Auguste PIOU1904 - 1978
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 3508
Identité
Naissance
Décès
Autres informations
Missions
- Pays :
- Chine
- Région missionnaire :
- 1934 - 1951 (Jilin [Kirin])
Biographie
[3508] PIOU Auguste est né le 14 avril 1904 à Saint-Macaire-en-Mauges (Mainte-et-Loire).
Admis aux MEP en 1927, il est ordonné prêtre le 1er juillet 1934 et part le 16 septembre suivant pour Kirin (Chine).
Après l’étude de la langue, il est envoyé à Haipeitchen (1936), puis à Lien Hoa Chan (1942-1947) et à Ts’ikiawop’eng (1948). Il est ensuite assigné à résidence à Chang Chun.
Expulsé de Chine en 1951, il rentre en France et se met au service du diocèse d’Angoulême, où il est curé de Manot jusqu’à son décès.
Il meurt le 26 novembre 1978 à Manot.
Nécrologie
Le Père Auguste PIOU
Missionnaire de Kirin (Mandchourie)
1904 - 1978
Né le 14 avril 1904 à Saint-Macaire-en-Mauges, diocèse d’Angers (Maine-et-Loire)
Entré aux Missions Etrangères le 15 septembre 1927
Prêtre le 1er juillet 1934
Parti pour Kirin (Mandchourie) le 16 septembre 1934
En mission de 1934 à 1952
Ministère en France de 1952 à 1978
Décédé à l’hôpital d’Angoulême le 26 novembre 1978
Inhumé à Manot (sa paroisse) le 28 novembre 1978
Enfance et jeunesse
Auguste PIOU est né le 14 avril 1904 à Saint-Macaire-en-Mauges, dans le diocèse d’Angers, dans cette région à cheval entre l’Anjou dont elle a la douceur et la Vendée dont elle partage la foi. Le P. Piou possédait les qualités de ces régions : une douceur inaltérable et une foi à toute épreuve.
Il était d’une famille qui compta onze enfants, famille très chrétienne, où tout naturellement germent les vocations. Cependant la vocation d’Auguste Piou semble ne s’être pas manifestée dès l’abord... Après ses études primaires à Saint-Macaire, il resta à la ferme paternelle jusqu’à l’âge de dix-huit ans. C’est alors qu’il entra comme « vocation tardive » au petit séminaire de Beaupréau en octobre 1923 pour y faire pendant quatre ans des études secondaires au programme un peu réduit.
C’est le 26 mars 1927 qu’il fit sa demande d’admission aux Missions Etrangères. Le Supérieur du séminaire consulté, donna une appréciation favorable. Il écrivait notamment : « Bien que d’esprit un peu lent, il a fait jusqu’ici des études très convenables. A le juger seulement sur l’extérieur, on ne l’aurait pas cru appelé aux Missions et il devra acquérir un peu d’esprit d’initiative et de souplesse, mais il possède déjà un ensemble de qualités solides. » Et le Supérieur concluait sa lettre : « Intelligence apte aux études, plus réfléchie que vive, conduite exemplaire, dévouement absolu. Grande timidité ; demande à être connu avant d’être jugé. » Auguste Piou fut donc admis et c’est le 15 septembre 1927 qu’il entra au séminaire de Bièvres : il avait vingt-trois ans.
Au séminaire, il fut un élève travailleur et pieux. Comme le signalait le Supérieur de Beaupréau, son esprit était plutôt lent ; il fit cependant des études tout à fait normales, sans êtres brillantes.
Ordonné prêtre le 1er juillet 1934, il reçut sa destination le soir même pour la mission de Kirin en Mandchourie. Quelle fut sa réaction intime ? On n’en sait rien car il ne fit part à personne de ses impressions.
Cette mission de Kirin, la plus septentrionale des missions d’Asie confiées à la Société des Missions Etrangères était encore jeune. Elle n’avait à l’époque que trente-six années d’existence. Elle comptait alors environ 32.000 catholiques sur une population estimée à huit millions d’habitants répartis plus ou moins régulièrement sur un vaste territoire de 170.000 km2.
Le P. Piou arriva à Kirin en novembre 1934. Comme tous les jeunes missionnaires, son premier travail fut de s’initier à la langue du pays, le chinois mandarin. Après quelques semaines à la cure de la cathédrale dont le curé était le futur Mgr Lemaire, il alla continuer son initiation au petit séminaire situé à l’est de la ville. Il y resta jusqu’en juillet 1935. C’est alors qu’il fut envoyé à Acheho, paroisse dont le P. Rouger était curé. Il poursuivit son étude de langue sous la direction de ce confrère et commença à faire un peu de ministère et cela jusqu’au mois de mai 1936. On estima alors qu’il savait suffisamment de chinois pour être « vicaire à plein temps ». Aussi fut-il envoyé comme vicaire du P. Peignont à Haipeitchen, c’est-à-dire la « Colonie Saint-Joseph ». Cette paroisse, unique en son genre, mérite d’être décrite pour donner un aperçu du champ d’apostolat du P. Piou. C’était la plus importante de la mission par le nombre des chrétiens, 10.000 environ. Il s’en trouve évidemment de bien plus importantes en France et ailleurs. Mais dans la colonie Saint-Joseph, tous les habitants « intra muros » étaient chrétiens pratiquants. En effet, la condition essentielle pour être admis dans cette colonie était d’être baptisé, pratiquant et en règle avec la morale. Il n’y avait pas d’indifférents. La vie chrétienne était intense. Les hommes les moins fervents se confessaient quatre fois l’an ; les femmes, les adolescents et les enfants, tous les mois.
La fondation de cette paroisse remonte à 1902. A cette date, le gouvernement de Pékin décida de mettre en valeur et de livrer à la culture un immense plateau à 200 km au nord de Harbin. Ce territoire était pratiquement inhabité ; on n’y trouvait que quelques chasseurs. La proposition du Gouvernement ne suscita pas une ruée vers cette région. Alors, le P. Roubin, curé à quelque 100 km plus au sud fut intéressé par l’offre du Gouvernement. Il se rendit acquéreur de 300 km2 de friches. Son intention était d’une part de donner du terrain et du travail à des chrétiens de toute la Mandchourie, généralement assez pauvres et d’autre part, de soustraire à la vindicte des païens les chrétiens qui avaient souffert de la persécution des Boxers ; enfin de constituer une communauté chrétienne qui serait un exemple et comme un pôle d’attraction pour les païens de bonne volonté des villages environnants. Les familles recevaient un hectare par personne, à un prix très modique. En l’espace de quelques années, le village, mis sous la protection de saint Joseph, se peupla et atteignit le nombre de 10.000 habitants. Le P. Roubin, missionnaire infatigable, fit construire des écoles primaires, des écoles de catéchèse, une vaste église : en un mot, il organisa parfaitement cette paroisse.
C’est là que pendant six ans, le P. Piou va fournir un travail très absorbant, surtout par le ministère des confessions : il était toujours disposé à recevoir les pénitents, même de bonne heure le matin avant l’aurore. De plus tous les matins, il fallait porter la communion à de nombreux malades à travers le village. Il ne consacrait pas moins de 2 heures chaque matin à ce ministère. A cela ajoutez la visite des malades, l’administration du sacrement des infirmes, le baptême des enfants et les enterrements. On voit que le P. Piou, dans cette nombreuse et fervente paroisse, ne manquait pas de travail. Avec le calme qui le caractérisait, il était toujours disponible... et se sentait bien dans son milieu... Il n’est pas étonnant qu’une paroisse aussi fervente ait donné de nombreuses vocations sacerdotales et religieuses. Le plus célèbre est le Cardinal Yu Pin qui fut baptisé à l’âge de treize ans. Créé cardinal en 1949, il mourut à Rome en 1978, peu avant l’ouverture du premier conclave qui devait élire le Pape Jean-Paul Ier .
Après cette digression historique, utile cependant pour situer le ministère du P. Piou, ajoutons quelques détails sur le climat de cette région, un climat très rude qui était loin de rappeler au P. Piou « La douceur angevine ». Pendant l’hiver qui dure plus de six mois, il n’est pas rare de voir le thermomètre descendre en décembre, janvier et février, jusqu’à 40 au-dessous de zéro ! Par contre dans ce climat continental, les mois de juillet et août sont torrides et également très pénibles. Le printemps n’est guère plus agréable : un vent chaud venant du désert de Gobi souffle tous les après-midi et accélère le dégel des terrains et des rivières. Seul l’automne, bien court, est à peu près convenable !
C’est dans ce contexte que travailla le P. Piou pendant six ans. En octobre 1942, il fut nommé curé dans la « brousse » au sud de la mission, dans la paroisse de Lien Hoa Chan. C’était une paroisse de vieux chrétiens, environ un millier, avec une desserte comptant deux à trois cents âmes. Il y resta pendant cinq ans jusqu’au jour où son voisin le plus proche, le P. Roland, fut assassiné par des brigands. Le P. Piou fut donc envoyé en remplacement dans la paroisse de Ts’ikiawop’eng où il travailla du mois de juillet 1947 au mois de février 1948.
Pendant quelques années, surtout à partir de 1945, le P. Piou, si calme, fut plongé dans des situations que l’on peut dire dramatiques. Au mois d’août 1945, le Japon qui occupait la Mandchourie et avait constitué une sorte de protectorat sous le nom de Mandchoukouo dut s’avouer vaincu. Les Japonais évacuèrent donc la Mandchourie. Le pays fut occupé par l’armée russe et des troubles éclatèrent un peu partout. Au bout d’un certain temps, les Russes se retirèrent et furent remplacés par l’armée nationaliste chinoise. Mais les troupes communistes chinoises ne tardèrent pas à faire leur apparition, et la lutte s’engagea entre nationalistes et communistes. Comme toujours en pareil cas, ce sont les habitants du pays qui ont le plus à souffrir. Le P. Piou n’échappa pas aux communistes. Arrêté le 2 février 1948, il fut relâché deux jours plus tard, mais assigné à résidence à la procure de Chang-Chun où se trouvaient déjà Mgr Gaspais, le P. Gibert et le P. Yves Perrin. Il demeura là avec ces trois confrères jusqu’au 21 décembre 1951, date de leur expulsion. Ils arrivèrent à Hong-Kong tous les quatre, le 1er janvier 1952. Ainsi se termina la première étape de la vie sacerdotale du P. Piou.
Un confrère qui a bien connu le P. Piou pendant les dix-huit années qu’il passa dans la mission de Kirin a bien voulu donner quelques notes intéressantes sur notre confrère : « Le P. Piou était un prêtre très régulier, pieux et zélé. Très accueillant, jamais impatient, il était aimé des chrétiens. Très pris par le ministère auprès des baptisés, il avait le regret de ne pouvoir se donner comme il l’aurait voulu à l’évangélisation des non-chrétiens. Son caractère était d’ailleurs plus adapté à la régularité d’un cadre paroissial qu’aux voyages et aux “à coups” d’un apostolat près des païens. Il n’était pas non plus pour les nouveautés ; il s’en tenait aux méthodes traditionnelles. Tout en étant ferme sur les principes, il savait temporiser quand il sentait que ses remarques seraient mal reçues. Tout comme le P. Roland son voisin, le P. Piou vivait en pauvre. Il se contentait de fort peu pour la nourriture et le logement. Il avait sa manière à lui de répondre à ceux qui lui conseillaient d’avoir plus de souci de lui-même : “Ça m’arrange” disait-il en souriant et il continuait à faire comme bon lui semblait. Ce qui ne l’empêchait pas de se mettre en frais pour recevoir les confrères qui le visitaient. Il ne manquait pas de courage. Un individu s’était promis de le tuer s’il retournait dans son poste. Il resta quelques jours à la procure, puis décida de repartir. On lui objecta qu’il était plus prudent d’attendre un peu. Il fit alors cette réponse : « S’il veut me tuer, il me tuera, c’est tout. » Et il repartit, intrépide. Il avait pourtant toutes raisons de croire que ce sinistre personnage mettrait sa menace à exécution. Heureusement, il n’en fit rien. Tel fut le P. Piou pendant ses années de mission à Kirin. » – Que peut-on ajouter à cela sinon le proverbe : « Il ne faut pas juger les gens sur la mine. »
Une fois rentré en France, il prit quelques mois de repos bien mérité. Il s’engagea ensuite dans le ministère au diocèse de Blois pendant environ deux ans. Il se mit ensuite au service de l’évêque d’Angoulême qui l’affecta à la paroisse de Manot. Il devait y rester pendant vingt-quatre ans. Son ministère fut des plus traditionnels. Il accueillait tout le monde : ses paroissiens comme ceux des autres paroisses. Selon son expression favorite, il « voulait arranger toutes choses avec tout le monde », dût le Droit Canon en souffrir ! Ce qui n’était pas toujours du goût des curés des paroisses limitrophes. Il vivait pauvrement. Son presbytère ressemblait plutôt à un hangar qu’à une maison d’habitation ; il ne voulut jamais que la commune fasse la moindre réparation. Son mobilier était également des plus simples : il n’avait qu’un seul lit, un réchaud électrique pour faire sa maigre cuisine ; sa nourriture était réduite au-dessous de ce que l’on peut appeler le minimum vital. Heureusement une famille l’invitait chaque semaine et lui procurait du ravitaillement. Autrement son menu consistait en pommes de terre avec quelques conserves. Evidemment il n’avait personne pour « tenir » sa maison ! Cela l’arrangeait de vivre seul. Il avait une façon curieuse de se chauffer en hiver : il n’avait qu’un radiateur électrique, mais il utilisait l’énergie solaire d’une façon originale. Il avait installé dans sa cour une vieille auto qui était orientée pour recevoir le soleil le plus longtemps possible pendant la journée ; elle emmagasinait un peu de chaleur et c’est là qu’il avait installé son bureau !
Au printemps de 1978, il se sentit fatigué. Il voulut néanmoins continuer son travail. Mais bien vite il dut se rendre à l’évidence qu’il avait besoin de soins et de repos. Il entra donc à la Maison diocésaine pour les prêtres âgés. Mais chaque dimanche, bien que malade, il voulait rentrer dans sa paroisse pour y assurer les offices. Il resta ainsi fidèle à ses devoirs de « pasteur » aussi longtemps qu’il le put. Malgré ce temps de repos et les soins reçus, la maladie faisait des progrès et au début de novembre son état devint inquiétant. Il s’en rendit bien compte et c’est dans la plus grande sérénité qu’il se prépara à la rencontre avec le Seigneur qu’il avait bien servi. Le dimanche 26 novembre il rendait son âme à Dieu à l’hôpital d’Angoulême où il avait été transporté depuis quelque temps...
Ses obsèques furent célébrées à Manot, sa paroisse, le mardi 28 novembre. La concélébration fut présidée par Mgr Rol, évêque d’Angoulême, assisté de Mgr Kérautret, ancien évêque du diocèse, de Monsieur le Vicaire général et d’une vingtaine de prêtres du diocèse. Les PP. Lannay et Chagny, anciens missionnaires de Mandchourie et le P. Dixneuf, angevin, représentaient la Société des Missions Etrangères.
L’église était archicomble : foule priante, émue qui regrettait son pasteur. Par amour pour ses paroissiens, le P. Piou a voulu être inhumé au cimetière du village au milieu de sa famille spirituelle.
A la messe des funérailles, l’homélie fut prononcée par Mgr Kérautret. En voici quelques passages : « Je crois que l’on ne connaît bien un homme qu’après sa mort ; alors seulement se révèlent des choses qu’on avait ignorées. C’est sûrement vrai du P. Piou. Je croyais le connaître, mais la face la plus émouvante de sa personnalité me restait inconnue. Je ne l’ai découverte qu’en demandant des renseignements aux Archives des Missions Etrangères et en recueillant les confidences de ceux qui furent ses compagnons d’apostolat. C’est après dix-huit ans passés en Mandchourie et après avoir été expulsé par les communistes en fin 1951 que le P. Piou rentra en France et se mit au service du diocèse d’Angoulême. Il fut envoyé dans cette paroisse de Manot où il a été votre pasteur pendant vingt-quatre ans. Mieux que moi vous savez ce qu’il fut pour vous et vous avez senti ce que vous étiez pour lui : sa famille spirituelle qu’il aimait à l’égal de sa famille naturelle. Une de ses sœurs me disait que lorsqu’il revenait dans son pays natal, il ne se reposait pas au-delà de deux ou trois jours, s’ennuyant de Manot et inquiet de savoir si vous n’aviez pas besoin ici de son ministère. Son ministère, c’était celui qu’il avait toujours pratiqué : le ministère des sacrements dans sa forme la plus traditionnelle. Il n’était plus à l’âge où l’on peut changer ses habitudes. Mais toute son action pastorale était animée d’un tel courant de prière et d’une si manifeste conviction que, dans son apparente facilité à toujours répondre “oui” à toute demande, vous sentiez son désir de vous mettre en communion avec Dieu. En vingt-quatre ans avec vous, il a fait l’œuvre de Dieu et semé du grain qui germera. Vous l’avez récompensé par votre sympathie : il a trouvé près de certaines familles un accueil qui fut pour lui un réconfort ; il a été aidé, puis relayé pour les catéchismes par deux hommes qui anticipent parmi vous un ministère laïc auquel les chrétiens devront s’associer de plus en plus... Il a trouvé à Etagnac (maison de retraite des prêtres âgés) des religieuses qu’il a édifiées et qui l’ont soigné avec tout leur dévouement. Il nous reste un dernier devoir à lui rendre : prier pour lui et pour sa famille ; prier pour la paroisse de Manot ; prier pour les missions de Chine. Et puisque la Sainte Vierge a tenu une place de choix dans sa piété personnelle, nous chanterons, en fin de cérémonie, le Magnificat de notre reconnaissance. »
« Ça m’arrange ! » Le P. Auguste Piou repose donc dans le cimetière de Manot parce que cela aussi « l’arrangeait » pour demeurer au milieu de ses paroissiens et du haut du ciel veiller sur eux.
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