Pierre MARTIN1921 - 2003
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 3716
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Identité
Naissance
Décès
Charges
Autres informations
Missions
- Pays :
- Inde
- Région missionnaire :
- 1947 - 1974 (Pondichéry)
Biographie
[3716] MARTIN Pierre est né le 12 juillet 1921 au Val-d’Ajol (Vosges).
Ordonné prêtre aux MEP le 17 juin 1944, il part le 4 novembre 1945 pour la mission de Pondichéry (Inde).
Il étudie d’abord le tamoul à Pondichéry (janvier-avril 1947), puis il est vicaire à la paroisse de Santa-Maria, dans l’État de Madras (avril 1947-avril 1948), avant d’être assistant puis supérieur de l'École normale des catéchistes à Tindivanam (1948-1950). Il est alors nommé curé d'Anilady (1950-1959), puis d'Attipakam (1959-1961).
De 1961 à 1974, il est supérieur régional des MEP en Inde.
Il est rappelé en France pour être supérieur de la maison d’accueil de Lauris (1974-1980), tout en étant chargé de la paroisse de Lauris (jusqu’en 1994).
Il devient enfin aumônier de l'hôpital de l'Isle-sur-la-Sorgue (1994-1997), avant de rejoindre comme pensionnaire la maison d’accueil de Lauris, où il meurt le 5 octobre 2003.
Nécrologie
[ 3716 ] MARTIN Pierre, Jean Marie, Joseph
Missionnaire
Pondichéry
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Pierre, Jean-Marie, Joseph MARTIN fils de Henri- Charles et de Marie Julia Etienne son épouse, naquit le 12 juillet 1921 au Val d'Ajol, une commune de l'arrondissement d'Epinal, département des Vosges. Le 16 juillet 1921, il fut baptisé dans l'église paroissiale du Val d'Ajol, dans le diocèse de Saint-Dié. Ses parents d'abord instituteurs dans l'enseignement libre, exercèrent ensuite la profession de commerçants. Cette famille chrétienne comptait six enfants dont cinq garçons et une fille. Après avoir parcouru le cycle des études primaires au Val d'Ajol, Pierre s'orienta vers les petits séminaires de son diocèse dans lesquels il fit ses études secondaires couronnées par son succès à l'examen du baccalauréat. Alors en octobre 1939, il se dirigea vers le grand séminaire de Saint Dié, où il fit sa philosophie, sa théologie fondamentale et un an de théologie spéciale. Le 29 mars 1941, il y reçut sa première tonsure. Selon le témoignage de son curé, durant le temps des vacances, il se montra "toujours empressé à seconder les vicaires dans leurs œuvres paroissiales" particulièrement lors des colonies de vacances.
Le 11 juin 1942, depuis le grand séminaire de Saint Dié, M. Pierre Martin, qui, à cette époque, avait deux frères séminaristes à Saint Dié, s'adressant au Supérieur des Missions Etrangères, écrivait : .." Je viens solliciter la faveur d'être admis à entrer au Séminaire des Missions Etrangères, à la rentrée d'octobre prochain.." En réponse, le 14 juillet 1942, le supérieur du séminaire et son conseil donnaient "un avis favorable pour l'admission de M. Pierre Martin de Saint Dié". Le 30 septembre 1942, en ces dures et difficiles années de guerre, il commençait sa formation apostolique au séminaire de la rue du Bac. Il faisait allusion à ces temps incertains dans sa lettre du 10 mai 1943 ; il demandait, en effet, à être admis à recevoir les Ordres Mineurs, à la fin de l'année scolaire, "devant probablement partir en Allemagne en septembre" pour le Service du Travail Obligatoire (STO) auquel il eût la chance d'échapper. Ainsi, le 29 juin 1943, il reçevait "les deux derniers ordres mineurs (acolythatus et exorcistatus), des mains de Mgr. Blanchet, Evêque de Saint Dié…" Le cours de la guerre se précipitant, il fut ordonné sous-diacre le 3 juin 1944, et reçut ce jour là, sa destination pour le service du diocèse de Pondichéry. Diacre le 8 juin 1944, -c'était au lendemain du débarquement allié en Normandie-, enfin,il recevait l'onction sacerdotale, le 17 juin 1944. Ne pouvant rejoindre sa mission, en raison des hostilités, agrégé à la Société des Missions Etrangères, le 15 septembre 1944, il fut nommé vicaire à la Bresse dans le diocèse de Saint Dié où il exerça le ministère pastoral de juillet 1944 à juin 1945.
Le 30 juin 1945, ayant signé un contrat d'engagement volontaire pour la durée de la guerre y compris les opérations d'Extrême- Orient, M. Pierre Martin se mit à la disposition de l'aumônerie militaire. Le lendemain, il rejoignait en Allemagne, le 4ème groupe du R.A.C.M. où il était affecté. Le 1er octobre 1945, nommé au grade d'Adjudant aumônier du Culte Catholique, il fut désigné pour l'Extrême- Orient, et dirigé sur Marseille, le 31 octobre 1945 où il s'embarqua pour l'Indochine, le 4 novembre suivant. Débarqué à Saïgon, le 25 novembre 1945, il y séjourna jusqu'au 1er mars 1946, puis fut muté à Haiphong. Le 19 novembre 1946, il était de retour à Saïgon ; enfin, le 31 décembre 1946, il reprenait le bateau à Saïgon pour Pondichéry où il arrivait, le 11 janvier 1947. Ayant obtenu un congé de 96 jours, il fut libéré de ses obligations militaires, le 18 avril 1947.
Parvenu dans sa mission, M. Pierre Martin se mit aussitôt à l'étude de la langue tamoul à Pondichéry d'abord, puis à partir d'avril 1947, dans l'Etat de Madras, à Santa- Maria, où, tout en continuant sa formation missionnaire, il exerça la charge de vicaire "ad gentes" jusqu'en avril 1948. Bien à l'aise en langue tamoul, il fut alors envoyé à Tindivanam comme assistant du P. Curtin, puis fut nommé Directeur de l' Ecole Normale, charge qu'il garda jusqu'en juillet 1949. A l'origine, Tindivanam n'était qu'une petite paroisse. En 1903, M. Abel Combes y avait fondé un modeste orphelinat dont il avait confié la direction à une veuve chrétienne. Quelques temps après, les Frères de Saint Gabriel étaient venus y installer une école industrielle ; vers 1920, M. Thomas Gavan- Duffy y établissait une école normale en vue de la formation de bons maîtres d'écoles et de catéchistes instruits. L'œuvre avait grandi. Tindivanam était devenu un centre très important d'œuvres catholiques. S'y trouvaient regroupés orphelinat, établissements d'enseignement secondaire et professionnel pour garçons et filles, dispensaire, couvent et noviciat des Sœurs de Saint Joseph de Cluny. Chaque année, pendant les vacances, plus de 400 maîtres d'école et catéchistes venaient y faire une retraite spirituelle.
En août 1949, M. Pierre Martin fut envoyé comme vicaire "ad gentes" auprès de M. Elie Chauvet, dans le lointain district de Chinnasalem, une région peu pourvue en chemins carrossables. Puis, de juin à octobre 1950, il assura un remplacement à Pondichéry. Après quoi, il reçut sa nomination de curé d'Allady, (Anilady), un bourg situé à mi-chemin entre Villupuram et Tindivanam, et dont l'accès était difficile. Au dire du chroniqueur de la Mission, "Pas de chemin qui mérite ce nom : à la sécheresse, les rivières sont des chemins, et au temps des pluies, les chemins deviennent des rivières. Avant de voir le Père Martin…vous verrez de loin sa "cathédrale", grande église avec dôme et deux clochers ; église inachevée et qui réclame déjà de nombreuses réparations Allady est un district de nouveaux chrétiens ; plusieurs familles de caste ont été converties…" Au début du siècle, l'un de ses prédécesseurs, M. Jean-Louis Godec, qui voyait grand, et avait le souci de procurer un gagne-pain à ses chrétiens durant les temps de famine, avait construit cette "cathédrale". A présent, M. Pierre Martin prenait en charge pastorale un district qui comptait environ quatre mille chrétiens et une trentaine de villages à visiter.
Dès son arrivée dans ce poste, M. Pierre Martin fit de la formation humaine et spirituelle des jeunes, l'une de ses priorités pastorales. A son école élémentaire, il ajouta les classes nécessaires pour qu'elle soit reconnue comme "Ecole Moyenne" (Hihger elementary school). Mais le difficile n'était pas d'ouvrir une nouvelle section, mais de pouvoir la maintenir prospère.
En 1954, le village d'Allady (Anilady) bien connu des confrères de Pondichéry, et de bien d'autres Pères en Inde, et son Pasteur à la personnalité bien affirmée célébrèrent avec faste le cinquantième anniversaire de la fondation de cette école. Il y eut une préparation éloignée à ce jubilé, suivie d' une autre immédiate durant laquelle maîtres et catéchistes du district sillonnèrent pistes et routes du diocèse en distribuant largement invitations et programmes. Arriva enfin le jour de la grande solennité. Les confrères qui venaient de loin, étaient arrivés depuis la veille. Les invités étaient nombreux, et les hautes autorités civiles provinciales présentes ; en cortège, on se rendit d'abord à l'école "jubilaire" pour une bénédiction, la fanfare de l'Ecole de Catéchistes de Tindivanam en pleine action ouvrant la marche, puis on se dirigea vers la "cathédrale" pour rendre grâce. Le lendemain, le P.Lourdesami,Directeur des Ecoles, célébra la messe, et, selon le rituel propre à une telle cérémonie, on procéda à l'ouverture officielle et solennelle d'une nouvelle classe. La fête se déroula dans cette ambiance joyeuse propre au pays. De nombreux discours furent prononcés. Un confrère en faisait le résumé suivant :.." Un village qui possède une église aux dimensions de cathédrale, un Curé à la taille et à la prestance de Chanoine- Archiprêtre, et en puissance (…) une route nationale, est en droit de caresser le rêve d'un Collège ou d'une Université.."
Le Chroniqueur de la Mission, l'un des invités à cette fête, saisissait cette occasion pour un entretien avec le curé du lieu : Il écrit . .." Nous sommes arrivés [à Anilady]. Près de l'église, c'est le presbytère où le P. Martin vous reçoit avec un sourire proportionné aux dimensions de sa personne. Son accueil chaleureux fait vite oublier les fatigues de la route. S'il vit d'ordinaire sobrement, il sait se mettre en dix pour recevoir les confrères et leur témoigner "combien il est doux de se retrouver ensemble". Finies pour quelques heurs les Tracasseries et Mesquineries de la vie quotidienne. Ici, tout est cordialité, charité, "dignité". Pas un confrère n'est parti d'Anilady sans garder le secret espoir d'y revenir.
Quel sujet d'étonnement que la visite du presbytère. "Comment est il possible que dans une brousse pareille vous ayez l'électricité ? C'est admirable ! " demande-t-on au curé, en pressant sur le bouton que l'on aperçoit au mur. " Hélas ! répond le Père, je n'ai plus d'ampoules." Et de fait, le matériel n'est pas complet. La réponse du Père non plus d'ailleurs. Mais avec sa modestie coutumière, il préfère laisser deviner au visiteur qu'il n'a jamais eu de chance avec le moteur auxiliaire qui devait lui fournir le courant. Pourtant personne ne dénie au P.Martin des capacités de bricoleur. Il aime à se proclamer le premier motorisé d'après-guerre du diocèse, bien que d' aucuns –mauvaises langues sans doute - racontent que ses gens eurent rarement la bonne fortune d'admirer leur curé monté sur son engin… Par contre, disent ils, chacun se souvient des arrivées spectaculaires du curé d'Anilady à Pondichéry… Père et moto, compagnons d'infortune, empruntant la même voiture à bœufs…" La charrette à bœufs restait l'alliée du motocycliste !
M. Pierre Martin avait à faire face à un autre problème sérieux. La situation économique de la région n'était guère brillante. De ce fait, des familles étaient amenées à quitter le village pour aller chercher du travail dans les villes voisines. Il était douloureux, pour le Pasteur, de prêcher la parole de Dieu à des gens qui souffraient de la faim. Pour remédier à la misère des villageois, le gouvernement indien avait ouvert des "Gruel Centres", où les pauvres recevaient de l'aide. Dans plusieurs paroisses du diocèse, les curés avaient accepté la responsabilité d'assurer les distributions de vivres. A Allady, (Anilady) M. Pierre Martin prit la direction du "Gruel Centre" local. Il savait que les autorités gouvernementales lui faisaient confiance, lui laissant le soin de juger et de décider qui était pauvre et nécessiteux. Celles-ci lui fournissaient chaque semaine, tout ce qui était nécessaire pour la bonne marche du Centre. Plus de 600 personnes étaient ainsi nourries chaque jour. Cela lui valut de recevoir de la part des hautes autorités civiles, le titre de "Curé social", titre dont il sut tirer profit à l'occasion pour améliorer la situation alimentaire de ses gens.
En 1954, à l'occasion de l'année mariale, un généreux américain, M.William Duff, offrit au diocèse de Pondichéry une belle statue de Notre-Dame de Fatima. En cèdre du Brésil, sculptée au Portugal par José Ferreira Thedim, elle mesurait un mètre de haut. Bénite par Mgr. L'Evêque de Leiria, elle fut envoyée en Inde où elle arriva en avril 1954. Mgr. Colas archevêque de Pondichéry la confia au Couvent des Sœurs de Saint Joseph de Cluny à Tindivanam. En vue d'un renouveau spirituel, un programme de visite de la statue allant de paroisse en paroisse à travers le diocèse, fut mis sur pied. Pour faciliter cette tâche, un char de procession avait été construit. Monté sur deux roues à pneus et tiré par des bœufs, il pouvait aisément aller partout. Le char était pourvu d'un générateur électrique, d'un amplificateur avec micro et haut parleur. M. Pierre Martin et ses communautés chrétiennes exprimèrent leur vif désir de recevoir Notre- Dame à Anilady et dans les différentes stations du district. Un bref compte-rendu nous dit que "l'organisation était de toute première classe. Chacun, longtemps avant, avait son programme établi et le curé poussait sans arrêt, inspectant jusqu'au moindre détail. De la part des instituteurs : très bonne volonté qui contribua au succès. La ponctualité dans les cérémonies est une qualité fortement à souligner dans la visite de N.D. de Fatima à Anilady. Toujours l'heure fut respectée. Grâce au zèle et au courage du curé, grâce au dévouement des instituteurs et catéchistes, grâce à la bonne volonté de tous, la visite dans le district d'Anilady fut un succès partout…"
Et arriva le temps du départ de M. Pierre Martin pour son premier congé en France. C'était le 15 février 1955. Pour célébrer l'évènement, ses confrères "bateaux" d'après-guerre avaient répondu à son invitation avec d'autant plus d'empressement que M. Henri Prouvost, quatrième assistant du Supérieur Général de la Société, alors en visite en Inde, et M. Antoine Mirande, supérieur local étaient de la fête. Ce fut une journée en "famille" . Le chroniqueur de la Mission relate :…" Le curé du lieu se surpassa. Seuls les initiés peuvent se représenter tout ce que cela signifie. Le P. Prouvost en profita pour faire un bel éloge de notre hôte, et vanter ses talents d'administrateur et d'apôtre de ce grand et difficile district d'Anilady. L' unanimité n'eut pas de peine à se faire autour de ce panégyrique mérité. Naturellement, le village entier bénéficia une fois de plus, de la générosité du pasteur. Un repas fut servi aux enfants, et le soir, devant grands et petits éberlués, on projetait le film de Blanche-Neige et les Sept Nains. Jamais on n'avait vu pareille chose en ce lieu ! …" Les remerciements soulignèrent le dévouement de toute la communauté des Sœurs largement mises à contribution, en cette occasion, et "le lendemain, sur le chemin "impossible" d'Anilady, les cinq motos de l'expédition donnèrent plus d'ennuis que jamais à leurs dix passagers. Chutes, plaies (sans gravité) et bosses furent si équitablement réparties qu'à l'arrivée, il ny avait pas un Père pour se moquer de son voisin…" Le 7 avril 1955, M. Pierre Martin arrivait en France. Il avait en poche le certificat nécessaire à son retour en Inde, délivré par les autorités administratives du pays ; le sous-préfet y avait ajouté la mention : "Indispensable au district !."
Le 19 novembre 1955, M. Pierre Martin s'embarquait sur le paquebot "La Marseillaise" à destination de Pondichéry. Arrivé à bon port, il reprit sa charge pastorale dans son district d'Anilady. Au ministère de formation spirituelle de ses chrétiens, il ajouta les fonctions de vicaire forain. Dès son retour de congé, il entreprit le crépissage intérieur de sa vaste église. Celle-ci était à présent tout juste suffisante pour contenir ses chrétiens lors des rassemblements importants et des grandes solennités. Déjà, les dimanches et les jours de fête un générateur électrique éclairait cette "majestueuse cathédrale", ce dont il profitait aussi pour "régaler" ses paroissiens et ses hôtes, avec de la belle musique. En 1958, le stucage de l'abside et des transepts était achevé. Une seconde tranche de travaux restait encore à réaliser : la rénovation de la nef et la restauration extérieure de l'édifice endommagé par les éléments. Premier problème à résoudre : comment acheminer le matériel dans une région dépourvue de routes et de voies de communications convenables.
En février 1959, M. Pierre Martin quittait le district d'Anilady. Il venait d'être nommé curé de la paroisse d'Attipakkam, à l'ouest de Villapuram. C'est dans ce nouveau poste qu'il reçut vers mai 1959, la visite de Mgr. Lemaire, Supérieur Général de la Société. A cette occasion, le chroniqueur de la Mission nous présente le Pasteur en son nouveau poste :…" Attipakkam…L'église n'est pas dans le village, elle se cache là-bas derrière un petit bois, et le dernier bout de la route n'est pas fameux. Bientôt cependant,la voilà cette église d'Attipakkam, le voilà ce presbytère dont le curé, le P. Martin, a cru devoir nous prévenir à l'avance que tout y était en ruines. C'est vrai sans l'être : n'y a-t-il pas, de droite et de gauche, des pierres, des briques, des bois, de la chaux ? Les travaux sont en cours…Il était temps de s'y mettre. Aussi bien est ce, sans doute, la raison pour laquelle le P. Martin recevait récemment le soin de cette cure. Le premier coup d'œil a suffi pour nous avertir qu'il n'entendait pas se lamenter en se croisant les bras. Et il n'y a pas que le soin des bâtiments. Cette paroisse d'Attipakkam est une des plus fortes du diocèse, trop étendue. L'autre soin qui s'impose est d'en prévoir, d'en préparer la division…"
En octobre 1959, M. Pierre Martin accepta la charge de conseiller local de la communauté missionnaire de Pondichéry ; l'année suivante, les confrères de l'Inde le choisirent pour les représenter à l'Assemblée Générale de la Société qui s'ouvrit à Bièvres le 2 août 1960. Ses confrères avaient apprécié ses qualités de coeur et d'esprit. Aussi furent ils très heureux d'apprendre sa nomination de Supérieur Régional en Inde à la date du 7 avril 1961. Cette nouvelle charge l'obligea à quitter son district d'Attipakkam. Il rejoignit Bangalore où il succéda à M. Pierre Jacquemart, qui pendant dix ans avait exercé ces fonctions, tout en étant professeur au grand séminaire établi en cette ville.
Sans tarder, le nouveau Régional informa les confrères de sa nomination dans une lettre circulaire du 26 avril 1961, dans laquelle il écrivait :.." Sans aucune vanité, j'ai accepté. Et je m'empresse d'envoyer à tous les confrères travaillant dans l'Inde…l'assurance de mon total dévouement. Mon rôle désormais est non seulement d'être le représentant parmi vous du Supérieur Général, mais encore et surtout de "veiller à votre bien-être spirituel et matériel". Je m'y emploierai de toutes mes forces…." Et il commença aussitôt, écrit le chroniqueur de Pondichéry, "la visite des confrères de toute la Région, visite facilitée par l'achat d'une voiture, oh ! toute démocratique, une vieille Peugeot qui se montre plutôt rétive dans les longues côtes des Montagnes Bleues, mais très rapide dans les descentes, elle n'a pas de frein, bien suspendue, et un bruit de tonnerre au bout de ce qui reste du pot d'échappement. Un itinéraire de 1.500 kms en ligne droite, sans compter les multiples diversions à partir des centres, a conduit le Régional à Pondy, Bangalore,Mysore, Sanatorium des Montagnes Bleues, Salem et Pondy,et lui a permis un premier contact avec la plupart des confrères. Une prochaine tournée est déjà programmée pour compléter les visites…." Il sera reconduit dans ces fonctions de Supérieur Régional en Inde, en avril 1966 et avril 1971.
Le 16 février 1962, la maison régionale des Missions Étrangères en Inde, était inaugurée à Bangalore, en présence de nombreux Archevêques et Évêques. C'est là que M. Pierre Martin établit sa résidence et qu'il organisa en 1963, une retraite spirituelle regroupant tous les confrères de la Région de l'Inde au cours de laquelle de nombreux carrefours de pastorale missionnaire permirent à chacun de parler de son travail, de faire part de son expérience et de présenter des suggestions. Ensuite, cette même année, il revint en France pour participer aux fêtes faisant mémoire des trois cents ans d'Apostolat de la Société en Asie. En effet, le 27 octobre 1963 marquait le 300ème anniversaire de l'installation officielle du Séminaire de la Société dans la rue du Bac à Paris. Le même jour, à Pondichéry, à la demande de Son Exc. Mgr Ambrose, archevêque de Pondichéry-Cuddalore, le tricentenaire de la Société était célébré dans toutes les paroisses et institutions de l'archidiocèse par une messe d'action de grâces suivie du Te Deum. A l'occasion de ces fêtes, se tint à Paris une réunion de tous les Supérieurs Régionaux de la Société.
Au début de l'année 1964, M. Pierre Martin reprenait le chemin de Bangalore, et, à la maison régionale des Missions Étrangères, il continuait son service de responsabilité auprès de ses confrères. A Lauris, au jour de ses funérailles, son confrère, ancien supérieur général de la Société, qui l'avait bien connu en Inde, témoignait dans son homélie :…" Il allait visiter ses confrères dispersés dans plusieurs diocèses du sud de l'Inde. Il lui arrivait aussi, bien sûr, d'accueillir des confrères chez lui, d'organiser des rencontres. Une réunion autour du P. Martin n'était pas triste. Ses réparties faisaient mouche et on s'en souvenait. Il avait une façon bien à lui de rapporter les évènements et d'agrémenter les histoires qu'il racontait. Entre nous, on appelait même cela des "Martinades" ! Pierre Martin a laissé en Inde le souvenir d'un missionnaire doué et zélé, d'un confrère chaleureux et jovial.."
En 1967, avec divers collaborateurs jésuites et confrères Mep, M Pierre Martin publia, dans les deux langues kanara et tamoule, une vie de Jésus, tout en images de quatre couleurs avec commentaire sous chaque image,. C'était un livret de 90 pages, fort attrayant par sa présentation, et d'un prix fort modique grâce à la générosité de nombreux bienfaiteurs. Accessible à toutes les bourses,. il se vendit " comme des petits pains."
En raison de ses responsabilités de Supérieur Régional, M. Pierre Martin participa à Bièvres aux Assemblées Générales de la Société en 1968 (du 17 juillet au 12 septembre) , puis en 1974 ( du 15 juillet au 17 août), ainsi qu'au Synode de la Société qui se tint à Hongkong du 8 au 27 novembre 1971. Au cours de ce synode, il présenta une synthèse des comptes rendus des réunions des groupes Mep de Pondichéry, Salem et Mysore ; se référant à l'article 2 des Constitutions Mep de 1968 et se situant dans un monde en pleine évolution, il développa une profonde réflexion sur "l' Évangélisation". Il écrivait : " Qu'est ce que l'Évangélisation ? C'est faire connaître par la parole et le témoignage de vie la Bonne Nouvelle du salut du monde par le Christ ; c'est révéler…le Christ même là où on ne peut pas parler de Lui explicitement ; c'est….mettre en contact avec la personne du Christ….Il nous faut donc présenter notre foi, non comme un système ou une théorie, mais comme le contact avec une Personne, donnant vraiment un sens à notre vie…" Il parla longuement de la "Place du Missionnaire dans l'Évangélisation" et de la tâche spécifique du "Missionnaire et l'éducation dans la Foi". Lors de l'Assemblée Générale de 1974, s'exprimant au nom de ses 52 confrères Mep, présents en Inde à cette date, au sujet de "Mission et Vocation Missionnaire : "nous pensons, déclarait il, que certains essais de redéfinition de la "mission", de l'évangélisation, provoqués par la mentalité actuelle européenne, font par trop abstraction de tout donné révélé, théologique…Notre vocation sacerdotale et missionnaire vient d'en haut.."
A la fin de l'Assemblée Générale de 1974, M. Pierre Martin donna sa démission de Supérieur Régional en Inde. Alors, à la demande de ses supérieurs, il resta en France et le 1er octobre de cette même année, il était nommé Supérieur de la maison d'accueil des Missions Étrangères à Lauris, dans le diocèse d'Avignon. Une trentaine de confrères âgés ou malades résidaient alors dans cette maison, sans compter les Pères de passage. A son arrivée à Lauris, Mgr. L'Archevêque lui confia aussi la charge de curé de cette paroisse et de ses annexes : "un travail passionnant dans un milieu très déchristianisé ".déclare-t-il. Une charge qu'il portera pendant vingt ans.
Comme en Inde, avec le même esprit missionnaire, et le même dévouement, il se mit au service de ses paroissiens. Il sut gagner leur sympathie et conquérir leur cœur. Au jour de ses funérailles, dans l'homélie, chacun entendait le témoignage suivant : .." Au début [à son arrivée à Lauris] , il regrettait sa vie de missionnaire en Inde, et exprimait souvent l'espoir qu'il pourrait y repartir. "Je reviendrai", écrivait il à ses confrères restés en Inde. Mais quelques années plus tard, j'ai eu l'occasion de lui demander s'il souhaitait toujours rentrer en Inde. Il m'a simplement répondu :" il m'en coûterait beaucoup de quitter la paroisse de Lauris.."
En Inde,M. Pierre Martin avait eu de sérieux problèmes de santé : un accident de voiture, le 3 juillet 1969, suivi d'un infarctus le 7 juillet. Le lendemain, il recevait le sacrement des malades. Hospitalisé à Vellore jusqu'au 14 août 1969, il séjourna à la clinique St. Joseph de Pondichéry jusqu'au 30 septembre suivant. Plus tard, en 1988, à l'église de Lauris, en pleine cérémonie religieuse, il fut pris d'un grave malaise cardiaque. Il fut opéré à cœur ouvert à la Timone, à Marseille : quatre pontages, avec pose d'une valvule. Après un temps de convalescence à l'hôpital Berrard à Hyères, il retrouva assez de forces pour reprendre son ministère pastoral à Lauris. Mais, il n'avait pas eu la joie de clôturer dans sa paroisse, l'année mariale pour laquelle il s'était beaucoup investi, et d'être présent à Lourdes avec les pèlerins du diocèse d'Avignon.
Lundi 15 août 1994 : nouvelle destination, nouvelle étape dans le parcours missionnaire de M Pierre Martin. Le vicaire général du diocèse d'Avignon présidait l'Eucharistie à Lauris. Il était venu, déclarait il "au nom de l'Archevêque…à cause du départ prochain du Père Pierre Martin que nous tenons à souligner et à cause de l'accueil et de la présentation à votre communauté de votre nouveau pasteur, le Père Clément Montagne…Le Père Pierre Martin qui a été votre curé pendant 20 ans,s'en va …ou plutôt il est appelé à continuer son service de prêtre ailleurs, avec la même foi, avec le même souci missionnaire qu'au jour où il partait pour l'Indochine ou l'Inde, mais avec 49 ans de plus et avec toute la richesse de son expérience et de son âme de pasteur.
Nous devinons tous que, malgré la disponibilité et l'obéissance, c'est un peu un arrachement à votre paroisse qu'il aime tant et qu'il a si bien servi. Je tiens à lui dire ici, maintenant, au nom de Mgr. L'Archevêque, et par lui, au nom de toute l'Église diocésaine, notre très profonde gratitude. Père Martin, vous avez servi le Seigneur, dans l'Église d'Avignon, avec le zèle d'un Bon Pasteur et la passion du missionnaire si caractéristique de votre famille spirituelle des Missions Étrangères de Paris. Vous avez servi d'une manière qui fait honneur à l'Église. On sait votre souffrance de voir qu'il était parfois plus difficile de faire entendre la Bonne Nouvelle chez nous ici à Lauris ou Puget qu'en Inde…
Vous le savez, vous êtes attendu à l'Isle sur la Sorgue, pour un nouveau ministère d'aumônier d'hôpital. Vous êtes attendu et nous savons…que vous ne décevrez pas cette attente…Mais vous avez trop d'humour et surtout de sens spirituel pour ne pas savoir que c'est vous qui allez rencontrer d'une autre manière Celui que vous avez cherché à faire connaître ici, et qui, là-bas vous dira : "J'étais malade, et vous êtes venus me visiter…"
La presse régionale ne manqua pas de souligner l'importance de l'évènement. Le journal "Le Provençal" dans son édition du 27 août 1994, avec photo jointe, intitulait son article : "Lauris : Un Berger quitte le campanile". Il écrivait : "Le Père Martin a exercé 20 ans de sacerdoce à Lauris, après avoir servi en Extrême-Orient et en Inde. Son départ chagrine aussi bien les fidèles que les non croyants. C'est dire combien il avait su s'intégrer à la vie quotidienne du village. De nombreuses manifestations ont ponctué son départ. La messe du 15 août où il a officié avec son successeur était très émouvante. Le maire de Lauris et son équipe municipale ont tenu à l'honorer et à saluer ses qualités de "modesties, effacement, dévouement, persévérance et ténacité." M. Chevalier, avec beaucoup d'humour, soulignait que les hommes des Vosges (dont le Père Martin est originaire) sont des "costauds" et savent se battre. Il l'a bien montré d'abord contre la maladie et la souffrance (maladie cardiaque en pleine cérémonie religieuse, opération gravissime et reprise de ses activités) également pour défendre ses points de vue et ses opinions…."
A l'hôpital de l'Isle sur la Sorgue, M. Pierre Martin exerça son ministère sacerdotal auprès des malades jusqu'au 24 novembre 1997. Se sentant affaibli au point qu'il lui était devenu impossible sans ascenseur, d'accéder à son logement situé à l'étage, il demanda alors à rejoindre la Communauté Mep de la rue du Mûrier à Lauris. C'est là que le dimanche 5 octobre 2003, en début de nuit, couché, un Astérix et un livre de prières à ses côtés, il rendit son âme à Dieu. Il avait pris son repas du soir au réfectoire sans que personne n'ait rien remarqué d'anormal dans son comportement.
Mgr. Jean Pierre Catenoz, archevêque d'Avignon, assisté de Mgr. l'archevêque de Pondichery, de passage en France et du vicaire général du diocèse présida ses obsèques. Les textes de Apoc.14,13 et de Jn.14, 1-6 furent proclamés lors de la liturgie de la Parole, et commentés au cours de l'homélie. M. Clément Montagne, curé de Lauris et son équipe liturgique avaient soigneusement préparé cette célébration religieuse qui eût lieu dans l'église paroissiale de Lauris. Une trentaine de prêtres des Missions Étrangères et du diocèse y participèrent. L'église était débordante de monde.
Au nom de la communauté paroissiale de Lauris, M. René Florent, délégué paroissial, prit la parole : " Bien cher Père Martin, Pendant vingt ans, (de1974 à 1994) vous avez conduit les paroissiens de Lauris sur le chemin de la foi, avec une ardeur qui ne lassait percevoir ni la fatigue, ni la souffrance ; vous étiez toujours présent auprès des malades, et des personnes âgées, toujours présent auprès des enfants et des parents que vous conduisiez aux différents pèlerinages : ( N.D. de Lourdes,Notre Dame de Lumière…). Je ne peux pas énumérer toute l'œuvre que vous avez réalisée dans notre église : Restauration des tableaux, restauration des vitraux, installation d'un carillon aux sons harmonieux etc…. La petite cloche de St. Roch qui vous a accueilli ce matin et qui vous dira "à Dieu" au départ de votre église, -celle qui porte votre nom sur son manteau-, c'est la même qui se mêlera désormais à nos prières, en évoquant votre souvenir. Nous ne vous oublierons pas et, - si nous avons le cœur serré au moment de la séparation -, c'est à Dieu que nous vous confions, en Le remerciant de nous avoir donné ce bon, ce cher prêtre que vous avez toujours été. Merci Père Martin, Priez avec nous, priez pour nous. Selon votre souhait nous allons chanter le cantique à la Sainte Vierge (cantique que vous aimiez : "J'irai la voir un jour.." )
Puis, au nom de sa famille, de ses amis, de ses compatriotes vosgiens, de ceux qui n'avaient pas pu venir, son frère le Docteur Martin, lui adressait ces mots d'adieux :…" Un seul mot a animé ta vie : l'Amour, un amour qui t'aurait,…qui t'a fait déplacer des montagnes,…un amour qui t'a permis, au soir de ta vie, de devenir comme le petite Sœur Thérèse de ton enfance, de notre enfance, de devenir un missionnaire en chambre : celui qui prie car il ne peut plus marcher. Et Dieu seul sait ce qu'il t'en a coûté…"
Enfin, dans le bref passage de son testament spirituel, cité dans l'homélie, en ce jour de ses funérailles, M. Pierre Martin, prêtre missionnaire heureux nous dit son action de grâce :…" Je remercierai éternellement le Seigneur pour ses bienfaits. Je remercie mes frères, mes neveu, nièces, pour leur affection, la Société des Missions Étrangères, les MEP et le diocèse d'Avignon, Mgr. Bouchex et ses prêtres pour leur amitié. Je suis un prêtre très heureux, très- très heureux."
Inhumé au cimetière de Lauris, M. Pierre Martin repose dans le caveau des Missions Etrangères.
Septembre 200