Pierre BLIVET1907 - 2008
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 3443
Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Birmanie
- Région missionnaire :
- 1931 - 1947 (Mandalay)
- 1948 - 1958 (Mandalay)
- 1959 - ? (Mandalay)
Missionnaires de la même famille
Biographie
[3443] BLIVET Pierre est né le 28 octobre 1907 à Saint-Aignan (Loir-et-Cher).
Admis aux MEP en 1927, il est ordonné prêtre le 29 juin 1931 et part le 7 septembre suivant pour la Birmanie.
Il est alors successivement supérieur du petit séminaire de Maymio (1933-1939), curé de Lailui (1940-1948), de Tuilang (1948-1959) et de Tui-thang (1960-1975).
En 1975, il retnre en France 1975 et devient assistant du curé de Mer dans le diocèse de Blois (1976-1980), aumônier des dominicaines à Burtin (1980-1983) et aumônier des clarisses de Voreppe (1984), avant de se retirer à Montbeton en 1997.
Il meurt le 7 novembre 2008. Il est inhumé au cimetière de Montbeton
Nécrologie
[3443] BLIVET Pierre (1907-2008)
Notice nécrologique
Pierre Blivet est né le 28 octobre 1907 à Saint-Aignan dans le diocèse de Blois, dans une famille de cinq enfants dont le père était médecin. Il a été baptisé le 17 novembre 1907 dans l’église de Saint-Aignan. Après ses études primaires à Ravières, dans l’Yonne, puis ses études secondaires au collège des Jésuites de Mont Roland à Dôle, intéressé et impressionné après avoir entendu des conférences données par des missionnaires d’Afrique, il entra au séminaire des Pères Blancs à Hennebont, alors qu’il n’avait encore que dix-sept ans. Il y passa deux ans à étudier la philosophie scolastique, au terme desquels, en septembre 1926, il partit pour le noviciat de Maison Carrée dans les environs d’Alger. Arrivé là, après avoir prié et réfléchi au cours d’une retraite, il comprit qu’il n’était pas fait pour la vie commune telle qu’elle est prescrite par les Constitutions et pratiquée dans la Société des Missionnaires d’Afrique. Au bout de deux mois seulement, il regagna la France et, sur le conseil de personnes de confiance, il demanda sans plus attendre à être admis au séminaire des Missions Étrangères, où il entra effectivement le 23 novembre de la même année 1926.
Ordonné prêtre par Monseigneur de Guébriant le 29 juin 1931, il partit pour la mission de Mandalay en Birmanie le 7 septembre suivant. Et c’est après une traversée et un voyage sur terre de plusieurs semaines qu’il arriva enfin à Mandalay, deuxième grande ville de Birmanie après Rangoon. L’agglomération ne comptait à l’époque guère plus de deux cents mille habitants et son habitat ressemblait davantage à celui d’un pauvre village de brousse qu’à celui des villes qu’avait connues en France le nouvel arrivant. Accueilli par l’évêque, Mgr Falière, Pierre Blivet se mit de suite à l’étude de la langue, en résidant d’abord à l’évêché puis à Chanthaywa, à quelque 80 kilomètres de Mandalay.
Chargé d’un vaste territoire, Mgr Falière est préoccupé par l’insuffisance du personnel missionnaire dont il dispose pour faire face aux besoins. Alors que les minorités ethniques semblent plus ouvertes à l’évangile que les Birmans, il déplore de ne pouvoir leur envoyer les missionnaires qu’elles paraissent disposées à accueillir. Dans une lettre adressée le 24 avril 1932 au supérieur général, Mgr de Guébriant, il lance un vibrant appel à l’aide. Mais Il s’efforce aussi de faire tout ce qui dépend de lui. Il a vu qu’en France, à Beaupreau par exemple, on prépare les vocations dès l’enfance. Il prend alors le parti d’ouvrir, à Chanthaywa précisément, un “probatorium” où une douzaine de jeunes garçons pourront se préparer à entrer au séminaire. Au mois de mai 1932 il va lui-même inaugurer ce probatorium, qui sera sous la responsabilité du curé du lieu, le Père Leo. Et c’est tout naturellement qu’en poursuivant l’apprentissage de la langue Pierre Blivet commence à aider le curé dans sa tâche. Et dès 1933, deux ans à peine après son arrivée en Birmanie, il devra quitter Chanthaywa pour devenir le supérieur d’un petit séminaire qui a été ouvert à Maymyo. Dès le début il se trouve chargé de la formation de 17 séminaristes, dont deux anglo-indiens, et trois indiens venus du sud de l’Inde où les vocations abondent. À la fois directeur de l’établissement et professeur il est vite fort occupé mais, ayant acquis une moto, il peut parcourir plusieurs dizaines de kilomètres dans la journée et utilise souvent cette moto pour aller visiter les confrères qui travaillent dans la plaine. Il sympathise vite avec les anciens et ces derniers apprécient sa cordialité et son dynamisme.
Pierre Blivet restera directeur du petit séminaire jusqu’en octobre 1939. Mgr Falière, plus soucieux que jamais de développer la mission parmi les minorités, fait alors appel à lui pour accompagner les Pères Mainier et Moses Ba Khin qui vont ouvrir un poste dans les Chin Hills. Les trois missionnaires font une première tournée exploratoire au début de l’année 1940, qui permet de rencontrer les chefs locaux et les catéchistes qui avaient été envoyés en avant-garde depuis quelque temps. Ces derniers ont appris la langue locale et fait traduire les prières, les cantiques et les livres de catéchisme. La population, et même les autorités civiles, semblent heureuses de la visite des Pères. Il doit être désormais possible que l’un d’entre eux réside durablement dans le secteur. Quand ils reviennent à Mandalay le 27 avril 1940, après avoir parcouru 300 kilomètres de marche à pied dans les montagnes ils sont fourbus, brûlés par le soleil et amaigris, mais enchantés. On peut dès lors envisager de poursuivre plus résolument la fondation de la mission des Chins du nord. Le 15 décembre suivant, les Pères Mainier, Moses Ba Khin et Blivet partent à nouveau de Mandalay, grimpent à pied le Kennedy Peak et arrivent enfin à Tonzang le 24 décembre au soir, après 120 kilomètres sous une pluie battante. Ils sont trempés et épuisés mais heureux. Pour eux, pour les catéchistes et pour les catéchumènes, ce Noël 1940 et la messe chantée par le Père Moses, le futur évêque de Mandalay, resteront une fête inoubliable.
Sans attendre, les Pères Blivet et Moses sont conduits par les catéchistes dans les villages des environs, où ceux-ci avaient formé des catéchumènes, et ils peuvent administrer une centaine de baptêmes. Et un mois après leur arrivée ils sont même appelés tout au Nord, jusqu’à Manipur en Inde. Ils font de longues tournées dans ce secteur aussi, sans toutefois franchir la frontière. Un peu plus tard, au printemps, la région est arrosée par des pluies diluviennes. Un jour le cheval du Père Blivet s’écroule sous lui sans pouvoir se relever. Les pluies sont si violentes que les Pères seront deux mois sans pouvoir sortir. Le Père Blivet se met à l’étude de la langue locale à Lailu, aidé par Maung Ba Maung, un catéchiste.
Le Vendredi Saint 3 avril 1942, les Japonais, qui sont entrés en guerre le 8 décembre de l’année précédente en attaquant la flotte américaine à Pearl Harbour, bombardent Mandalay. La cathédrale et l’évêché sont détruits, ainsi que plusieurs bâtiments appartenant à la mission. Les Japonais ont déjà envahi une partie de la Birmanie et les combats font rage entre eux et les troupes anglaises. Dans un premier temps la région des Chin Hills est épargnée, mais à partir de novembre 1943 plusieurs divisions japonaises commencèrent à y pénétrer successivement de différents côtés. La brutalité des envahisseurs impressionna vivement les Chins. Si bien que lorsque le Père Blivet fut convoqué par eux à Tiddim tous étaient persuadés qu’il serait tué. En fait, l’officier à qui il eut affaire lui ordonna seulement de retourner à Lailu et de ne plus sortir du village. Il lui donna même un sac de haricots et ceux qui le virent sortir chargé de ce sac étaient persuadés, même des années plus tard, que le Père avait été condamné à faire le coolie pour l’armée japonaise. L’officier fit même apposer une affiche en japonais sur la maison du Père, interdisant aux soldats japonais d’y entrer. Plus que tout sermon sa tranquille présence au milieu des Chins montrait bien à tous qu’il les aimait. Il était le seul Européen dans région. Alors qu’à l’arrivée des Japonais tous les missionnaires baptistes américains, souvent chargés de famille, avaient quitté le pays, Mgr Falière avait demandé à ses missionnaires de rester autant que possible fidèles à leur poste. Fidélité qui valut à ces derniers la reconnaissance et l’admiration de beaucoup de Chins qui devaient demander plus tard le baptême.
Au mois de mars 1944 plusieurs divisions japonaises attaquèrent en direction d’Imphal par les Chin Hills mais se heurtèrent à la résistance des Anglais, commandés par Lord Mountbatten, et se retrouvèrent bloquées dans les montagnes, puis contraintes à la retraite. Une retraite qui se transforma vite en débâcle. Cependant les combats acharnés et les bombardements qui avaient précédé le repli des Japonais avaient fait beaucoup de victimes et causé de graves dommages. La maison chapelle où vivait le Père Moses à Tonzang, à 30 kilomètres environ de chez le Père Blivet, avait été réduite en cendres. Le Père Moses avait rejoint le Père Blivet à Lailui, mais là aussi les bâtiments de la mission furent détruits par les bombardements. Les Pères qui s’étaient réfugiés dans la campagne ne purent rien sauver. Obligés de vivre ensuite à Lailui dans un réduit minuscule de trois mètres sur trois ils passèrent là les derniers mois de 1944. C’est seulement au mois de mars 1945 que Mgr Falière pourra annoncer à Paris que Mandalay a été repris pat les Anglais.
Pendant toute cette période, en dépit ou à cause des circonstances, le nombre des catéchumènes avait augmenté. La persévérance des premiers chrétiens baptisés avait été admirable. Certains d’entre eux qui avaient passé la frontière pour échapper à la guerre avaient gagné des centaines de catéchumènes, et réclamaient des prêtres. Le Père Blivet de son côté s’était mis à écrire dans la langue locale avec son catéchiste. Il fallait rédiger un catéchisme, composer un livre de prières et de cantiques, et aussi reconstituer des registres de baptême qui avaient été détruits dans un incendie. On se demandait quand et comment on pourrait faire imprimer le résultat de son travail quand, au mois de septembre 1946, arriva de Paris une lettre annonçant au Père Blivet que, le 26 juin précédent, il avait été choisi pour représenter au siège de la Société les Missions de Birmanie, du Siam et de Malaisie. La lettre avait mis trois mois pour parvenir à son destinataire, alors que celui-ci ne pensait qu’à ses traductions et aux courses qu’il devait faire dans les villages autour de Tiddim..
Le Père Blivet ne sait pas dire non, mais il ne cache pas au supérieur général, le Père Robert, qu’il hésite à accepter : “Après sept ans passés aux Chin Hills, j’appréhende la vie civilisée”. Il se rend à Mandalay pour la retraite annuelle, et aussi pour accueillir deux nouveaux arrivants dans la mission, le Père Muffat et son propre frère, le Père Michel Blivet qui, ordonné prêtre en 1940, avait lui aussi été destiné à la mission de Mandalay mais avait dû attendre avant de pouvoir rejoindre son poste. Après avoir souhaité la bienvenue aux nouveaux arrivants, il se prépare à partir, le coeur gros en pensant à ces chrétiens chins auxquels il s’est attaché, qu’il craint de ne plus jamais revoir. Il tient cependant à terminer lui-même, et Mgr Falière lui demande de le faire, le travail qu’il est seul à pouvoir contrôler, l’édition de ses livres en chin, et il doit pour cela aller d’abord à Calcutta, en Inde. Mais ne voilà-t-il pas que, le 10 mars 1947, alors qu’il est sur le départ, Pierre Blivet, sans avertir son évêque, écrit à Mgr Lemaire pour offrir sa démission : “Je ne puis en conscience accepter la charge de représentant. Je suis frappé d’une espèce d’aboulie...”. Il se dit incapable de se décider et victime d’une sorte d’anxiété mentale dès qu’il s’agit de régler des affaires matérielles. “Je n’osais pas le dire au Père Robert. Aux Chin Hills ce défaut ne pose pas de problème : les gens sont simples....”. Et ayant alors ainsi vidé son sac, c’est le coeur soulagé qu’il part pour Rangoon. Sa démission fut acceptée le 2 avril par le Conseil à Paris.
Au mois de juin 1947 Pierre Blivet est à Calcutta où il fait imprimer ses livres. Il se prépare alors à prendre son premier congé en France, après seize ans de présence ininterrompue en Birmanie. C’est en faisant escale à Bangkok qu’il apprend que sa démission a été acceptée. Et le 10 août, à son arrivée à Marseille, il fait part à Mgr Lemaire de son intention de rejoindre Paris après un mois de repos dans les environs de Lyon. Il pourra ainsi donner de vive voix au supérieur général des précisions sur la situation et les besoins de la mission de Mandalay, et cela à la grande satisfaction de Mgr Falière, qui aura l’impression d’avoir été lui-même entendu quand le conseil de Paris reconnaîtra le bien-fondé des orientations qu’il entend privilégier
Après six mois passés en France le Père Blivet se prépare au retour. En janvier 1948, avec le Père Ogent, qui est lui aussi en congé en France, il fait une dernière visite à sa mère à Paris, et le 28 tous deux embarquent à Marseille, pour arriver le 12 mars à Rangoon. À Mandalay Pierre Blivet revoit son frère, Michel, qui est en train d’étudier le birman, puis il regagne sans attendre les Chin Hills. En son absence son poste précédent a été occupé par le Père Dixneuf. Celui-ci cède aussitôt la maison de Tuilang au Père Blivet, pour aller résider lui-même à Saizang. Et tous deux entreprennent bientôt de faire ensemble une vaste tournée dans les villages des environs. Leur première visite est pour Kaptel, qui comptait déjà 350 maisons, où ils furent très bien reçus. Ils vont ensuite à Tuitawh, où ceux qui les ont appelés font bénir leurs maisons et entrent en catéchuménat. Plus loin on leur apprend qu’un groupe de pasteurs baptistes chins avaient écrit des lettres aux habitants, leur enjoignant de ne pas les recevoir, de ne pas leur donner ni même leur vendre de nourriture. En passant à Laitui ils durent payer cher le bois, et même l’eau, pour cuire leur repas. À Maizawl le chef du village les mit presque à la porte, ce qui n’empêcha pas certains villageois de venir les voir en secret. À Mualnuam on refusa de leur donner de la nourriture, et c’est le ventre vide qu’ils arrivèrent le lendemain à Thalmual. Là il y avait un groupe de catéchumènes et à chaque visite que leur faisait le Père Dixneuf leur nombre augmentait. Ils y restèrent plusieurs jours, faisant mieux connaissance avec les villageois et baptisant de petits enfants, avant de regagner, fourbus, Tuilang et Saizang. C’est alors que le Père Dixneuf, épuisé par des années de travail intensif, dut rentrer en France pour se faire soigner, laissant le Père Blivet seul responsable pour un temps de tout le secteur.
En 1949 la guerre civile éclate en Birmanie, les combats font des victimes dans tout le pays. Et le 11 mars Mandalay se rend sans grande résistance aux rebelles carians alliés des communistes. Mgr Falière peut cependant écrire que “ au pays Chin, règnent le calme et la paix, mais les Pères sont débordés de travail..... Il y a 5.000 baptisés et catéchumènes dans le district Nord.....Le Père Blivet reconstruit à Tuilang une chapelle pour remplacer l’édifice provisoire qu’on avait bâti précédemment....”.
En 1950 on entendra le Père Blivet déplorer que les Chins aient perdu leur simplicité : “leur principale préoccupation, c’est de faire de l’argent...”, dit-il. Il regrette que, vers Tiddim, il y ait eu un certain nombre de défections, par exemple pour cause de guérison non obtenue ou à cause de difficultés à observer les lois du mariage chrétien. En 1951 pourtant, le mouvement de conversions se poursuit chez les Chins du nord. Les missionnaires se dépensent au service des communautés et Mgr Falière doit leur dire de se ménager. “Je me demande comment ils peuvent fournir un tel travail avec une si pauvre nourriture”. Et puis, faut-il incriminer le diable qui voudrait entraver leur travail : le Père Blivet a été victime d’un accident étrange. Alors qu’il devait aller bénir une maison au loin, son cheval, d’ordinaire si doux, est soudain devenu intenable. Il a dû en emprunter un autre qui est mort dès le lendemain....En 1953 les missionnaires des Chin Hills recevront la visite du Père Ogent qui vient d’être nommé supérieur régional. Le Père Ogent va voir à Tuilang le Père Blivet, dont le champ d’action s’étend sur quatre vallées au delà du Manipur. Il rapporte comment son hôte voulut lui faire expérimenter son pont de câbles sur le Manipur : “un pont balançant étrangement dès qu’on s’y engage au dessus des eaux qui roulent à grand fracas....impressionnant pour un débutant....”. Le Père Blivet, lui, doit bien souvent traverser le pont pour visiter une partie de la quinzaine de villages dont il a la charge.
Au fil des ans le curé de Tuilang recevra plusieurs visiteurs de marque : en 1954 le Père Prouvost, conseiller du supérieur général, en 1955 Mgr Martin Lucas, Délégué Apostolique, en 1956 Mgr Joseph U Win. Tous sont impressionnés par son zèle et par la cordialité de l’accueil qu’il leur a réservé.
Le 1 juillet 1956, une grande fête est célébrée à Tiddim. À son corps défendant, pour faire plaisir aux chrétiens, le P. Blivet a accepté de célébrer ses noces d’argent, le vingt-cinquième anniversaire de son ordination sacerdotale. Plusieurs confrères et de nombreux chrétiens des environs sont rassemblés, pour qui cette célébration est l’occasion de réaliser que l’Église catholique est une force et qu’elle a beaucoup progressé depuis que, 17 ans auparavant, Mgr Falière était venu à Tiddim. Le zèle et le travail du Père Blivet sont pour beaucoup dans cette progression.
Le Père Blivet semblait inusable, infatigable, toujours disposé à continuer au même rythme ses tournées incessantes dans des conditions très éprouvantes, se contentant d’un régime alimentaire souvent très frugal, mais voilà qu’en 1957 il tombe gravement malade. Le Père Ruellen qui lui rend visite à Tuilang le trouve en adoration devant l’autel, atteint d’une forte fièvre. C’est la fièvre typhoïde, qu’on va soigner en le transférant à Saizang, mais on doit appeler Mgr Falière à son chevet par la radio. Il a été victime d’une forte crise et tout le monde s’attend à le voir mourir. Mais le malade, déjouant tous les pronostics, finit par se remettre et reprend son activité. Il devra cependant se résoudre à rentrer en France, après la fête de Pâques 1958 pour prendre du repos. En 1959, il est de retour en Birmanie. Après avoir remplacé quelque temps de Père Kelbert à Tonzang, il va s’installer de l’autre côté du Manipur, à Tuithang. C’est un gros village où il pu trouver un terrain à construire, mais dans les débuts il vivra là sans domicile fixe, logeant chez l’habitant, tantôt chez l’un tantôt chez l’autre. Depuis son retour de congé il semble bien remis. Il se réjouit de pouvoir assurer chaque mois les visites régulières des postes éloignés du centre. Les années passent mais il reste un travailleur et un marcheur infatigable. Un jour de 1962 il se rend avec le Père Kelbert à Haka pour assister à la bénédiction de l’église et rentre chez lui sans attendre. Les deux Pères ont dû faire à pied 45 kilomètres en 7 heures, sous une pluie battante. Le lendemain le Père Blivet est déjà levé à 5h.30 pour enseigner les 26 catéchistes réunis. Il faut pourtant parfois payer le prix de ces marches épuisantes sur les sentiers de montagne : en 1963 il doit avouer qu’il souffre d’un genou et il devra aller jusqu’à Rangoon pour se soigner. Le médecin ne lui laisse guère d’espoir de pouvoir continuer ses randonnées. Mais écrira-t-il plus tard : “ Le médecin s’est trompé. Grâce aux prières des Soeurs....” je suis presque complètement guéri. “ Et de fait il recommence à marcher bravant la fatigue.
Le Père Blivet restera responsable du poste de Tuithang jusqu’à la fin de son séjour en Birmanie. Il mènera ainsi pendant des années la même vie à l’avant-garde de la mission en pays chin, apparemment indifférent à l’inconfort, tout dévoué au service de ses ouailles, attentif à la formation des catéchistes et toujours disposé à accueillir de nouveaux catéchumènes. Il aura eu la joie d’assister à l’ordination du premier prêtre chin en 1960, et en 1965 il assistera à l’ordination épiscopale du nouvel archevêque de Mandalay, Mgr Mose Ba Khin, en compagnie duquel il avait fait autrefois ses premières armes en milieu montagnard. La mission dans les Chin Hills se développe mais la situation politique de l’ensemble du pays se dégrade peu à peu. Après le coup d’état militaire de 1962 qui a permis au général Ne Win de prendre le pouvoir, un régime socialiste et autoritaire est instauré qui prend des mesures de caractère xénophobe. Les rébellions ethniques et les tensions entre les minorités hindouistes ou chrétiennes et la majorité bouddhiste se multiplient. Les missionnaires chrétiens étrangers se rendent vite compte que leur présence est considérée comme indésirable. Et dès 1966 les missionnaires arrivés après une certaine date en Birmanie sont avisés que leur permis de séjour ne sera pas renouvelé : trente missionnaires MEP devront quitter le pays avant la fin de l’année. Les plus anciens, comme les Pères Pierre Blivet, Muffat, Ogent et quelques autres, sont autorisés à rester et jouiront d’une liberté relative, sans toutefois pouvoir se déplacer comme ils le souhaiteraient.
En 1975, le Père Blivet dut reconnaître qu’il lui arrivait depuis quelque temps de ressentir souvent une grande fatigue. Après avoir tenté à plusieurs reprises de prendre du repos pour récupérer ses forces sans y parvenir, il prit le parti de retourner en France, après 44 ans de vie missionnaire au service de l’Église de Mandalay.
En France il fut d’abord pendant un temps vicaire à Mer, dans le diocèse de Blois, son diocèse d’origine, puis aumônier des Dominicaines de Burtin, jusqu’à ce que ces dernières cèdent la place à la communauté du Lion de Juda, devenue depuis lors la communauté des Béatitudes. En 1983-1984 il viendra passer quelques mois à Montbeton, avant de reprendre su service chez d’autres Dominicaines, à Mortefontaine, dans l’Oise, où il enseignera le catéchisme aux enfants de leur école. Puis en 1986 il deviendra aumônier des soeurs Clarisses de Voreppe, en Isère, où il restera jusqu’à sa retraite définitive à Montbeton en 2007. C’est à Montbeton qu’il mourut le 7 novembre 2008, à l’âge de 101 ans. Quand les soeurs Clarisses apprirent son décès, la mère abbesse fit parvenir au secrétaire général à Paris un message de condoléances qui est aussi un hommage au Père Blivet, où l’on peut lire : “ Le passage du Père Blivet parmi nous durant une dizaine d’années demeure comme l’aujourd’hui d’un missionnaire au regard contemplatif habité par Celui qu’il célébrait avec beaucoup d’ardeur. Il s’était glissé dans notre liturgie monastique avec une grande simplicité toute empreinte de joie. Il aimait chanter l’Évangile et les annonces des fêtes, comme tout naturellement adapté aux coutumes de notre monastère”. Missionnaire et contemplatif : c’est durant toute sa vie que Pierre Blivet avait essayé d’être à la fois l’un et l’autre.