Fernand PARREL1907 - 1992
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 3424
- Bibliographie : Consulter le catalogue
Identité
Naissance
Décès
Biographie
[3424] Fernand, Daniel, Auguste PARREL né le 12 septembre 1907, à Tours, baptisé le mois suivant, en la paroisse de Vouvray département d'Indre-et-Loire, diocèse de Tours, fut incardiné au diocèse de Toulouse, département de la Haute-Garonne. Son père était graveur lithographe, sa mère brodeuse. Fernand, unique enfant, fit ses études secondaires, couronnées par le baccalauréat, au petit séminaire de Toulouse puis se dirigea vers le grand séminaire diocésain, et la faculté de théologie de l'Institut Catholique de Toulouse.
Le 27 mai 1929, il fit sa demande d'admission au séminaire des Missions Etrangères, mais n'obtint son excardination que grâce à l'intervention de Mgr. de Guébriant. Ordonné sous-diacre à Toulouse le 29 Juin 1929, il arriva à la rue du bac à Paris, le 14 septembre 1929, licencié en théologie, depuis juin 1929. Comme il l'avait demandé, il suivit les cours de théologie à l'Institut Catholique, prépara une thèse sur Les rites de l'initiation chrétienne dans Saint Jean Chrysostome" qu'il soutint devant le jury de l'Institut Catholique de Toulouse et obtint "cum magna laude" son doctorat en Théologie, en juin 1930. Diacre le 15 juin 1930, ordonné prêtre le 29 juin 1930, il reçut sa destination pour le vicariat apostolique de Saïgon, qu'il partit rejoindre le 8 septembre 1930. Il s'embarqua à Marseille, le 16 septembre 1930, à bord du "Compiègne".
Arrivé à Saïgon, le 17 octobre 1930, envoyé à Cai-Mon et confié à M.Bellocq, chef de ce district, il apprit la langue viêtnamienne, sous la direction d'un ancien séminariste, tout en fondant, à une dizaine de kms de Cai-Mong,la chrétienté de Cai-Hang où il célébra la première messe le 16 septembre 1931, et baptisa 107 adultes ou enfants, fin juin 1932.. Dans ce même temps,pendant six mois, il remplaça M. Jean Boismery, supérieur des catéchistes de Cai-Nhum. Il fut alors nommé professeur de seconde au petit séminaire de Saïgon, charge qu'il accepta par obéissance. Nommé aumônier de l'hôpital Grall, et aumônier diocésain des scouts de France, en octobre 1933, il prit l'initiative de fonder une troupe de scouts viêtnamiens qu'il mit sous le patronage de Mgr.Pigneau de Béhaine. En avril 1934, en plus de ses cours, il lança à Saïgon, un groupe de la "Jeunesse Maritime Chrétienne" dont les membres se réunissaient chaque jeudi. Mais une broncho-pneumonie l'obligea à rentrer en France où il arriva en septembre 1935. Il passa une partie de sa convalescence à voyager depuis la frontière espagnole jusqu'en Belgique et en Italie.
En octobre 1936, de retour à Saïgon, il retrouva sa place de professeur et d'aumônier. Le 16 février 1937, avec le concours des routiers du clan St. Paul, il fonda à Saïgon, la première conférence de St.Vincent de Paul .En 1939, il enseigna la théologie dogmatique au grand séminaire de Saïgon. En raison des décés très rapprochés, au début de 1940, de Mgr. Dumortier et de son procureur, M.Soullard, provicaire, confia la charge de la procure de la mission, à M. Parrel qui y ajouta celle de la clinique St. Paul. Mobilisé d'abord comme infirmier, puis comme aumônier bénévole, de décembre 1940 à avril 1941, il visita les troupes au Cambodge et au Laos. Démobilisé, il reprit ses activités et, jusqu'au milieu de 1943, sa charge de procureur Remplacé à l'évêché par M. Gustave Lefebvre, il s'installa à l'hôpital Grall. Le 7 février 1945, il échappa à la mort, quand les alliés bombardèrent cet hôpital, faisant 113 morts.
Le 5 octobre 1945, arriva à Saigon, le général Leclerc, acclamé par une foule en délire, mais "volontairement M.Parrel s'abstint de paraitre". Accusé de défaitisme, il dût s'en expliquer devant le général avec lequel il eût une vive altercation en présence de Mgr.Cassaigne, et dût partir "en exil" à Mytho, à 70 kms de Saïgon. Là, il visita les chrétientés environnantes, allant de Thu-Ngu à Phuoc-Thanh, et exerça son ministère à l'hôpital de ce chef-lieu. Peu après Noël 1945, une crise de coliques néphrétiques nécessita son évacuation sur la cliniqiue St. Paul à Saïgon. Atteint d'une phlébite, et d'une embolie pulmonaire, il y séjourna jusqu'à Pâques; à la fin du mois de Juin 1946, il fut rapatrié vers la France sur "un vieux rafiot italien" capturé par les anglais,et transformé en navire hôpital.
Tout en se soignant, il s'occupa à rendre service dans les paroisses de Toulouse, dans les prisons, chez les romanichels, et le 12 mars 1948 s'embarqua pour Saïgon. Nommé curé de Dalat, à 300 kms de Saïgon, il y trouva M. Octave Lefèvre, de la mission de Vinh, arrivé depuis peu, aumônier du "Couvent des Oiseaux", en train de prendre contact avec les montagnards de la région. M.Parrel s'occupa d'abord de sa paroisse en plein développement, des jeunes, des écoles, des nombreuses communautés religieuses implantées en cette ville, du petit et grand Lycée Yersin dont il était l'aumônier titulaire; il construisit une maison de prière au village St.Jean, nouvellement crée, proche de Dalat, puis une chapelle à Fyan, pour un groupe de chrétiens viêtnamiens installés vers le km 40 sur la piste reliant Liêng-Khang à Banméthuôt. Il suivit de très près le travail d'évangélisation des villages montagnards du district, tout heureux de bénir les lieux de prière dans les villages,et de célébrer les premiers baptêmes:il lança l'idée de création d'un Centre Montagnard au Camly, en bordure de la ville qu'il inaugura le 1 novembre 1952.
Le 21 décembre 1951, il assista à Hanoï au sacre de Mgr. Dooley, délégué apostolique, qu'il avait reçu à Dalat le 16 décembre 1950, et qui l'encouragea à créer un secrétariat social, à lancer des "Semaines Sociales", en vue d'assurer la formation de cadres syndicaux. Pour cela, il organisa dès 1953 des sessions, des tournées et conférences dans les grandes villes du Viêtnam. En 1954, en application des accords de Genève, il participa à la ré-implantation des nombreux réfugiés venus du Nord Viêtnam. Ce surcroit de travail entraina une rechute de phlébite, et l'obligea à se faire hospitaliser à Dalat, puis à Saigon, et convalescent à rentrer en France où il arriva le 28 mars 1955.
Ayant refait sa santé, présent à Rome pour le 1 mai 1955, il célébra en famille à Lourdes, son jubilé d'argent. Il regagna Saïgon. par avion, le 25 novembre 1955; mais quelques évènements importants avaient marqué ces quelques mois de l'année 1955: le décès de M.Séminel, curé de la cathédrale de Saïgon, le 14 avril ; puis, la démission de Mgr. Cassaigne du siège épiscopal de Saïgon, et l'élévation à l'épiscopat de NN.SS Simon Hiên de Hué pour la mission de Saïgon, et Paul Binh de Saigon, pour le nouveau vicariat apostolique de Can-Tho; enfin, le décès accidentel de M. Octave Lefèvre, à Dalat, le 26 octobre.
M. Parrel retrouva Dalat, sa paroisse et le Secrétariat Social. En 1956, plusieurs sociétés et l'armée française quittaient le Viêtnam, liquidant une partie de leur matériel; avec l'aide du Secours Catholique américain, il acquit un terrain avec plusieurs bâtiments qu'il confia aux Frères des Ecoles Chrétiennes pour en faire d'abord un "atelier école", puis en 1960, une école professionnelle. Vers Juillet 1956, il reçut la visite de Mgr. Lemaire, puis celle de Mgr. Caprio "Visiteur Apostolique" conduit par Mgr. Simon Hoà Hiên, vicaire apostolique de Saïgon. Après les grandes manifestations religieuses qui marquèrent l'année mariale à Dalat, fatigué, il dût partir en convalescence à Hong-Kong. Le 19 février 1959, il reçut à Dalat, le Cardinal Agagianian, légat du Pape, pour la clôture de l'année mariale. Parti en congé le 2 juin 1959, Il participa à Lucerne au Congrès du Patronat International Catholique, et repartit pour le Viêtnam le 5 août 1959. Fin Novembre 1959, il assista à Saigon, à la Cinquième Conférence Régionale de la F.A.O. pour l'Asie et l'Extrême-Orient , en tant que membre de la délégation viêtnamienne. En juin 1960, il prépara un Congrés national de la Famille pour décembre suivant.
Le 8 décembre 1960, on apprit officiellement à Saigon l'établissement de la Hiérarchie dans l'eglise du Viêtnam, la nomination de 4 nouveaux Evêques, la création du diocèse de Dalat avec Mgr. Simon-Hoà Hiên comme premier évêque. Il revint à M. Parrel, en sa qualité de curé de Dalat, d'introduire le nouvel évêque dans sa cathédrale. Estimant que son poste devait être remis à un prêtre viêtnamien, il présenta sa démission qui ne fut acceptée qu'au bout de quelques mois.
Après avoir organisé une session catéchétique à Dalat, du 24 au 28 avril 1961, libéré de ses charges pastorales, il partit à Saigon, y transfera son secrétariat social, puis participa au XIème Congrès de l'Union Internationale des Associations Patronales Catholiques.à Santiago du Chili, complété par un voyage dans le nouveau monde, au Sénégal et à Rome. En 1962, il lança à Saïgon, un hebdomadaire "Sông-Dao", tirant à 30.000 exemplaires,puis, en 1963, la revue trimestrielle trilingue "Cieux Nouveaux et Terre Nouvelle" qui connut des débuts difficiles. Du 12 juillet 1963 au 30 novembre 1963, il prit son congé régulier en France, et rentra à Saïgon le 26 décembre 1963, ayant visité la Terre Sainte et participé à un congrés syndicaliste aux Philippines. Devenu correspondant du quotidien "La Croix" et des agences "Fides et Kipa", il tint la page d'information religieuse et sociale,dans "le journal d'Extrême-Orient" à Saïgon
En 1965, il se rendit au congrès eucharistiique de Bombay; En 1966, les besoins de l'information le conduisirent à Vientiane, à Bangkok, à Hong-Kong, au Japon, en Corée du Sud. Au début de 1968, absent de Saïgon pendant six semaines, lors des troubles du Têt, il passa à Hong-Kong, Macao, Taiwan. Du 18 avril 1970 au 9 octobre 1970, il prit un congé régulier. Après le décès de sa mère à Saint Orens de Gameville, il fit des cures, puis participa à des congrès à Lille, à La-Haye,et sur le chemin du retour, il eût une entrevue avec le Pape. En 1971, il fit une tournée au Laos. En avril 1972, pour raison de santé, il rentra en France; bien qu'absent, l'Alliance Française de Saigon lui décerna une médaille d'honneur.pour les services rendus. En France, il dut entrer à l'hôpital maritime de Brest pour être opéré d'une tumeur rénale .Il s'en suivit une longue convalescence. Son visa de retour ayant expiré, il ne lui fut pas renouvelé, car M. Parrel avait pris fait et cause pour la paix! "Le journalisme est un métier épineux".Il profita de son temps libre pour commencer à rédiger ses mémoires.
En Juillet 1974, Mgr Margéot lui proposa du travail à l'île Maurice. Il y arriva le 16 octobre 1974. Il s'occupa de l'ebdomaire diocésain "la Vie Catholique" et fut chargé des prisons, tout en étant chapelain des Frères des Ecoles chrétiennes qui avaient un collège à 7 kms de Port Louis, face à la mer. En septembre 1975, il dût rentrer en France pour une opération délicate; de retour, en février 1976 il s'installa à Rose-Hill, reprit son travail de journaliste; aumônier de la prison centrale, il mit en place des "visiteurs des prisons", et étudia les problèmes de réinsertion. En août 1979, dans une mutinerie avec prise d'otages et évasions, il joua le rôle de "M.Bons offices".entre prisonniers et autorités carcérales. Et le 29 juin 1980, il fêta son jubilé d'or sacerdotal, dans la chapelle des soeurs réparatrices, le "Montmartre mauricien".
Il se résigna à cesser ses fonctions le 31 décembre 1982, et rentra en France le 27 février 1983; le 1 avril 1983, il accepta d'être second aumônier au Collège Saint-Dominique à Mortefontaine (Oise), assurant la catéchèse à quelques 500 élèves.
Il se retira à Montbeton. Le 29 septembre 1992, Il s'éteignit à la clinique de Montauban où il avait dû être transporté. Il repose dans le cimetière du sanatorium St. Raphaël à Montbeton.
Juin 1996
Nécrologie
Fernand PARREL
1907 - 1992
Parrel Fernand, Daniel, Auguste
Né le 12 septembre 1907, à Tours (Indre-et-Loire), au diocèse de Tours
Entré sous-diacre au séminaire des Missions Étrangères le 14 septembre 1929
Ordonné prêtre, et destiné à Saïgon, le 29 juin 1930
Parti pour sa mission le 8 septembre 1930
Agrégé à la Société le 29 juin 1932
Rentré malade en France le 17 avril 1972
Transféré à l’île Maurice le 16 octobre 1974
Rappelé en France le 27 février 1983
Aumônier au collège Saint-Dominique à Mortefontaine le 1er avril 1983
Retiré à la maison Saint-Raphaël à Montbeton depuis 1985
Décédé le 29 septembre 1992 à la clinique de Montauban
Fernand Parrel vit le jour à Tours, le 12 septembre 1907, fils de Jean-Marie-Noël Parrel et de son épouse Charlotte Palou, tous deux domiciliés à Toulouse. Le mois suivant, il est baptisé en la paroisse de Vouvray, toujours au diocèse de Tours. Lui-même dira plus tard qu’il était originaire de là-bas et transplanté tout jeune dans le Midi. Son père exerçait la profession de graveur lithographe, et sa mère celle de brodeuse. Il rapporte, concernant l’origine de sa vocation, qu’à l’âge de 8 ans, assistant au prêche d’un prêtre qui rapportait la vocation de Just de Bretenières, il se sentit soudain appelé, et déclara au sortir de l’église : « Je serai missionnaire ! » Sans savoir encore s’il irait porter l’Évangile aux Noirs d’Afrique ou aux Jaunes d’Extrême-Orient, il ne démordra pas de cette orientation initiale, qui peu à peu se précisera en faveur de l’Asie. Pour le reste, on sait seulement qu’il a fréquenté le petit séminaire de Toulouse, où il a obtenu son baccalauréat avant de passer au grand séminaire.
Là, on commence à avoir de ses nouvelles grâce à la lettre qu’il écrit le 27 mai 1929 à Mgr de Guébriant, en vue d’obtenir son admission aux Missions Étrangères. On y apprend que la vocation missionnaire qu’il prétendait avoir s’est trouvée confirmée par son directeur spirituel, et que ses projets n’ont pas été mis plus tôt à exécution « à cause de l’état de ma santé, resté pendant ma jeunesse assez précaire, et aussi à cause de mes chers parents dont je suis l’unique enfant ». Il est libéré de toute obligation militaire, car il a été exempté au 4e Conseil de révision — réformé par piston ! précisera-t-il sur un feuillet de signalement —, et va être ordonné sous-diacre le 29 juin. Il a eu des contacts avec les PP. Léon Robert, Jean Depierre et Jean Bergougnoux, qui l’ont aidé dans ses démarches auprès de l’archevêché de Toulouse, pour s’en faire accorder, le 23 mai, l’excardination à laquelle consent le cardinal Jules Saliège. C’est qu’elle ne fut pas facile à décrocher, puisqu’il écrit dans cette même lettre au supérieur général : « C’est alors que, dans ma détresse, je me suis confié à Votre Grandeur, qui a su si rapidement l’obtenir. » C’est donc le moment de pousser son avantage, et il joue cartes sur table : « Cette dernière année, j’ai eu le grand avantage de pouvoir suivre les cours de théologie supérieure chaque matin à l’Institut catholique de Toulouse, et j’espère obtenir mon diplôme de licencié en théologie le mois prochain ; je serais donc reconnaissant à Votre Grandeur de bien vouloir me laisser continuer les cours à l’Institut catholique de Paris, ce qui me permettrait de préparer une thèse de doctorat en théologie, tout en ne perdant pas mon année de séminaire, rue du Bac. » Du séminaire de Toulouse est envoyé à Paris, le 31 mai, un mot — simple formalité — où, en rendant « bon témoignage à M. l’abbé Parrel », le supérieur fait part de ses notes aux examens des cinq années passées dans son établissement, et indique que, durant tout ce temps « il nous a donné satisfaction au point de vue discipline, piété, travail, etc. » : bref, tout est en ordre pour son transfert aux Missions Étrangères, où il est inscrit dès le 2 juin 1929. Il y entre normalement le 14 septembre suivant.
De son séjour à Paris, il note dans ses mémoires l’atmosphère qui régnait alors au séminaire, marquée par « cette espèce de mystique entretenue surtout depuis le début du XIXe siècle » autour de l’idéal du martyre, et que rayonnait un ancien évêque de Chine, Mgr Budes de Guébriant, à la voix fluette et chantante mais pénétrante, dont les entretiens en tant que supérieur général de la Société étaient particulièrement prisés. Ainsi qu’il le souhaitait, il peut suivre les cours de l’Institut catholique jusqu’à la fin de l’année universitaire ; puis, coup sur coup, il est diacre le 15 juin, soutient devant le jury de Toulouse la thèse qu’il a préparée sur « Les rites de l’initiation chrétienne dans saint Jean Chrysostome », est reçu « cum magna laude », et est ordonné prêtre le 29 juin 1930, en même temps qu’il est désigné, non pas pour la mission de Chine comme il s’y attendait plus ou moins, mais pour celle de Saïgon. Ainsi qu’on le voit, un mois fort chargé ! La cérémonie du départ, avec le baisement des pieds des futurs missionnaires, et le chant de circonstance composé par Charles Gounod, eut lieu le 8 septembre, et le 16 du même mois ce fut l’embarquement à Marseille, sous les yeux de sa mère et d’un cousin. « Aujourd’hui, écrit-il quelque quarante ans après, le départ en avion s’effectue rapidement. Mais alors, avec ces bateaux qui n’en finissaient pas de relever leurs ancres, de prendre leurs distances avec la terre ferme, de larguer enfin leurs amarres, il faut avoir vécu de tels moments, qui paraissent des siècles, pour comprendre les sentiments qui vous étreignent au fur et à mesure que les visages aimés se fondent avec la grisaille du port. On voyait encore des mains, des mouchoirs qu’on agitait. Puis, on ne distinguait plus rien. Le soir déjà tombait, car il était cinq heures de l’après-midi. » Le voilà enfin parti, à bord du « Compiègne », qui le mène à destination le 17 octobre.
À peine débarqué, les premières visites faites aux confrères, et c’est le départ pour un poste de brousse, Cai Mon, pour y apprendre la langue sous la direction d’un ancien séminariste, et se mettre au parfum de la pastorale vietnamienne sous la houlette du P. Robert Séminel. Avec l’ancien séminariste comme interprète, il est bientôt livré à lui-même, chargé de s’occuper de la fondation d’une nouvelle station, Cai Hang, à une dizaine de kilomètres. Dans le même temps, c’est à lui que revient aussi de remplacer, durant six mois, le P. Jean Boisméry, supérieur de la maison de formation des frères catéchistes à Cai Nhum Cho Lac. Il s’agit de rien moins que de préparer un sextuor de novices qui vont devoir bientôt prononcer leurs vœux, tout en poursuivant, bien sûr, l’enseignement de ses catéchumènes, et la construction d’une chapelle-école pour les Amantes de la Croix. Durant toute la période où il doit ainsi livrer bataille sur plusieurs fronts, il s’épuise dans un continuel chassé-croisé par monts et par Vaux, quand ce n’est pas contre vents et marées. Mais il a la joie de conduire jusqu’au baptême, sous l’œil bienveillant du P. Bernard Bellocq, une centaine d’adultes et d’enfants, juste avant d’être rappelé à Saïgon pour y passer son examen de langue, et y être retenu comme professeur de seconde au petit séminaire. Moins de deux ans après avoir démarré dans le ministère, c’est une douche froide qui lui tombe sur le râble : tout le labeur déjà entrepris avec enthousiasme, il faut le laisser à la grâce de Dieu et aux bons soins d’un autre, non sans un certain désenchantement d’avoir à quitter tant de gens qu’il commence à aimer, et une vie pareille à celle qu’il imaginait !
Il avoue qu’il n’apprécie guère cette nomination, mais il fait contre mauvaise fortune bon cœur. « À la rigueur, qu’on m’ait appelé plus tard à professer au grand séminaire de théologie, qui constitue ma partie, ma spécialité en quelque sorte, je m’y attendais plus ou moins ! Mais être ainsi au petit séminaire, à 25 ans à peine, ne présente pour moi aucun attrait. Je le confesse en toute franchise : j’ai du mal à accepter ce poste dont h monotonie m’effraie, et ne me plie à ce devoir que par obéissance. » Heureusement, contraste avec les heures de cours de chaque jour, il trouve une compensation dans un ministère actif : à l’instigation du P. Auguste Flachère, aumônier d’escadre, il mijote un groupe de Jeunesse maritime chrétienne, puis devient l’aumônier de l’hôpital Grall, titre auquel s’ajoute bientôt celui d’aumônier du scoutisme. Sur les traces du P. Benjamin Louison qui vient de fonder une troupe de scouts de France et une compagnie de guides, il crée à son tour, sous le patronage de l’évêque d’Adran, Mgr Pigneau de Béhaine, un scoutisme catholique autochtone, « le premier en date, tout au moins au Sud ». Mais halte là ! Voici qu’une broncho-pneumonie se déclare, qui l’oblige à rentrer en France. « Après cinq ans de mission seulement, c’est pour moi presque un déshonneur de revenir sitôt. Et puis, l’avouerai-je, j’ai grand peur qu’on me garde comme professeur... » Après une convalescence d’un an, d’octobre 1935 à octobre 1936, durant laquelle il se promène des Pyrénées-Orientales, qui sentent le soufre de la guerre d’Espagne, jus¬qu’en Belgique, où la Venise du Nord brugeoise le charme par ses canaux flamands, en passant par l’Italie qu’il parcourt de fond en comble, il retrouve sa place saïgonnaise de professeur et d’aumônier. Et reprend ses activités, mal aimées et bien-aimées : aux Souvenirs inoubliables d’un camp scout à la baie d’Along se mêlent les débuts du cercle Saint-Georges, première des Conférences de Saint-Vincent-de-Paul, à la réussite desquelles concourent efficacement les routiers du clan Saint-Paul. Le Père ni les siens ne perdent leur temps, jusqu’en 1939, où il troque le professorat au petit séminaire pour une chaire de théologie dogmatique au grand séminaire de Saïgon. Au début de 1940, Mgr Isidore Dumortier, à la sainteté particulièrement austère, vient à mourir sans presque crier gare ; son procureur, le P. André Decoopman, est emporté 48 heures après par une embolie. Le P. Eugène Soullard, provicaire, fait appel aux services du P. Parrel qu’il relève de son poste au grand séminaire pour prendre, à l’évêché, charge de la procure. Ce n’était pas une sinécure, surtout en cette période où la guerre menaçait ; il n’empêche : à ses aumôneries, il trouve le moyen d’ajouter celle de la clinique Saint-Paul, située non loin de là.
Mais voici la mobilisation : tout d’abord affecté comme infirmier, et ensuite comme aumônier bénévole, il visite les troupes au Cambodge et au Laos, et reçoit le baptême du feu, tout cela entre décembre 1940 et avril 1941. Après la victoire japonaise, il est démobilisé et peut reprendre son ministère très différencié, notamment en tant que procureur de Mgr Jean Cassaigne, sacré le 24 juin 1941 dans une cathédrale archicomble, investie par ses fidèles descendus de leurs montagnes pour accompagner le nouvel évêque, et « venus pour la première fois dans la grande ville où ils se taillent un réel succès de curiosité..! » Il mène toutes ses activités de front jusqu’au milieu de l’année 1943, quand le P. Gustave Lefebvre vient le libérer en prenant charge de la procure. Lui-même désormais réside à l’hôpital Grall, ce qui facilite son ministère lors des bombardements américains qui s’intensifient, et qui ne tardent pas à détruire, le 6 janvier 1945, la flottille nipponne au moment où elle gagnait la haute mer pour aller attaquer les Philippines, et essayer d’en déloger le général Mac Arthur qui venait d’y prendre pied. Un mois plus tard, le 7 février, il échappe à la mort quand l’hôpital, à la suite d’une erreur de tir, reçoit 17 bombes qui y provoquent d’innombrables victimes. Aussi ne se trouvera-t-il pas à même de remplir son office comme il le voudrait lors du coup de force japonais du 9 mars 1945, et la proclamation de l’indépendance des trois peuples indochinois. Inutile de dire que, durant toutes ces années troublées, il eut son content d’arrestations, de quiproquos, d’aventures, dont il se sortit toujours presque en se jouant... Jusqu’à l’annonce des spectaculaires anéantissements, les 6 et 9 août, d’Hiroshima et de Nagasaki, prélude à la capitulation qui s’ensuivit : le 15 août; ce sont alors les sentinelles du Vietminh qui remplacent les gardes dépossédés du Mikado ; le Père ne sait lesquels de ces nervis doivent être honnis le plus. Dans les jours qui suivent, les émeutes s’installent et les massacres pleuvent, on s’entre-tue dans les rues, et la morgue de l’hôpital ne chôme pas...
Mais laissons la parole au P. Parrel, dont bientôt commencent les ennuis. « Quand le général Leclerc arrive le 5 octobre, par une pluie battante, acclamé par une foule de Français en délire qui le porte, en quelque sorte, en triomphe, je m’abstiens de paraître. Volontairement. Non pas que je n’admire pas ses brillants faits d’armes et son héroïsme. Mais parce que, au fond de moi-même, j’ai peur des lendemains... » Homme de Dieu, homme de paix, il est accusé de défaitisme parce qu’il s’élève contre la guerre qui ne veut pas capituler, et doit s’en expliquer devant le général, avec lequel il a une vive altercation en présence de l’évêque. Conclusion : il doit partir pour Mytho, qu’il appellera son exil, à 70 km de Saïgon. Chez le P. Henri Bar, « qui a la réputation bien assise de faire marcher sa paroisse au doigt et à l’œil », il visite les chrétientés environ¬nantes, allant de Thu Ngu à Phuoc Thanh, et faisant le service de l’hôpital où, peu après Noël, il devra entrer comme patient : atteint par une crise de coliques néphrétiques, il sera évacué sur Saïgon, à la clinique Saint-Paul, où il sera opéré ; s’ensuivra une phlébite accompagnée d’une embolie pulmonaire, qui le mirent pendant une quinzaine en bien mauvaise posture. Immobilisé jusqu’à Pâques, il est décidé de le rapatrier, mais il doit attendre le mois de juin pour avoir place « sur un vieux rafiot italien, le « Gerusalemme », capturé par les Anglais qui l’ont transformé en bateau-hôpital pour son dernier voyage... »
Il restera en France pour se soigner, à suivre de loin la situation de la péninsule indochinoise, et à se ronger les ongles de ne pouvoir y mettre son grain de sel ; il s’occupe un peu, à mesure qu’il recouvre une meilleure santé, en rendant service dans les paroisses de Toulouse, dans les prisons, dans les roulottes des romanichels sur les bords de la Garonne, jusqu’à ce qu’il puisse reprendre le bateau en février 1948, cette fois pour Dalat, cité impériale, à 300 km de Saïgon, où il devra faire la connaissance des montagnards, disséminés dans une dizaine de villages moïs, et, occasionnellement, celle de la guérilla vietminh. Il est curé, mais laisse bientôt le ministère auprès des minorités au P. Octave Lefèvre pour s’occuper plus exclusivement de la paroisse. Celle-ci, profitant d’un climat exemplairement salubre, voit sa population augmenter rapidement, et accueille de nombreuses congrégations religieuses, qui y multiplient œuvres et groupements florissants. Ce qui donne au pasteur du lieu la possibilité de donner libre cours à son penchant naturel pour améliorer la condition des travailleurs. Et c’est la construction d’un secrétariat social à Dalat, et le lancement de « Semaines sociales » à travers les principales villes du pays, et bientôt d’un syndicalisme chrétien, ce qui l’amène à entrer en relations avec des organisations internationales et à participer à différents congrès de par le monde. Et aussi à faire partie de la délégation de Saïgon, comme compagnon de Mgr Cassaigne, pour représenter le diocèse au sacre de Mgr Dooley, nommé délégué apostolique, jusque-là régent apostolique en Indochine avec le titre de protonotaire apostolique. En effet, par dérogation à la tradition qui veut qu’une telle consécration soit faite à Rome même, le Vatican a désigné le nonce aux Philippines, Mgr Vagnozzi, pour venir lui conférer la crosse et la mitre, marquant par ce geste tout l’intérêt que le Pape porte au Vietnam. C’est avec les encouragements de ce même délégué apostolique qu’il entreprend de grandes tournées de cours et de causeries pour assurer une formation suffisante des cadres syndicaux ; par exemple, celle qu’il fit en août 1953, et qui couvre Haïphong, Hanoï, Hué, Tourane, Saigon, Nhatrang, toutes villes où il sème l’idée des devoirs sociaux devant des auditoires divers. Durant ce périple, il reçut de Rome, en réponse à une adresse de fidélité au Saint-Père, un chaleureux message d’appréciation signé « Montini, prosecrétaire ». Sans doute, d’après la sagesse populaire, « les conseilleurs ne sont pas les payeurs », mais quand aura sonné l’heure fatidique de Dien Bien Phu, on trouvera le P. Parrel sur la brèche, prêt à subvenir aux besoins du moment, et à soulager autant qu’il le peut, après les désastreux accords de Genève, les malheurs des milliers de réfugiés du Nord, ce qui, naturellement, entraîna pour lui, en raison de l’absence de tout ménagement et d’un surcroît de fatigues, une rechute de phlébite. Hospitalisé d’abord à Dalat, puis à Saigon, son retour en France en congé de maladie fut décidé pour mars 1955 ; il y reprit pied le 28, non sans avoir solennisé au milieu de ses paroissiens de Saint-Nicolas son jubilé d’argent sacerdotal avec quelques mois d’avance, fête qu’il pourra célébrer dans l’intimité, à la date voulue, au cours d’un pèlerinage à Lourdes en compagnie de ses parents.
À son retour, en novembre, il apprend le décès du P. Lefèvre, des suites d’un accident de voiture, en octobre ; c’est le P. Marius Boutary qui a pris sa relève et s’occupe en particulier des montagnards et des réfugiés qui se sont quelque peu organisés. Lui-même se met à réaliser un projet qui lui tient à cœur : la fondation d’une école professionnelle, grâce à l’aide financière du Secours catholique américain, et servi par son entregent personnel pour récupérer le matériel que lui abandonne l’armée française. Entreprise qui réussit pleinement avec le concours des Frères des Ecoles chrétiennes. Déjà surgit en son esprit le désir d’une création semblable pour l’agriculture et l’élevage, mais les circonstances ne le favorisent pas : en 1957, à la suite d’un accroc de santé, il part en convalescence à Hongkong. Il n’en revient que pour se lancer dans des réunions toujours plus prenantes, comme celle de la Confédération du Travail chrétien, à Saïgon, suivie — à Lucerne cette fois — d’un congrès des Associations patronales chrétiennes où il fait de la retape en faveur du tiers monde. Brève escapade de sa part, car il est pressé de rentrer en ce Vietnam dont la situation lui paraît encore se dégrader. Il sera là pour recevoir à Dalat, en grande pompe, le cardinal Agagianian, préfet de la Propagande, en visite officielle en février 1959 ; les chrétiens, venus de tout le district, font fête au prélat, dans un climat de ferveur indescriptible qui atteignit son comble quand, au crépuscule, il célébra, en clôture, une messe pontificale sur le podium érigé à cet effet au-dessus du lac.
Voici qu’en 1960 l’Église du Vietnam devient majeure : la hiérarchie est établie ; seuls, deux évêques français demeurent en exercice : Mgr Paul Piquet, au siège de Nhatrang, et Mgr Paul Seitz, à celui de Kontum. Comme curé de l’église Saint-Nicolas, qui devient cathédrale, le P. Parrel estime que son poste doit revenir à un prêtre vietnamien, et donne sa démission, qui est acceptée malgré quelques réticences. Le voilà libre de transférer son secrétariat social à Saï¬gon : c’est chose faite dès 1961. À peine le temps de s’installer, et déjà, voici lancé un hebdomadaire catholique qui tire à 30.000 exemplaires, et voilà livré un ensemble de traductions de documents ecclésiastiques. Sur ce, le P. Parrel s’évade : profitant d’une occasion — un congrès à Santiago du Chili, dont les organisateurs lui paient une bonne part du voyage — il parcourt les États-Unis et l’Amérique latine, et en découvre à la fois les beautés et les misères. Voyage qui dure un mois et demi, et qui se termine par un saut au Sénégal, puis Fatima qui ne l’inspire guère, la France le temps de saluer sa vieille maman, Rome où il rencontre Jean XXIII, et Saïgon enfin qu’il retrouve, avec ses problèmes nouveaux mêlés à ses rivalités anciennes. Mais le 12 juillet 1963, il rentre en France en congé régulier, et c’est en Europe qu’il apprend l’assassinat du président Ngô Dinh Diêm, et quelque temps plus tard celui du président Kennedy. Dès le 30 novembre, il est en route pour le retour, mais par le chemin des écoliers : il passe par Rome, la Terre sainte et enfin les Philippines où se tient un congrès syndicaliste pour le sud-est asiatique. Et il rejoint Saïgon le 26 décembre, avec une plume à son chapeau puisqu’il est dorénavant de plus en plus journaliste confirmé, étant correspondant du quotidien « La Croix », ainsi que des agences Fides et Kipa, tous avides d’avoir des nouvelles d’un Vietnam où la situation ne s’arrange guère.
À Saïgon, il s’active au centre de documentation sociale — une annexe de son secrétariat — à éveiller tant les chrétiens que les non-chrétiens aux problèmes d’actualité, que ce soit l’œcuménisme, la justice sociale, la vie syndicale, le rôle de l’Église dans le développement économique, comme aussi le recours, indispensable pour l’évangélisation, aux moyens de communication sociale : il est dans son domaine l’homme-orchestre, qui tient la page sociale et religieuse du « Journal d’Extrême-Orient », avec autant de facilité qu’il conférence au « Rotary Club » sur l’enseignement social de l’Eglise. Désormais, il ne se limite plus au Vietnam : de partout on l’appelle, et d’ailleurs les besoins de l’étude et de l’information exigent qu’il soit présent en ces lieux où s’initie quelque chose qui sort de la brume quotidienne : au congrès eucharistique de Bombay, au rassemblement mondial jociste à Bangkok, à une session des organisations caritatives à Hongkong, d’où il file visiter le Japon ; il y est l’hôte du P. Jean Murgue qui, fondateur de la Joc japonaise, se préoccupe comme lui de problèmes économiques et sociaux. Puis il termine son périple par la Corée du Sud et rejoint son quartier général de Saïgon. Pas pour longtemps cependant, car en 1966 il décide d’aller faire un tour au Laos et au Cambodge, pour voir quelle y est la situation, mais surtout, dirait-on, pour s’échapper un peu de ce Vietnam qui n’en finit pas de se débattre dans une situation de guerre qui l’écœure, et contre laquelle il rage de ne pouvoir manifester que son impuissance. Poursuivant ses enquêtes sociologiques à travers l’aire asiatique, il le quitte encore au début de 1968 pour passer quelques jours à Hongkong, fait une escapade sur Macao, puis une exploration à Taïwan, attirant l’attention de tous ceux qu’il rencontre sur le destin tragique de son malheureux pays, et regagne une fois de plus, après six semaines de vagabondages, Saigon où des troubles, organisés par le Vietcông, se sont produits pendant son absence. Et reprendront en mai-juin, pour lui permettre de goûter quelque peu à ces convulsions, en se réjouissant des mouvements de solidarité qu’elles suscitent, à l’origine lointaine desquels il n’aura pas été complètement étranger ! A part cela, fidèle au poste, il fait face avec courage aux multiples obligations qui sont les siennes, dirigeant avec sang-froid son secrétariat social qui a bien des sujets de réflexion dans ce contexte perturbé, et sortant parfois de ses gonds dans des déclarations incendiaires qui provoquent des ripostes sanglantes de la part de ses confrères et amis riant sous cape. Mais voici le début de 1970, et les Khmers chassent de leur territoire les Vietnamiens dont ils ont toujours mal supporté la présence, pour soi-disant se débarrasser des communistes. Le moment est venu pour le P. Parrel de prendre un congé régulier ; un peu de détente lui fera grand bien !
Cependant, il doit en ce moment rendre, à Saint-Orens de Gameville, en Haute-Garonne, ses derniers devoirs filiaux à sa mère, qu’il aimait tant et qui l’avait tant choyé. Ensuite, il fait des cures pour se soigner et se reposer lui-même, mais ne profite pas beaucoup des effets bénéfiques de ces vacances, car tout aussitôt sa « congressomanie » reprend le dessus, à Lille, et encore à La Haye... Puis, sur le chemin du retour, il a le privilège de s’entretenir avec le Pape de la situation au Vietnam, à laquelle le Saint-Père « s’est tellement intéressé et s’intéresse encore dans le seul but de faire cesser cette guerre et d’obtenir une paix juste et durable ». Mais on en est encore loin en cette année 1970 finissante, encore que les hostilités ne se manifestent pas tellement à Saigon : c’est plutôt le Cambodge qui occupe les militaires, et aussi le Nord où, dans la jungle, on paie très cher les tentatives, peu rémunératrices d’ailleurs, d’arrêter l’acheminement vers le Sud de renforts ennemis en hommes, armes et matériel. L’année suivante, il s’envole pour une incursion au Laos, où on l’a invité pour le sacre de Mgr Pierre Bach, et où il fait quelques randonnées auprès des confrères de la région, cherchant toujours à se rendre compte de l’état des choses là-bas, guère plus enviable que dans le Midi. Ces allées et venues ne sont pas sans avoir de funestes effets sur sa santé, et, en avril 1972, il est condamné à rentrer au pays pour tenter de se la refaire une nouvelle fois. Aussi bien est-ce « in absentia » que lui sera décernée, à l’occasion du 25e anniversaire de l’Alliance Française, une médaille d’honneur pour services à icelle rendus. Et alors que, se reposant sur ses lauriers, il est bien décidé à se tenir tranquille, momentanément du moins, et qu’il a choisi la Bretagne pour y couler des jours sans histoires, tout appliqué qu’il est à se revivifier en respirant un air tonifiant, voilà qu’au lieu de se revigorer, son état s’altère : son esprit d’entreprise, son caractère mordant se trouvent en défaut, il languit, se sent malade sans pouvoir déterminer la nature de son mal. Hospitalisé à l’hôpital maritime de Brest, c’est là qu’on découvrit le pot-aux-roses : une tumeur rénale dont une néphrectomie le libéra. Non sans quelques séquelles imprévues dont eut raison une longue convalescence, heureusement passée à dévorer la presse et à écrire. Quand elle se termine, le visa de six mois qui lui avait été octroyé au départ de Saigon est expiré. Demande d’un nouveau titre, délai de délivrance anormalement prolongé, incertitude ; entre les coups, à l’impromptu, nouvelle rapide et bénigne intervention chirurgicale à Bordeaux ; démarches inabouties, inquiétude, et finalement refus et déception : il avait là-bas trop mauvaise presse, ayant pris fait et cause pour la paix, et on le lui fit savoir... Lui-même, sans pour autant s’en repentir, ne se cache pas d’une impétuosité qui pouvait lui être dommageable. « Déjà, lorsque je m’étais lancé à Dalat, en 1958, dans une enquête sociologique, j’avais reçu des avertissements du maire de la ville, qui craignait que mes conclusions ne soient exploitées par les adversaires dans leur propagande. En 1968, ce fut même plus grave. À la suite de quelques articles qui n’eurent pas l’heur de plaire, parce que j’y disais la vérité, j’appris avec stupéfaction que j’étais expulsé dans les 48 heures... L’affaire s’arrangea, grâce à certaines interventions, mais je dus me tenir sur mes gardes. » Il se remémore tout cela, il se souvient sans doute aussi de la semonce reçue du général Leclerc en 1945 ; il se morfond et pourtant il ne désespère pas : « Pour moi, je conserve toujours l’espoir de repartir, de partager les souffrances du peuple que j’aime, et d’être au milieu de lui. À la vie. À la mort.»
En attendant, lui qui avait toujours eu la plume facile et quelque peu intempérante, et qui, parce que la situation au Vietnam se prêtait mal aux enquêtes de type social qu’il aurait voulu y mener, s’était vu en quelque sorte forcé de se réfugier — non sans dommage d’ailleurs — dans le journalisme, se tourne à nouveau vers lui, un peu pour tuer le temps, pour ne pas rester à rien faire. Mais c’est une profession qui est soumise à certaines conditions auxquelles un homme tel que lui est rétif, lui-même d’ailleurs en convient. « Le journalisme est un métier épineux. À moins de s’en tenir à la chronique des chiens écrasés... Et encore ! Le moins qu’on puisse écrire, c’est que, généralement, on ne se fait pas des amis... Surtout en haut lieu. Dans les sphères gouvernementales, voire religieuses... » C’est dans son volume de mémoires qu’il se livre à de telles réflexions légèrement désabusées : il profite de son temps libre pour les rédiger, puisqu’aussi bien la porte du Vietnam s’est refermée sur son passé. Entre-temps, en juillet 1974, il reçoit une offre de la part de Mgr Jean Margéot, qui manque de prêtres à l’île Maurice et serait heureux de le recevoir, même s’il ne peut pas prendre la responsabilité d’une paroisse ; il envisage entre autres pour lui une activité de secrétariat social, une collaboration à la commission « Justice et Paix », un peu de journalisme, « et tout un travail que je pourrai vous donner moi-même car je suis bien pris par l’administration et n’ai guère de temps pour l’étude et la rédaction des documents ». Très sensible à cette invitation, le P. Parrel remet cette proposition au conseil de la Société, qui marque son accord, pourvu qu’il se soumette au préalable à un examen médical sérieux ; il le passe honorablement le 24 août, et, en attendant les formalités à remplir en vue de réaliser ce nouveau projet missionnaire, part en Belgique participer à une rencontre internationale œcuménique sur la paix. Le « papier » qu’il en ramènera aura du retentissement jusqu’en Corée, d’où des échos encourageants lui parviendront alors qu’il sera déjà en plein boulot à Maurice.
Quand il y arrive, le 16 octobre, l’évêque le reçoit à bras ouverts : il est le second membre de la Société qui arrive en son diocèse avec l’intention d’y demeurer — car l’histoire signale un séjour d’un mois que fit à Maurice, alors « Île de France », le bienheureux Jean-Martin Moÿe en 1772 — et le premier, le précédant de quatre ans, n’est autre qu’un ancien d’Indochine, le P. Élie Maillot, vicaire à la cathédrale. Quant à lui, son ministère se consacre surtout au journalisme — dans l’hebdomadaire diocésain « la Vie catholique » — et à l’aumônerie des prisons. Il est installé à sept kilomètres de Port-Louis, où il est logé dans la résidence toute neuve, cernée de champs de canne à sucre et face à la mer, des Frères des Écoles chrétiennes : il est en même temps le chapelain de leur collège. À la cure de la cathédrale, il va voir régulièrement le P. Maillot, qui le tient informé des nouvelles du Vietnam et du Cambodge. Car il est toujours à l’affût de tout ce qui concerne son ancienne mission, et quand, en 1975, le sort des missionnaires de l’ancienne Indochine est encore indécis, mais de plus en plus scabreux, il écrit à Paris, le 12 avril : « En tout cas, je tiens à ce que vous sachiez que si des confrères acceptent de venir à Maurice, ils y seront bien reçus. » Preuve que lui-même s’y sent bien à l’aise. Mais il doit rentrer en France en septembre 1975 pour une intervention délicate que l’on ne pouvait pratiquer dans l’île. Cinq mois plus tard il y est de retour, en février 1976, et se consacre de nouveau à son rôle d’éditorialiste, de chroniqueur international, de correcteur digne de Bernard Pïvot, et éventuellement de rédacteur en chef de l’hebdomadaire du diocèse, dont le tirage oscille entre 8 et 10.000 exemplaires. Il ne perd pas pour autant la vigne du Seigneur Sabaoth que sont pour lui les maisons de détention, en y semant des « visiteurs des prisons », et se préoccupant des problèmes de réinsertion ; mais c’est le côté fin de semaine de son ministère, puisque c’est à l’occasion de la messe dominicale qu’il a surtout la possibilité de l’exercer. Surtout, mais pas exclusivement ; il lui arrive d’ailleurs de ne pas se cantonner dans les visites aux détenus et à la liturgie qu’il leur propose. Ainsi, la fin du mois d’août 1979 fut pour lui féconde en activités extracléricales, lorsqu’éclata à la prison centrale une grave mutinerie avec prise d’otages, accompa¬gnée de nombreuses évasions. Pendant trois jours il dut se décarcasser, pour empêcher les forces adverses en présence d’en venir aux extrêmes, jusqu’à ce qu’enfin le dispositif mis en place par la police héliportée permît à la légalité de reprendre le contrôle de la situation. Depuis lors, on attend de lui, de part et d’autre, qu’il veuille remplir une sorte de fonction d’ombudsman entre les détenus et les autorités. Et c’est paré de tous ces titres qu’il fêtera son jubilé d’or sacerdotal à Rose Hill — où il habite à cette époque une coquette petite maison au milieu d’un beau jardin — dans la chapelle des
Références
[3424] PARREL Fernand (1907-1992)
Bibliographie
Un volume de Mémoires : "43 ans au Viêtnam"
Plaquette :Trois doctrines : Capitalisme libéral-Marxisme-Catholicisme
1954, Secrétariat Social (Dalat ?)
Manuel de Morale Civique et Sociale
Mater et Magistra avec notes et commentaires.
Sông-Dao
Références bibliographiques
AME 1930 p. 180. 213. 217. 1939 p. 38. 1932 p. 78 (art). 1933 p. 23. 176 (art). CR 1930 p. 246. 249. 1931 p. 176. 1932 p. 209. 1934 p. 152. 153. 1937 p. 155. 1948 p. 95. 1951 p. 62. 1953 p. 40. 1954 p. 36. 1956 p. 49. 1958 p. 52. 1961 p. 53. 1962 p. 58. 65. 1963 p. 72. 1964 p. 37. 1965 p. 64. 79. 1966 p. 92. 95. 1969 p. 80. 1974-76 p. 224. AG80-81 p.232. 82 p. 221. 250. 85 p. 227. 234. BME 1929 p. 511. 1930 p. 592. 671. 757. 1934 p. 646. 1937 p. 883. 1938 p. 628. 1940 p. 818. 819. 820. 1941 p. 348. 565. 693. 694. 1948 p. 222. 223. 1949 p. 21. 22. 1950 p. 201. 202. 1951 p. 496. 763. 1952 p. 115. 163 (art). 195. 573. 663. 756. 1953 p. 47. 48. 487. 493. 647. 654. 786. 1954 p. 26 (art). 75. 169. 913. 1955 p. 22. 45. 46. 350. 473. 721. 1956 p. 90. 1957 p. 264. 265. 964. 965. 1958 p. 537. 538. 545. 548. 860. 1959 p. 170. 750. 890. 979. 981. 1960 p. 80. 88. 91. 365 (art). 547. 1961 p. 137. 158 (art). 311. 416. 581 (art). 674. 717. 724. EPI 1962 p. 89. 663 (art). 899 (art). 1968 p. 419 (art). 1969 p. 504 (art). 1970 p. 214 (art). 1971 p. 364 (art). R.MEP 128P53. 64. 133P33 (art). 135P33 (art). 136P51 (art). 138P51 (art). 73. 139P51. 141P61 (art). 144P29 (art). 149P38. Hir. n° 126. 130. 131/2. 133/2. 140/3. 147/2. 149/47. 165. 172/1. EC1 N° 178. 201. 202. 206. 323. 345. 448. 458. 461. 576. 589. 662. 664. 733. 738. NS. 8P238. 19P152. 23P266. 25P332. 31/C2. 42P172. 43P197. 53/C2. 54P197. 210. 57P302. 58P332. 62P121. 64P185. 65P212. 69P342 (art). 71P54 (art). 75P179 (art). 82P50. 83P77. 84P118 (art). 90/C2.p. 307. 91P337. 93P46 (art). 94P82. 94P83. 95/C2. 99P246. 105P91 (art). 107P157 (art). 111P274. 112P312. 105P90 (art). 107P155 (art). 111P276 (art). 119P170 (art). 133P261. 138P79 (art). 143P66. 240. 271. 172/C2. 173/4. 187/251. 252. 273/C2.
Bibliographie
Un volume de Mémoires, "43 ans au Viêt Nam".