Augustin LAURENT1922 - 1947
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 3720
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Identité
Naissance
Décès
Autres informations
Missions
- Pays :
- Vietnam
- Région missionnaire :
- 1946 - 1947 (Hanoi)
Biographie
Augustin, Marie LAURENT naquit le 4 mars 1922, à Lannion, diocèse de Saint-Brieuc, département des Côtes d'Armor (ex Côtes du Nord). Son père exerçait la profession de notaire. Septième d'une famille de neuf enfants, il était d'un naturel gai,taquin et affectueux. Il fit ses études à l'Institution St. Joseph de Lannion.
Le 1 octobre 1939, il entra, laïque, au séminaire des Missions Etrangères. Parvenu au terme de ses études, il dût attendre d'avoir atteint l'âge canonique requis pour son ordination sacerdotale. Sous-diacre le 24 février 1945, diacre le 17 mars 1945, il fut ordonné prêtre le samedi saint 31 mars 1945; à Saint-Brieuc, dans la chapelle du grand séminaire. Il reçut sa destination pour le vicariat apostolique de Hanoï. Agrégé à la Société le 15 septembre 1945, il partit comme missionnaire le 23 mars 1946, et s'embarqua à Marseille à bord du Maréchal Joffre" pour rejoindre sa mission.
Arrivé à Hanoï au début de mai 1946, il commença aussitôt l'étude de la langue viêtnamienne; s'y adonnant avec intelligence et acharnement. Il fit des progrès remarquables. Au cours de l'année 1946, la situation politique devint de plus en plus tendue, et en arriva à l'issue dramatique du 19 décembre 1946. Sous la direction de M.Seitz, il travailla dans les deux centres de réfugiés, créés par ce dernier et regroupant quelque deux mille personnes. Il s'occupa aussi à enterrer les nombreux morts que la guerre avait faits
Vers la mi-février 1947, M. Laurent fut mobilisé comme soldat de seconde classe. Il n'avait jamais fait de service militaire. Peu après, assimilé au grade d'adjudant, il fut affecté comme aumônier militaire à la 2ème Compagnie du Quartier Général à la citadelle de Hanoï. La ville de Nam-Dinh reprise, il fut nommé aumônier militaire du 1er Bataillon du 6ème Régiment d'Infanterie Coloniale Il participa, à ce titre, aux opérations militaires, assistant les mourants, aidant à l'évacuation des blessés, s'imposant à tous par son courage et son intelligence. Il obtint deux citations à l'Ordre de la Division et du Corps d'Armée, avec attribution de la Croix de guerre avec étoile d'argent et étoile de vermeil
Dégagé de ses obligations militaires, à la supplication de ses chefs, il accepta de repartir en opération. Le 9 octobre 1947, il quitta Hanoï, avec la troupe et arriva le 14 octobre 1947 à Tuyên-Quang. Le 9 novembre 1947, le bataillon reprit sa marche, atteignit Bac-Nung, pour traverser la Rivière Claire, afin de gagner Hung-Di. Le 12 novembre 1947 vers 8 heures du matin, en se portant au secours de l'officier, chef de la section de tête, il fut atteint par une balle un peu au dessus de l'aîne droite. Ramené à Hung-Di, c'est là qu'il s'éteignit le 12 novembre 1947, vers 18 heures.
Nécrologie
M. LAURENT
MISSIONNAIRE DE HANOI
M. LAURENT (Augustin-Marie) né le 4 mars 1922 à Lannion (Côtes-du-Nord), diocèse de Saint-Brieuc. Entré laïque au Séminaire des Missions-Étrangères en octobre 1939. Prêtre le 31 mars 1945. Parti pour la Mission de Hanoi le 23 mars 1946. Mort à Hung-Di le 12 novembre 1947.
La Mission de Hanoi a été sans aucun doute l’une des plus durement éprouvées au cours de cette guerre : ruines matérielles ruines spirituelles, disparition du plus remarquable de ses missionnaires, en la personne de M. Vacquier, déceptions et malheurs de toutes sortes ; bref, on peut dire qu’en ce mois de mai 1946, ce qui restait d’espérance en un avenir meilleur dans les cœurs fatigués des ouvriers apostoliques de cette Mission, se reporta sur la personne du jeune missionnaire qui venait d’arriver, M. Augustin Laurent. Depuis sept années que nous attendions un nouveau confrère, nous étions disposés à lui reconnaître toutes les qualités ; mais l’impression qui se dégageait de celui-ci était tellement bonne, qu’il eût été difficile de dire que la réalité se révélait, comme toujours, inférieure au rêve.
Notre jeune et charmant confrère était né le 4 mars 1922 à Lannion, au diocèse de Saint-Brieuc, où son père exerçait la profession de notaire. Septième d’une famille de neuf enfants, il était d’un naturel gai, taquin et affectueux. Il s’entendait avec tous ses ¬frères et sœurs. Lorsqu’il rentra tout jeune à l’institution Saint-Joseph de Lannion, son caractère facile et son ardeur à l’étude lui assuraient l’affection et l’estime de ses professeurs comme de ses camarades. Dès cette époque, un détail est à noter : les habitués de la chapelle Sainte-Anne remarquaient avec grande édification le maintien quasi-angélique du petit enfant de chœur. Une remarque analogue sera faite quinze années plus tard, lorsque l’enfant de chœur sera devenu prêtre. En fait, il semble qu’Augustin Laurent ait peu changé au cours de sa courte existence, et de nombreux traits de l’enfance se retrouvent identiques chez l’homme. C’est ainsi qu’il avait été séduit par le scoutisme, et son endurance à la fatigue avait alors étonné de la part de ce frêle adolescent, comme par la suite l’aumônier militaire, à la figure d’enfant, marchera à un régime auquel ne tenaient pas nombre de marsouins et de légionnaires chevronnés. Enfin, une appréciation qui ne changera pas non plus au cours des années, est celle qui fut portée par son aumônier scout, au temps de l’adolescence d’Augustin : « une âme de cristal. » Bref, au moment où il se présentait au Séminaire des Missions-Étrangères, M. Laurent était admirablement préparé pour aborder cette étape qui devait l’amener jusqu’aux missions lointaines de l’Asie : heureux caractère, belle intelligence, grande piété, développement des forces physiques ; c’était déjà un homme complot. Ces qualités vont se développer encore pendant le séjour qu’il fit au Séminaire des Missions-Étrangères. Les incertitudes et les dangers de la guerre, qui faisait rage à cette époque, ne feront que lui tremper le caractère et lui rendre plus facile l’esprit de détachement et d’abandon. Tel il fut au cours des jeunes années, tel il resta aux Missions-Étrangères : l’ami de tous, l’aspirant d’une piété exemplaire et sans l’ombre d’affectation, l’étudiant sérieux à la fois jovial et humoriste.
Parvenu au terme de ses études, il était si jeune encore qu’il dut attendre d’avoir atteint l’âge requis pour recevoir l’ordination sacerdotale. Enfin, au mois de mars 1946, le paquebot Maréchal Joffre l’emmenait vers sa nouvelle patrie : la Mission de Hanoi, la Mission du Bienheureux Théophane Vénard, auquel l’apparentait tellement sa jeunesse, sa fraîcheur d’âme et sa piété.
L’état de la Mission de Hanoi était à peu près aussi dramatique qu’au temps de Théophane Vénard, lorsque M. Laurent y arriva au début de mai 1946. Ce’ n’était pas la guerre déclarée, mais c’était un état d’anarchie peut-être pire que la guerre, qui rendait tout travail apostolique à peu près impossible. Pour le jeune missionnaire, la situation était cependant nette : la tâche primordiale de l’étude de la langue le prit tout entier, et avait de quoi l’occuper pendant un certain temps. S’il ne connut pas le bonheur classique du nouveau missionnaire, qui consiste à parcourir les postes de sa Mission, où tout est neuf pour lui et à recevoir l’accueil enthousiaste de ses nouveaux confrères, du moins lui fut-il épargné l’oppressante impression d’inactivité qui était devenue le lot de tous ces missionnaires condamnés désormais à une inaction momentanée, en pensant amèrement aux grandeurs apostoliques révolues, magistralement sabotées... Il n’y avait qu’un peu plus d’un an de cela !
Cependant, M. Laurent faisait de rapides progrès dans la difficile langue annamite. Son aspect si avenant, si jeune, lui attirait déjà de nombreuses sympathies, même de la part d’Annamites, à une époque où il fallait à ceux-ci un certain courage pour manifester des sentiments amicaux vis-à-vis d’un Français.
Au cours de l’année 1946, la situation devint de plus en plus tendue entre le gouvernement communiste de Hô-Chi-Minh et les représentants de la France. La plupart des anciens missionnaires ne s’y trompaient pas et prévoyaient une issue dramatique. A ce propos, il est piquant de voir notre jeune confrère, si lent à croire au mal chez autrui, occupé à écrire en ce 19 décembre 1946, une longue lettre à un de ses amis de la Mission de Vinh, lui décrivant avec humour l’énervement croissant des hôtes de la Mission de Hanoi, et les dispositions prises pour faire face à toute éventualité. Cette lettre, retrouvée après sa mort, a été interrompue brutalement… Et pour cause ! Ce 19 décembre 1946 à huit heures du soir, le drame éclatait.
Lorsque la ville de Hanoi fut à peu près dégagée quelques semaines après, M. Laurent, qui s’était distingué pendant ce temps par sa charité pour les sinistrés annamites, était mobilisé comme soldat de seconde classe. Sur une intervention de l’Aumônier principal, il fut aussitôt nommé aumônier du 1er bataillon du 6º régiment d’Infanterie coloniale, et se prépara à rejoindre Nam-Dinh où son unité allait relever les héroïques défenseurs de cette ville.
Le naturel essentiellement bon de M. Laurent ne le préparait guère à faire un soldat de vocation. Cependant, pour ce breton ennemi de l’équivoque, la situation était bien claire : indépendamment du fait que le prêtre, qu’il était, recevait l’ordre d’exercer son ministère auprès de soldats en perpétuel danger de mort, le missionnaire qu’il était aussi, partait pour la guerre avec une froide conviction. Sa lucide intelligence voyait que cette mission offrait les évidents vestiges d’une incontestable grandeur récemment disparue. Qui l’avait saboté ? Qui empêchait de la faire renaître ? le communisme sous le masque du Viet-Minh. C’est lui qui triompherait, ou bien la liberté, condition nécessaire à la prédication de l’Evangile. M. Laurent se mettait au service de la liberté en vue des prédications futures… ou du sacrifice, aux yeux de Dieu plus efficace encore. Tel était l’état d’âme de M. Laurent lorsqu’il partit pour la guerre.
« Quelle figure vais-je faire au milieu de tous ces officiers, moi qui n’ai jamais accompli de service militaire, et qui pourrais presque être le fils de beaucoup d’entre eux ? » disait le jeune aumônier avant de partir pour Nam-Dinh. Ses confrères le rassurent et le plaisantent : « Le Commandant du bataillon est un pur breton, M. Laurent sera là nomme un coq en pâte ! Il sera l’enfant chéri du bataillon ! Quelques semaines après, il revient en permission à Hanoi. Sa poitrine porte déjà le ruban de la Croix de guerre avec étoile d’argent. Il repart. Puis nouvelle permission ; à côté de l’étoile d’argent brille une étoile de vermeil. Tous sont dans l’étonnement : officiers, soldats et confrères. M. Laurent égale en bravoure les plus audacieux marsouins et légionnaires. Le rapport confidentiel motivant sa citation à l’ordre du Corps d’Armée révèle : « Le 19 avril, à Hung-Yên, il débarque en tête des hommes et fonce de l’avant à l’assaut de la citadelle, malgré le feu de nombreux snippers... » Il s’est imposé puissamment ; pas question « d’enfant chéri du bataillon » ! Etonnement de tous, mais aussi édification. Il est inutile pour lui de distribuer abondamment bonbons et cigarettes pour asseoir son influence. La manière dont il célèbre la messe, le charme de son amitié, son attitude au feu lorsqu’il entraîne les combattants ou se prodigue auprès de ceux qui tombent, sont des moyens qui lui suffisent. Il jouit de l’admiration et de la confiance de tous. Et cette popularité commence à gagner les villages annamites ralliés où M. Laurent aime à aller exercer son jeune talent d’annamitisant.
En Bretagne cependant, on commence à apprendre l’état lamentable dans lequel se trouvent les missions d’Indochine, et le genre de ministère qu’exerce M. Laurent. Un correspondant lui suggère que, dans ces conditions, il devrait revenir au pays où on a toujours besoin de bons prêtres... « Comment, répond M. Laurent, en un temps où tout est par terre, où le Tonkin est ruines, misères et deuils, à un moment où religieusement, tout est à zéro, mais où restent de grandes espérances, vous trouvez, que c’est une solution de tout planter là, de tout quitter en disant : je m’en lave les mains ! Ah non ! Plus que jamais, c’est l’heure des ouvriers du Seigneur. C’est l’heure de rester avec la volonté de souffrir pour réparer, car Dieu sait si la liste des crimes, des péchés est longue, si elle s’allonge tous les jours... Et j’espère bien que ce spectacle de misères, cet avenir sombre, loin d’abattre les énergies, fera battre le cœur des jeunes Français, du moins de ceux qui croient que la Rédemption se réalise toujours par la Croix. »
Automne 1947. — Des opérations de grande envergure sont entreprises pour aller détruire le potentiel de guerre que les Viet-Minh augmentent sans cesse à l’abri des embûches de la Haute-Région tonkinoise, région inextricable de vallées abruptes et meurtrières. M. Laurent est à ce moment parvenu au terme de son contrat et dégagé de toute obligation militaire, mais, à la supplication de ses chefs, il accepte de partir pour cette périlleuse campagne. Il fait une retraite au couvent des PP. Rédemptoristes canadiens de Hanoi : « La bonne ! », dit-il à une religieuse. Il écrit en Bretagne à une autre, sa confidente depuis son enfance : « Me voici sur le point de partir en opération. Ce sera long et dur. Le Bon Dieu m’y attend-il ?… Je suis entièrement prêt dans la paix et dans la joie. La vie est belle à qui la donne quand l’heure sonne, vous dirai-je : pour moi, après le martyre, ce sera la plus belle mort de tomber en plein ministère ; seule, la pensée de ceux que j’aime, la pensée de maman me donne du souci, m’attriste, et m’empêche de la désirer complètement. »
M. Laurent est parti pour sa dernière aventure. Il a deviné juste ; c’est long et dur. Sa témérité, dès les premiers engagements, inquiète ses chefs, qui lui conseillent plus de prudence, mais en vain. Lorsqu’il ne peut célébrer la messe, il réunit ceux qui le désirent pour une prière du soir, courte, mais extrêmement fervente.
12 novembre 1947. — Près de Tuyên-Quang, une compagnie progresse dans une étroite vallée du bassin de la Rivière Claire. Elle a déjà dépiégé des mines, et tout à coup, elle est prise sous un feu ennemi extrêmement violent. Le chef de section de tête, magnifique officier, chef du Clan routier de Hanoi, tombe mortellement blessé. M. Laurent est aussitôt près de lui, et à son tour immédiatement atteint par une balle au-dessous de l’aine. Ramené à l’arrière avec les autres morts et blessés, il souffre beaucoup mais sans se plaindre ; il demande simplement qu’on écrive à sa mère... Au début de l’après-midi, après une injection de sérum, un léger mieux se manifeste. Il parle un peu, plaisante même sur ses craintes du matin ; il est très faible et la souffrance ne diminue pas. Vers six heures du soir une nouvelle injection semble réussir, mais à peine est-elle terminée, qu’il s’éteint brusquement...
Un homme comme M. Laurent ne se remplace pas facilement. Seul, Dieu peut estimer son sacrifice à sa juste valeur, ainsi que les bénédictions qui en découleront pour l’avenir de sa Mission. Nous, hélas, ne pouvons que le pleurer parce qu’il n’est plus parmi nous. Nous regrettons qu’il ait ainsi affronté le péril avec une bravoure que tous jugeaient excessive. M. Laurent était un de ces tempéraments ardents auxquels il est bien difficile de faire entendre « raison ».
« Soldat fanatique », dit le motif de proposition pour la Médaille militaire à titre posthume. C’est en effet ce qui apparaissait exté¬rieurement à ses chefs peu familiarisés avec les choses de la mystique. Pour nous qui connaissions plus profondément notre cher confrère, nous savons surtout qu’il fut totalement prêtre et missionnaire, qu’il prit les circonstances comme elles se présentèrent, qu’il reçut une dangereuse mission, et qu’il ne fut que logique avec son esprit de foi et avec sa mission.
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Références
[3720] LAURENT Augustin (1922-1947)
Références bibliographiques
CR 1947 p. 126. 373. 1948 p. 226 (notice). BME 1948 p. 59. 60. 235. 1950 p. 591. 1952 p. 570. ECM 1947 p. 160. 1948 p. 136 (art.). EC1 N° 439. 444. 459.