Yves LAUBIE1905 - 1945
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 3350
- À savoir : Mort violente
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Identité
Naissance
Décès
Autres informations
Missions
- Pays :
- Vietnam
- Région missionnaire :
- 1928 - 1945 (Hung Hoa)
Biographie
[3350] Yves LAUBIE est né le 19 mai 1905 à Donzenac (Corrèze) dans le diocèse de Tulle. Après ses études secondaires au lycée de Tulle, et deux années d'études philosophiques au grand séminaire de Tulle, il est admis au séminaire des MEP le 7 septembre 1924. Il reçoit le sous-diaconat le 29 juin 1927, le diaconat le 24 septembre 1927 et la prêtrise le 17 décembre suivant.
Vietnam (1927-1945)
Il part pour la mission de Hunghoa le 16 avril 1928. Il se met aussitôt à l'étude de la langue vietnamienne, mais tombe bientôt malade et doit être hospitalisé à la Clinique Saint-Paul de Hanoi. Atteint de tuberculose, il lui faut aller passer quelques mois de convalescence chez son confrère, le P. Massard, à Son-tay. L'été se passe normalement et en décembre 1929, pour éviter le crachin du delta tonkinois, il passe quelques mois chez le P. Vallet, à Nhatrang.
De retour à Son-tay en avril 1930, il s'intéresse spécialement aux mouvements de jeunesse et fonde le scoutisme.
En 1937, il est nommé à Nghia-Lô, dans la Haute-Région, près du P. Cornille, chef du district de Vinh-Quang. Sa résidence se trouvant à proximité du marché et du siège du mandarin de la circonscription, il occupe une position stratégique pour prendre contact avec les nombreuses ethnies de la région qui viennent là pour faire du commerce ou traiter de leurs affaires avec les autorités. Tout en s'occupant avec beaucoup de zèle de sa chrétienté vietnamienne, il envisage, en effet, d'aller évangéliser les ethnies tai de cette région. Peu à peu il prend contact avec ces minorités, s'intéressant à leurs coutumes, à leur manière de vivre, à leurs travaux, et des relations d'amitié se créèrent entre eux.
Les années passent, mais sa santé ne s'améliore guère et à l'automne 1942, il part se reposer chez le P. Pierchon, près du camp militaire de Tong.
En septembre 1944, il prend en charge le district de Phu-Yen-Binh, à vingt kilomètres au nord-est de Yen-Bay. Les catholiques de cette région dépassent alors le nombre de huit mille. La plupart sont des émigrés du delta surpeuplé: ils se sont installés sur une cinquantaine de kilomètres le long de la rivière Sông-Chay. Au mois de mars 1945, Le P. Laubie revient d'une visite en région tai et se trouve avec le P. Doussoux lorsque les Japonais déclarent la guerre à l'Indochine. Le P. Doussoux veut l'inviter à venir se réfugier à Nghia-lo, mais il tient à revenir parmi ses paroissiens de Phu-yen-Binh.
« Dans de telles circonstances, je dois être à mon poste » dit-il.
Malgré quelques coups de feu pendant qu'il traverse le fleuve, il peut rentrer chez lui et va dans son jardin pour couper de l'herbe pour son cheval. Il est près de sa maison quand un coup de feu retentit, et le blesse mortellement.
Il est inhumé le lendemain dans le jardin de la mission.
Nécrologie
M. LAUBIE
MISSIONNAIRE DE HUNGHOA
M. LAUBIE (Henri-Marcel-Joseph-Yves) né le 19 mai 1905 à Donzenac, diocèse de Tulle (Corrèze). Entré laïque au Séminaire des Missions-Étrangères le 7 septembre 1924. Prêtre le 17 décembre 1927. Parti pour Hunghoa le 16 avril 1928. Mort à Yenbay le 11 mars 1945.
Yves Laubie, d’une famille des plus honorables, vécut une enfance heureuse avec ses deux sœurs et ses trois frères. Son père, médecin-chirurgien, fit donner à ses enfants une instruction soignée leur permettant de choisir plus tard une bonne situation. La maman veillait tout spécialement à leur formation chrétienne.
Dès son jeune âge Yves eut le goût des lectures. Plus tard en mission, Sa grande joie sera la recherche des ouvrages de la vie des saints. Il fit ses études secondaires au lycée de Tulle, dont il ne garda pas un bon souvenir. Il s’y fit remarquer par son originalité et il avouait lui-même s’être engagé dans une mauvaise voie, mais Dieu le voulait prêtre et la conversion fut totale. Pas de partage avec le monde, il sera à Dieu et à Dieu seul. Il entra d’abord au grand séminaire de Tulle où il fit deux années de philosophie, puis en septembre 1924, il vint au Séminaire des Missions-Étrangères de Paris. Sa remarquable intelligence et son travail opiniâtre lui permirent de faire de solides études théologiques, et en même temps son âme tendait de plus en plus à vivre en Dieu sous la sage direction de M. Jaricot.
Ordonné prêtre le 17 décembre 1927 et désigné pour la Mission de Hung-Hoa. M. Laubie arriva au Tonkin vers la fin de mai 1928. Il se mit sans tarder à l’étude de la langue ; tâche ardue, car il n’avait pas le moins du monde l’oreille musicale et massacrait plus ou moins les différents tons de la langue annamite. Encouragé par Mgr Ramond, il s’appliqua avec persévérance au travail et quelques mois après, M. Laubie put s’exercer à la prédication. Tout en continuant l’étude de la langue à l’évêché, il assurait le service dominical tantôt dans l’une, tantôt dans l’autre des chrétientés environnantes. C’est dans l’une de ces stations qu’un dimanche de janvier 1929, après la messe, il fut pris d’un crachement de sang. Ce fut une douloureuse surprise pour tous les confrères, car jusque-là sa santé, sans être remarquable, n’offrait pourtant rien d’alarmant. Il put rejoindre Hung-Hoa, mais le cas était grave et nécessitait son transport immédiat à l’hôpital. A la clinique Saint-Paul à Hanoi les choses se gâtèrent complètement et son état fut jugé désespéré. « Quand le Bon Dieu voudra ! Le plus tôt sera le meilleur », disait-il.
Mais ce n’était pas encore l’heure de Dieu. M. Laubie put quitter la clinique pour aller s’installer chez M. Massard à Sontav où les Sœurs de Saint-Paul de Chartres seraient à même de lui donner tous les soins nécessaires. L’été se passa normalement et en décembre 1929, pour éviter le crachin du delta tonkinois, il alla passer quelques mois chez M. Vallet, à Nhatrang, dans la Mission de Qui-Nhon, où il savait trouver un climat bienfaisant pour ses bronches encore délicates. Il en revint en avril 1930 et se remit de nouveau entre les mains des Sœurs à Son-Tay. Son caractère doux, son intelligence remarquable lui attirèrent la sympathie et l’affection de tous, païens et chrétiens. Il fonda une revue pour ses scouts, humble petite revue polycopiée, composée avec goût et art en collaboration avec quelques jeunes gens.
En 1937, il fut nommé à Nghia-Lô, dans la Haute-Région, tout près de la résidence de M. Cornille, chef du district de Vinh-Quang. Il passa quelques mois avec ce confrère pour se mettre au courant des us et coutumes du pays, puis M. Laubie s’installa à Nghia-Lô qui possédait une église et un presbytère. Il était là à proximité du poste de la Garde indochinoise, plus près encore du siège du mandarin de la circonscription, enfin aux abords mêmes du marché. Outre l’avantage de pouvoir se ravitailler facilement, il était on ne peut mieux placé pour prendre contact avec les populations de toutes races qui venaient traiter de leurs affaires avec les autorités ou faire du commerce.
Tout en administrant cette chrétienté annamite, il caressait le rêve d’amener les autochtones à la lumière de l’Evangile, multipliant ses visites aux païens des hameaux avoisinants. Il établit une école à Nghia-Lô pour ses chrétiens annamites ; un jeune Man et un Xa-cau y vinrent étudier et lui furent très attachés, ce fut pour le missionnaire une occasion d’entrer en contact plus étroit avec leurs familles et leurs villages. Il se fit un pied-à-terre dans un village thai où de temps en temps il allait passer quelques jours. Les gens venaient le voir et il leur rendait visite ; il aimait à converser avec eux, s’intéressant à leurs coutumes, à leur manière de vivre, à leurs travaux. A Nghia-Lô comme à Son-Tay, il voudra avoir des scouts, espérant par eux attirer la jeunesse thai, mais le résultat ne fut pas un succès. Les années passèrent. La santé du missionnaire semblait s’accommoder du climat sec de Nghia-Lô. Dieu sait pourtant si la région est insalubre. Il disait ne pouvoir supporter la quinine et n’en avoir pas besoin. Si parfois une fièvre légère le retenait au lit, il accusait son ancienne tuberculose, mais jamais le paludisme. La fièvre, il est vrai, durait peu et les forces revenaient rapidement. Mais d’autres maux survinrent. A l’automne 1942, Mgr Vandaele crut devoir le retirer de la Haute-Région pour l’envoyer se reposer chez M. Pierchon, près du camp militaire de Tong. Là, tout en rendant quelques services, il avait toute possibilité de se soigner.
En septembre 1944, il accepta avec joie sa nomination à Phu-Yen-Binh, à vingt kilomètres au nord-est de Yen-Bay. Cette région boisée, autrefois peuplée de quelques hameaux man et thai assez dispersés, et de quelques familles annamites, avait été mise en valeur par le regretté M. Girod et son successeur M. Gautier. En 1944, le nombre des catholiques annamites de cette région, émigrés du delta surpeuplé, dépassait huit mille, installés en de nombreuses et prospères chrétientés disposées le long de la rivière Sông-Chay sur une distance de plus de cinquante kilomètres. M. Laubie s’ins¬talla à Phu-Yen-Binh même et se mit au travail. Il commença par visiter les chrétientés des environs ayant à sa disposition une petite voiture pour lui faciliter ses déplacements. Aller à cheval ou à pied ne l’effrayait pas.
A la fin de février 1945, Mgr Mazé l’envoya avec M. Gautier enquêter pour un procès de mariage dans une région où il avait vécu six ans. Le travail terminé, notre confrère y resta quelques jours pour lui permettre d’aller visiter quelques familles thai qu’il avait fréquentées autrefois dans l’espoir de les convertir. Un jour où il faisait particulièrement chaud, il fit par de mauvais sentiers plus de dix kilomètres à pied. Cet effort ne sembla pas l’avoir fatigué outre mesure et il était tout à la joie d’avoir revu ses chers païens, mais il fallut songer au retour. Le 10 mars, il rejoignit donc une chrétienté où réside M. Doussoux, pour se rendre ensuite à Yen-Bav. Le lendemain M Lauhie se mit en route dans sa petite voiture, M. Gautier ayant pris place dans celle de M. Doussoux. A cinq kilomètres du point de départ le plaisir fit place à la stupeur. Une auto roulant à toute allure s’arrête devant les voyageurs : c’était l’adjoint du Résident de France à Yen-Bay qui venait leur annoncer la déclaration de guerre du Japon à l’Indochine. Le général Sabatier arrive, donne ses consignes, autorise M. Gautier à rentrer chez lui à Yen-Bay. M. Laubie peut encore rejoindre son poste de Phu-Yen-Binh, et M. Doussoux accompagnera le général dans la région de Nghia-Lô. Une heure après, nos trois confrères atteignent le Fleuve Rouge. M. Laubie veut passer, mais il doit attendre une demi-heure que le bac soit libre. M. Doussoux laisse son attelage sur la berge où il compte le retrouver peu après pour regagner Nghia-Lô à la suite du général et accompagne M. Laubie jusqu’à Phu-Yen-Binh. Vainement M. Doussoux invite son confrère à revenir avec lui se réfugier à Nghia-Lô. — « Dans de telles circonstances, je dois être à mon poste, répond M. Laubie ; passons le fleuve puisqu’il en est encore temps. A la grâce de Dieu ! » — Un Annamite, agent des Travaux publics qui dirige les coolies employés au débarquement des munitions s’exclame : « Comment ! tout le monde fuit et vous, vous entrez dans la bagarre !... Il vous serait si facile de repartir à Nghia-Lô vous mettre à l’abri du danger ! » Très calme, M. Laubie lui répond : « Les missionnaires n’abandonnent pas leurs postes. Ils sont avec la population dans la mauvaise comme dans la bonne fortune. » Le fleuve est à moitié traversé, quand retentissent trois détonations. Les barquiers veulent faire demi-tour. M. Doussoux propose à M. Laubie de revenir sur ses pas et de reprendre la route de Nghia-Lô. — « C’est à mon poste que je dois être, dit-il, ne perdons pas de temps. » Encore cinq minutes et nos confrères seront à la mission. Quelques instants après, M. Doussoux partait à pied à la recherche d’une barque pour passer le fleuve, retrouver son attelage sur l’autre rive et rejoindre le général. M. Laubie, dont le boy était absent, alla dans le jardin couper de l’herbe pour son cheval. Il était à cinq mètres de la rue qui monte à la caserne de la Légion étrangère inoccupée depuis plusieurs mois. M. Doussoux vit les Japonais sur deux lignes monter rapidement et en silence dans la direction des Légionnaires. Aussitôt un coup de feu retentit. Presque au même moment on entend le crépitement d’une mitrailleuse, M. Doussoux croyant qu’on tirait sur lui, se précipita dans une salle qui était à deux pas. Alors un petit boy lui cria : « Père, Père, ils ont tué le Père Laubie. » Ce n’était que trop vrai. Le missionnaire, courbé vers la terre, un coupe-coupe à la main, aurait été aperçu par un officier japonais qui le prit pour un homme armé. Telle est du moins l’explication donnée le lendemain par ce même officier. La balle pénétra dans l’épaule, à la base du cou et se perdit dans le corps. La mort semble avoir été instantanée. M. Gautier, après avoir donné l’extrême-onction à notre cher confrère, monta à la caserne avec un drapeau blanc à la main pour demander aux Japonais l’autorisation de porter le corps au presbytère. La permission fut refusée et ils emmenèrent M. Gautier jusqu’au fort, le contraignant à tirer les canons avec les soldats. Pendant ce temps, d’autres Japonais fouillaient le terrain de la mission. Deux heures après, M. Gautier revient enfin avec la permission accordée.
L’enterrement eut lieu le lendemain dans l’après-midi. Les fonctionnaires français internés à l’hôtel de la résidence furent autorisés à y assister, mais une sentinelle qui se tenait à proximité de l’église leur interdit d’y entrer. Seuls, quelques rares chrétiens annamites et les Sœurs de l’hospice y furent présents. Notre très regretté confrère a été inhumé provisoirement dans le jardin de la mission.
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Références
[3350] LAUBIE Yves (1905-1945)
Références bibliographiques
CR 1928 p. 171. 1929 p. 135. 1930 p. 160. 1931 p. 184. 1933 p. 137. 1936 p. 125. 1937 p. 134. 1938 p. 136. 1939 p. 119. 1940 p. 81. 1947 p. 363. 1949 p. 190. BME 1924 p. 471. 1928 p. 188. 256. 446. 313. 437. 757. photo p. 321. 1929 p. 180. 182. 246. 299. 371. 441. 563. 634. 755. 1930 p. 55. 119. 375. 376. 493. 1931 p. 69. 295. 455. 602. 1932 p. 295. 296. 703. 1933 photo p. 452. 1934 p. 645. 779. 1935 p. 202. 703. 1936 p. 58. 295. 370. 1937 p. 284. 598. 1938 p. 263.1939 p. 60. 62. 1940 p. 501. 561. 1941 p. 725. 1948 p. 91. 1949 p. 708. 1952 p. 539. EC1 N° 61. 149. 153. 440. 442.