Jean LARRART1884 - 1966
- Statut : Archevêque
- Identifiant : 3016
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Identité
Naissance
Décès
Consécration épiscopale
Autres informations
Missions
- Pays :
- Chine
- Région missionnaire :
- 1909 - 1914 (Guiyang [Kweiyang])
- 1919 - 1952 (Guiyang [Kweiyang])
Biographie
[3016] LARRART Jean est né le 22 décembre 1884 à Camou-Mixte-Suhast (Pyrénées-Atlantiques), au diocèse de Bayonne. Il fait ses études secondaires au Petit Séminaire de Mauléon (1895-1902) et entre au Grand Séminaire de Bayonne (1902-1904). Il entre portier au Séminaire des Missions Étrangères le 14 octobre 1905, après son service militaire. Ordonné prêtre le 27 mars 1909, il part le 17 novembre suivant pour le Kweichow.
Il est envoyé étudier la langue à Touan-po puis au poste de Te-Kiang (alias Gan-hoa ou Ta-pao) où il sera seul. Il accepte aussi de se charger du district de Silan malgré la fatigue que cela lui occasionne. En 1913, il est transféré au Grand Séminaire de Kweiyang comme professeur de philosophie. En août 1914, il est mobilisé et envoyé en France. D'abord au front comme infirmier, il est ensuite affecté comme interprète auprès des ouvriers chinois qui travaillent en France au service de l'armée.
En 1919, il regagne sa mission et est chargé du grand district de Tinfan où il se fait l'homme de tout le monde et se trouve mal à l'aise avec tous; son évêque lui attribue deux districts voisins dont les titulaires restent sur place. En 1921, il est rappelé quelques mois au Séminaire tout en restant chargé de son district; il le sera une fois de plus en 1924 pour un an, mais cette fois détaché de son district. À Tinfan même il s'est occupé à rebâtir sa résidence et son église qui s'était écroulée.
En 1933, le Père Larrart est nommé évêque de Valona et coadjuteur de Mgr Séguin. Il est sacré à Kweiyang le 13 août 1933. Dès la fin de 1934 ce sont les communistes qui sèment partout la terreur, pillent les églises. En 1937 commence la guerre sino-japonaise suivie de la guerre mondiale, l'arrivée des Américains en 1946 et puis dès la fin de 1948, la domination communiste. Mgr Larrart est brutalement expulsé au début de mars 1952. En France, Mgr Larrart se repose quelque temps en famille et prend l'aumônerie des Frères de Ploërmel à Ciboure où il reste jusqu'en juillet 1965. Le 23 mars 1954 il a été fait Chevalier de la Légion d'Honneur. Il se retire alors à Montbeton. Mais l'amnésie dont il avait commencé à souffrir à Ciboure s'accentue. Vers juin 1966 son état s'aggrave mais il est rebelle à tout traitement médical, et c'est une lente agonie jusqu'au 14 juillet. Le 16 juillet ses obsèques sont présidées par Mgr de Courrèges, évêque de Montauban.
Nécrologie
Jean LARRART
1884 - 1966
Missionnaire en Chine
Archevêque de Kweiyang
Jean Larrart naquit à Camou-Mixe-Suhast, au creux d’un vallon du pays souletin. Sa famille était profondément chrétienne et la pensée de sa mère, et son souvenir plus tard, le soutinrent dans les difficultés qu’il rencontra au cours de son séminaire, et spécialement à son retour de caserne, après qu’il eut été rappelé pour une, année de service supplémentaire (1907).
Il fut élève des Frères des Ecoles chrétiennes à Saint-Palais, du petit séminaire de Mauléon qui fut à cette époque un extraordinaire foyer de vocations pour les instituts missionnaires. Il entra au grand séminaire de Bayonne, encore quelque peu hésitant sur une orientation de vie pour le prêtre qu’il voulait être, et fut admis au séminaire des Missions Etrangères à l’issue de son année réglementaire de caserne (1904-1905).
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Prêtre le 27 mars 1909, il part, seul destiné pour la mission de Kweichow. Un de ses compagnons de « bateau », le P. A. Flachère a raconté leur commun voyage jusqu’à Chungking dans son livre « En route vers les idoles ». Le reste du chemin, en chaise à porteurs, le conduisit en une quinzaine de jours jusqu’à sa destination, en passant par les églises de Tonghe, de Tsen y et de Teha tso... Son évêque, Mgr Guinchard l’envoya chez son com¬patriote et ami, le P. Harosteguy à Touan po.
A son retour, tout en continuant d’étudier la langue, il fut destiné presque aussitôt au poste de Te kiang (alias Gan-hoa ou Ta-pao) dans le nord de la province. C’était alors la coutume, pour aguerrir les nouveaux, et les forcer à parler le chinois, de les envoyer seuls dans les postes les plus éloignés. C’est ce qu’on appelait « faire les frontières ». Le P. Larrart était loin de pouvoir parler ou comprendre le chinois. L’adaptation lui fut, naturellement, assez dure et, plus tard, il avouait qu’à certains jours, il en avait pleuré. Le P. Ronat, formé autrefois à la même méthode, appliquée peut-être d’une façon plus rude encore, passa quelques jours avec lui, puis regagna son district, distant de plusieurs journées de marche. Resté seul le P. Larrart eut heureusement à son service un excellent chrétien, père de deux futurs prêtres, qui l’initia à la langue chinoise et même à l’apostolat parmi les montagnards du pays. Après quelque temps, où il n’eut guère que des malades à secourir, le P. Larrart se mit à parcourir son vaste district qui comptait une vingtaine de stations chrétiennes. Il s’y donna de tout cœur. Malheureusement, son apostolat ne lui permit pas d’étudier les caractères chinois et il se borna au langage courant qu’il parvint d’ailleurs à parler très bien.
Le district de Te kiang suffisait déjà à absorber tous ses efforts, d’autant plus qu’en ce moment, il commença à souffrir d’une espèce de dysenterie chronique qui l’affligea pendant tout le temps qu’il resta en Chine. Le district voisin de Selan devenu vacant par la maladie du P. Brunel, le P. Larrart accepta de s’en charger. Bien des années après, il avouait qu’il avait failli en mourir.
En 1911, la révolution chinoise eut ses répercussions dans ces régions de montagnes. L’anarchie, la guerre civile, le brigandage s’y installaient pour de longues années. Le missionnaire put, cependant, continuer son apostolat mais au milieu de dangers sans cesse renaissants et toujours dans l’incertitude du lendemain.
Malgré ces difficultés, le P. Larrart s’attacha profondément à ses chrétiens et à la vie de voyages continuels et c’est sans enthousiasme qu’en 1913 il se vit transféré au grand séminaire de Kweiyang. Passé brusquement de la vie en brousse à celle de professeur de philosophie, il sut s’adapter parfaitement. Car plus tard, deux fois encore, il fut rappelé au grand séminaire.
Son séjour au séminaire ne fut pas de longue durée. En août 1914, il était mobilisé et envoyé en France. D’abord au front comme infirmier, il fut ensuite affecté comme interprète des ouvriers chinois au service de l’armée. C’est surtout là qu’il se lia d’une forte amitié avec Mgr Jantzen et avec le P. Michel, futur provicaire du Yunnan. Ces années de guerre semblaient lui avoir laissé un assez bon souvenir. Souvent, il les évoquait au cours des conversations en rappelant presque chaque fois l’un de ses deux amis.
Après la guerre, démobilisé avant ses frères, il fut seul à aider son vieux père aux travaux de la moisson. Celui-ci était fier de son fils et espérait bien qu’il resterait en France. Un jour, il lui en parla ouvertement. Le missionnaire lui répondit clairement qu’il comptait regagner la Chine dès qu’il pourrait. Il lui en coûta d’imposer ce second sacrifice à son père, qui, d’ailleurs, l’accepta avec tout le courage de sa foi chrétienne ; mais l’appel de la Chine restait très vif en son cœur.
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En 1919, il repartit donc avec le P. Bérenger en passant par Hanoï et le Yunnan. Les deux missionnaires mirent trois semaines pour se rendre de Yunnanfou à Kweiyang. Presque aussitôt, le P. Larrart fut chargé du grand district de Tinfan à 50 km au sud de Kweiyang.
La petite ville de Tinfan, entourée encore de ses remparts, était située au milieu de la plus grande vallée de la province, vallée d’environ 20 km sur 2. Tout le reste du district était couvert de montagnes dont certaines très escarpées. La ville comptait environ une centaine de chrétiens. De plus, il y en avait environ 1.200 dispersés en une quarantaine de postes dans toutes les directions : les plus éloignés à environ 50 km du centre. C’est cette région que le P. Larrart parcourut pendant de longues années. Ce qui lui rendit pénibles des fréquents voyages en montagne, ce fut le vertige auquel il commença à être sujet et qui le saisissait même dans des passages ne présentant aucun danger. Les ponts étaient presque inexistants, les rivières se passaient en bac, à gué ou sur des pierres émergeant de l’eau.
En passant une rivière débordée, le P. Larrart faillit un jour se noyer. Pour la traverser, il venait de lancer sa mule à l’eau quand il s’aperçut que sa monture était entraînée par le courant vers un gouffre. Abandonnant celle-ci il gagna la rive à la nage, pendant que la mule, elle-même, débarrassée de son cavalier, parvenait à remonter le courant.
Les chrétiens étaient divisés en deux races, Chinois et Dioi ou Thai ; ceux-ci surtout dans le sud, étaient pour la plupart des cultivateurs, dont certains petits propriétaires, en général assez pauvres, mais s’accommodant très bien de leur pauvreté. Population simple, mais atteinte par l’opium qui, en ce temps-là, était probablement le principal ennemi des chrétiens. Dans ce pays et au cœur de cette population, le P. Larrart se trouva parfaitement dans son milieu, et il semble que son séjour à Tinfan fut la période la plus agréable de sa vie. Il fut vraiment l’homme de tout le monde, se trouvant à l’aise avec les païens comme avec les chrétiens, avec les plus pauvres comme avec les représentants de l’autorité civile ou militaire. Pour les chrétiens, sa résidence était la maison de tous. A toute heure, il était à leur disposition, même si parfois on abusait de sa patience. Ceux qui venaient des postes éloignés étaient sûrs de trouver chez lui le vivre et le couvert. Les pauvres recevaient toujours quelque aumône, certains dussent-ils même en abuser. Il soignait lui-même les malades, chrétiens ou païens, et il lui arriva d’en recueillir chez lui pour les soigner plus attentivement pendant des périodes parfois assez prolongées.
Sa familiarité était restée presque proverbiale alors que, jusqu’à son arrivée, selon les coutumes de l’ancienne Chine, les relations entre prêtres et fidèles étaient surtout des relations entre supérieurs et inférieurs. Son district devint comme une grande famille, dont il resta le chef respecté et aimé de tous.
Ouverte à tous les chrétiens, sa maison l’était à plus forte raison, à tous les prêtres. Plusieurs passaient chez lui, au cours de leurs voyages, d’autres venaient s’y reposer. De plus, Mgr Séguin lui confia souvent de jeunes missionnaires ou de jeunes prêtres chinois pour les initier à l’apostolat. C’est ainsi qu’il eut successivement de nombreux vicaires pour qui il resta toujours un ami.
Pour administrer son district, il le parcourait le plus souvent possible, passant plusieurs jours dans chaque chrétienté pour y prêcher, administrer les sacrements, régler les questions pendantes, recevoir de nombreux catéchumènes... C’était là, la partie la plus importante de son apostolat. L’instruction religieuse était assurée par des catéchistes, malheureusement trop peu nombreux, et par des écoles élémentaires établies à la résidence du missionnaire et dans certains villages chrétiens.
L’apostolat auprès des païens était surtout le fait de catéchistes, indépendamment des relations personnelles du missionnaire. Dès le début de son, apostolat à Tinfan, le P. Larrart fut pris par le soin des chrétiens au point de ne pouvoir guère se consacrer à la conversion des païens. Il avait jeté les yeux sur la partie sud-ouest de son district, qui ne comptait pas une seule chrétienté, pays infesté de brigands au point que les soldats et les fonctionnaires de la sous-préfecture n’osaient guère s’y aventurer. Le Père y fit un voyage de reconnaissance et, à son retour, demanda à son évêque de le décharger de son district pour pouvoir aller là-bas fonder un district absolument neuf. Mgr Seguin ne trouvant personne pour le remplacer, le P. Larrart dut renoncer à son projet. D’ailleurs, pendant les quatorze ans qu il devait passer à Tinfan, d’autres taches encore l’ attendaient.
En plus de son district, Mgr Seguin lui attribua provisoirement deux districts voisins dont les titulaires devaient rester en place. A Tong tcheou, le P. Tchen, à Tsingri, le P. Laborde furent heureux de se mettre sous l’autorité de leur voisin qui, tout en s’occupant activement de leurs districts, eut assez de tact pour rester toujours en bons termes avec eux.
En 1921, tout en restant chargé de son district, il fut rappelé pour plusieurs mois au séminaire, dont il fut le supérieur pendant la maladie du P. Fayet. En 1924, à cause de l’augmentation momentanée des élèves, il fut encore une fois nommé au séminaire pour un an, mais cette fois il fut temporairement déchargé de la responsabilité de son district.
A Tinfan même, pendant plusieurs années, il fut occupé à rebâtir sa résidence et surtout son église qui s’était écroulée.
Ainsi, le P. Larrart ne put pas consacrer même à ses chrétiens tout le soin qu’il aurait voulu. Très souvent, il fut empêché de faire lui-même la visite de son district qu’il dut confier à ses vicaires. Les troubles et le brigandage presque continuels s’ajoutant à ces difficultés, il ne réussit pas à développer son district comme il l’aurait souhaité.
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En 1933, le P. Larrart fut nommé évêque de Valona et coadjuteur de Mgr Séguin. Il fut sacré à Kweiyang le 13 août 1933, La période la plus difficile de l’histoire de la Mission allait commencer,
Progressivement Mgr Séguin laissa l’administration de la Mission à son coadjuteur et après quelques années, Mgr Larrart fut pratiquement le seul responsable. Cette administration lui coûta beaucoup. Il sentit lourdement peser sur lui la « sollicitudo omnium ecclesiarum », au milieu des difficultés qui ne firent guère qu’augmenter jusqu’à son expulsion en 1952.
Sa bonne humeur et sa jovialité en furent souvent altérées. Sa principale consolation était la visite de sa mission. Chaque année, il parcourait plusieurs districts, chacun en compagnie de son titulaire. Il y retrouvait la vie missionnaire et semblait y oublier les soucis de l’administration.
Dès la fin de 1934, les troupes communistes, chassées du Kiangsi et repoussées du Kwangsi, envahirent la province du Kweichow. Elles la traversèrent d’abord du sud-est au nord-ouest. Toutes les églises du nord de la Mission furent pillées. Les prêtres chinois qui les occupaient purent, heureusement, se mettre à l’abri. Aussitôt après le passage dévastateur, Mgr Larrart se rendit au centre de la région à Tseny. Il venait d’y arriver quand les Rouges, n’ayant pu pénétrer dans le Setchoan, revenaient sur leurs pas à marche forcée. Mgr Larrart eut tout juste le temps de s’échapper avec quelques prêtres chinois. Après cinq journées de marche, ils arrivèrent à Kweiyang. Le danger n’était pas passé car, en avril, les troupes communistes foncèrent sur Kweiyang, obligeant les troupes nationalistes à s’y concentrer, puis, contournant la ville, elles prirent, avec une incroyable rapidité, la direction de Anlung.et du Yunnan, semant partout la terreur et pillant toutes les églises qu’elles rencontraient.
Au début de 1936, d’autres troupes, venues des confins du Houpé et du Hounan, traversèrent, elles aussi, la province : elles passèrent au nord de Kweiyang, pillant les églises de Tcha tao, Kiensi et Pitsié et prirent, elles aussi, la direction du Yunnan. Cette fois, les dégâts furent moindres, Mais le principal résultat du passage des communistes, ce fut l’arrivée des troupes nationalistes et, à leur suite, des agents du gouvernement central. La province passait d’un état d’indépendance pratique à la soumission entière au gouvernement de Nankin, d’où l’arrivée de nombreux Chinois du nord dont la mentalité différait beaucoup de celle des habitants du Kweichow, restés jusque-là en grande partie en marge de la civilisation nouvelle.
En 1937, commença la guerre sino-japonaise. Le Kweichow resta longtemps loin des champs de bataille. Il ne fut inquiété directement que par quelques bombardements aériens, dont certains bâtiments de la mission eurent assez à souffrir, et, en 1944, par une poussée de l’armée japonaise jusqu’à Tou yun à moins de 120 km de Kweiyang. La guerre eut cependant de graves conséquences pour la mission. Les réfugiés du nord et de l’est ne firent qu’augmenter jusqu’à la fin du conflit. Le pays fut soumis au passage continuel des troupes et la population fut accablée par la conscription qui s’effectua le plus souvent d’une façon arbitraire et scandaleuse. L’effort de guerre nécessita de nouveaux impôts, ce qui augmenta encore la misère du peuple alors que le brigandage favorisé par les troubles s’étendait à presque toute la province.
En 1939, les missionnaires du Kweichow ne furent pas mobilisés. Cependant la guerre en Europe eut son retentissement en mission. La défaite de la France avec l’occupation du Vietnam par les Japonais changèrent les dispositions des autorités locales à son égard. Beaucoup de locaux de la mission furent occupés par l’armée ou par l’administration civile. Une bonne partie de l’évêché fut occupée pendant de longs mois, certains prêtres furent chassés de leur résidence et même de leur église. Surtout après l’occupation de Hongkong, il devint de plus en plus difficile de recevoir de l’argent d’Europe alors que les impôts se faisaient de plus en plus lourds. Dans ces conditions, Mgr Larrart, devenu vicaire apostolique à la mort de Mgr Séguin, en 1942, fut remarquable par sa confiance en la Providence. Il ne supprima aucune des œuvres de la Mission et parvint à les maintenir pendant toute la guerre.
En 1944, les troupes américaines arrivèrent assez nombreuses à Kweiyang et aux environs, là où elles avaient des bases aériennes. On y comptait beaucoup de catholiques en grande partie pratiquants. Alors qu’au Kweichow, la plupart des Chinois s’imaginaient que les Etats-Unis étaient une nation exclusivement protestante, leur étonnement fut grand de voir les Américains assister en grand nombre aux cérémonies dans les églises de la Mission. Ainsi, un des résultats heureux de la guerre fut de mettre en évidence le caractère supra-national de la religion et de faire perdre à l’Eglise catholique le caractère d’Eglise étrangère qu’elle avait encore aux yeux de beaucoup de païens.
Aussi, dès la fin de la guerre, la situation parut nettement favorable et, un peu dans tous les milieux, un mouvement se manifesta vers le catholicisme.
En 1946, tous les anciens furent heureux d’accueillir les nouveaux retenus depuis plusieurs années par la guerre. Pour leur bonne formation, Mgr Larrart, voulant leur éviter le sort qu’il avait eu en arrivant en Chine, fonda pour eux une école de langue, au Probatorium d’abord, où le P. Etcheverry en fut chargé et ensuite à l’évêché même, sous la direction du P. Fayet. Les jeunes des missions voisines Chungking, Anlung, Kunming y furent reçus.
Il fallut à Mgr Larrart plus de courage pour réaliser un projet qu’il avait formé depuis longtemps, la fondation d’une école secondaire. Cette école eut, dès le début, un gros succès, avec d’ailleurs comme contre-partie de graves soucis et de fortes dépenses. Monseigneur voulut, avec le consentement du directeur responsable, passer cette école aux Frères Maristes expulsés du nord de la Chine. Ce fut, malheureusement, la cause de difficultés inouïes de la part de l’ancien directeur qui, malgré le consentement qu’il avait donné, ne voulut à aucun prix, remettre l’école aux religieux. Il y fut enfin forcé après l’arrivée des communistes, mais alors l’école fut pratiquement confisquée par le nouveau gouvernement.
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Dès la fin de 1948, il apparut clairement que, bientôt, tout le pays serait sous la domination communiste. On vit l’invasion progressivement se rapprocher du territoire de la Mission et, en novembre 1949, la province du Kweichow fut, elle aussi, envahie. Les troupes nationalistes s’étant retirées, la province fut occupée sans combat. Les armées rouges, bien disciplinées ne causèrent pas beaucoup d’ennuis. Il en fut autrement dès que le nouveau gouvernement fut installé. D’abord les impôts ruinèrent la Mission au même titre que la population. Au bout de quelques mois, la plus grande partie de la province se révolta, mais cette révolte fut bientôt réprimée de façon impitoyable et les nouveaux maîtres (qu’on accusait d’avoir eux-mêmes fomenté cette révolte) en profitèrent pour se débarrasser de la plupart de ceux qui avaient quelque influence dans le pays. Beaucoup de chrétiens influents furent ainsi liquidés.
Pendant un an environ, la vie parut possible sous le nouveau régime qui, malgré des restrictions, laissait en général à la mission assez de liberté pour maintenir ses œuvres. Au bout d’un an, il apparut clairement que cela ne pourrait pas continuer. La réforme agraire avec ses violences, les jugements populaires, le lavage de cerveau commencèrent à montrer le vrai visage du communisme. Mgr Larrart comme chef de la Mission fut très souvent traîné dans les campagnes et même emprisonné à cause des biens que la Mission y possédait. Quand un de ses missionnaires se proposait pour le remplacer, il refusait, prétextant qu’un plus jeune courrait plus de danger que lui-même. En même temps, ce fut la destruction de toutes les œuvres de la Mission : l’orphelinat supprimé avec d’abominables manifestations, les séminaires devant renvoyer leurs élèves, les écoles confisquées, l’évêché presque entièrement occupé, plusieurs églises transformées en locaux de réunions. Enfin, ce fut l’essai d’une église nationale. Certains prêtres chinois y restaient irréductibles ; d’autres, voulant sauver ce qui pouvait être sauvé, étaient partisans d’un compromis. Les chrétiens, dans leur grande majorité, restèrent fidèles à leur évêque. Comprenant qu’il serait bientôt empêché d’administrer sa Mission et que son expulsion ne tarderait plus, Mgr Larrart avait remis l’administration de la mission à un prêtre chinois, le P. Teng. Celui-ci, plutôt partisan d’un compromis, resta cependant fidèle à l’Eglise, car il finit par être emprisonné quand le gouvernement communiste lui proposa le schisme d’une manière qui ne laissait plus aucun doute.
Mgr Larrart passa dans sa chambre à l’évêché les dernier mois de son séjour en Chine. Il lui était interdit de sortir, mais put, cependant, presque jusqu’au dernier jour, communiquer avec l’extérieur et recevoir des visites. La sous-alimentation l’ayant considérablement affaibli, sa vue avait beaucoup baissé et la lecture lui était devenue impossible. Il sentait que le jour de son expulsion approchait. Il lui était pénible de laisser sa mission ruinée, ses prêtres et ses chrétiens dans la persécution, et aussi de se voir obligé de partir en laissant plusieurs missionnaires en prison, spécialement deux religieuses qu’il essaya en vain de faire sortir de Chine, en se déclarant lui-même responsable des « crimes » qu’on leur reprochait. Au début de mars 1952 il fut brutalement expulsé. Les policiers craignaient des manifestations de la part des chrétiens, ce qui n’aurait pas manqué si ceux-ci avaient connu à l’avance le jour et l’heure du départ de leur évêque. On lui donna donc une demi-heure pour se préparer, puis il fut emmené dan une auberge de la ville avec défense de communiquer avec qui que ce soit. Le lendemain matin, la police le conduisit au car qui devait l’acheminer jusqu’à Chungking. Comprenant que sa vue défectueuse lui causerait de graves difficultés au cours du voyage, les communistes confièrent Mgr Larrart à un pasteur protestant, lui-même expulsé, et qui, avec un grand dévouement, le conduisit par Hankéou et Canton jusqu’à Hongkong. Après quelques jours passés à Hong¬kong, Mgr Larrart s’embarqua pour la France. Il passa d’abord quelques mois dans sa famille, puis il prit l’aumônerie des Frères de Ploërmel à Ciboure, où il resta jusqu’en juillet 1965.
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Mgr l’évêque de Bayonne lui proposa alors de l’accueillir à la maison de retraite des prêtres de son diocèse. Mgr Larrart préféra se retirer à Montbeton, où il fut heureux de retrouver d’anciens condisciples à barbe blanche. L’amnésie dont il avait commencé à souffrir à Ciboure s’accentua. Il aurait pu être dispensé de l’obligation du bréviaire et ne plus célébrer la Sainte Messe, mais quand on lui en parlait, il répondait vivement : « Alors, je ne serai plus bon à rien ! » Une seule chose le distrayait un peu : ses promenades dans le parc et surtout son pèlerinage quotidien au cimetière de nos aînés, où une tombe l’attirait particulièrement, celle de son condisciple et ami, Mgr Jantzen.
A certains moments, Mgr Larrart ne pouvait s’empêcher d’exprimer sa grande nostalgie de la Chine, et aussi de sa ferme natale, d’où, après une visite en avril 1966, il ne revint pas facilement. A d’autres moments, se rendant plus ou moins compte de son état, il soupirait : « Ah ! il me tarde de mourir ! ». Il avait la nostalgie du Ciel.
C’est vers le 20 juin que l’état de Monseigneur s’aggrava, Il perdit l’appétit, s’alimenta de moins en moins. La radio ne révéla aucune tumeur, mais les médecins le trouvèrent très déshydraté. Il eut fallu que le vénéré malade consentit à boire beaucoup de liquide et de se laisser faire des injections de sérum biologique. Mais, dans son inconscience, il fut rebelle à tout traitement médical. Le 2 juillet, il accepta de recevoir le sacrement des malades. Il eut encore le 8, le réconfort de la visite de Mgr de Courrèges, évêque de Montauban. Puis ce fut la lente agonie, jusqu au 14 juillet, jour de sa mort.
Le 16 juillet, les obsèques, présidées par Mgr de Courrèges, furent concélébrées par le P. Dewonck, ancien vicaire général de Mgr Larrart à Kweiyang, le chanoine Laxague, vicaire général de Bayonne, deux autres chanoines du même diocèse et le curé de la paroisse natale de Mgr Larrart. De cette même paroisse était venue avec la famille de Monseigneur, une délégation d’hommes dont M. le Maire. Deux Frères de Ploërmel, M. le Curé et son vicaire étaient venus de Ciboure. Trois confrères des Missions Etrangères, les PP. Dezest, Etcheverry et Albandos s’étaient joints à la communauté du sanatorium de Montbeton. Quelques jours plus tard, le 26 juillet, un service solennel à la mémoire de Mgr Larrart fut célébré dans son pays natal en présence de Mgr Vincent, évêque de Bayonne, de Mgr Urtasun, évêque d’Avignon et de Mgr Derouineau, qui fut sacré en Chine par Mgr Larrart.
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Depuis qu’il avait été expulsé de Chine, le cœur de Mgr Larrart était resté en Chine près de ses chrétiens et de ses prêtres chinois, qu’il avait laissés dans la persécution. Comprenant qu’il ne pourrait plus les revoir en ce monde, il ne cessait de penser à eux et de prier pour eux. Dans une de ses dernières lettres à un de ses missionnaires, il exprimait sa nostalgie et son espérance ; « Restons unis comme si nous étions encore tous à Kweiyang. Oh ! je vous assure que je regrette les divers postes de notre si bonne mission. J’y suis chaque jour, je la vois chaque jour... Mais dans quel état au matériel et surtout au spirituel ? Voilà à quoi je pense chaque jour... Prions pour eux ; prions aussi les martyrs de là-bas, de nous aider à les revoir. Quel beau jour ce sera pour nous tous ! ».
Que le cher disparu soit un intercesseur pour nous et surtout pour l’Eglise de Chine !
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Références
[3016] LARRART Jean (1884-1966)
Références bio-bibliographiques
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