Jean PÉLARDY1911 - 1992
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 3615
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Identité
Naissance
Décès
Autres informations
Missions
- Pays :
- Chine
- Région missionnaire :
- 1938 - 1949 (Anlong [Lanlong])
Biographie
[3615] PÉLARDY Jean est né le 25 mars 1911 à Piennes (Meurthe-et-Moselle).
Il entre aux MEP en 1934. Ordonné prêtre le 29 juin 1938, il part le 13 septembre suivant pour la mission de Lanlong (Chine).
Après l’étude du chinois, il est nommé vicaire à Tayen. En 1940, il est chargé du poste de Tchechou.
Rentré en France pour un congé en 1949, il ne peut retourner en Chine, et se rend à Ménil-Flin, où il travaille pour l'Information missionnaire (1950-1960), puis il se met au service du diocèse de Verdun. Il est alors nommé curé d'Herméville-en-Woëvre.
Il meurt le 26 mars 1992 à Nancy.
Nécrologie
Jean PÉLARDY (1911-1992)
Pélardy Jean, né le 25 mars 1911 à Piennes (Meurthe-et-moselle), au diocèse de Nancy – entré au séminaire des Missions Étrangères le 17 septembre 1934 ; ordonné prêtre et destiné à Lanlong (Chine) le 29 juin 1938, parti pour sa mission le 13 septembre 1938 ; sorti de Chine en 1949 et versé aux Établissements communs à Ménil-Flin en 1950 – ministère paroissial au diocèse de Verdun le 20 juillet 1960, décédé à Nancy le 26 mars 1992
Jean Pélardy, fils de Jean et de Maria Moulin, est né le 25 mars 1911, en la fête de l’Annonciation, à Piennes, et fut baptisé en cette commune le 5 juin suivant. Il reçut le sacrement de confirmation à Saint-Epvre de Nancy le 29 mai 1923. En fait foi le certificat délivré par l’abbé Samson, curé des paroisses de Landres et Piennes, le 5 juillet 1930. Son père exerçait le dur métier de mineur. Le foyer compta en tout cinq enfants, mais les deux filles et un des garçons étant décédés prématurément, il ne connut en réalité qu’un seul frère durant son enfance. Après le décès de ses parents, il fut élevé au Faubourg des Trois Maisons à Nancy, sur la paroisse Saint-Vincent-Saint-Fiacre, et y fit ses études primaires à l’Institut Saint-Fiacre ; quant à ses études secondaires, il les accomplit de 1924 à 1930 à l’École apostolique de la Compagnie de Jésus à Florennes, en Belgique, et à Cormontreuil près de Reims, où il étudie sa vocation missionnaire.
Indécis, il passe une année comme surveillant au collège des Pères jésuites à Amiens, et y donne satisfaction ; se déterminant alors pour les oblats de Marie Immaculée, il entre en leur noviciat à Berder, une île dans le golfe du Morbihan, et prononce ses premiers vœux au terme de celui-ci. Il est alors envoyé à Liège pour une première année de philosophie, et de là à Notre-Dame de Sion pour la seconde année : le règlement lui paraît beaucoup plus sévère qu’à Liège ; il fait des comparaisons et des critiques, tant et si bien qu’il n’est pas admis au renouvellement de ses vœux temporaires. Assez décontenancé, il prend conseil de son ancien directeur spirituel, le P. Huvelon, de Florennes, qui lui propose de faire une demande aux Missions Étrangères. Aussitôt dit, aussitôt fait : le 9 septembre 1934, sa lettre à Mgr de Guébriant précise qu’ »ancien profès des missionnaires oblats, je viens d’être dégagé de mes voeux d’un an, depuis le 15 août dernier, comme plus apte à la vie apostolique qu’à la vie religieuse », et elle motive sa démarche : « afin de me permettre de pouvoir continuer mes études et de devenir un saint missionnaire, mon plus grand désir ». Elle signale en même temps qu’ »un accident survenu dans ma jeunesse m’a privé de l’œil gauche, je n’en ressens aucun inconvénient pour les études ».
Le P. Huvelin, dans l’ensemble, confirme deux jours plus tard cette auto-présentation de son dirigé. « voici comment je résumerais mes impressions : bonne nature, mais qu’il ne faut pas buter ; tempérament primesautier, impulsif, auquel une bonne éducation première a manqué pour apprendre à contenir ses saillies ; tempérament de lorrain, c’est-à-dire facilement « ronchonneur », aboyeur, sans mauvaise intention.
Je crois vraiment, Monseigneur, que l’essai mérite d’être tenté. Votre Excellence lui recommandera d’avoir toute confiance en son directeur spirituel, de lui soumettre ses idées sur les personnes et les choses ; en un mot, de se comporter docilement et filialement envers lui. Jean Pélardy a bon cœur ; c’est par là, me semble-t-il, qu’il faut le prendre, et de cette manière, on obtiendra beaucoup de lui ».
D’autres renseignements sont fournis à la même date, de Notre-Dame de Sion près de Vézelise, et sont communiqués par le P. Guiteau, ami, qui note le motif du rejet aux vœux de « M. Jean Pélardy » comme suit : « On a jugé en effet qu’il n’avait pas la docilité et la soumission d’esprit et de volonté nécessaires aux religieux, tout en admettant qu’il pourrait s’adapter plus facilement à la vie sacerdotale et apostolique, soit dans le clergé diocésain, soit dans un institut de missionnaires non religieux. Pour ma part je pense, Monseigneur, que ce sujet, sérieusement averti par la dure leçon qu’il a reçue, pourra réformer son caractère indépendant et faire un jour un bon missionnaire. Je vous fais connaître également que M. Jean Pélardy a terminé ses deux années de philosophie ».
Dans ces conditions, les choses peuvent aller vite. Le lendemain 12 septembre, le Conseil admettait le candidat, qui entrait dès le 17 dans les rangs des aspirants. Il semble que, par la suite, nul directeur n’ait eu à le regretter, puisqu’on ne constate aucun retard dans la série d’ordinations qui vont s’ensuivre. Dès l’année 1935, il a besoin d’une dispense romaine pour son infirmité oculaire, qu’on ne remarque guère d’ailleurs, étant donné qu’elle est masquée par un œil artificiel ; elle lui est concédée. Il a besoin aussi de lettres testimoniales ; il les reçoit notamment de Mgr Heylen, évêque de Namur, et de Mgr Fleury, évêque de Nancy et Toul, dont le vicaire général ajoute cependant au texte latin officiel un post-scriptum en français, disant : « Seule réserve : un peu d’indépendance ». Il sera parvenu sans doute, en trois ans, à la mater suffisamment ; rien ne s’oppose en effet à son accession au sacerdoce, qu’il reçoit le 29 juin 1938.
Le 13 septembre, il part pour la mission de Lanlong, où il arrive seulement quatre mois après. C’est que le voyage n’est pas une sinécure ! Il passe d’abord à Hanoï, puis à Yunnanfu qu’il atteint le 9 novembre, et soit attendre quelque temps que le gouvernement provincial du Kweichow veuille bien viser son passeport. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, il se met à l’étude du chinois avec les PP. Jean Auneveux et Armand Belmont, de la mission de Kunming. C’est à Yunnanfu qu’il rencontre son évêque, Mgr Alexandre Carlo, lequel y est venu pour affaires, et c’est en sa compagnie qu’il prend le départ, le 23 décembre, profitant du passage de cars de la marine française en route pour Chonking. On les dépose le lendemain sur leur territoire, à Panshien, où ils fêtent Noêl et passent quelques jours avant de gagner Lanlong. Pour marquer le coup, il a droit à huit jours de repos.
Et l’on se met à l’ouvrage sur le tas. Le 15 mars, déjà, il inaugure la visite à vélo des malades. Ce n’est pas d’ailleurs le seul mode de locomotion que l’on utilise dans ce pays de montagnes. Ainsi, après la retraite, dans le courant du mois de mai, c’est à dos de mule que se fait le petit voyage qui doit permettre aux confrères d’aller dans un village où a lieu un service funèbre en l’honneur du P. Marius Heyraud, décédé quelque temps plus tôt ; il en profite pour prendre là un petit repos.
Voilà qu’au début d’octobre, il reçoit affectation officielle, à Tayen, dans le Sud-Kweichopw, pays où fleurit l’oranger, non loin des rives du fleuve rouge. Il y sera vicaire du P. Jean-Baptiste Nénot, mais pas pour longtemps, puisqu’à Noël 1939 il est de retour à Lanlong, et repart le 9 janvier, plein d’enthousiasme, pour s’installer à son compte cette fois, dans le même secteur, au poste de Tchéchou. Là, de nombreux ouvriers viennent de prendre résidence, ou, plus justement, se sont hâtivement construit des abris précaires : ils ont été mobilisés pour la construction des routes.
Et sans ménagements ! Ils ont été forcés de quitter leurs demeures, y laissant à peine un gardien, pour aller y travailler. Logeant dans de misérables huttes couvertes de branchages et d’herbes, couchant la nuit sur la terre nue, exténués de fatigue, sous une chaleur tropicale pendant le jour, mal nourris, sans aucun salaire, ces pauvres gens ont été littéralement décimés par les fièvres, la dysenterie, la variole et autres épidémies spéciales au pays des Dioy – une ethnie particulière à la région -, qu’on pourrait appeler, à bon droit, le cimetière des Chinois ! Avec le P. Nénot et deux prêtres autochtones, il leur prodigue tous les soins possibles, et distribue force remèdes.
En compagnie du P. Régis Mourgue, les deux compères entreprennent en 1941 de rejoindre au Kwangsi, au début de l’an, les PP. Jean-Marie Épalle et René Courant, et de faire avec eux une visite des chrétientés. Pour Pâques, ils sont tous deux de retour à Lanlong, pleins d’entrain et satisfaits de leur tournée. C’est la guerre en Europe, et l’on ne sait pas trop ce que réserve l’avenir ; prévoyants, ils s’attachent à organiser partout le plus grand nombre d’écoles. Sans doute, cette période s’annonce difficile pour tous les missionnaires ; elle le sera plus encore pour ceux de Lanlong, qui manquent de ressources dans leur fief montagneux et aux communications malaisées. Pour les malades par exemple, il leur faut recourir aux médicaments indigènes. Le P. Pélardy se dépense sans compter ; plus que jamais, il est pour tous l’apothicaire que les gens sont heureux d’avoir sous la main, et qui répand autour de lui des dizaines de milliers de doses magistrales confectionnées à la pharmacie catholique de Kweïyang.
D’autant plus que les hostilités envahissent l’environnement ; il y a maintenant des troupes en permanence partout, et leurs mouvements incessants, du nord au sud de la mission, obligeant la plupart des confrères à limiter leurs déplacements et à garder la résidence. En même temps, cela leur ouvre d’autre part un champ d’apostolat différent, auprès des soldats : tantôt malades ou blessés, qui refluent devant l’attaque japonaise, tantôt vigoureux et valides, qui montent en ligne pour la contre-attaque. Le 3 juin 1942, la ville d’Anlung est bombardée : une trentaine de morts et des dégâts à l’église et à l’évêché ; six jours plus tard, ce fut le tour de Silin où l’on déplore de graves dommages à l’église commémorative des bienheureux Chapdelaine et ses compagnons martyrs ; à Tsèheng, ce fut la résidence qui s’écroula sur la route en construction huit mètres plus bas. Pendant ces années d’épreuve, il n’y eut que des désastres matériels à déplorer dans la mission d’Anlung : six missionnaires l’ont quittée pour un monde meilleur.
Dès 1946, quand furent rétablies les relations avec le monde extérieur, elle eut la visite du P. Louis Pasteur qui faisait le tour des missions de Chine. Mais ce n’est qu’un temps de répit, car la région devient de plus en plus troublée. En 1948, de fréquentes incursions de brigands sont signalées ; ils profitent de sa situation particulière aux confins de trois provinces – Kweichow, Kwangsi, Yunnan – et qui offre dans ses montagnes un refuge idéal pour tous les hors-la-loi : poursuivis dans une province, ils s’enfuient dans une autre. Le 13 janvier 1949, la résidence de Tayen – le premier poste du P. Pélardy – fut entièrement pillée et saccagée, statues brisées, autels, balustrades, armoires brûlés. Le P. Mourgue, qui se trouvait sur place, put s’enfuir de justesse à la faveur des ténèbres et dut errer tout le reste de la nuit dans les hautes herbes, avant d’arriver à Tchèchou chez son voisin, le P. Pélardy. Quelques jours plus tard, c’est lui qui subissait le même sort. Avertis à temps par les chrétiens, nos deux confrères vinrent se réfugier à Anlung. Des avoirs du P. Pélardy, il ne lui reste que la fidélité de ses braves chrétiens qui lui ont sauvé quelques objets. Sinon, tout est perdu : remèdes, livres, linge, tout a disparu. Vitres brisées, armoires défoncées, papiers déchirés, planchers soulevés ; presbytère, couvent, maisons des gens : tout est dans le même désordre. L’entente des autorités des trois provinces est la condition même de la suppression de la piraterie ; trois à la fois, c’est sans doute beaucoup pour le pays.
Cela fait dix ans que le Père se trouve en Chine, le temps d’un congé est venu : il lui faut renouveler sa prothèse oculaire ; il rentre en France le 23 mai 1949. Il n’est donc plus sur place quand, le 15 août 1950, Mgr Carlo, du trône épiscopal de l’église du Sacré-Cœur, donnera lecture de la bulle apostolique du 2 juin 1946 élevant le vicariat de Lanlung au rang de diocèse d’Anlung, suffragant du siège métropolitain de Kweiyang. Cette année-là avait par ailleurs commencé sous de mauvais auspices, avec une série de violences et de pillages, entre autres celui de la léproserie Saint-Damien, ravagée plusieurs fois, et le meurtre de son fondateur, le P. Augustin Signoret, le 27 janvier 1950. Lui-même, qui venait de quitter les lieux quelques mois auparavant, écrira pour « Missionnaires d’Asie » un émouvant article, qui paraîtra dans le numéro 49 de mai-juin 1950, où il retrace la vie de ce confrère mort sur la brèche, à l’âge de 48 ans. Il le signe : « P. Pélardy, missionnaire à Anlung ». Pourtant, il n’est plus question de retourner là-bas ; bientôt il ne sera plus qu’ »ancien missionnaire d’Anlung ».
Dans l’impossibilité de retourner en Chine, il est versé aux Établissements communs, et le rapport de l’assemblée générale de 1950, paru en octobre, cite à propos de la « propagande » le P. Pélardy comme y travaillant déjà. En effet, envoyé à Ménil-Flin, il y est chargé du « recrutement » dans le diocèse de Nancy, où il « réussira, nous l’espérons, à trouver quand même des vocations dans ce beau diocèse qui comptait dix-huit postulants à la rentrée de 1945 et n’en compte plus que six aujourd’hui ». C’est ce que signale, non sans optimisme, le compte rendu des travaux de 1951. ce n’est pas le lieu de prendre fait et cause pour ou contre ce système d’engagement des jeunes, certes dans une bonne intention et pour un noble motif ; disons simplement qu’il serait, à notre époque en tout cas, assuré d’un complet insuccès. Le Père affecté à ce service ne nous a pas laissé de comptabilité qui nous permette de dire qu’en ce temps-là au moins les résultats furent à la hauteur des espoirs. Quoi qu’il en soit, il resta fidèle à son poste de 1950 à 1960, joignant à son travail pour la Société la responsabilité diocésaine des œuvres missionnaires.
Il avait certes, en dehors du diocèse de Nancy, et dans le cadre de ses fonctions mêmes, un rôle à remplir qui pouvait le mener à l’occasion bien loin de Ménil-Flin. Tout d’abord, c’est en réalité de tout l’Est de la France qu’il était censé drainer les vocations éventuelles, mais encore, un peu partout devait-il, avec ses confrères répartis dans les autres régions du pays, répondre aux demandes qui lui étaient communiquées par la rue du Bac, pour des conférences, des expositions, des journées missionnaires, etc.., que ce soit pour le compte d’un diocèse ou d’une paroisse. En fait, on attendait de lui et de ses semblables le même genre de travail que ce qui, par la suite, a été réalisé par « Échange France-Asie ». Sans passer en revue dans le détail tout ce qu’il a pu effectuer dans cet ordre d’idées pendant ses dix années dans cet office, on peut parcourir rapidement son programme d’une année pour se rendre compte de la mobilité qui lui était demandée. Comme on sait, les Œuvres pontificales missionnaires étaient à l’époque centrées à la fois sur Paris et Lyon ; en un certain sens, il devait fonctionner en synchronisation avec elles. C’est ainsi qu’en 1957, dans le secteur de Lyon, il prend son tour de garde à Lourdes, au pavillon missionnaire où le P. Henri Prouvost a organisé, entre mai et novembre, une exposition permanente consacrée à l’Asie. La même année, en dépendance du secteur de Paris, il participe aux « quinzaines missionnaires » lancées par la Propagation de la Foi en différents diocèses, et aux expositions qu’elles comportaient dans les villes d’Arras, Béthune, Boulogne-sur-Mer et Amiens. Au dire de ceux qui l’ont connu durant cette période plutôt mouvante de son existence, rien ne le rebutait dès qu’il s’agissait du bien des missions : prédications, retraites de profession de foi, présentation des œuvres missionnaires, diffusion de littérature traitant de la « conversion des infidèles », animation du dimanche dédié à la mission universelle.
Il passe en 1960 au service du diocèse de Verdun où, à partir du 20 juillet, il occupe le presbytère d’Herméville, par Étain-sur-Meuse, desservant outre cette paroisse celles de Grimancourt-en-Woëvre, Moranville et Hautecourt-lès-Broville. C’est désormais à cet ensemble de petites chrétientés qu’il se consacrera tout entier jusqu’à la fin de sa vie, puisqu’il ne quitta leur service que cinq mois avant sa mort, pour être hospitalisé. Tout entier, voilà qui est trop dire car, devenu « diocésain » par la force des choses, il garde néanmoins une petite tonalité particulière, par laquelle il se distingue au milieu du clergé du cru, et qui fait son charme secret : ne l’appelle-t-on pas, en toute amitié, « le Chinois » ? Il reste en effet profondément attaché à ce qui fut son premier territoire d’évangélisation, la Chine, et à ce qui l’y a mené, la Société des Missions Étrangères. Il était parmi les premiers à ne plus avoir pu rejoindre sa mission et, si l’on peut dire, à être laissé sur le carreau : il ne s’en console que difficilement, et tous les prétextes lui sont bons pour faire revivre autour de lui un brin de son passé exotique. Rien que l’ambiance de sa cure fleure bon l’Extrême-Orient, par tant de menus souvenirs qui le rendent discrètement présent.
Mais petit à petit, la « diaspora » - ensemble des confrères qui se trouvent en dehors des missions et des maisons de société – grossit comme jamais auparavant, presque à mesure des expulsions d’Asie, et se forment des groupes MEP en diverses régions. C’est l’Orient de la France qui, l’un des premiers, éprouva le besoin de se retrouver « comme à la rue du Bac », et le P. Pélardy fut l’une des chevilles ouvrières de ces rencontres où piété, détente, recherche, amitié s’entrecroissent comme chaîne et trame. Toutes les occasions sont bonnes pour organiser un rendez-vous, que ce soit une adoration paroissiale, la fête de la sainte Croix marquant autrefois la rentrée des séminaristes, ou bien encore une célébration de nos bienheureux – car dans les premiers temps on n’avait pas de saints à qui se vouer -, on cherche et on ne manque pas de trouver une date à mettre en relief dans les annales de la Société. Les débuts sont tout à fait informels, mais vite on eut – pour éviter les écarts ? -, un représentant de Paris : au fil des temps les PP. Jean-Michel Cuny, Michel Ladougne, Jean Dantonel, voire le supérieur général en exercice Léon Roncin, vinrent officialiser en quelque sorte ce qui autrement serait passé inaperçu. Rapidement aussi, le cercle des invités s’élargit : anciens membres de la Société, soeurs des Missions Étrangères, personnages éminents du diocèse où se tenait la réunion, Pères de Saint-Jacques… Mais compte non tenu de ces extra , il y eut toujours au moins huit présences, ces années-là, et même jusqu’à dix-sept ou dix-huit, pour évoquer presque toute l’Asie : Chine, Birmanie, Japon, Inde, Malaisie, Vietnam.
Le P. Pélardy tenait à ces rencontres doublement, s’il se peut, comme à la prunelle de son œil unique ! Chacun recevait à son tour les confrères, le lieu était chaque fois neuf, on variait les plaisirs entre le parc d’Entremont près de Mulhouse – avec visite à Ottmarsheim de l’église octogonale du IX° siècle consacrée en l’honneur de la Sainte Vierge par le pape alsacien Léon IX – et Notre-Dame de Sion, ou bien la paroisse de Kirwiller, à moins que ce ne soit celle de Kurtzenhouse, et le presbytère de Flin ; tous les Pères de la région et même au-delà – on déborda une fois jusqu’à Louvain-la-Neuve ! – étaient mis à contribution : PP. Thiry, Getter, Kelbert, Saint-Eve, Bertin, pour n’en citer que quelques-uns. Puis on eut, pour couronner le tout, et lui donner un caractère encore plus authentique, - la présence du délégué officiel de la Société, de la situation des MEP en France, des propositions à faire à l’assemblée prochaine ; pour préparer celle de 1980, on organisa même, au sortir de pareil congrès, deux groupes de travail sous la direction des PP. Henri Getter et Jean-Pierre Morel : c’est dire combien ces journées étaient prises au sérieux.. Le P. Pélardy était loin d’être le dernier à s’y manifester par son entregent et sa jovialité, et plusieurs fois c’est chez lui que se tint la réunion, agréablement émoustillée par les talents culinaires de sa tante, une délicieuse octogénaire, qui excellait à concocter un repas où ne manquait même pas la touche orientale ! Jamais maître de céans ne fut plus heureux qu’en ces circonstances.
Comme curé d’Herméville et autres lieux, il était très aimé et même très populaire, tant pour sa gaieté que poursadisponibilité, et sa renommée s’étendait dans les environs bien au-delà des limites de son domaine. Il y avait notamment, très en dehors de sa mouvance, le « relais de l’amitié » du château de Puxe, en Meurthe-et-Moselle, où se tenaient tous les jeudis les réunions du « club », qui groupaient une quinzaine de prêtres et de laîcs de Nancy, Metz ou Verdun. Il tenait énormément à ces raouts amicaux où, bien sûr, étaient évoqués tous les problèmes de la pastorale, et beaucoup d’autres. Depuis des années, il apportait son grain de sel dans leur animation, ouvrant le cœur de tous aux civilisations lointaines comme aux détresses proches. Sensible à toutes les misères, à tous les prochains, il montrait à chacun le chemin de la prière, humble et ignorée, mais réelle. À le suivre, on apprenait ce qu’est le don de sa vie à Dieu, on apprenait à donner … simplement.
Bien malheureusement, vers le terme de sa vie, un malentendu vint troubler sa sérénité : des haines villageoises se déchaînèrent et la population se divisa à mort, pour des raisons de politique locale, dans laquelle lui-même n’était pour rien. Pourtant, il fut perçu comme l’homme d’un clan, et le climat de la paroisse coupée en deux, alors qu’il n’avait en rien démérité, assombrit fort la fin de son règne. Cette rude épreuve, qui l’attristait plus qu’il n’eût fallu, ne fut pas sans avoir ses répercussions sur son état de santé, qui s’altéra dès ce moment.
Une maladie de la peau, qui le gênait depuis un certain temps, le fit, au cours de l’année 1991, fréquenter assidûment divers hôpitaux, à Baccarat, et à Nancy l’hôpital Central et l’hôpital Fournier. Le mal venant d’atteindre la cornée de son œil droit, le seul qui lui restât, il était menacé de cécité ; ses amis cherchaient un endroit où il pourrait prendre sa retraite en toute quiétude, après l’opération ophtalmologique qu’il subit le 8 février 1992. Il était encore en traitement à l’hôpital Fournier lorsque son ami le chanoine Albert Chomé, l’hôte du château des Puxe, prévoyant l’arrivée de son 81ème anniversaire, imagina de l’aller chercher pour le remettre dans l’ambiance de ces jeudis hebdomadaires qu’il affectionnait particulièrement ; mais de lui-même, celui qui devait être le héros du jour déclina, préférant en cette occasion que les habitués se réunissent plutôt dans sa chambre d’hôpital, pour une concélébration de la messe de Carême. Ce qui fut fait le jeudi 12 mars, où il reçut à sa demande le sacrement de la réconciliation et celui des malades, au cours d’une eucharistie animée par l’abbé René Varcollier, curé de Saint-Jean-lès-Buzy. En guise d’ »Ite, missa est », le P. Pélardy déclara en grande paix : « Maintenant, je suis prêt ».
Rayonnant de bonté et de joie – et de bonnes histoires ! – il avait eu le réconfort de passer les dernières fêtes de Noël entouré de tous ses proches. On peut dire qu’il a été littéralement « couvé » durant son ultime passage à l’hôpital de Nancy : tous essayaient de lui adoucir ces derniers jours sur terre et lui, qui joyeusement se présentait comme « le Cyclope », il savait remercier autrement que par un regard, jadis brillant d’une lueur maligne, éteinte maintenant dans ses yeux qui ne pouvaient plus voir.
Ses orbites vides se fermèrent définitivement quinze jours après la célébration qu’il avait voulue « en famille », le lendemain de son 81èmùe anniversaire. Ses obsèques, le 28 mars, furent présidées par Mgr Herriot, évêque de Verdun, assisté de nombreux prêtres des Missions Étrangères et des diocèses de Meuse et de Meurthe-et-moselle.