Jean RIGAL1887 - 1979
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 3137
- Bibliographie : Consulter le catalogue
Identité
Naissance
Décès
Autres informations
Missions
- Pays :
- Chine
- Région missionnaire :
- 1913 - 1925
- 1928 - 1940
- 1947 - 1951 (Hong Kong)
Biographie
[3137] RIGAL Alphonse, Jean, Joseph, est né le 27 janvier 1887 à Roinville, diocèse de Chartres (Eure et Loir). Il fit ses études primaires chez les Frères de St Viateur de Capdenac et ses études secondaires à Villefranche de Rouergue. Il entra au Séminaire des Missions Étrangères à Bièvres le 3 octobre 1906 et étudia la philosophie pendant deux ans. Il fit son service militaire en Algérie de 1908 à 1910, et entra au Séminaire de la rue du Bac pour sa théologie. Il fut ordonné prêtre le 29 septembre 1912. Il partit le 27 novembre 1912 pour la Mission du Kwang-si, en Chine, où il arriva au début de 1913.
Le mot de Kwang-si" veut dire Kwang de l'ouest, par opposition à Canton : Kwang de l'est (Kwang-dong). À l'arrivée du Père Rigal, la piraterie sévissait à l'état endémique. Nombreuses étaient les luttes entre "seigneurs de la guerre", des généraux à la tête des armées provinciales. Les missionnaires risquaient toujours de se faire dévaliser par brigands et soldats qui confisquaient leurs habits, bagages ou argent. La mission était vraiment difficile à cette époque dans le Kwang-si.
Accueilli à Nanning par Mgr Ducoeur, le Père Rigal fut envoyé à Yunfu, dans le nord-est de la Mission pour y apprendre le chinois. Vers Pâques de l'année 1913, il devint curé de Yunfu, mais dix-huit mois plus tard, la grande guerre de 1914 éclata. En 1915, sa démobilisation lui permit de vaquer à son ministère. Il n'avait pas de catéchiste. Alors il forma son serviteur aux fonctions de catéchiste et eut en lui une aide précieuse. Il alla se fixer chez les Yao à Tou-yang-tsao. Il résida là dans une misérable masure jusqu'en 1920, quand il dut revenir à Yunfu, en raison des pirates qui donnaient libre cours à leurs dépradations. Le jour de Noël 1917, son école Yao fut incendiée. Il dut la reconstruire, et il avait beaucoup de projets de développement de la Mission. Mais la piraterie et la guerre civile arrêtèrent tout.
Le 10 mai 1921, le village de Po-sin-tsao, chez les Yao, fut incendié, le frère et la belle-soeur du catéchiste tués et mutilés. Le Père Rigal, lui, échappa de justesse aux balles des pirates.
En novembre, ce fut le tour de Tou-yang-tsao. Des bandes de pirates se succédèrent. Le 25 mai 1922, les brigands vinrent s'établir dans la chapelle et la résidence de la Mission. Ils pillèrent et détruirent tout, jusqu'en 1923. Dans la ville de Yunfu, la situation n'était pas meilleure. Le 16 août 1921, la ville fut occupée par les soldats du Kang-si. Elle allait être pillée quand le Père Rigal réussit à la sauver.
Vers la fin de 1923, le Père voulut aller visiter ses chrétiens Yao. Le mandarin lui donna une escorte, au cas où surgiraient des brigands. Il ne put que s'attrister devant l'étendue des dégâts : en plus des pillages, c'était la famine qui sévissait dans le pays. Les chrétiens furent très heureux de la visite du Père, qui, pendant quelque temps, put donner des baptêmes d'enfants, confesser les adultes, visiter les malades. Il revint à Yunfu. On comprend qu'avec ce genre de vie, la santé du Père se détériora. Se sentant très fatigué, il rentra en France en octobre 1925 pour se soigner. Il séjourna en France jusqu'en novembre 1928. Puis, de retour en Chine, il revint à Yunfu pour continuer son ministère. Mais les communistes avaient répandu leur doctrine dans le peuple, l'enseignement officiel dans les écoles avait produit des fruits néfastes. Les soldats du Hunnan vinrent habiter chez lui.
En 1933, après la cession de ce poste aux missionnaires américains de Maryknoll, le Père Rigal fut nommé au poste de Nongniu où il resta deux ans. Il eut la charge du district de Set-sen en 1935, où il eut la consolation de baptiser 51 catéchumènes.
En 1940, en rentrant de la retraite annuelle, il eut un accident de cheval. Il fit une chute qui le blessa grièvement. Il fut obligé d'aller à l'hôpital de Hanoi, mais le docteur réalisa vite que son état demandait un retour en France. C'est le temps de la guerre et de l'occupation allemande, et il va se reposer chez sa soeur à Capdenac jusqu'en 1947.
Il demande à repartir en Mission, mais on l'affecte à notre maison de Nazareth à Hongkong. Là, il accueille les missionnaires et dirige la mission avec une grande régularité. Quand le Père Bioteau, procureur de Hongkong, part pour la France, le Père Rigal fut également chargé des commandes de la librairie et des expéditions. Puis, en 1951, il rentre en France définitivement.
En France.
Il alla résider chez sa soeur à Capdenac, et en 1964, il décida de se retirer à Montbeton. Pendant quelque temps, il alla souvent chez sa soeur ou visiter des parents, mais comme l'état de la plaie de sa jambe ne faisait que s'aggraver, il dut se résigner à une vie de silence et de prière, ce qui lui permit d'offrir sa vie pour les Missions. Il mourut le 5 décembre 1979.
Le Père Rigal fut un prêtre à la foi simple et à l'esprit très évangélique. Comme il était un causeur infatigable, il excellait sur le plan des relations avec les Chinois. Il parlait avec aisance le mandarin spécial du Kwang-si. Devenu très populaire, il fit beaucoup de bien aux chrétiens et il aimait à contacter les païens qui étaient heureux de recevoir ses conseils. Il eut une grande dévotion à la Vierge Maire et aimait à se rendre à Lourdes de temps en temps. Nul doute que maintenant du haut du Ciel il implore la bénédiction de Dieu sur sa chère Mission du Kwang-si.
Nécrologie
Le Père Alphonse RIGAL
Missionnaire du Kwang-Si (Chine)
1887 - 1979
RIGAL Jean, Joseph, Alphonse
Né le 27 janvier 1887 à Roinville (Eure-et-Loir)
Entré aux Missions Etrangères le 3 octobre 1906
Prêtre le 29 septembre 1912
Parti pour le Kwang-Si (Chine du Sud) le 27 novembre 1912
En mission au Kwang-Si de 1912 à 1939
En France de 1940 à 1948 (guerre)
A Nazareth (Hongkong) de 1948 à 1951
En France de 1951 à 1979
Décédé le 5 décembre 1979 à Montbeton
Enfance et jeunesse
Jean, Joseph, Alphonse RIGAL naquit à Roinville en Eure-et-Loir, au diocèse de Chartres, le 27 janvier 1887. Son père était employé des chemins de fer. Les aléas du métier l’avaient amené avec sa famille en Eure-et-Loir. C’est ce qui explique que notre futur missionnaire est né dans cette localité. Mais la vraie patrie du P. Rigal, c’est Capdenac et il y était très attaché. Grâce à des amis du P. Rigal, nous avons pu obtenir quelques renseignements sur sa famille. Elle devait compter six enfants, trois garçons et trois filles. C’est vers 1895 qu’ils arrivèrent à Capdenac alors en plein développement. Capdenac était une plaque tournante où se rejoignaient cinq ou six lignes de chemin de fer. Ce qui explique que vinrent nombreux les employés du chemin de fer et que la ville se développa rapidement et considérablement. Pour des nombreux enfants en âge scolaire, les Clercs de Saint-Viateur ouvrirent une grande et belle école et c’est dans cet établissement qu’Alphonse Rigal fit ses études primaires. C’est à cette époque qu’il lia une amitié profonde avec un camarade qui comme lui venait d’arriver à Capdenac avec sa famille. A la fin de ses études primaires ce jeune ami partit pour le petit séminaire Saint-Pierre à Rodez. Alphonse Rigal aurait bien voulu le suivre. Mais sa famille nombreuse, avec des ressources limitées, ne pouvait assumer cette charge. C’est alors que le Curé de Capdenac obtint de l’évêché, en faveur du jeune Alphonse Rigal, une bourse pour le petit séminaire de Graves à Villefranche-de-Rouergue. Là, Alphonse Rigal fit ses études avec quelques difficultés, en particulier au point de vue santé.
Quant à sa vocation, il donne lui-même quelques indications dans ses « Notes-Souvenirs » : « L’idée des Missions me travaillait depuis de longues années. A la fin de la rhétorique, j’en fis part à mon directeur, M. le chanoine Flaujac, qui m’y encouragea chaleureusement. Je fis donc ma demande d’admission aux Missions Etrangères. La réponse ne se fit pas attendre. » Il faut dire qu’à cette époque, nombreux étaient les séminaristes de Rodez à venir aux Missions Etrangères. Dans le même cours qu’Alphonse Rigal se trouvait un autre séminariste, Albert Falière, qui fit lui aussi sa demande d’entrée cette année-là. C’était celui qui devait devenir plus tard Mgr Falière, archevêque de Mandalay en Birmanie.
Aux Missions Etrangères
C’est le 3 octobre 1906 qu’Alphonse Rigal entra à Bièvres pour commencer sa préparation au sacerdoce et à la vie missionnaire. Les études ecclésiastiques ne duraient alors que quatre ans. Alphonse Rigal fit donc deux années d’études à Bièvres, puis accomplit son service militaire en Algérie pendant deux ans (1908-1910). Rentré à la Rue du Bac en 1910, il termina ses études et fut ordonné prêtre le 29 septembre 1912. C’est dans ces jours-là aussi qu’il reçut sa destination pour le Kwang-Si, en Chine du Sud, non loin de la province de Canton. Le mot « Kwang-Si » veut dire Kwang de l’Ouest par opposition à Canton = Kwang-Dông, Kwang de l’Est. Un mot sur cette province du Kwang-Si aidera à mieux situer le champ d’apostolat du P. Rigal. C’est dans cette province qu’avait subi le martyre le bienheureux Chapdelaine en 1856. Erigée en Préfecture apostolique en 1875, cette province était, même en 1912, l’une des plus difficiles parmi les Missions d’Extrême-Orient confiées à la Société des Missions Etrangères de Paris. En 1889, le P. Launay écrivait dans la Notice consacrée au Kwang-Si dans son atlas des Missions : « De rares succès, de nombreux et difficiles combats, des désastres répétés, tel est le bilan de la Mission du Kwang-Si depuis sa fondation. » A l’arrivée du P. Rigal, la situation était un peu meilleure, mais loin d’être facile ! La piraterie y sévissait à l’état endémique, sans parler des luttes entre ceux que l’on appelait « les Seigneurs de la guerre », c’est-à-dire des généraux à la tête des armées provinciales. Dans leurs déplacements, les missionnaires risquaient fort de rencontrer ou brigands ou soldats (ce qui ne valait pas mieux) et de se faire « soulager » de leurs habits, de leurs bagages et de leur argent. Pareille mésaventure est arrivée à plus d’un ! Ce bref aperçu de la situation dans cette région nous donne une idée du « milieu » dans lequel va s’exercer l’apostolat du P. Rigal.
A cette époque, les jeunes missionnaires n’avaient que quinze jours de vacances pour rendre visite à leurs familles et faire leurs adieux à leurs parents et amis. Après quoi ils rentraient au séminaire de Paris pour préparer leur départ.
En mission
Parti de France le 27 novembre 1912, le P. Rigal arriva dans sa mission au début de l913. Accueilli à Nanning, centre de la province et de la Mission, par Mgr Ducœur et les confrères, il fut envoyé quelques temps après à Yunfu dans le nord-est de la Mission pour y étudier la langue. Evidemment il ne pouvait d’emblée tenir ce poste. Le P. Tessier, en résidence à Kweilin, s’occupait aussi du poste de Yunfu en attendant que le P. Rigal puisse en prendre la direction. Quant au P. Rigal, il se livra avec ardeur à l’étude du chinois. Dans un article intéressant, le P. Cuenot, également missionnaire au Kwang-Si, nous donne des détails sur la vie du P. Rigal. « Vers Pâques de l’année 1913, le P. Rigal succéda au P. Pélamourgues. Il commençait à bégayer le chinois quand dix-huit mois plus tard la guerre européenne éclata. Exempt de partir pour l’armée, il dut néanmoins répondre à l’ordre de mobilisation. Enfin au début de 1915, il pouvait de nouveau vaquer à son ministère. Souffrant du manque de catéchistes, il forma peu à peu son serviteur à ces fonctions pour lesquelles il n’avait pas été préparé : ce qui lui permit d’avoir, au bout de quatre ou cinq ans, un homme de confiance qui, à défaut de lettres, connaissait la doctrine assez parfaitement pour l’expliquer et répondre aux objections courantes. Voyant les gens de la ville de Yunfu peu empressés à devenir chrétiens, le P. Rigal se fixa une bonne partie de l’année chez les Yao de Tou-Yang-Tsao ; la masure construite autrefois lui servit ainsi de résidence jusqu’en 1920. Alors par suite de la piraterie générale, il fut forcé d’habiter Yunfu où d’ailleurs on allait avoir besoin de ses services. Sa santé n’était pas toujours égale à son courage : l’humidité de la masure, les longs voyages par monts et par vaux, sous la pluie et le soleil, la traversée des torrents et d’autres causes encore le forcèrent quelquefois à s’arrêter ; les rhumatismes se faisaient sentir à temps et à contretemps ; bientôt une entérite rebelle allait aussi l’affaiblir peu à peu. » Et à tout cela il faut ajouter l’insécurité. Le compte rendu de 1916 note : « C’est dans la région du nord-est que cette année les brigands ont exercé leurs dépréciations. Anciens soldats que la discipline gênait et qui ont repris la liberté en emportant leurs armes, les bandits sont toujours pour nos postes de redoutables voisins. Les chrétiens de toute cette région ont beaucoup souffert. Plusieurs furent pris par les brigands et je ne sais si, à l’heure actuelle, ils ont recouvré leur liberté. » Voilà ce qu’écrivait le P. Rigal. Le jour de Noël 1917, son école YAO autrefois bâtie par le P. Pélamourgues fut incendiée. Le P. Rigal envisage donc de construire une autre école et une autre résidence plus saine. Dès l’automne suivant, il se mit donc à l’œuvre malgré la modicité de ses ressources. Mais son état de santé l’obligea à partir pour le sanatorium de Honkgong alors que les murs sortaient à peine de terre. Sans tarder, il reprit le travail à son retour et put ainsi avoir une résidence plus confortable et surtout plus saine. Son cœur était tout à l’espérance ; des dizaines de catéchumènes s’étaient joints aux anciens chrétiens ; il allait donc se mettre à construire une nouvelle chapelle car l’ancienne ne suffisait plus... La piraterie et la guerre civile arrêtèrent tout...
Dès le début des troubles la chrétienté YAO fut très éprouvée. Le 10 mai 1921, le village de Pô-sin-tsao était incendié et les dix familles qui le composaient dispersées ; le frère et la belle-sœur du catéchiste tués et mutilés, leur jeune enfant brûlé vif ; quelques jours plus tard, le P. Rigal n’échappait aux balles des pirates que grâce à un chef de bande dont les avis furent écoutés.
En novembre, c’était le tour du village de Tou-Yang-Tsao. L’héroïque résistance des chrétiens ne put être vaincue ; le village fut donc taxé lourdement. Le P. Rigal en fut averti. Il partit aussitôt de Yunfu, de nuit, pour passer inaperçu. C’était une route de cinquante kilomètres à parcourir dans l’obscurité. Au bout de quelques heures de marche, le P. Rigal, brûlant de fièvre et convaincu qu’il ne pourrait fournir une pareille course, rebroussa chemin. Il fut inspiré car les pirates gardaient les sentiers comme on le sut plus tard ; ils attendaient le Père, bien résolus qu’ils étaient à le massacrer. Tout d’abord, le P. Rigal conseilla vivement aux chrétiens de ne pas verser la somme demandée... Puis au bout d’un certain temps, pensant ainsi sauver la vie des chrétiens et leurs biens, il conseilla de verser deux cents piastres. A peine la somme avait-elle été versée aux brigands qu’une autre bande de cent bandits faisait irruption dans le village le jour même. Pour avoir la paix les chrétiens durent se résigner à les laisser habiter leurs maisons ; eux-mêmes se réfugièrent dans des cavernes et des huttes qu’ils se construisirent en hâte dans la montagne. Les pirates attendirent cependant jusqu’au 25 mai 1922 pour s’établir dans la chapelle et la résidence de la Mission. Tout fut pillé et détruit par eux sauf un calice que le gardien réussit à se faire rendre au moment où on l’emportait. Les images pieuses furent lacérées, les ornements et autres objets du culte dispersés ou profanés... Et cela dura jusqu’à la fin de 1923 !
Dans la ville de Yunfu la situation n’était pas meilleure. Dès le 16 août 1921 la ville avait été occupée par les soldats du Kiang-Si. Comme les autorités ne pouvaient pas payer de suite la lourde indemnité demandée par les envahisseurs, la ville allait être livrée au pillage et incendiée quand l’intervention du P. Rigal arrêta tout. Dans la suite, à maintes reprises, on eut encore recours au P. Rigal pour amadouer soit les chefs militaires, soit les chefs des brigands. Un jour même, au printemps de 1922, deux bandes de pirates en étaient venues aux mains à l’occasion du partage d’une importante quantité d’opium. Le Père fut invité par les deux parties à arranger l’affaire... Bref, pour les services rendus tant aux particuliers qu’aux autorités de la ville, on voulut en 1925 lui élever une stèle en témoignage de reconnaissance. Le P. Rigal déclina un tel honneur ; il répondit qu’il était touché de si bons sentiments mais qu’ayant agi par amour du peuple auquel il s’était donné en venant en Chine, il comptait surtout sur les bonnes dispositions des habitants et leur estime pour la religion catholique.
Le P. Rigal n’oubliait pas ses chrétiens YAO qui avaient tant souffert comme on vient de le raconter plus haut. Vers la fin de l’année 1923, il put envisager d’aller les voir malgré l’insécurité qui régnait encore dans la contrée. Le mandarin local, sans doute par souci de la sécurité du Père, voulut s’opposer à cette visite. Le P. Rigal tint bon. Alors le mandarin lui donna une escorte pour le protéger d’une éventuelle attaque des brigands. Arrivé sur place, le P. Rigal ne put que constater l’ampleur des dégâts... De plus la famine sévissait dans la contrée et il fallait aller à des kilomètres et des kilomètres pour se ravitailler en riz. Cette fois-là, le P. Rigal ne put séjourner longtemps. Mais combien fut grande la joie des chrétiens de revoir leur Père. Il accomplit son ministère : baptêmes des enfants, confessions des adultes, visite des malades. Cela fait, il redescendit à Yunfu en attendant des temps meilleurs pour une autre visite.
En 1924, le P. Rigal était allé voir un confrère relativement voisin, le P. Humbert résidant dans la ville de Kweilin. C’était la guerre civile dans tout le pays. La ville de Kweilin fut assiégée pendant soixante-quinze jours. Elle dut son salut à la hauteur de ses murailles et à l’endurance de ses défenseurs. Les PP. Humbert et Rigal eurent à subir de sérieuses privations mais les deux missionnaires s’en sortirent sains et saufs.
On n’en finirait pas de relater toutes les difficultés rencontrées par les missionnaires du Kwang-Si soit du fait des pirates, soit du fait de la guerre civile que se livraient les factions militaires adverses. Les quelques faits racontés ci-dessus ne sont qu’un « échantillon » des « désagréments » qu’eut à subir le P. Rigal de 1913 à 1925...
On comprendra facilement qu’un tel genre de vie n’est pas sans user la santé des plus robustes. C’est pourquoi le P. Rigal fut obligé de rentrer en France au mois d’octobre 1925. Mais avant de partir, il avait pu acheter, en face de la Mission à Yunfu, plusieurs lots de terrains occupés par des constructions ou des jardins. Les quelques milliers de francs consacrés à cette acquisition étaient bien placés car chapelle, résidence et école de Yunfu étaient toujours dans l’état où elles se trouvaient vingt ans plus tôt. C’était la pauvreté apostolique et l’étroitesse des lieux dans toute l’acception du mot ; il était donc urgent de profiter des circonstances pour préparer l’avenir...
Le P. Rigal devait séjourner en France jusqu’au mois de novembre 1928. D’après le témoignage d’un vieux prêtre originaire de Capdenac, le P. Rigal, tout en se soignant, fut pendant un temps surveillant au petit séminaire de Graves où il avait fait ses études.
Pendant son absence, le poste de Yunfu fut tenu par un Père chinois, le P. Oû pendant deux ans. Ce brave Père eut beaucoup à souffrir à cause de la propagande communiste qui mettait les missions hors la loi. En 1927, au mois de juillet, c’est le P. Pélamourgues qui vint remplacer le P. Oû jusqu’au retour du P. Rigal au début de 1929. Ce dernier, rentré à Yunfu, ne retrouva malheureusement pas l’influence dont il jouissait quatre ans auparavant : les doctrines nationalistes mal comprises, la propagande communiste, l’enseignement officiel dans les écoles avaient produit leurs fruits. Au lieu des conquêtes qu’il eût été en droit d’espérer, il continua à marquer le pas. C’est à peine si un village des environs de la ville s’ouvrit au catholicisme avec quarante catéchumènes... C’est aussi à cette époque qu’il eut maille à partir avec les soldats du Hounan. Ils envahirent sans façon tous les appartements du missionnaire ; il leur offrit les dépendances, mais toute son éloquence fut sans résultat. C’est sa chambre et autres appartements qu’ils voulaient ; bon gré mal gré, il dut s’exécuter.
En 1933, cette partie de la Mission où travaillaient le P. Rigal et quelques autres confrères fut cédée aux Pères américains de Maryknoll. Le P. Rigal fut alors nommé au poste de Nongniu où il devait rester deux ans. En 1935 il passe au poste de Se-tsen. C’est dans ce poste qu’il eut en 1937 de grosses difficultés avec le Sous-Préfet, mais, comme le note le compte rendu de la Mission pour cette année-là, « à côté des épreuves le bon Dieu met aussi des consolations ». Le P. Rigal put en cette année baptiser cinquante et un catéchumènes bien préparés.
Et nous en arrivons à 1940. La santé du P. Rigal est de nouveau sérieusement touchée. Au mois d’avril il se voit obligé de rentrer en France et voici pourquoi. En rentrant de la retraite annuelle qui eut lieu cette année-là à Nongniu chez le P. Tessier avec la présence du vicaire apostolique Mgr Albouy, le P. Rigal fut victime d’un accident de cheval. Il fit une chute et fut grièvement blessé. Il continua néanmoins sa route malgré ses souffrances et, arrivé chez lui, se soigna comme il put. Mais loin de guérir, la plaie s’envenima. Il fut obligé de quitter son district pour se rendre à Hanoi et y recevoir les soins appropriés. Mais l’état de sa jambe était tel que le médecin jugea qu’un retour en France s’imposait. Il arriva le 2 avril 1940.
A partir de cette date, la vie sacerdotale et missionnaire du P. Rigal va prendre un tournant. C’est la guerre en France, « la drôle de guerre » comme on l’a appelée. Encore quelques semaines et ce sera la débâcle… et l’occupation allemande. Le P. Rigal — et d’autres avec lui — vont se trouver bloqués faute de bateaux pour regagner leurs missions. Le P. Rigal va donc d’abord se soigner puis prendre du ministère en France à Capdenac jusqu’en 1947. A cette date, il va recevoir une autre affectation car l’état de sa jambe ne lui permet pas de retourner au Kwang-Si. Il est donc affecté à la Maison de Nazareth à Hongkong. Cette maison, à la fois centre de « Prière perpétuelle » pour la Société et imprimerie, avait besoin de personnel. Le P. Rigal y est affecté ainsi que le P. Lehmann, ancien missionnaire de Thanh-Hoa (Viêt-Nam). Ils s’embarquent tous les deux au début de 1948 pour arriver à Hongkong au mois de mai et prendre leurs nouvelles fonctions. Au début, le P. Rigal n’eut à Nazareth aucune fonction bien déterminée sauf d’assurer la régularité, avec les autres confrères, de la récitation en commun de l’Office et de la Prière perpétuelle. Par tempérament il n’eut pas de difficultés à se plier à cette régularité. Après le départ du P. Biotteau pour la France, le P. Rigal fut chargé du service des expéditions et des commandes de la librairie. Sa méticulosité naturelle ne réussit jamais à faire sortir de ses gonds le vieil employé chinois qui, formé par son prédécesseur, connaissait parfaitement son service. Le P. Rigal restera dans cette maison jusqu’en 1951, date de son retour définitif en France.
En France
Rentré en France, le P. Rigal ne tenait pas à prendre une retraite qu’il estimait prématurée. C’est pourquoi il se fixa à Capdenac chez sa sœur avec laquelle il était lié d’une affection profonde, et pendant plusieurs années il assura un certain service comme chapelain dans cette ville. Mais en 1964 il se résigna à venir à la maison de repos et de retraite de Montbeton. Le Supérieur de cette maison a bien voulu donner quelques notes sur le P. Rigal, notes que nous reproduisons : « Le P. Rigal est arrivé à Montbeton en décembre 1964. Pendant les premières années surtout, il n’y résida que quelques mois par an. Il aimait retourner à Capdenac près de sa sœur pour de longues périodes. Il était devenu très populaire dans cette ville où il rendait beaucoup de services au clergé paroissial. C’est là aussi que le 19 septembre 1976 il fut décoré de la Médaille du Mérite.
Chaque année aussi il rendait visite aux autres membres de sa famille en divers points du pays : ce qui lui permettait de passer quelques jours au séminaire de la Rue du Bac. Mais après le décès de sa sœur Marie-Louise, il ne se rendit plus souvent à Capdenac. L’âge et les souffrances que lui causait la plaie de sa jambe lui interdisaient les longs voyages. En effet, malgré tous les soins, cette plaie, suite de son accident de cheval en 1940, s’avéra incurable. Il se contentait alors d’une petite promenade quotidienne. Il engageait la conversation avec tous ceux qu’il rencontrait, visitait parfois quelques familles. Il était connu de tous dans le village. Les enfants semblaient avoir sa préférence. Il avait toujours en poche des bonbons qu’il leur distribuait. Aux confrères et au personnel il aimait aussi faire de petits cadeaux, notamment de petits objets de piété qu’il rapportait de Lourdes car, aussi longtemps qu’il le put, il aimait se rendre à Lourdes, spécialement avec un pèlerinage du diocèse de Rodez.
Deux ans environ avant sa mort, ses facultés commencèrent à baisser. En même temps, il perdit de plus en plus l’appétit. Finalement il s’éteignit le 5 décembre 1979, mourant de vieillesse beaucoup plus que de maladie.
Telle fut dans ses grandes lignes la vie sacerdotale et missionnaire du P. Rigal. Que dire et que retenir de sa vie ? Au témoignage de ceux qui ont vécu avec lui, aussi bien en mission qu’en France, le P. Rigal était un homme de foi simple, d’une simplicité évangélique. Cette disposition d’âme lui permettait d’être de plain-pied au même niveau que ses chrétiens du Kwang-Si, gens simples et mêmes frustes. Fidèle aux actes de piété traditionnels, le P. Rigal avait une grande dévotion envers la Très Sainte Vierge. C’est pourquoi il aimait à se rendre à Lourdes. Sa dévotion envers Jésus-Eucharistie n’était pas moindre et la pire épreuve de sa vie fut sans doute, vers la fin de ses jours, de ne plus pouvoir célébrer la sainte Messe. Il compensait sans doute autrement car on le voyait chaque jour passer de longs moments en adoration silencieuse ; il garda cette habitude jusqu’à ses derniers jours alors que ses facultés étaient bien diminuées. « On imagine qu’il devait parler au Seigneur beaucoup plus qu’il ne l’écoutait. » Car — et tout le monde le sait — le P. Rigal était un causeur infatigable. On pourrait dire que c’est là le trait dominant de son caractère. Mais tout le monde aussi s’accorde pour reconnaître « qu’il était incapable de dire du mal de qui que ce soit ». Et ce n’est pas un mince éloge ! Il relatait des « histoires » qui lui étaient arrivées en mission. Son récit était entrecoupé de nombreuses digressions tant et si bien que les auditeurs perdaient le fil du récit, mais cela n’empêchait pas le P. Rigal de conti¬nuer son monologue !
Cependant un confrère qui l’a bien connu en mission garde le souvenir de certaines réunions, à l’occasion de la retraite annuelle par exemple, où le P. Rigal gardait un silence absolu pour laisser parler les autres et même longtemps parfois. Ce n’était qu’au bout d’un très long moment qu’il prenait la parole... mais alors la gardait !
Le Père Rigal excellait sur le plan des relations avec les Chinois. Il maniait avec brio le parler local qui était le « mandarin » un peu spécial du Kwang-Si, dit langage de Kweilin. Son goût pour la parole lui facilitait les relations. Il entrait en relation avec tout le monde, aimait discuter avec les petits marchands qui étalaient leur modeste éventaire au bord de la rue. Il lançait quelques bons mots amusants mais prenait aussi occasion pour glisser dans la conversation une note religieuse, un conseil. Il était très populaire… et cela d’autant plus qu’il était le seul Européen dans la ville, dans cette contrée reculée de la Chine.
Ce rapide aperçu de la vie missionnaire du P. Rigal nous montre qu’il a rencontré beaucoup plus d’épreuves et de souffrances que de consolations. Mais ce que le Seigneur demande à ses Apôtres c’est de semer. On pourrait reprendre la parole de St Paul aux Corinthiens : « Moi, Paul, j’ai planté, Apollos a arrosé » et ajouter : « Le Seigneur fera lever la semence quand il voudra. » Nous avons tous confiance que le P. Rigal, du haut du ciel, reste tourné vers sa Mission du Kwang-Si et intercède pour les chrétiens de ce pays qui, après les bandits et brigands de tout poil, subissent actuellement l’épreuve encore plus grave du communisme. Que la prière du P. Rigal leur obtienne courage et persévérance !
~~~~~~~
Références
[3137] RIGAL Alphonse (1887-1979)
Références bio-bibliographiques
AME 1913 p. 52. 53. 1934 p. 234. CR 1912 p. 314. 1913 p. 175. 1917 p. 62. 1918 p. 56. 1919 p. 66. 1922 p. 79. 80. 1923 p. 99. 100. 1924 p. 73. 76. 1929 p. 122. 124. 1931 p. 134. 1932 p. 155. 1933 p. 120. 1934 p. 113. 1935 p. 114. 1937 p. 111. 1940 p. 67. 1947 p. 116. 1964 p. 78. 1965 p. 148. BME 1922 p. 176. 1924 p. 461. 601. 1928 p. 242. 255. 1929 p. 50. 270. 494. 1930 p. 578. 1932 p. 862. 1933 photo p. 16. 1934 p. 497. 1937 photo p. 40. 1939 p. 422. 568. 658. 798. 886. 1940 p. 55. 285. 829. 1941 p. 337. 759. 1943 p. 93. 95. 1951 p. 779. 1952 p. 60. 1954 p. 381. EPI 1962 p. 947. EC1 N° 94. 98. 114. 116. 132. 148. 161. 163. 422. 458. 461. 505. 508. 721. EC2 N° 49P46 - 137/C2.