que lui imposait Dieu pour la journée. Il s’y mettait de tout cœur ; et ainsi, bien que son intelligence ne possédât pas le brillant et la facilité dont la nature avait favorisé certains de ses condisciples, il sut se maintenir constamment, au prix d’un labeur opiniâtre et d’une persévérance jamais rebutée, à un rang très honorable.
Toutes ces qualités, que sa modestie rendait plus aimables encore, posèrent M. Leduc dans l’opinion de tous les élèves. Quand ceux-ci apprirent que leur camarade songeait aux Missions, personne n’en manifesta le moindre étonnement : l’on convint qu’il y avait bien en lui l’étoffe d’un bon missionnaire.
C’est le 13 septembre 1901 que M. Leduc fit son entrée aux Missions-Etrangères.
« Ne pas vivre au hasard, mais selon la règle, travailler avec acharnement, de tout cœur » : telles sont quelques-unes des résolutions qu’il inscrit sur son carnet à la retraite du commencement d’année. Il se mit donc au travail, comme il se l’était promis ; et, certes, il y eut du mérite, car il était continuellement tourmenté de maux de tête qui ne lui laissaient aucun répit. Il rédigeait pour chaque sujet un cahier, où il condensait avec un soin méticuleux la matière du Manuel et les explications fournies par le professeur. Tous les séminaristes ne pourraient pas, sans doute, se donner le témoignage d’un labeur aussi acharné et aussi constant.
Le 22 septembre 1906, M. Leduc était ordonné prêtre. Avec quel soin il s’était préparé à ce grand jour, ses cahiers de retraite en font foi, et aussi ses résolutions, véritable programme de vie sacerdotale, dans lesquelles sa tendre piété se révèle tout entière. Ces résolutions, il les avait signées de son sang, comme s’il voulait par là les rendre plus irrévocables. Et de fait, il y conforma scrupuleusement sa vie. Entre autres, il prit celle de consacrer, chaque jour, une demi-heure à son action de grâces après la messe.
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Arrivé en Mission, il fut aussitôt nommé vicaire à Mysore. Bientôt, il fut aimé de ses chrétiens, au service desquels il se dépensait sans compter. S’oublier pour les autres lui était, du reste, comme naturel. Soupçonnait-il une occasion de rendre service, il se gardait bien de la laisser échapper ; cet empressement à obliger le prochain n’avait d’égal que le soin qu’il apportait à laisser dans l’ombre ce qu’il avait fait.
M. Despatures, le curé de Mysore, rapporte un trait qui peint bien ce côté de son caractère. Devant s’absenter pour quelques heures, il avait remis à M. Leduc la clef de sa chambre. Mais, pour une raison quelconque, l’absence fut moins longue qu’il n’avait supposé. En rentrant au presbytère, il trouve son vicaire tout embarrassé, ne sachant quelle contenance prendre, comme s’il avait fait quelque mauvais coup. L’explication ne tarda pas : le carrelage de sa chambre était encore tout humide. M. Leduc avait voulu le laver lui-même, afin d’enlever les taches de chaux laissées par les maçons qui l’avaient posé la veille, escomptant bien que les quelques heures d’absence de son curé suffiraient à faire disparaître toute trace de sa bonne action. Le retour inopiné de M. Despatures l’avait surpris en flagrant délit : d’où sa confusion.
Après un an passé à Mysore, Mgr Baslé l’envoya au collège Saint-Joseph de Bangalore. Il accepta avec résignation, et il mit dans l’accomplissement de ses nouvelles fonctions son entier dévouement.
Le professeur manqua peut-être d’un peu de fermeté. Les élèves sont espiègles partout, aux Indes autant qu’ailleurs, et la bonté à leur égard doit savoir s’accompagner d’une certaine dose de fermeté : sinon, elle est facilement prise pour de la faiblesse. Mais la bonté était chez M. Leduc un défaut dominant, et les élèves en profitaient quelquefois, comptant sur un pardon facile. M. Leduc finit-il par s’en apercevoir ? Toujours est-il que, à la retraite de 1907, il prit cette belle résolution : « Je serai ric-rac pour moi-même, et presque ric-rac pour les élèves ! » Heureusement, le mot presque sauvait tout. Mais il est probable que les élèves ne se seraient pas sentis très menacés par cette résolution, s’ils avaient pu en avoir connaissance : ils auraient sans doute conclu que le bon M. Leduc voulait se tromper lui-même et se faire croire qu’il n’était pas trop bon.
Au début de 1909, il quittait le Collège pour la paroisse du Sacré-Cœur de Bangalore, dont il venait d’être nommé vicaire. A ces fonctions, il joignit, pendant quelque temps, celles d’aumônier de l’Asile des Petites-Sœurs des Pauvres, en remplacement de M. Gerbier, qu’occupaient d’autres soins. Tout de suite, il fut aimé de ces bons vieillards, pauvres délaissés de la vie qu’un sourire suffit à rendre heureux. Sa visite était attendue avec impatience et accueillie avec joie. « Tous, sans exception, écrit la Révérende Mère Supérieure, qu’ils fussent Européens, Eurasiens ou natifs, l’accueillaient avec bonheur ; même nos protestants avaient un attachement spécial pour lui. Ce n’était pas étonnant : le bon Père avait un dévouement bien grand pour eux, spécialement pour les malades et les mourants qu’il visitait plus fréquemment encore. Pour les Petites-Sœurs aussi, il avait une bonté pleine de douceur et de petits mots d’encouragement pour nous aider à bien servir Dieu. »
Quels fruits n’eût-on pas été en droit d’attendre du ministère de M. Leduc, si Dieu ne l’avait ravi si tôt à la Mission de Mysore ! Peut-être le trouvait-Il déjà mûr pour la récompense. Quoi qu’il en soit, M. Leduc semble avoir eu un secret pressentiment de sa mort prochaine. A la retraite de décembre 1909, comme un confrère s’étonnait de son air soucieux, il faisait cette réponse : « Quelque chose me dit que cette retraite est pour moi la dernière. » Quelques mois plus tard, il écrivait : « Parmi les jeunes missionnaires que j’ai connus à Paris, plusieurs déjà sont morts. Ces décès donnent à réfléchir ! Enfin, aujourd’hui ou demain, qu’importe ! L’essentiel est de faire une bonne mort. »
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A la fin de juillet 1910, M. Leduc ressentit des douleurs d’entrailles qui l’obligèrent à prendre des soins particuliers et dont quelques jours d’ailleurs suffirent à le débarrasser. Cependant, comme ce n’était pas la première fois que pareil malaise se produisait, il se décida à consulter un docteur de l’hôpital Victoria. Celui-ci l’examina avec soin et ne dissimula pas son inquiétude. Une opération s’imposait, urgente. En même temps, il lui faisait dire par un ami le faible espoir qu’il avait de le sauver. Cette grave nouvelle laissa M. Leduc très calme. Déjà, à sa retraite de diaconat, il inscrivait en tête de ses résolutions : Beatus ille servus, quem cum venerit Dominus, invenerit vigilantem. Chaque jour, dès lors, avait été témoin d’un nouveau pas en avant vers plus d’amour de Dieu et plus de détachement de lui-même.
Il se prépara à la mort, simplement et avec foi, comme il faisait toutes choses. La veille de l’opération, il vint au Collège Saint-Joseph faire aux Confrères ses derniers adieux. Les souffrances ressenties la semaine précédente avaient disparu, et il avait repris sa coutumière bonne mine. Aussi les Confrères du Collège, qui ignoraient l’arrêt du docteur, ne purent-ils s’empêcher de se montrer incrédules et presque de le plaisanter sur ses craintes exagérées.
C’était pourtant lui qui avait raison. L’opération sembla d’abord couronnée de succès ; mais, bientôt, des complications survinrent ; et il devint évident que M. Leduc ne tarderait pas à entrer dans son éternité. Malgré ses souffrances qui étaient parfois très aiguës, jamais un mot de plainte ne tomba de ses lèvres. Les gardes-malades lui avaient-elles donné quelques soins, aussitôt un aimable merci, qu’accompagnait toujours son bon sourire, venait leur témoigner combien il avait de reconnaissance.
Le 4 août au matin, il n’y avait de doute pour personne que M. Leduc ne passerait pas la journée.
— Cher Père Laurent, dit-il, je serai mort avant ce soir !
— Eh bien ! comme le bon Dieu voudra, n’est-ce pas ? Père Leduc
— Oh ! oui, bien certainement ! répondit-il.
Le Docteur qui l’avait soigné avec tant de dévouement arriva bientôt. Le malade voulut d’abord lui parler, mais les forces le trahirent, et il ne put lui dire que ces simples mots entrecoupés de hoquets douloureux : « Merci ! merci ! Docteur ». Celui-ci ne put y tenir et il quitta la salle en pleurant. A midi, M. Leduc rendit sa belle âme à Dieu.
Le corps fut aussitôt conduit à l’Hôpital Sainte-Marthe pour y être exposé. En contemplant ces restes revêtus des ornements sacerdotaux et ce visage où une douce paix semblait s’être figée pour toujours, l’on se prenait involontairement à songer que M. Leduc, qui avait toujours montré tant de piété dans la célébration du saint Sacrifice, entonnait maintenant au ciel l’Introibo d’une messe qui ne finirait jamais.
La nouvelle de sa mort se répandit rapidement parmi les chrétiens ; tous accoururent, voulant revoir une dernière fois celui qui les avait tant aimés et qu’eux-mêmes vénéraient avec tant de respectueuse affection. Le lendemain, 5 août, Mgr Baslé chanta la messe de funérailles dans l’église du Sacré-Cœur, entouré de tous les Missionnaires présents à Bangalore. Quant aux fidèles venus de toutes les paroisses, l’église, pourtant spacieuse, avait peine à en contenir l’affluence.
Notre regretté Confrère repose dans le cimetière de la paroisse qu’il édifia par sa piété et sa charité. Maintenant encore, après un an écoulé, il n’est pas rare de trouver sa tombe fleurie par les soins de ses chrétiens chez qui son souvenir est resté bien vivant.
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