Jean GUENNOU1915 - 2002
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 3641
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Identité
Naissance
Décès
Autres informations
Missions
- Pays :
- Vietnam
- Région missionnaire :
- 1946 - 1953 (Vinh)
Biographie
[3641] GUENNOU Jean est né le 20 avril 1915 à Pont-de-Buis-lès-Quimerch (Finistère). Il est ordonné prêtre aux MEP le 29 juin 1939, et affecté à la mission de Vinh (Vietnam). Mobilisé en 1939, il est fait prisonnier en 1940 et s’évade en 1941. Il passe alors une année comme aumônier aux Chantiers de la jeunesse d'Arudy, puis il est professeur au collège Godefroy-de-Bouillon à Clermont-Ferrand.
Le 23 mars 1946, il peut enfin rejoindre sa mission et il est nommé professeur au grand séminaire de Xa-doai, mais deux mois après son arrivée éclate la guerre de libération. Il partage alors le sort de trente-deux confrères : avec eux, il est interné par les Viet-minh au presbytère de Vinh, où il est détenu pendant sept ans.
De retour en France en 1953, il assure pendant quatre années les cours de théologie ascétique et mystique au séminaire de Paris, puis il est archiviste des MEP (1958-1981), avant de se consacrer à la recherche.
En 1996, il se retire chez les petites Sœurs des Pauvres, puis à la maison de retraite des Invalides, où il meurt le 7 janvier 2002. Il est inhumé au cimetière de Montparnasse.
Nécrologie
[ 3641 ] GUENNOU Jean, François, Marie
Missionnaire - Archiviste
Vinh – Paris
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Jean, François, Marie GUENNOU, fils de François et de Le Gall Marie, Jeanne, son épouse, naquit le 20 avril 1915, au bourg de Quimerc'h, alors petite commune du département du Finistère (29), actuellement fondue avec celle de Pont-de-Buis. Il fut baptisé le 22 avril 1915, dans l'église paroissiale de Quimerc'h, diocèse de Quimper et de Léon. Son père exerçait la profession de poudrier tout en exploitant une modeste propriété agricole; la famille comptait deux enfants : un garçon et une fille. Tous deux furent élevés dans un esprit de droiture, dans le sens du service, du travail, de l'effort et du dévouement. De leurs parents, ils reçurent en héritage une foi chrétienne solide, en ces temps d'austérité et d'épreuves aggravés par la première guerre mondiale. En 1922, la famille s'installa au moulin de la Palud, à Pont-de-Buis.
Jean fréquenta l'école communale de son village natal ; il fit ses études secondaires au lycée Saint Louis à Châteaulin, puis au petit séminaire de Pont-Croix. Celles-ci furent couronnées par l'obtention du baccalauréat. En octobre 1932, Jean se dirigea vers le grand séminaire de Quimper. En octobre 1934, âgé de 19 ans, ayant devancé l'appel sous les drapeaux, il rejoignit à Quimper, le 46ème régiment d'infanterie où il servit en qualité d'infirmier. Après avoir brillamment obtenu le diplôme le qualifiant apte à remplir ces fonctions, il accéda en avril 1935, au grade de caporal-chef. Libéré de ses obligations militaires, en octobre 1935, il reprit le chemin du grand séminaire de Quimper où il commença ses études de théologie, reçut la tonsure et les premiers ordres mineurs. Appelé pour une période militaire au camp de Mourmelon, pour la seconde quinzaine de juillet 1937, il ne put postuler l'exorcistat et l'acolytat, la date des ordinations se trouvant fixée au 23 juillet 1937.
Le 21 juin1937, il adressa sa demande d'admission au Supérieur Général des Missions Etrangères, une Société qu'il semblait déjà bien connaître, car il écrit :.." D'accord avec mon directeur et muni de l'autorisation de mes parents, j'ai l'honneur de solliciter humblement de votre bonté la faveur d'être admis au nombre de vos aspirants.
Je ne suis pas absolument un inconnu pour les Missions Etrangères. Depuis longtemps déjà je suis en relation avec le Révérend Père Le Restif. Et en 1933, au cours d'une audience qu'elle avait eu l'amabilité de m'accorder, lors de son passage au Petit Séminaire de Pont-Croix, j'avais découvert à son Excellence Monseigneur de Guébriant, de regrettée mémoire, mon intention de demander à entrer aux Missions Etrangères. De plus, ayant fait ma caserne à Paris, j'ai été aimablement reçu au Séminaire de la rue du Bac où pendant un an je me suis trouvé directement sous la coupe du Révérend Père Fouques. Enfin, trois confrères qui au collège étaient de mon cours, se trouvent déjà chez vous : Messieurs Danion, Le Ster et Le Du…"
Le 26 juin 1937, une réponse positive était donnée à cette demande ; ainsi, M. Jean Guennou entra au séminaire des Missions Etrangères le 17 septembre 1937. Il y continua ses études écclésiastiques et sa formation sacerdotale. Sous-diacre le 24 septembre 1938, diacre le 17 décembre 1938, il fut ordonné prêtre le 29 juin 1939 par Mgr de Jonghe venu de Bagdad, et le soir de ce même jour, il reçut de Monsieur le Supérieur Général de la Société des Missions Etrangères, sa destination qui l'envoyait au service du vicariat apostolique de Vinh (Indochine). Agrégé à la Société Mep le 15 septembre 1939, il faisait partie du groupe des "18 partants de septembre 1939", et son départ en mission était programmé pour le 15 septembre 1939, à Marseille.
Alors qu'il préparait son prochain départ vers l'Asie, M.Jean Guennou reçut, le 26 août 1939, un ordre de mobilisation lui demandant de rejoindre le 46ème régiment d'infanterie. Il partit donc comme infirmier pour la frontière du Luxembourg. Le 3 septembre 1939, la Grande Bretagne puis la France déclaraient la guerre à l'Allemagne qui venait d'envahir la Pologne. Après des mois d'inaction durant la période de la "drôle de guerre", son régiment finalement engagé dans les Ardennes, finit par céder sous le déferlement des forces allemandes. Le 11 juin 1940, avec nombre de ses camarades, il fut fait prisonnier dans la région de Dire, dans les Ardennes. Transféré au camp d'Aubigny les Pothées, dans ce même département, puis interné au Frontstalag 190, à Charleville, il fut employé comme ouvrier agricole dans une ferme. Pendant ce temps de captivité, il poursuivit avec grand dévouement sa mission d'assistance, en soignant ses camarades prisonniers, et en leur dispensant un appui moral et spirituel fort utile pour surmonter les rudes conditions matérielles de détention. Au bout de quelques mois, refusant de se soumettre à l'occupant, et l'occasion se présentant, il décida de quitter son emploi et de s'évader de ce camp. Il y réussit le 29 septembre 1941.
Parvenu en zone libre, il se fit démobiliser, au mois d'octobre 1941, et accepta le poste d'aumônier des Chantiers de la Jeunesse en pays béarnais, à Arudy, un chef-lieu de canton à environ 25 kms au sud de la ville de Pau, dans les Pyrénées Atlantiques. En effet, après la débâcle militaire de juin 1940, l'exode dramatique des populations civiles, l'entrée en vigueur de l'armistice le 25 juin 1940, qui divisait la France en plusieurs zones, le gouvernement de Vichy se préoccupait de rassembler principalement les jeunes des classes 1939/3 et 1940/1, appelés sous les drapeaux en mai 1940. L'avancée rapide des armées allemandes qui parfois les avait chassés de leurs dépôts, ne leur avait pas permis de faire complètement leur formation militaire. Un certain nombre fatigués et démoralisés erraient sur les routes de France pouvant créer des désordres civils dans une société entièrement disloquée.
Pour y remédier, une loi du 30 juillet 1940 du gouvernement de l'Etat Français implanté en zone libre, créa les Chantiers de la Jeunesse, les plaça sous le commandement du Général de la Porte du Theil qui fut nommé "Commissaire Général". Ces groupements de jeunes constitués à la hâte, connurent des débuts difficiles; installés hors des villes, sans grand confort, étaient dirigés et souvent encadrés par de jeunes officiers animés d'un certain idéal patriotique. Les Chantiers remplaçant le service militaire, étaient une sorte de service civil où le travail occupait une partie de la journée. Tous les jeunes français de la zone libre, à l'âge de vingt ans, y étaient appelés par classes, pour y faire un stage obligatoire de huit mois. Les Chantiers furent dissous le 15 juin 1944. L'aumônier y avait sa place. Pendant un an, M. Jean Guennou exerça son ministère sacerdotal et sa charge d'animateur et d'éducateur auprès de ces jeunes blessés par la défaite et les nombreuses difficultés de ce temps.
En octobre 1942, M. Jean Guennou se fixa à Clermont-Ferrand. Licencié en philosophie Universitaire, il enseigna cette discipline au Lycée Godefroi de Bouillon jusqu'en janvier 1946. Il s'avéra professeur compétent, prêtre-enseignant dévoué et apprécié de ses élèves. Ses anciens s'en souviennent. Il profita de son séjour en cette ville universitaire pour s'acheter quantité de livres qu'il croyait devoir lui être fort utiles plus tard en mission. Lorsque sonna pour lui l'heure de quitter le lycée pour partir au Viêtnam, le Directeur de l'Etablissement rendit hommage à l'heureuse influence exercée par ce maître sur ses élèves, et aux remarquables succès obtenus aux examens du baccalauréat.
Cette première étape de sa vie missionnaire, M. Jean Guennou la résume ainsi : "….J'ai reçu ma destination pour Vinh, le 29 juin 1939, au soir de notre ordination. Notre départ était prévu en septembre. Mais il y eût la mobilisation en août, puis la guerre et la captivité ! Les départs pour l'Indochine, à titre civil, ne reprirent qu'en mars 1946…"
En effet, la seconde guerre mondiale terminée, il redevenait possible d'envisager le départ de jeunes missionnaires pour l'Asie. Mais que de formalités administratives à remplir, avant de prendre le bateau, où il n'était pas facile de devenir passager. Le temps de l'attente prit fin ; après de nombreux ordres et contre-ordres, l'heure du départ et de l'embarquement arriva. M. Jean Guennou nous a laissé quelques brèves notes à ce sujet: ...." Samedi 23 mars 1946 : A Marseille, embarquement sur le "Maréchal Joffre" transformé par les Américains en transport de troupe. Nous sommes 18 confrères Mep. 3 anciens…15 nouveaux partants, retardés par la guerre…." Escale à Port Saïd, le 28 mars, Canal de Suez, et .."…Samedi 30 mars : le Sinaï, la Mer Rouge. Panne de machine et le fond est trop profond pour jeter l'ancre. Tangage, roulis, mal de mer. ! Dimanche 31 mars : Messe. Après-midi : conférence du P. Signoret sur L'Indochine. Lundi 1er avril : "Causerie de J.Guennou sur la question atomique" .Rappel de l'atomistique grecque pour arriver à Mendeleïev, Becquerel, Curie, Fermi, Juliot Curie. Explication du principe de la bombe atomique, avec chiffrage de l'énergie dégagée…" Après Djibouti, et une escale à Tamatave, .." nous arrivâmes à Saïgon le 28 avril 1946. De là, les confrères se rendirent à leurs destinations respectives, excepté le P. Paul Novion et moi, car la situation à Vinh paraissait confuse…"
Le 9 mars 1945, les japonais avaient mis fin à la souveraineté française en Indochine, interné les nationaux français, et proclamé l'indépendance. Le 2 septembre 1945, le Viêt-Minh avait pris le pouvoir ; le 6 mars 1946, un traité provisoire était signé entre le gouvernement révolutionnaire Viêt-Minh et la France : il s'agissait d'obtenir l'aide de cette dernière en vue du rapatriement de l'armée chinoise qui occupait le nord de l'Indochine jusqu'au 16ème parallèle et qui s'incrustait dans le pays. Opération réussie ! Il s'en suivit alors une certaine détente apparente dans les relations franco-viêtminh. L'ennemi héréditaire était rentré chez lui. Le 15 septembre 1946, "un modus vivendi " était signé à Fontainebleau. En fait, le péril chinois ayant disparu, l'attitude Viêt-Minh s'était raidie. On voulut croire à la paix ; les missionnaires étaient autorisés à regagner leurs postes. Hélas ! Le 19 décembre 1946, débutait la guerre d'Indochine.
A Saïgon, en attendant les décisions de leur Evêque, MM. Paul Novion et Jean Guennou s'étaient mis à l'étude de la langue viêtnamienne, lorsque, écrit Jean Guennou :…"Après les accords de Fontainebleau, Mgr. Eloy télégraphia à Saïgon : "Faites venir les jeunes". A Vinh, en effet, tout paraissait calme. A Saïgon, cependant, les militaires que j'avais connu sur le bateau me dirent : "C'est insensé"! Vous allez vous jeter dans la gueule du loup et nous n'y pourrons rien". Mgr. Eloy, qui avait 82 ans, ne réalisait sans doute pas que la situation à Vinh dépendait d'une situation générale qu'il ne connaissait pas et qui demeurait très tendue.
Quoi qu'il en soit, du fait de ces accords de Fontainebleau, P. Novion et moi, nous obtînmes un titre de circulation pour Vinh. Le mien était daté du 25-09-1946, via Haiphong…"
Les deux jeunes missionnaires destinés au vicariat apostolique de Vinh se mirent donc en route, heureux d'arriver dans leur mission; en 1946, celle-ci fêtait son premier centenaire. Une bulle apostolique du 27 mars 1846, avait détaché du vicariat apostolique du Tonkin Occidental, ce vaste territoire du sud Tonkin, et, sous la dénomination de "Tonkin Méridional" l'avait érigé en vicariat apostolique confié à Mgr. Jean-Denis Gauthier.
.." Je suis arrivé à Vinh, écrit M.Jean Guennou, le 13 octobre [1946] et P. Novion, un peu plus tard. Les confrères étaient plutôt optimistes. La rentrée au séminaire et au collège fut fixée au 3 janvier 1947. J'étais affecté au séminaire et P. Novion au collège, ces deux établissements se trouvant à Xa-Doai, grand village chrétien à 20 kms au nord de Vinh où se trouvaient la cathédrale, l'Evêché, l'Economat, la Maison Commune, l'Hôpital de campagne (tenu par les Sœurs "Amantes de la Croix") et le cimetière de la Mission…"
La situation créée par le "modus vivendi" avait permis à Mgr. Andréa Eloy et à M. Albert Le Gourriérec, son provicaire de revenir à l'évêché de Xa-Doai, d'où, gardés comme des criminels, ils avaient été "éloignés" en 1945. Pendant quinze mois, tous deux avaient été placés en résidence forcée à Vinh, chef lieu de la province. Lors de leur retour à Xa-Doai, le 12 novembre 1946, ils y furent reçus solennellement, par le clergé et la foule des chrétiens viêtnamiens. Le calme semblait revenu ; mais le 19 décembre 1946, dès le début des hostilités, le "rideau de bambou" tombait plus particulièrement sur les vicariats apostoliques de Vinh et de Thanh-Hoa, zone controlée par le Viêt-Minh . M. Jean Guennou nous fait le récit de son arrestation et de son transfert de Xa-Doai à Vinh.
.."Mais la guerre de libération se déclencha le 19 décembre au soir. Dès le 20, les V.M. (Viêt-Minh) arrêtèrent tous les missionnaires se trouvant en poste, de Hué à Thanh-Hoa. Pour Hué, les 3 Pères du séminaire furent pris, mais non pas ceux du collège au centre-ville, car il y avait là une garnison française.
Au séminaire de Vinh où j'étais, nous vîmes arriver les autorités Viêt-Minh, bien encadrées d'hommes armés de fusils. D'abord eut lieu une fouille ou perquisition très poussée, sans résultat fâcheux. Il n'y avait dans notre établissement ni armes, ni radio. Mon appareil de photos fut seul confisqué. Les Pères Le Gourrierec, Le Gal et moi (seuls résidents en attendant la rentrée) nous fûmes informés que la libération était commencée et qu'en conséquence nous étions en état d'arrestation. Des sentinelles furent placées devant la porte d'entrée.
Peu après, arrivèrent , avec un simple baluchon, les 3 Français du collège : Les Pères A. Lambert, M. Cordiez, et P. Novion. Ils ne purent jamais remettre les pieds au collège.
Un peu plus tard, mais avant Noël, arrivèrent les confrères de Than-Hoa…"
Tous les missionnaires qui avaient déjà regagné leurs postes et se trouvaient dans les zones contrôlées par les autorités viêtminh, furent arrêtés, regroupés et transférés à Vinh. Cette ville d'environ 75.000 habitants à cette époque, chef-lieu de la province du Nghe-An, se situe à mi-distance environ entre Hanoï et Hué. On installa et interna tout le monde au presbytère de la paroisse.
M.Jean Guennou raconte : .." Le 31 décembre [1946] enfin, tous les confrères se trouvant à Xa-Doai furent transférés à Vinh, excepté Mgr. Eloy, qui refusa net et qui argua de sa mauvaise santé. Finalement, il fut autorisé à rester à Xa-Doai, mais non pas à l'évêché. Il fut confié aux sœurs de la Croix, à l'hôpital, où il mourut le 30 juillet 1947.
Au presbytère de Vinh, facile à surveiller du fait de la clôture qui l'entourait, arrivèrent aussi les missionnaires de Hué que les V.M. avaient pu arrêter. Je ne me souviens plus de leur date d'arrivée, soit avant soit après le 1er janvier 1947…"
Ainsi, à la cure de Vinh, 33 confrères se retrouvèrent captifs dont 12 de la mission de Vinh, 13 de la mission de Thanh-hoa, 7 de la mission de Hué, et 1 du Laos de la mission de Thakhek. La maison, vérandas comprises, mesurait trente mètres sur dix, et comportait dix pièces, dont cinq à l'étage. On occupa les dépendances, mais il fallut se serrer. L'été, il faisait très chaud. Il y avait aussi un vaste jardin qui fournissait des légumes, et une grande église que nous décrit M.Jean Guennou : "Elle avait quarante cinq mètres de long, quinze de large, et autant sous voûte. Je l'ai mesurée moi-même. Avec l'arroyo et les deux haies elle fermait le quadrilatère du jardin. C'était le plus bel édifice de cette ville…Située à l'extrémité d'une longue avenue, entourée d'arbres, elle avait grand air…Je n'aimais pas son faux gothique et ses fausses pierres, alors qu'elle était en briques rouges renforcées de ciment…Les verrières donnaient à plein directement sur la nef. Tout le soleil et peu d'aération. Aussi, quelle chaleur en été !.
Mais c'est là que nous avons prié, célébré, médité. Nous avions accès à l'autel, au chœur, à la tribune; Pas à la chaire. Pour le confessionnal, quand nous nous y sommes risqué, les Viêt-Minh ont fermé les yeux.
Aux grand'messes des fêtes, aux saluts chaque dimanche, les chrétiens aimaient entendre notre harmonium et notre chant grégorien ou polyphonique.
Aux dimanches ordinaires, le peuple fidèle, à pleins poumons, modulait pendant la messe ses récitatifs en langue nationale et chantait quelques strophes. Quel effet de masse ! Quelle émotion collective !.."
Les "internés" célébraient leur messe en privé ; c'était avant le Concile. .."Les messes commençaient à cinq heures à l'église, bien plus tôt dans les oratoires du presbytère.." Leurs occupations étaient diverses: prière, travail manuel, -il fallait s'occuper du jardin, arroser les légumes -, étude de la langue viêtnamienne, travail intellectuel selon les goûts ou au hasard des livres rencontrés, soins aux confrères âgés, aux malades de l'extérieur - une quarantaine par jour- qui pendant deux ans se présentèrent au dispensaire, tenu par les PP. Le Gal, ou Guennou. Les agents viêtminh y venaient parfois, et toujours leurs espions.
Mais à ses heures, M. Jean Guennou devenait infirmier-poète. Voici un sonnet de sa composition qu'il a intitulé : "Captivité" :
CAPTIVITE
[ Sixième année d'internement.]
Soyez béni, Seigneur, qui, selon l'Ecriture,
Avez plus soin de nous que des oiseaux des champs :
Vous nous donnez un toit, le riz, des vêtements
Et l'Agneau sur l'autel, offrande et nourriture.
Vous régissez nos pas, les peuples, la nature :
Votre doigt paternel, avant l'aube des temps,
Avait tracé la voie où vos libres enfants
Pèlerinent captifs vers la Cité future.
Empêchés de semer votre grain merveilleux
Nous avons étendu les bras pour la prière
Et nous formons des croix debout parmi les dieux.
Les étoiles, nos sœurs, poursuivent leur carrière
Ecrivent leur message en lettres de lumière :
"Que votre volonté soit faite comme aux cieux " !
Vinh 1952
6ème année de notre internement
J.G.
Jusqu'à la fin de 1952, la Mission de Vinh put assurer à ces missionnaires en clôture le bol de riz et l'argent nécessaire à leur subsistance. Avec l'application de la réforme agraire, vers 1953, la Mission se trouva écrasée d'impôts ; Les propriétaires qui avaient plus de deux hectares et demi de terrain étaient considérés commes capitalistes. Arriva le temps des restrictions, surtout pendant les six derniers mois. .."la ration de riz diminua, la viande disparut, les légumes se raréfièrent, l'éclairage fut supprimé…" Quant à correspondre avec leur famille, même sous le couvert de la Croix-Rouge, cela leur fut refusé. .."Je suis resté plus de trois ans sans la moindre nouvelle des miens, même indirecte.." nous confie M. Jean Guennou.
Durant tout le temps de leur internement, il y eut sept décès de confrères. Mgr. Eloy fut enterré dans sa cathédrale ; six autres confrères "reposent à l'ombre des tamariniers du presbytère. Bien alignées au bord de l'allée principale, leurs six tombes toutes pareilles, étaient ornées de fleurs et de plantes vertes. Chacun y faisait tous les jours une station, mais certains s'attardaient davantage auprès de l'ami intime disparu le premier.."
A la date du 24 août 1952, un télégramme adressé aux Missions Etrangères annonçait la libération de dix confrères de Thanh-Hoa internés à Vinh depuis 1946. Puis, le 3 juin 1953, vers les 14 heures, les autorités Viêtminh firent savoir aux "internés" restant qu'ils étaient rendus à la liberté, excepté deux d''entre eux, MM.Delmas et Novion punis car accusés de correspondance avec les Français. Ces derniers ne furent libérés qu'après les accords de Genève du 20 juillet 1954.
Chacun fit donc ses préparatifs ; bagages, paquets et baluchons furent contrôlés, un léger repas leur fut servi, et en route! Laissons M. Jean Guennou nous faire le récit de ce départ : ..." On nous dirige sur une pagode où sont dressées quelques tables avec des tasses à thé, des gâteaux, des cigarettes. Naturellement, il y eut des discours. Conçoit on en Orient un thé d'honneur sans discours ? Les orateurs se succédèrent : le thème restait le même : " Notre peuple est très ami du peuple français ; notre gouvernement veut la paix ; seulement, il y a les colonialistes, qui, à la remorque des interventionnistes américains apportent chez nous la guerre…"
Il fallait bien répondre sans blesser nos hôtes. Nous demandâmes au P. Audigou de se lever : " C'est avec beaucoup de plaisir, dit-il en viêtnamien, que je viens de vous entendre affirmer une fois encore que vous nous considérez comme des amis. De fait, depuis trois siècles, nous, missionnaires, nous partageons la vie de votre peuple et nous sommes restés avec vous dans les mauvais jours comme dans les bons. Nous avons su comprendre et admirer ce peuple et nous l'aimons du fond du cœur…."
Cette déclaration plut à l'auditoire et le Père Audigou eut l'occasion de la recommencer plusieurs fois, car, chaque soir, ou presque, les autorités des villages où nous avions passé la journée vinrent nous présenter leurs vœux avant notre embarquement. Nous n'avancions que la nuit, par crainte des avions…
Nous avons mis huit jours à atteindre le poste français le plus voisin. [ celui de Ba-Don]. Quatre étapes en barque, une en automotrice, et, de nouveau, trois en sampan : cela fait huit jours sans repos pour ainsi dire, avec un régime alimentaire très quelconque, que plusieurs ont mal supporté…La dernière nuit, vers trois heures du matin, nous avons changé de barque. Nos escorteurs nous ont quittés, nous laissant à la garde des deux rameurs. Nous avons stoppé un moment pour attendre le jour et nous nous sommes présentés au poste où l'on dormait encore. Mais l'éveil fut vite donné …"
Le 11 juin 1953, sur la rivière Sông-Gianh, un petit bâtiment de la marine française était amarré à Thanh-khê. Les marins virent arriver de loin ces "libérés", entassés sur un bac, pieds-nus, en soutane fripée.. Quel accueil, quelle joie et quelle fête en leur honneur ! Et après, ajoute Jean Guennou :..." Trois heures de bateau jusqu'à Dong-hoï, puis l'avion et nous voilà à Hué, à Saïgon, à Paris ! En tout, trente jours. L'arrêt à Saïgon a été de trois semaines, mais l'étape Saïgon-Orly ne nous a pris que trente heures.."
Le 10 juillet 1953, M. Jean Guennou et onze de ses confrères de captivité étaient de retour en France…" Mgr. le Supérieur Général , écrit il, et quelques Pères nous attendaient à l'aérodrome. Un car nous dépose au 128 de la rue du Bac. Il est dix heures. On nous sert tout de même un café au lait. Puis, toute la maison se rend à la chapelle pour un Magnificat solennel. Notre aventure est terminée. Il nous reste à prier pour les deux confrères retenus par les Viêt-Minh…pour les Franciscains et les Franciscaines qui n'ont pas demandé à rentrer parce qu'il leur restait encore une certaine possibilité d'action dans leur couvent, pour toute la mission enfin, si éprouvée.."
En septembre 1954, conformément à l'article 120 du Coutumier de la Société, Mgr Lemaire, Supérieur Général décida de nommer au séminaire un directeur spirituel spécialement chargé de donner des cours de théologie ascétique et mystique aux aspirants des Communautés de Bièvres et de Paris. Son choix se porta sur M. Jean Guennou qui fit partie du corps professoral du séminaire et fut invité à prêcher la retraite aux aspirants de Paris appelés à participer à l'ordination du Samedi des Quatre-Temps de l'Avent en 1954 ; puis, on lui demanda d'assurer l'allocution pour la cérémonie de Départ du 25 septembre 1955 ; à partir d'exemples bibliques, il s'adressa aux 14 nouveaux missionnaires, et développa, à leur intention, le sens profond de leur mission. :
.."Il faut édifier , leur disait il, exactement sur les fondements qui ont déjà été posés par vos devanciers et scellés dans le sang. Et que personne ne bâtisse sur un autre fondement que le Christ ! Il faut vous aligner sur vos confrères, qui travaillent en même temps que vous, en vous conformant au plan de l'architecte, tel qu'il est dévoilé par la voix de votre évêque… Vous allez combattre le bon combat protégés par la cuirasse, le casque et le bouclier. C'est la vie d'oraison , c'est la prudence sacerdotale…La vigilance ne suffit pas pour bien combattre. Il faut l'ardeur offensive…Instruire les chrétiens, c'est consolider les positions, mais l'équipe n'est vraiment missionnaire que si elle a la hantise du milieu païen à atteindre…"
En janvier 1958, Jean Guennou quitta le corps des directeurs du séminaire de Paris où il donnait des cours d'ascétique et de mystique. Bien que nouvellement appelé à travailler aux archives, sous la direction du P. Paul Destombes, il assura, du 4 au 8 février 1958, la retraite spirituelle aux confrères du sanatorium Saint Raphaël de Montbeton. Il fit encore une conférence très remarquée sur la spiritualité des Missions Etrangères fondée sur l'Evangile et sur Saint Paul, lors de la session d'information et d'études qui se tint à Bièvres du 30 août au 6 septembre 1958, à l'intention des confrères en congé.
Nommé "archiviste" à dater de février 1958, il prit la succession de M.Hubert Monjean décédé à Paris le 2 décembre 1957. Gardien de la mémoire de la Société des Missions Etrangères, il va continuer avec patience, persévérance, et minutie le travail de sauvegarde, de classification, et de recherche entrepris par ses prédécesseurs. En exploitant les richesses du fond qui lui était confié, il contribua à mieux faire connaître l'histoire de la Société, le travail missionnaire et la vie des communautés chrétiennes en Asie. Il restera en charge de ce service jusqu'au jour de sa démission le 1er septembre 1981.
Sous sa direction et son impulsion, entouré d'une équipe de confrères dont il sut utiliser les goûts et les aptitudes, M. Jean Guennou développa les activités du service des Archives dans des domaines très divers. En voici quelques uns : Acquisition et classement de très nombreux documents, établissement et mise à jour d'un fichier historique comportant un bref "curriculum vitae" de chaque confrère, rédaction d'un répertoire-catalogue contenant une analyse des documents, une table des noms propres, avec références aux textes, préparation et publication des notices nécrologiques, correspondance avec les familles de missionnaires, etc…
Responsable de ce Service, M.Jean Guennou s'était réservé, mais sans exclusivité, ce qu'il appelait "les relations publiques". Dans l'un de ses derniers comptes-rendus, celui de 1974-76, il nous dit : …" J'essaye de répondre aux demandes de renseignements, je reçois les chercheurs, je revois les manuscrits qu'on me soumet, dont beaucoup, finalement ne sont pas imprimés ; je conseille les personnes du dehors, prêtres ou laïcs, qui écrivent sur nos martyrs ou nos confrères et je collabore à différentes encyclopédies ou travaux collectifs : Catholicisme, le Dictionnaire de Spiritualité, le Dictionnaire d'Histoire et de Géographie écclésiastique, Memoria rerum de la Congrégation pour l'Evangélisation des Peuples, et depuis peu, 2.000 ans de christianisme, en regrettant un peu qu'on ne me l'ait pas demandé plus tôt, etc…
…"L'accueil des chercheurs présente en ce moment (1977) des difficultés qu'on n'avait jamais connues dans le passé…..Des milliers de jeunes étudiants sont à la recherche de sujets de thèses ou de mémoires : nous n'avons pas la possibilité de faire face à cette marée de chercheurs…à nous de discerner les cas particuliers.."
Licencié ès Lettres (philosophie), historien spécialiste du XVIIème siècle, diplômé de l'Ecole pratique des Hautes Etudes, Docteur en théologie, M. Jean Guennou a publié plusieurs livres, notamment : en 1959, "La Couturière Mystique de Paris", aux Editions du Cerf, un volume de 312 pages. En effet, "Un manuscrit protégé par un cartonnage recouvert de daim, sur lequel étaient apposées deux étiquettes portant l'une un titre : Notes spirituelles, l'autre une cote : 1409" avait retenu son attention. Il s'agissait d'une Demoiselle, Claudine Moine, née en Franche-Comté en 1618, dans une famille aisée, ruinée par la guerre de Trente Ans, venue à Paris pour gagner sa vie. Engagée comme couturière chez une dame de la haute société, elle mena, sans attirer l'attention de son entourage, une vie mystique, et d'union à Dieu peu ordinaire "dans des occupations pauvres et humbles, comme de coudre, filer, raccommoder, la plupart du temps, de vieilles hardes…"
En historien averti, M. Jean Guennou identifia la couturière mystique, car tous les noms de personnes et de lieux ainsi que les dates, sauf celle de son baptême avaient été soigneusement laissés en blanc pour préserver l'anonymat. Bien au courant des questions de spiritualité, particulièrement de celles du XVIIème siècle, il analysa la doctrine contenue dans les écrits de Claudine Moine. Il fut séduit !.Aussi, en 1981, il reprit et développa ce travail. Après une longue introduction générale très minutieuse et fort approfondie, il publia le texte intégral du "manuscrit au cartonnage recouvert de daim", sous le beau et simple titre "La Couturière Mystique de Paris - Claudine Moine – Relation spirituelle" 459 pages Ed.Téqui, 1981.
En 1961, à l'occasion du centenaire du martyre de Saint. Théophane Vénard (2 février 1861), dans la collection "Les Ecrits des Saints", les Editions du Soleil Levant (Namur) publièrent un choix de lettres de ce Saint (alors Bienheureux), des textes sélectionnés et présentés par M Jean Guennou. Ces pages dévoilent l'âme poétique et mystique de Théophane, l'un des saints préférés de Ste Thérèse de Lisieux ; elles nous font connaître l'affection profonde de Théophane pour sa famille, sa générosité missionnaire. L'auteur de ce petit ouvrage l'a fait rééditer chez Téqui en 1982.
En 1962, M. Jean Guennou fit paraître une étude intitulée "Les Missions Hier et Aujourd'hui" . A cette époque, et depuis quelques années, on parlait beaucoup d' "aggiornamento". C'était le temps du Concile Vatican II. La Société y était représentée par un certain nombre d'Evêques. Ils témoignaient de l'activité missionnaire de l'Eglise en Asie et de la vitalité des "jeunes Eglises" ; ils portaient un regard sur l'avenir, discutaient de la nature de la mission et s'interrogeaient sur le rôle futur des Instituts Missionnaires.
Dans sa lettre commune N°97, qui ouvre le Compte Rendu des Travaux de la Société pour l'année 1962, le Supérieur Général rappellait que : " Le 27 octobre 1963 marquera le 300ème anniversaire de l'installation officielle du séminaire de la Société dans la rue du Bac…" Répondant au désir exprimé par le Supérieur Général de célébrer cet anniversaire important, M. Jean Guennou saisit cette occasion pour publier aux Editions Saint Paul, à Paris, un volume de 288 pages concernant l'histoire de la Société. Il l'intitula tout simplement : "Les Missions Etrangères" et en fit hommage au Pape Paul VI.
A ses fonctions d'archiviste et à son travail de chercheur, M. Jean Guennou ajouta un ministère important d'enseignement. Le 1 juillet 1967, il fut nommé directeur des Etudes de l'Institut de Science et de Théologie des Religions, à l'Institut Catholique de Paris. Il garda cette charge de directeur jusqu'à la fin de l'année scolaire 1969, mais resta professeur dans ce même Institut jusqu'à la rentrée scolaire de 1977. Durant cette période d'une dizaine d'années, il assura un cours sur l'Histoire des Missions Modernes ; la spiritualité et l'action missionnaire, au Se-tchoan et en France, de M. Jean-Martin Moÿe, Mep, (1730-1793), fondateur des Sœurs de la Providence de Portieux, béatifié le 21 novembre 1954, retint particulièrement son attention. Ce bienheureux, nous dit-il .."a beaucoup écrit. On ne s'est pas intéressé à ses écrits, quoiqu'il ait laissé une quarantaine d'ouvrages, petits ou grands, la plupart des opuscules.." En 1970, année où il fut reçu docteur en Théologie (20 juin 1970), M.Jean Guennou publia son ouvrage "Une spiritualité missionnaire : Le Bienheureux Jean-Martin Moÿe, 1730-1793".
Comme il le dit lui-même, M. Jean Guennou a toujours accordé sa fidèle collaboration à plusieurs Encyclopédies savantes, Dictionnaires spécialisés traitant de spiritualité, d'histoire religieuse, Sacrae Congregationis de Propaganda Fide Memoria Rerum etc.., ainsi qu'à des Revues telles que "Spiritus", "Peuples du Monde", et bien d'autres ; mais il convient de souligner sa participation dévouée régulière et très active aux diverses publications de la Société : Bulletin de la Société des M.E. (Hongkong), Epiphanie, Echos de la rue du Bac, Revue Mep etc.. Cela fut rappelé dans l'homélie le jour de ses obsèques : .."L'Histoire de la Société le passionne spécialement. Il rédige de nombreux articles sur la vie, l'action et la spiritualité des premiers vicaires apostoliques, François Pallu, Pierre Lambert de la Motte, Louis Laneau, et sur quelques personnages plus marquants comme Mgr. Langer ou Mgr. Luquet, qui ont apporté une contribution importante à l'œuvre d'évangélisation en Asie…"
Il se montra un ardent défenseur de la Société et des Missions. Ainsi, du 29 au 31 mai 1980, ayant pris part à Lyon, à un Colloque organisé par la Société d'Histoire écclésiastique de l'Eglise de France, il écrivait dans son compte-rendu :.." Participant à ce colloque sur le désir de notre Supérieur Général, j'ai eu souvent l'occasion d'intervenir, spécialement pour écarter la confusion entre missions et colonies. En effet, certains universitaires qui se sont mis à étudier l'histoire des missions préfèrent aux sources religieuses ou écclésiastiques, les rapports des administrateurs, des colons, des voyageurs ; ces sources, relativement peu explorées, sont fort nombreuses, mais seulement pour les colonies. J'ai fait remarquer que, pour les XVIIème et XVIIIème siècles, elles concernaient tout au plus 3 millions d'habitants, alors que la Chine en comptait déjà 300 millions…"
Le 1er septembre 1981, résignant sa charge d'archiviste qui fut confiée à M. Jean-Baptiste Vérinaud, M. Jean Guennou fut affecté à la rue du Bac, au service "Recherches et Publications". Principalement dans les Revues de la Société, il présenta plusieurs dossiers ayant rapport à l'histoire de la Société, à la personnalité et à la spiritualité de ses fondateurs. Il fit revivre quelques figures marquantes d'évêques et de vicaires apostoliques. Dans ses "notes de lectures" il rédigeait de temps à autre, une recension à propos de tel ou tel livre qui venait de paraître. Le 15 décembre 1982, dans le cycle des émissions historiques, il donna à la radio, une conférence ayant pour sujet "La grande crise des rites chinois (1692-1742) .
Mais il consacra une partie de son temps à la mise au point de son livre, paru en 1986, intitulé :"Missions Etrangères de Paris", 263 pages, édité par la maison Fayard, dans la collection "Des Chrétiens". Dans cet ouvrage, il montrait comment l'histoire de la Société des Missions Etrangères s'enracinait dans l'histoire de France, dans celle de l'Asie et dans celle de l'Eglise, et mettait en évidence la manière dont "la Société a rempli avec diligence et succès la mission qui lui a été confiée par le Saint Siège.." En 1987, son livre obtint de l'Académie, le prix Claire-Virenque.
Le dimanche 2 juillet 1989, en Bretagne, dans l'église Sainte Barbe de la paroisse Pont-de-Buis–lès-Quimech, sa famille, ses confrères et une très nombreuse foule de paroissiens étaient rassemblés pour entourer et honorer M. Jean Guennou, "un homme simple et remarquable" qui célébrait ce jour là, au pays natal, ses noces d'or sacerdotales. Après avoir reçu la légion d'honneur, en avril 1965, des mains de M.Yves Boulnières, président des anciens combattants, en ce jour de la célébration de son jubilé sacerdotal, le Pape Jean-Paul II lui faisait parvenir sa bénédiction apostolique spéciale.
Sentant ses forces faiblir, sa mémoire défaillir, M Jean Guennou prit la décision de remettre ses travaux en cours et toutes ses notes, au service des Archives de la Société. Le 16 novembre 1997, il quittait la rue du Bac où il avait travaillé durant tant d'années, pour se retirer dans le 16ème arrondissement de Paris, chez les Petites Sœurs des Pauvres, rue de Varize. Il pensait bien y finir ses jours. Mais cette maison de retraite ancienne n'était plus en conformité avec les normes de sécurité exigées actuellement ; de longs travaux de restauration et de rénovation s'imposaient. Ils devaient s'étaler sur quatre ou cinq ans ; aussi, la direction prit la décision de reloger ailleurs ses pensionnaires.
Deux ans auparavant, M. Jean Guennou avait déjà déposé un dossier en vue d'entrer à la maison de retraite des Invalides, à Paris. Grâce à des relations et compte-tenu de son internement au Viêtnam, il fut admis à l'Institution Nationale des Invalides, en qualité de pensionnaire, le 20 octobre 1999. " Dès votre arrivée, écrit le Gouverneur Général des Invalides dans l'allocution qu'il prononça, en l'église Saint Louis, le jour de ses obsèques, votre comportement d'homme de cœur et de réflexion, riche d'une extraordinaire culture, à la fois gai, affable et serein est apprécié de tous les Pensionnaires que vous côtoyez et de l'ensemble du personnel soignant.."
Mais dans le courant de l'année 2001, lentement, son état de santé se dégrada. Au début du mois de décembre 2001, il dut quitter sa chambre de Pensionnaire pour le Centre de soins intensifs où il resta trois semaines. C'est là qu'il s'éteignit le 7 janvier 2002. Le mercredi 9 janvier 2002, une messe fut célébrée dans la chapelle Saint Louis des Invalides, suivie d'une allocution prononcée par Monsieur le général d'armée Bertrand de Lapresle, gouverneur des Invalides :
"Cher Père Guennou, voici venu le moment des adieux que vous adresse la grande famille de l'Institution Nationale des Invalides, où vous avez vécu, en qualité de Pensionnaire, les deux dernières années d'une vie humainement et spirituellement très riche…" Puis, après avoir évoqué les grandes étapes de l'existence du prêtre-enseignant, du missionnaire et rappelé ses travaux d'archiviste-historien, il conclut :…. " au missionnaire à l'autorité incontestée, au professeur soucieux de rayonner sa culture, à l'homme de cœur et de conviction que vous avez été, nous allons rendre un dernier et vibrant hommage, celui qui est dû à un serviteur émérite de la France et de l'Eglise, en écoutant debout, en présence de l'étendard des Invalides, votre étendard, la sonnerie "aux morts".
Ensuite, la dépouille mortelle de M. Jean Guennou fut transférée à la crypte de la chapelle des Missions Etrangères. Autour de lui, pour une veillée de prière, se rassemblèrent les membres de sa famille, ses amis et la Communauté des Missions Etrangères.
Le lendemain 10 janvier 2002, dans la grande chapelle fut célébrée la messe de sépulture de celui qui toute sa vie, était resté "marqué par son terreau breton, qui lui avait donné, outre sa foi solide, et des qualités naturelles de simplicité et de discrétion, le sens de la prudence et la méfiance des entreprises hasardeuses"... S'enraciner pour le service de l'Eglise dans le milieu viêtnamien vers lequel il avait été envoyé avait été son profond désir, mais il lui avait été demandé de servir le Seigneur en faisant "connaître la mission par sa parole et par ses écrits, et en participant activement à la formation des futurs missionnaires"
"Que votre volonté soit faite comme aux cieux"! Il avait déjà écrit cela à Vinh, en 1952, alors qu'il en était à sa sixième année d'internement. !
Les restes mortels de M. Jean Guennou reposent dans le caveau des Missions Etrangères au cimetière Montparnasse à Paris.
Novembre 2004