Louis GUITTAT1910 - 2001
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 3542
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Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Malaisie - Singapour
- Région missionnaire :
- 1935 - 2001 (Malacca)
Biographie
[3542] GUITTAT Louis est né le 28 avril 1910 à Verosvres (Saône-et-Loire).
Ordonné prêtre le 7 juillet 1935, il part le 15 septembre suivant pour la mission de Malacca (Malaisie).
Arrivé dans sa mission, il se met à l’étude du tamoul à Kuala-Lumpur, puis il est envoyé à Bagan Serai (1937) et à Klang (1939-1947). En 1948, il est responsable des paroisses de la côte est : Kuantan, Kuala Trengganu et Kota Bahru, avant de se voir confier à partir de 1977 la fondation de nouvelles paroisses. En 1996, il se retire chez les Petites Sœurs des Pauvres.
Il meurt le 23 septembre 2001 à Kuala Lumpur.
Nécrologie
Le père Louis GUITTAT
Petit de taille, mais haut en couleur ! À plus de 90 ans, la canne élégante, qu’il balance avec dignité, est plous un bâton de commandement qu’une aide pour la marche. Il va encore droit son chemin, pensant que l’âge n’est pas encore arrivé.
Soixante ans de vie missionnaire ont fait de lui notre doyen, après avoir été jusqu’à la fin un pionnier dont les aventures variées s’ornaient, au fil des années, d’une légende. Les descriptions sont multiples et louangeuses, ce qui n’est pas fait pour lui déplaire : éducateur et bâtisseur d’écoles ; membre d’un groupe de guérilla anti-japonais – il avait un nom de guerre qu’il n’a jamais voulu nous révéler, même cinquante ans après ; premier prêtre résidant sur la côte est de Malaisie – une paroisse s’étirant sur 400 km – d’où il revient atteint de tuberculose ; curé de la nouvelle paroisse du Sacré Cœur à Kuala Lumpur, où il s’enthousiasme pour les communautés de base ; puis retour vers les grands espaces et les plantations à Banting où il regroupe des chrétiens dispersés et se fait une place parmi les non-chrétiens.
Il sait sourire et communiquer, avec un apostolat préférentiel du milieu tamoul et des jeunes, et un rôle d’éminence grise auprès de ses évêques, du moins le pense-t-il. Il n’hésite pas à approcher les gens en position d’autorité, y compris les sultans. Il rappelle aux nantis et profite de sa longue expérience pour prodiguer avis et conseil. .Et le vicaire général d’Autun ne lui demande-t-il pas de passer deux ans dans son diocèse d’origine pour y partager son souffle missionnaire. Tout cela n’aurait-il pas dû être reconnu par l’octroi d’un ruban rouge , cela lui aurait tellement fait plaisir ! Mais on lui propose que du bleu – l’Ordre du Mérite. Il dit non, arguant du fait qu’il est depuis longtemps citoyen de Malaisie.
De France en Malaisie
Né le 28 avril 1910 à Verosvres, Saône et Loire, Louis Guittat est le quatrième d’une famille de sept enfants. Ses parents sont cultivateurs, un plus jeune frère, Marc, sera prêtre dans le diocèse. Il fait ses études jusqu’au brevet puis travaille, pour un temps, à la ferme paternelle.
Il y a une tradition missionnaire dans la famille. Mgr Petitjean était un cousin – il nous le rappellera souvent. Il lit ses lettres et se sent attiré vers un don radical de lui-même au^près des non-chrétiens.
Pour deux ans, nous le trouvons au Séminaire des Vocations Tardives à Fongombault. En 1929, il entre au Grand séminaire d’Autun et en 1931 à Bièvres. Il accomplit son service militaire au Maroc et continue ses études à la rue du Bac de 1933 à 1935.
Ordonné prêtre le 7 juillet( 1935 par Mgr Gaspais, vicaire apostolique de Kirin, Mandchourie, il reçoit sa destination pour la Mission de Malacca. Embarqué le 15 août sur le Sphinx - parmi ses compagnons de voyage, il se rappelle Cl. Mainier, Audigou, Narbaitz-Jauréguy, Carriquiry, P. Toqueboeuf – il arrive à Singapour le 12 octobre.
Son évêque, Mgr Devals, qui le destine à l’apostolat de la communauté tamoule, l’envoie à Kuala Lumpur auprès du père Hermann, curé de la paroisse Saint-Antoine. Il y commence l’étude de la langue et de la culture et, après Pâques 1937, le voilà chargé de B agan Serai, à quelques 250 kilomètres au nord de Kuala Lumpur, dans une communauté rurale et pauvre. Il y trouve à utiliser son expérience agricole dans les rizières et les plantations de caoutchouc et d’huile de palme. L’espace ne lui manque pas, car il y a des groupes de chrétiens tamouls dans les villes voisines et dans la multitude de plantations qui couvrent son district. Il les visite régulièrement, au volant d’un Austin 7. Il va aussi aider le père Aloysius, un prêtre malaisien qui deviendra son grand ami, dans la paroisse Saint-Louis de Taiping. On s’y rappelle encore son tamoul hésitant, qu’il arrivera à maîtriser. Bagan Serai, pour le jeune missionnaire, c’est le baptême du feu.
Klang, Notre-Dame de Lourdes, 1939-1949
Et maintenant, le voici au bord du détroit de Malacca. Il restera désormais à la latitude de Kuala Lumpur, ni plus au nord ni plus au sud, mais se transportant, selon les postes qui lui sont confiés, de la côte ouest à la côte est. Il est le seul confrère qui n’ait jamais été en paroisse à Singapore.
À Klang, capitale du sultanat de Selangor, à quelque 35 km de l’ouest de kuala Lumpur, il a un vaste territoire à couvrir, étant non seulement le pasteur de la ville mais aussi des nombreuses communautés dispersées dans les plantations. Sans attendre, il révèle son charisme d’éducateur et commence une école de garçons, qu’il confiera bientôt aux Frères des Écoles chrétiennes.
C’est avec cette communauté, en majorité tamoule, qu’il passera les années d’occupation japonais. Selon le récit donné bien des fois, le 13 janvier 1942, est un jour dont il ne se souvient que trop bien. Arrêté par la soldatesque, il est attaché à un poteau électrique, une douzaine de fusils braqués sur lui. Interrogé par des policiers qui veulent savoir s’il est pour de Gaulle ou Pétain, il s’en sort en répliquant que la seule autorité dont il dépend, c’est le Pape. Ouf ! Il l’a échappé belle !
La paix et la liberté revenues, il se dépense à fond pour réorganiser sa paroisse . Quelques mois passés à l’église Saint-Antoine de Kuala Lumpur pour remplacer le père Hermann et c’est son tour de partir pour son premier congé.
Kuantan et la côte est, 1949-1958
À son retour, commencent les années glorieuses et légendaires de la côte est. Le voici premier curé résident de Kuantan, sur la mer de Chine, et de là il s’étire jusqu’à Kota Bahru, à presque 400 km plus au nord, dans une région à 90 % malaise et musulmane. C’est l’époque de la rébellion communiste anti-coloniale et cette zone est particulièrement « chaude ».
Arrivé le 17 septembre 1949, il remet en état la vieille chapelle bâtie en 1910, dont les fourmis blanches ont fait leur quartier général. Il y ajoute un appentis qui devient sa chambre. Petit à petit, il bâtit une chapelle plus grande, qui sera un jour l’église Saint-Thomas et un presbytère au confort réduit et au toit à nombreuses gouttières. Lui passe le plus clair de son temps sur les routes, à la recherche des catholiques éparpillés le long de la côte, des fonctionnaires, des mineurs. Et il continue dans sa ligne : dès 1950, il commence une classe de garçons dans un bâtiment préfabriqué. Vers 1955, l’école est bâtie et inaugurée par le sultan de Pahang. Deux jeunes prêtres, les pères Yap et Reutens y enseignent, mais ils sont bientôt remplacés par les frères de Saint Gabriel.
Et les filles ? Le curé voudrait bien confier cet apostolat à des religieuses. Mgr Olçomendy réussit à lui envoyer un groupe de franciscaines missionnaires de Marie. Le père Guittat est aux anges pour un temps. Nous sommes avant Vatican III et les chères franciscaines qui ont adoration du Saint Sacrement toute la journée exigent un Salut plusieurs fois par semaine. Voilà le voyageur à l’attache. Ce n’est guère de son goût. Il est missionnaire de plein vent. Aussi s’épanche-t-il auprès de son archevêque : « Monseigneur, j’avais besoin d’une brouette et vous m’envoyez un hélicoptère ! Que faire ? »
Mais on ne peut le retenir longtemps. Même pendant les semaines de mousson, il est sur les routes poussant sa voiture sous la pluie dans les endroits inondés. Pour aller célébrer la messe de Noël dans un poste éloigné, il n’hésite pas à traverser à pied une rivière. Aussi personne n’est étonné d’apprendre que « l’infatigable » doit être hospitalisé, d’abord à Singapour, fin 1956, puis en France, pour un an au sanatorium d’Hauterive, dans l’Ain : tuberculose pulmonaire. Il est solide, il s’en remet mais n’ira plus sur la côte est, sinon comme visiteur.
Kuala Lumpur : chancelier puis curé du Sacré Cœur, 1958-1973
Pendant deux ans, Mgr Vendargon le garde près de lui : chancelier, secrétaire, supérieur du probatorium. Tout cela n’est guère de son goût. S’il peut se sentir le conseiller de l’évêque, il a aussi besoin de plus grands espaces. Aussi accepte-t-il avec joie de devenir curé de la paroisse du Sacré Cœur, au sud de Kuala Lumpur.
Le pèr’e Limat vint d’y terminer les bâtiments, église et presbytère, mais tout reste à faire pour que cela devienne une communauté. Et puis, il y a le quartier plus pauvre de Kampong Pandang avec un bon groupe de chrétiens tamouls. Bref, de quoi l’occuper d’autant que c’est bientôt les initiatives liturgiques et pastorales du Concile. Alors en avant toutes ! Le père Guittat n’est pas l’homme de l’arrière-garde. Les communautés de base prennent naissance. Il faut essayer d’introduire l’usage de la langue nationale, le Malais, dans les célébrations, ce qui n’est pas du goût de tout le monde. Le pasteur creuse son sillon, donnant leur place aux laïcs tout en gardant la main ferme sur le gouvernail.
Après treize ans de ce dur labeur, il rentre en congé, le système nerveux en mauvais état. Aussi est-il heureux d’accepter l’offre d’être pour un temps le pasteur de son village natal. C’est ainsi qu’il passe deux ans en France, toujours animé du charisme missionnaire qu’il aime partager.
Banting, 1976-1994
De retour en Malaisie en août 1975, il fait quelques remplacements, puis retrouve l’espace et la campagne, les plantations et une maison traditionnelle en bois et toit de zinc, au bord de la rivière Sungei Langat à quelque 60 km de Kuala Lumpur.
Il s’y sent chez lui pendant dix-huit ans. « Comme à Cana,c’est à la fin qu’il donne le meilleur vin » dira le père Volle. Il a soixante-six ans et ne trouve, dans les débuts que quelques familles catholiques. La maison, qui avait connu de meilleurs jours, est plus grande que solide. Il réussit à y loger une chapelle et un jardin d’enfants au rez-de-chaussée, tandis qu’il occupe l’étage : bureau, cuisine, salle à manger, chambre. De l’espace, de l’air, des fourmis blanches et des chauves-souris attirées par les palmiers. Vue magnifique sur la rivière. Quand on lui demande s’il y a des crocodiles, il hoche la tête sans répondre. Il aimerait bien qu’on le croie, ça ajouterait à la légende.
Petit à petit, il rassemble des chrétiens qui avaient cessé de fréquenter l’église. Il ouvre sa maison aux jeunes, les encourage à étudier. Les marmots du jardin d’enfants deviennent plus nombreux. La petite plantation dans laquelle il aime travailler est une source de revenus. La communauté gagne en cohésion, se prend en charge et rayonne, attirant des non-catholiques. Lui visite, connaît et reconnaît les gens ; ils sont à l’aise avec lui et le consultent volontiers.
Les années passent. Curieux et éveillé de nature, il est fidèle aux réunions des prêtres du diocèse et de ses confrères des Missions Étrangères. Il tend l’oreille, arrive à entendre et donne son point de vue, sans complexe. Ce qu’il dit se tient et résume une expérience pastorale authentique et missionnaire.
Mais, avec l’âge, arrive aussi le temps de passer les commandes à d’autres. En février 1991, c’est le curé de Kelang, paroisse voisine à 30 km, qui devient administrateur de Banting. Le vétéran se retire sur place et se fait très discret. En 1994, il va dans une famille amie, à Semenyih, au sud de Kuala Lumpur, et finalement prend résidence chez les Petites sœurs des Pauvres, tout en continuant à conduire sa voiture.
C’est alors 1995, il a 85 ans. C’est là qu’il fête ses soixante ans de prêtrise et de vie missionnaire, en juillet. Son vieil archevêque, Mgr Vendargon, lui aussi retiré dans la même maison, lui promet de longues années de vie active. Et le père Guittat, de fait, ne se confine pas dans sa chambre. Mais les portails sont fermés le soir à 22 h. Il lui faut une clef ! Il y a des horaires à respecter, aussi parle-t-il de « prison dorée ». Il fait des « escapades apostoliques », allant passer quelques jours dans des paroisses ou chez des amis.
Dès que les résidences pour personnes âgées, bâties par le diocèse, sont prêtes, juste à côté de chez les Petites sœurs, il se fait attribuer trois bungalows et y retrouve son indépendance en juin 1999. Mais l’âge est là. Il passe bien le cap des 90 ans. Toutefois vers juillet 2001, il doit être admis à l’hôpital catholique de Petaling Jaya. C’est là qu’il s’éteint le 23 septembre.
Une messe est célébrée dans son ancienne paroisse du Sacré Cœur. Selon sa demande, ses funérailles et inhumation ont lieu à Banting, le dernier poste qu’il avait défriché. Son archevêque, revenu spécialement de Penang où il était en retraite, préside la cérémonie des adieux. Le doyen du diocèse de Kuala Lumpur et des confrères des Missions Étrangères repose dans ses terres !
Le père Guittat : le connaître ou le deviner ,
Il aime s’entourer d’un certain mystère, laisser entendre qu’il connaît des choses ignorées des autres, qu’il est à même de conseiller les autorités et qu’avec sa longue expérience …
C’est certainement un homme de décision, qui ne revient pas sur ses pas. Son père était opposé à sa vocation et l’ignora pendant ses années de séminaire. Aussi raconte-t-t-il avec émotion combien il avait été touché de le voir dans la chapelle de la rue du Bac le jour de son Ordination. Famille réconciliée et combien unie. Car si Louis Guittat devient dès que possible citoyen de Malaisie, la terre du Charolais reste collée à ses semelles. Il aime se retrouver avec tous les siens, à Verosvres ou en Savoie, durant ses congés.
Missionnaire, il est pionnier, ouvre de nouvelles avenues, réussit à obtenir un terrain à Kota Bahru en plein milieu malais musulman, en vue d’y bâtir une église. En même temps, il reste fidèle aux amitiés nouées au cours des années et volontiers va célébrer anniversaires et jubilés.
Lui, qui a arrêté ses études au brevet, encourage les jeunes avec lesquels jusque dans sa vieillesse il reste à l’aise, à poursuivre leur éducation. Aussi, il bâtit des écoles qu’il sait passer ensuite à des mains plus compétentes. Il donne des aides financières aux plus pauvres et prend sa part de gloire de la réussite de ses « anciens ».
Il reste très simple dans son mode de vie. S’il lui faut une bonne voiture, climatisation et télévision ne sont guère dans ses habitudes. D’autant que souvent il doit économiser pour mener à bien ses nouveaux projets. Ses vicaires ont trouvé son style de vie plutôt spartiate. On s’amusait de le voir chiner auprès des confrères du tabac pour bourrer sa pipe comme par hasard, il avait oublié son paquet de tabac chez lui ! Roublard ! Mais il offre volontiers un whisky à ses visiteurs, en précisant que c’est un cadeau qu’on lui a fait.
Il est un rien énervant quelquefois, à cause de sa curiosité et de ses histoires qu’il raconte avec de nombreux sous-entendus. Il a une expérience que personne ne peut lui disputer et des souvenirs ! Ses comptes ne sont guère connus que de lui, et il a le don de faire les choses d’une manière différente des autres. Mais ce qui prime et le rend sympathique, c’est sa jeunesse d’esprit, son zèle jamais mis en défaut par les difficultés. Jusqu‘au bout, il reste celui à qui son biographe donne le titre de «missionnaire par excellence».
Michel ARRO
décembre 2002