Basile LANTER1885 - 1965
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 3117
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Biographie
[3117] Basile, Augustin LANTER naquit le 9 août 1885, à Hommartingen, près de Sarrebourg, diocèse de Metz, alors province de Lorraine (Allemagne), actuellement département de la Moselle. Ses parents avaient une exploitation agricole, et élevèrent quatre garçons et deux filles.
Après ses études primaires à Hommartingen, Basile fut envoyé, en 1897, au collège de Bitche. Neuf années d'études secondaires selon le programme allemand le conduisirent jusqu'au baccalauréat qu'il passa avec succès. Il se dirigea alors vers le grand séminaire de Metz, où il fit deux années de philosophie et reçut la tonsure le 19 juillet 1908. Voulant être missionnaire, il avait d'abord songé à entrer dans la Congrégation du Verbe Divin, mais M.Eugène Wassereau, son condisciple à Bitche et à Metz, le persuada d'opter pour la Société des Missions Etrangères.
Le 18 septembre 1908, il arriva au séminaire de Bièvres. Minoré le 26 septembre 1909, sous-diacre le 19 décembre 1910, diacre le 11 mars 1911, ordonné prêtre le 23 septembre 1911, il reçut sa destination pour le vicariat apostolique du Haut-Tonkin (Hung-Hoa) qu'il partit rejoindre le 29 novembre 1911.
Au début de l'année 1912, il commença l'étude de la langue viêtnamiienne à l'évêché de Hung-Hoa; puis, pour sa formation missionnaire. Mgr. Ramond l'envoya chez M.Chatellier, à Yên-Tap, sur les bords du Fleuve Rouge, à quelque 30 kms de Hung-Hoa; il y resta de juillet 1913 à septembre 1915. A l'école de M.Chatellier, homme de grande expérience et maitre en langue, M.Lanter apprit beaucoup, et par son travail régulier, il posséda bien la langue viêtnamienne et la parla avec aisance.
En septembre 1915, M.Lanter étant aux yeux de la loi sujet allemand, fut éloigné du Tonkin. Il se rendit dans le vicariat apostolique de Phnom-Penh, et devint professeur au petit séminaire de Culaogien, dans une île du Mékong. Il y resta jusqu'en mai 1918, puis il rentra dans sa mission. De retour à Hung-Hoa, Mgr. Ramond l'envoya à Nghia-Lô, en pays thô, prendre soin de deux ou trois chrétientés viêtnamiennes, en remplacement de M.Cornille mobilisé. Ce dernier revenu de France, reprit son poste de Ban-Heo, en août 1919 et M. Lanter revint à l'évêché.
Mgr. Ramond l'envoya alors à Phi-Dinh, dans la moyenne région où il passa vingt quatre ans, de septembre 1919 à mai 1943. Ce district s'étendait sur la rive gauche du Fleuve Rouge, à environ 30 kms en amont de Phu-Tho, chef-lieu de la province, et à la même distance de Yên-Bai. M. Lanter organisa son district. Il établit résidence et église sur une colline, dominant le Fleuve Rouge. Ses chrétiens étant pauvres, il améliora les rizières, défricha la forêt, lança la culture de la canne à sucre, et trouva des débouchés pour vendre ses produits.
Il donna beaucoup de son temps à la visite des malades, à l'oeuvre des nouveaux chrétiens et à la formation spirituelle de ceux qui vivaient dans une douzaine de petites chrétientés dispersées en forêt, et d'accès difficile. Fidèle à ses deux tournées annuelles pour l'administration de son district, il restait trois semaines ici, huit à dix jours ailleurs. Il fonda de nouvelles chrétientés dans la province de Phu-Tho. Le mercredi 23 septembre 1936, il fêta ses noces d'argent sacerdotales, dans sa résidence de Phi-Dinh.
En mai 1943, M.Lanter quitta Phi-Dinh, s'installa à Vât-Lam où il retrouva M.Jacques, confrère lorrain qui y vivait retiré. Il prit en charge la concession de la mission et le district de Phu-Yên-Binh, succédant ainsi à M. Pierre Gautier nommé à Yên-Bai. Cette concession de peuplement" fondée par M.Girod, comptait environ quatre mille chrétiens. Lors des évènements du 9 mars 1945, et de septembre de la même année,MM.Jacques et Lanter furent laissés à Vât-Lam. En février 1946, M. Lanter démissionna de ses fonctions de curé et de gérant de la concession, et il partit résider dans la paroisse voisine de Lang-Kha. Il resta huit ans dans cette zône "viêtminh", coupé de son évêque et des autres confrères, et sans conctact direct avec l'extérieur. Les autorités en place lui permirent de visiter ses chrétientés les plus rapprochées. Il assista M.Jacques qui décéda le 2 février 1948, à Phu-Yên-Binh. Plus tard, il fut réduit à vendre ses objets personnels pour améliorer son ordinaire.
En 1953, interdiction fut faite à M. Lanter de quitter l'enclos de la résidence. Traduit devant une assemblée populaire, il fut ligoté, jeté à genoux, et giflé. Un soir de mars 1954, il fut arrêté et on lui signifia sa sentence: "comme ennemi du peuple, opposé aux doctrines du parti, inutile à la communauté", il fut condamné à l'expulsion avec départ immédiat. Marchant de nuit, à travers la montagne et la forêt, au bout de 17 jours, ses gardes le laissèrent aux abords de Vinh-Yên dans une famille catholique qui l'accueillit avec effusion. C'était le vendredi saint 16 avril 1954. Le lendemain matin, on lui indiqua la direction du poste militaire le plus proche.où il se fit reconnaitre des soldats qui, dans l'après-midi, le conduisirent à la communauté missionnaire de Hanoï. Quelques jours plus tard, il se rendit à SonTây rencontrer Mgr. Mazé et ses confrères.
Homme au caractère énergique et discipliné, d'un naturel plutôt réservé, bien au courant des coutumes du pays, M. Lanter ne s'en laissait pas compter. Admistrateur très entendu, il réalisa un type de missionnaire broussard bien adapté à un ministère laborieux. Soucieux de son indépendance, mais de relations agréables, il aimait la gaieté des fins de retraite; savait régaler ses confrères d'une aubade de violon. Aimant la liturgie, il remplissait avec dignité les fonctions de cérémoniaire.
Le 27 mai 1954, il quitta Hanoï par avion et arriva à Paris le 31 mai 1954. Après un temps passé en famille, il sollicita un ministère, dans le diocèse de Metz. Le 1er novembre 1954, il fut nommé vicaire à Sarralbe, puis curé-administrateur à Voyer, le 1 janvier 1955.
Le 5 juin 1965, il tomba à l'autel, et fut transporté à l'hôpital d'Abreschwiller. Une crise d'urémie se déclara. Il reçut le sacrement des malades, et le 16 juin 1965, après deux jours de coma, il s'éteignit sans souffrance. Ses obsèques eurent lieu le surlendemain dans son église de Voyer. Il repose dans le caveau réservé aux prêtres de la paroisse, dans le cimetière de Voyer.
Nécrologie
Basile LANTER
1885 - 1965
missionnaire à Hung-Hoa
Basile Auguste LANTER est né le 9 août 1885 à Hommartingen, près de Sarrebourg, dans la partie de la Lorraine annexée par l’Allemagne à la fin de la guerre de 1870, et qui, aujourd’hui, forme le département de la Moselle. Ses parents, de solides chrétiens, avaient une exploitation agricole et élevèrent quatre garçons et deux filles. A l’âge de 12 ans, ils envoyèrent le jeune Basile au collège de Bitche. Neuf années d’études secondaires selon le programme allemand le conduisirent jusqu’au baccalauréat qu’il passa avec succès : c’était un élève intelligent et un travailleur assidu. Il entra alors au grand séminaire de Metz, suivit les deux années du cours de philosophie et reçut la tonsure.
C’est alors qu’il demanda son admission au Séminaire des Missions Etrangères. Il avait d’abord songé à entrer dans la Congrégation du Verbe Divin. Mais il retrouva à Metz un condisciple de Bitche, Eugène Wassereau, qui songeait à se faire missionnaire. Originaire de Mittelbronn (Moselle), la paroisse du Bienheureux Augustin Schœffler, celui-ci avait opté pour les Missions Etrangères de Paris. Il conseilla à Basile Lanter de venir avec lui. Basile avait une tête assez dure, et ce fut une des rares occasions, dit le P. Wassereau, où il renonça à son idée pour adopter celle d’un autre. Sa demande d’admission témoigne d’un caractère formé : il a « le désir intime et la volonté bien arrêtée de devenir missionnaire », et, comme il vient de recevoir la tonsure, « c’est le moment favorable de porter une décision définitive pour l’avenir. Je partirai sans trouble ni regret, puisque je vois que mes parents ne s’opposent à mon dessein que faiblement et plutôt pour la forme. Je crois qu’intérieurement ils sont heureux et ne mettent qu’une condition, c’est que je devienne un bon et parfait missionnaire ».
Après un an à Bel-Air et deux à la rue du Bac, l’abbé Lanter fut ordonné prêtre le 12 septembre 1911, reçut sa destination pour la Mission du Haut-Tonkin, plus tard vicariat apostolique de Hung Hoa. et s’embarqua le 18 novembre.
Dès le début de l’année 1912, il étudia la langue à l’évêché de Hung-Hoa et, au bout d’un an, Mgr Ramond l’envoya à Yen-Tap achever sa formation et faire ses débuts missionnaires auprès du bon P. Chatellier ; il y resta deux ans, de juillet 1913 à septembre 1915. Yen-Tap, sur les bords du Fleuve Rouge, à quelque 30 km de Hung-Hoa, avait été une des résidences du Bx Néron. C’était alors un district très important de 7.000 chrétiens, qui possédait les chrétientés les plus anciennes et les plus nombreuses du vicariat. Le chef du district était un missionnaire de grande expérience, de bon jugement, très surnaturel, auquel Mgr Ramond confiait volontiers la formation des jeunes missionnaires. Maître en langue, il exigeait des débutants un travail régulier et suivi, avec exercices de lecture, de conversation, avec aussi l’étude du dictionnaire : le P. Lanter apprit beaucoup à son école, il posséda bien la langue vietnamienne, la parla avec aisance, malgré un reste d’accent lorrain ; et, plus tard, il fut un catéchiste apprécié, réussissant très bien avec les enfants. Le caractère du P. Lanter, énergique et discipliné, ne craignant pas sa peine, s’accommoda bien avec son éducateur dont il appréciait la droiture, la charité envers les pauvres, ses chrétiens, et qui, comme lui, était peu soucieux de confort. L’influence du P. Chatellier marqua le jeune missionnaire, qui parlait souvent de lui avec reconnaissance et admiration. Il se fit certainement, durant ces deux années d’apprentissage au ministère, une certaine image du bon et parfait missionnaire. »
Ainsi formé, le P. Lanter est prêt à prendre des responsabilités personnelles. Mais, en septembre 1915, depuis près d’un an, l’Allemagne et la France sont en guerre. Le Tonkin est sous protectorat français et le P. Lanter est, aux yeux de la loi, sujet allemand. Par mesure administrative, il fut éloigné du Tonkin, se rendit au Cambodge ; le vicaire apostolique de Phnom-Penh le plaça au petit séminaire de Culaogien, dans une île du Mékong ; il y rendit quelques services, jusqu’en mai 1918, où il fut autorisé à retourner dans sa Mission.
La guerre n’était pas terminée, plusieurs missionnaires du vicariat étaient encore mobilisés en France. Parmi eux, le P. Cornille qui avait la charge à Nghia-Lô, en plein pays thô, de deux ou trois petites chrétientés de Vietnamiens. Mgr Ramond envoya le P. Lanter prendre soin de ces chrétientés. Ce ministère dura peu : le P. Cornille, revenu de France, reprit son poste de Ban-Heo en août 1919 et le P. Lanter revint à l’évêché.
Après cet intérim en pays thaï va commencer la vraie vie missionnaire du P. Lanter. Mgr Ramond l’envoie à Phi-Dinh, dans la moyenne région, où il travaillera 24 années sans interruption, de septembre 1919 à mai 1943. S’il ne fonda pas le poste — le P. Chatellier y avait ouvert plusieurs stations —, c’est le P. Lanter, son successeur, qui l’organisa. Le district de Phi-Dinh s’étend sur la rive gauche du Fleuve Rouge, à environ 30 km en amont de Phu¬Tho, chef-lieu de la province, et à la même distance de Yen-Bai. C’est une région forestière, toute en collines, avec des rizières en bordure du fleuve. Les chrétiens sont, pour la plupart, des émigrants venus du delta, établis par petits groupes sur les collines, ou au milieu et en lisière de la forêt ; les plus nombreux cultivent la rizière dans les terres basses ; ils sont en majorité pauvres. Le missionnaire organisa le poste, établit résidence et église, constructions en bois couvertes de paillotes. Il améliora les rizières de ses chrétiens ; il défricha pour eux des coins de forêt, lança la culture de la canne à sucre ; il stockait leur mélasse dans d’énormes cuves, trouvait des débouchés pour vendre leur produit, aidait ses gens au moment toujours difficile de l’impôt. C’était un administrateur très entendu, par tempérament et par nécessité, à cause de ses grandes responsabilités financières. Une stricte gestion lui permettait en temps ordinaire de joindre les deux bouts.
Mais les soucis du ministère l’emportaient sur les soucis matériels. Il passait le meilleur de son temps à l’administration spirituelle de ses chrétientés ; il s’agissait d’instruire des néophytes, les pénétrer de l’esprit chrétien, les former aux habitudes religieuses des communautés vietnamiennes de l’époque. Il accomplissait les deux tournées annuelles, partant à pied avec un ou deux porteurs et tout ce qu’il fallait pour une absence d’assez longue durée, restant trois semaines ici, de huit à dix jours ailleurs. Dans un pays assez malsain, les malades sont nombreux et les visites nécessitent sur ce vaste district des parcours de 30 à 40 km parfois : le P. Lanter fut un marcheur infatigable et devint un cycliste intrépide lorsque les conditions des routes lui permirent d’utiliser le vélo. La lenteur des progrès spirituels mit à l’épreuve la patience de cet homme calme, mais, chaque année ou presque, ses efforts étaient récompensés par de nombreux baptêmes d’adultes.
Le P. Lanter ne quitta guère sa résidence, une grande paillote de style local, au sommet de la colline et dominant le Fleuve Rouge. Il ne va pas souvent à Chapa, à la maison de repos aménagée pour les missionnaires, au-delà de Lao-Kay : il préfère son indépendance. Mais il aimait recevoir, et parfois une bande de confrères venait le visiter chez lui, à son « Mélasse Bar » comme disait le P. Pierchon ; il arrivait alors que le P. Lanter, assez flegmatique d’ordinaire, les régalât aussi d’une aubade de violon. Il aimait venir à la retraite annuelle à Hung-Hoa. Souvent, à la cérémonie de clôture, et en d’autres occasions, il faisait fonction de cérémoniaire : il était calé en liturgie et sa belle stature lui donnait beaucoup de dignité. Affable avec les confrères, il aimait la gaieté des fins de retraite, telles qu’on les aimait à cette époque, se laissait plaisanter, contait ses histoires, parfois déjà connues, prenait part aux discussions et son rire, quelque peu chevalin, témoignait qu’il n’était pas d’accord. Bref, le P. Lanter, d’un naturel plutôt froid, assez dur, et pas très expansif, était de relations agréables.
C’est à Phi-Dinh que le 23 septembre 1936 il fêta ses noces d’argent sacerdotales. Il était de constitution robuste, en parfaite santé, menant une vie sobre, doué d’un appétit soutenu, fait à toute nourriture pourvu que le riz ne lui fît pas défaut. Bien au courant des coutumes vietnamiennes, il ne s’en laissait pas conter ; il était énergique, optimiste et pas facile à démonter. Il réalisa un type de missionnaire broussard, bien adapté à un ministère laborieux, dans un pays difficile.
Après 24 ans à Phi-Dinh, en mai 1943, Mgr Ramond envoya le P. Lanter à Phu-Yen-Binh remplacer le curé et gérant de la concession, le P. Gautier, nomme a Yen-Bai. Sur la rive droite du Sông Chay, à 30-35 km de Yen-Bai et autant de Tuyen-Quang, la mission de Hung-Hoa avait établi, dès le début du siècle, un village de peuplement. Des familles chrétiennes pauvres étaient montées du delta tonkinois pour s’établir sur des terres neuves, qu’il fallut mettre en état. L’initiative et la poursuite de l’entreprise en revenaient au P. Girod ; la concession prospéra, s’agrandit et, à l’époque où le P. Lanter y arriva, « la région était presque entièrement défrichée, saine et agréable, sillonnée de chemins propres et accessibles ». Près de 4.000 chrétiens vivaient sur la concession. Le P. Lanter s’installa à Vat-Lam, paroisse principale, où il retrouve le P. Jacques, un ami lorrain, qui y vivait retiré. Deux ou trois prêtres vietnamiens étaient curés dans les paroisses environnantes. Pour un administrateur aussi ponctuel que le P. Lanter et un « broussard » rompu aux tâches du ministère, Vat-Lam et la concession ne présentaient pas de réelles difficultés.
C’était la guerre ; l’Indochine était coupée de la métropole, la situation restait précaire, car les Japonais occupaient, quoique discrètement, l’ensemble du territoire. Mais, le 9 mars 1945, l’armée japonaise abattit d’un seul coup le régime français. Les deux Pères ne furent pas inquiétés ; ils purent rester sur place, le P. Lanter poursuivit son travail. Mais les événements politiques se succédèrent en cette fin d’année 1945 : après la capitulation japonaise, Ho chi Minh proclame en septembre l’indépendance du Vietnam et les Vietminh communistes prennent le contrôle de l’ensemble des territoires qui constituent la Mission de Hung-Hoa. Tandis que les missionnaires français sont concentrés en résidence forcée à Hanoï, le P. Lanter et le P. Jacques, fait extraordinaire, furent laissés à Vat-Lam. Le P. Lanter démissionna de ses fonctions de curé et de gérant de la concession, en février 1946, et devint prêtre habitué, résidant dans une paroisse voisine, à Lang-Kha.
Il restera 8 ans en pleine zone vietminh. Après le déclenchement des hostilités entre la France et Ho chi Minh. en décembre 1946, jamais les troupes de l’Union Française ne reprendront vraiment le contrôle de cette zone de terres basses, que constituent les bassins du fleuve Rouge, de la rivière Claire et de la rivière Noire, et qui contiennent la presque totalité des paroisses de la Mission : seule la province de Sontay pourra être dégagée ou à peu près. Et Sontay deviendra le nouveau centre de la Mission. Les PP. Lanter et Jacques et leurs confrères vietnamiens sont donc isolés de leur évêque, Mgr Mazé. De rares nouvelles traversent le « rideau de bambou ». On sait que le P. Lanter jouit d’un régime de liberté assez rare, qu’il peut visiter ses chrétientés les plus rapprochées, qu’il est en bonne santé. Mgr Mazé apprendra ainsi la mort du P. Jacques, le 2 février 1948 ; âgé et très anémié, il s’était éteint doucement, assisté de son confrère. Plus tard, on saura qu’à la suite des nombreuses réquisitions de riz opérées par le gouvernement vietminh, le P. Lanter fut réduit, pour améliorer son ordinaire devenu insuffisant, à vendre ses objets personnels.
Puis les choses se gâtèrent en 1953. Le P. Dinh, curé de Vat-Lam fut arrêté, condamné par un tribunal populaire aux travaux forcés à perpétuité. Les autres prêtres de la paroisse furent incarcérés. Au P. Lanter interdiction fut faite de quitter l’enclos de la résidence ; les mesures de rigueur s’accentuèrent. Traduit à son tour devant une assemblée populaire, il fut ligoté, jeté à genoux et giflé. Et, un soir de mars 1954, il fut arrêté : on lui signifia sur place sa sentence : « Comme ennemi du peuple, opposé aux doctrines du parti, inutile à la communauté ». il était condamné à être expulsé ; le départ devait être immédiat. Le temps de rassembler dans un sac vêtements, bréviaire et quelques objets indispensables et, sous bonne escorte, le P. Lanter prit la route de la liberté. A travers la montagne et la forêt, marchant la nuit, se tenant le jour hors de la vue des avions français, on arriva au bout de 17 jours aux abords de Vinh-Yên. Les gardes laissèrent le P. Lanter dans une maison et firent demi-tour. C’était celle d’une famille catholique qui accueillit le Père avec effusion, le garda pour la nuit. On était le Vendredi Saint, 16 avril 1954. Le lendemain matin, ces braves gens lui indiquèrent la direction du poste militaire français le plus proche ; sans difficulté le Père se fit reconnaître des soldats et, grâce à leur obligeance coutumière, dès l’après-midi du Samedi Saint, il franchissait le seuil de la communauté missionnaire de Hanoï. Il était en bonne santé, fatigué, certes, et un peu perdu : depuis la mort du P. Jacques il n’avait rencontré aucun confrère des Missions Etrangères et, depuis huit ans, il avait perdu contact avec les événements de sa mission, du Vietnam et d’ailleurs.
Quelques jours plus tard, Mgr Mazé et les Pères de la Mission de Hung-Hoa présents à Sontay eurent l’heureuse surprise de voir arriver le P. Lanter : on l’interrogea naturellement sur son séjour en zone vietminh, les conditions de vie de l’autre côté, la situation des chrétientés. Il en parla, sans longs détails et surtout sans insister sur la façon dont il avait été traité.
Pour la première fois depuis son départ en 1911, le P. Lanter rentra dans sa Lorraine natale, retrouva les siens, en particulier son frère, le Docteur Lanter, médecin à Hochfelden, son neveu, l’Abbé Auguste Lanter, curé de Boucheporn. Il sollicita un ministère dans le diocèse de Metz et fut d’abord vicaire à Sarralbe, le 1er novembre 1954, puis curé administrateur à Voyer, le 1er janvier 1955. Assidu aux réunions des prêtres de son cours et aux conférences sacerdotales du doyenné de Lorquin auquel sa paroisse appartenait, il revenait souvent sur les problèmes des missions, mettant en lumière en particulier l’insuffisance des moyens financiers mis à la disposition des ouvriers apostoliques ; il écrivit même à l’évêché dans ce sens.
Toujours bon confrère, serviable, aimé et respecté de ses paroissiens, il garda toute l’activité que ses forces lui permettaient. Mais il atteignait les 80 ans et, les dernières années de sa vie, il s’affaiblit rapidement : il souffrait d’artériosclérose et était atteint de tremblements des mains et des bras. Monseigneur l’évêque de Metz lui avait proposé la retraite en 1964, mais il a voulu tenir jusqu’au bout.
Un matin, le 5 juin 1965 — c’était le premier vendredi du mois —, il tomba à l’autel, les paroissiens le transportèrent à la sacristie, puis à l’hôpital d’Abreschwiller, à quelques kilomètres de là. Une crise d’urémie se déclara. Voyant que son état s’aggravait, l’Abbé Muller, un de ses amis du grand séminaire de Metz, qui était retiré au même hôpital, lui demanda s’il était bien en règle avec le Bon Dieu : « Oh ! oui », répondit-il simplement. Il reçut les sacrements des malades, avec la piété de toute sa vie et, le 15 juin, après deux jours de coma, il s’éteignit sans souffrance.
Les obsèques eurent lieu le surlendemain dans son église de Voyer. Famille, amis, paroissiens rendirent un dernier hommage au P. Lanter. Mgr l’évêque de Metz s’était fait représenter par Mgr Caré, vicaire général. M. le Curé-Doyen de Lorquin, à l’église, et M. le Maire de Voyer, au cimetière prononcèrent un bref éloge de ce vrai missionnaire, de ce prêtre pieux qui, après 43 ans d’apostolat au Vietnam. avait été, par les événements, ramené au pays lorrain. Le P. Wassereau, l’ami de Bitche et de Metz, missionnaire au Japon, actuellement aumônier de la maison de retraite des Sœurs de Saint-Jean de Bassel (diocèse de Metz), les PP. Desroches et Massiot, de l’école missionnaire Augustin-Schœffler, à Ménil-Flin. représentaient la Société des Missions Etrangères.
Le corps du P Lanter repose dans le caveau réservé aux prêtres de la paroisse, dans le cimetière de Voyer, au cœur de la terre lorraine qu’il avait cru quitter pour ne jamais la revoir.
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Références
[3117] LANTER Basile (1885-1965)
Références bibliographiques
AME 1912 p. 43. CR 1911 p. 271. 1915 p. 96. 1922 p. 95. 1923 p. 110. 1924 p. 85. 1926 p. 104. 1927 p. 100. 1929 p. 141. 1930 p. 162. 1931 p. 154. 1932 p. 186. 1933 p. 139. 1934 p. 133. 1935 p. 130. 1936 p. 128. 1937 p. 132. 1938 p. 134. 1947 p. 67. 1948 p. 81. 82. 1949 p. 89. 189. 209. 1951 p. 40. 42. 1952 p. 25. 1953 p. 30. 33. 1954 p. 35. 1965 p. 150. BME 1929 p. 501. 1931 p. 455. 1933 p. 700. 1935 p. 518. 1936 p. 828. 1938 p. 345. 1939 p. 278. 1941 p. 190. 267. 1948 p. 91. 1949 p. 72. 114. 596. 1951 p. 305. 426. 490. 761. 1952 p. 408. 409. 1953 p. 40. 482. 706. 1954 p. 266. 568. 569. 570. 575. 679. 703. 903. EPI 1965 p. 710. 1968 p. 162. ECM 46P27. MDA 1949 p. 158. 1951 p. 126. EC1 N° 529. 557. 559. 755.