Guy MARCHAND1921 - 1992
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 3724
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Biographie
[3724] Guy, Jean MARCHAND a été missionnaire en R.P. de Chine et au Vietnam, ainsi que très actif à son retour en France.
Il naît le 14 septembre 1921, à Combrand, "commune où pendant la Révolution Française, la guerre de Vendée avait fait six cents morts sur neuf cents habitants", diocèse de Poitiers, département des Deux-Sèvres. Son père tient un petit commerce, et est secrétaire de mairie. La famille compte sept enfants, deux garçons et cinq filles. Après ses études primaires à Combrand, Guy Marchand entre, à l'âge de dix ans, à l'école cléricale de Châtillon-sur-Sèvre. En octobre 1934, il entre au petit séminaire diocésain à Montmorillon où il reste cinq ans, et y fait une année de philosophie.
En juin 1939, manifestant son désir de ne pas servir dans le diocèse de Poitiers, l'abbé Backis, Vicaire Général, au nom de l'évêque, lui donne son "exeat", le 15 du même mois. Ainsi, Guy Marchand est admis aux MEP, le 8 août 1939. Survient la guerre. Les jeunes directeurs étant mobilisés, le supérieur du Séminaire de Paris lui demande, en octobre 1939, de se diriger, au titre d'aspirant des MEP, vers le grand séminaire de Poitiers où son frère est séminariste.
Le 1er octobre 1940, Guy Marchand entre au Séminaire des MEP à Paris. La situation politique en ce temps de guerre, l'oblige à séjourner à Querrien, dans le Finistère, d'octobre 1943 à septembre 1944. Sous-diacre le 24 février 1945, ordonné prêtre le 22 avril 1945, il reçoit en juillet 1945, sa destination pour le vicariat apostolique de Shenyang (Moukden). Agrégé temporaire à la Société des MEP le 15 septembre 1945, il quitte Paris le 12 août 1946, pour rejoindre sa mission où la défaite du Japon, et l'effondrement du Mandchoukouo laissent la place à l'invasion soviétique et à la guerre civile.
Chine (1946-1956)
Arrivé en Chine, le P. Marchand étudie le chinois durant huit mois à Pékin. En 1947, professeur au petit séminaire de Shenyang (Moukden), il étonne ses élèves par sa connaissance étendue de la langue chinoise. Vers septembre 1948, en raison de l'occupation presque entière de la Mandchourie par les troupes communistes, et des menaces de famine, le P. Vérineux, supérieur de la mission de Shenyang (Moukden), fait évacuer par avion, les élèves du séminaire vers le Petit séminaire régional de Pékin. Le P. Marchand, perdant son emploi de professeur, quitte Shenyang (Moukden) et va poursuivre ses études de chinois à Pékin. Vers décembre 1948, il se replie sur la procure de Shanghai, où, sous la direction de deux professeurs de Pékin, il peaufine ses connaissances linguistiques en compagnie du P. Decroocq et de cinq autres confrères destinés à la Mandchourie.
La situation en Chine se dégradant, tous regagnent Hong Kong où ils arrivent le 22 janvier 1949 Trois jours plus tard, ils sont dirigés vers Macao où ils restent six mois. C’est là que ces sept jeunes missionnaires reçoivent une nouvelle affectation provisoire vers d'autres missions de Chine. Tout le groupe revient alors à Hong Kong, le 17 juin 1949.
Destinés au vicariat de Chengdu (Chengtu), les PP. Guy Marchand et Léon Trivière quittent Hong Kong, le 30 juin 1949, et, par avion, depuis Chongqing (Chungking), arrivent dans leur nouvelle mission, le 24 juillet 1949. Envoyés chez le P. Paul Audren, recteur de l'église de Itongkiao, en ville de Chengdu (Chengtu), ils continuent leurs études du chinois, en pratiquant le dialecte du Sichuan. Avec l'aide de la Légion de Marie, ils visitent les familles, et travaillent dans les centres catéchistiques de la paroisse.
En 1950, le P. Marchand est nommé vicaire du P. Audren. En 1951, les troupes communistes occupent la ville de Chengdu. Le comité directeur de la réforme religieuse se montre violent contre les missionnaires. Vers août 1951, ceux d'Itongkiao doivent quitter leur résidence pour rejoindre l'évêché. Mais avant leur départ, ils ont à subir un jugement populaire en tant que ‘suppôts’ de la Légion de Marie, et opposants à l'Eglise nationale chinoise. A compter du 9 novembre 1951, avec les autres missionnaires, le P. Marchand est fait prisonnier.
Expulsé de Chine, il arrive à Hong Kong le 12 janvier 1952, et le 1er février 1952, est affecté à la maison de Nazareth, puis à celle de Béthanie, où, avec l'aide de trois collaborateurs chinois, il travaille à la traduction du missel romain, qui sera édité en 1956, sous le titre "Missel Quotidien des Fidèles, en chinois" et dont un exemplaire sera offert au Pape Pie XII, le 12 mars 1956.
France (1956-1958)
Ce travail achevé, le P. Marchand part en congé en France où il arrive le 19 avril 1956. Le 15 septembre 1956, à titre temporaire, il est nommé professeur à Beaupréau. Mais avant de prendre ses nouvelles fonctions, il participe au Congrès International de Pastorale Liturgique qui se tient à Assise du 18 au 22 septembre 1956.
Vietnam (1958-1962)
Le 15 juillet 1957, le P. Marchand est affecté au vicariat apostolique de Saigon qu'il rejoint le 12 août 1958. Vicaire à Notre-Dame de la Paix jusqu'en 1959, il travaille ensuite au Centre catholique chinois de Cholon, dirigé par le P. Richard. Chargé, à l'Institution Sainte Thérèse, d'un cours de religion par correspondance, il touche très vite près d'un millier de personnes. Le 27 février 1960, dans un mandarin parfait, il présente au Cardinal Tien en route pour Taïwan, et en escale à Saigon, le Centre Catholique Chinois et l'Institution Sainte Thérèse, une des meilleures écoles secondaires de la ville. Le 22 mai 1962, le P. Marchand, sérieusement fatigué, est contraint de rentrer en France.
France (1962-1992)
Revenu dans son diocèse d'origine, en novembre 1964, il est curé à Saint-Julien-l'Ars, dans le département de la Vienne. A sa demande, le 10 octobre 1970, il est nommé "prêtre ouvrier en paroisse", et travaille aux PTT faisant le remplacement des facteurs. A partir du 11 octobre 1971 jusqu'au 30 avril 1972, il se met au service d'une entreprise d'exploitation des plastiques. Prêtre au travail, à Châtellerault, en 1972, et ensuite, muté dans une paroisse de cette ville en 1974, il est déchargé de toute responsabilité paroissiale en 1978.
Installé dans un deux-pièces, dans la cité des Renardières, sur la rive gauche de la Vienne, "je vis comme un moine dans mon H.L.M, écrit-il à son supérieur, mais je suis heureux comme ça...Prêtre au milieu des non-pratiquants, c'est la vie que je veux. " Consacrant son temps libre à l'étude de la Parole de Dieu, il assure le ministère que lui confie le prêtre responsable du quartier.
Le 16 septembre 1992, il entre à l'hôpital de Châtellerault pour une opération bénigne. Des problèmes aux reins prolongent son hospitalisation. Le 6 octobre 1992, il subit une nouvelle intervention. Aidé dans ses derniers moments par le P. Pierre Martseau, aumônier de l'hôpital, c'est là qu'il rend son âme à Dieu, le 21 décembre 1992.
Nécrologie
Guy MARCHAND
1921 - 1992
MARCHAND Guy, Jean
Né le 14 septembre 1921, à Combrand (Deux-Sèvres) au diocèse de Poitiers
Entré au séminaire des Missions Étrangères le 1er octobre 1940
Ordonné prêtre le 22 avril 1945
Destiné à la mission de Moukden, en Chine, le 11 juillet 1945
Agrégé le 15 septembre 1945
Parti pour sa mission le 12 août 1946
Expulsé de Chine et affecté à Hongkong à la maison de Nazareth le 1er février 1952
Nommé temporairement professeur à Beaupréau le 15 septembre 1956
Affecté au vicariat apostolique de Saigon le 15 juillet 1958
Repart pour sa nouvelle mission le 18 août 1958
Rentré en France pour raison de santé le 22 mai 1962
Ministère paroissial au diocèse de Poiriers en 1964
Prêtre ouvrier en paroisse depuis 1970
Retraité en H.L.M. à Châtellerault en 1979
Décédé à l’hôpital de Châtellerault le 21 décembre 1992
« L’an mil neuf cent vingt et un, le quatorze septembre à trois heures, est né à Combrand l’enfant nommé Guy, Jean, fils de Marchand Joseph, Alexis, Louis, et de Marchand Marie-Philomène, son épouse. » Tel est le libellé du bulletin de naissance délivré le 27 septembre 1940 par la mairie de Combrand, canton de Cerizay, arrondissement de Parthenay, département des Deux-Sèvres. Et à la même date, Le desservant de la paroisse Saint-Jean-Baptiste de Combrand, au diocèse de Poitiers, certifiait que l’intéressé « a été baptisé par M. l’abbé Jean Vendé, curé, en l’église de Combrand le 15 septembre 1921, et qu’il a été confirmé en l’église de Montravers par Mgr de Durfort le 8 mai 1931 ».
Ses parents, mariés en 1910 — son père menait de front son petit commerce et le secrétariat de mairie —, élevèrent une famille de sept enfants, deux garçons et cinq filles. Lui-même, le 3 août 1939, fait part de son « curriculum vitae » dans la lettre, datée du jeudi 3 août 1939, où il demande admission aux Missions Étrangères. « Je suis entré à l’âge de dix ans à l’école cléricale de Châtillon-sur-Sèvre où j’ai passé trois ans. Puis, je suis allé au petit séminaire du diocèse à Montmorillon où je suis resté cinq ans. J’ai fait une année de philosophie dans ce petit séminaire, ce qui me permettra peut-être d’entrer en seconde année à Bièvres. De la sorte, je terminerais mes trois années de philosophie pour aller au service militaire. » Dans cette lettre, il se recommande de son compatriote Abel Garreau, dont il tenait les indications nécessaires. Il avait, dès le mois de juin, fait part de son désir de ne pas poursuivre au diocèse de Poitiers, et le vicaire général, M. l’abbé Backis, au nom de Mgr Édouard Mesguen, lui donnait par écrit son « exeat » le 15 de ce mois, en ces termes : « C’est avec regret que nous vous voyons quitter le diocèse ; nous ne voudrions cependant pas briser votre vocation par un refus. Donc, allez chez les prêtres des Missions Étrangères. » Et le 5 août suivant, M. l’abbé Boissière, appuyant sa demande d’entrée, lui délivrait un certificat en bonne et due forme : « M. Guy Marchand est un excellent sujet. Sa conduite est irréprochable, puisque nous lui avons donné cette année un prix d’honneur. Son caractère est bon, et je n’ai jamais entendu dire qu’il ait été en difficulté avec ses condisciples. Quant à ses moyens intellectuels, sans être à la tête de sa classe qui comptait plus de 20 élèves, il y occupait un rang honorable, puisque le palmarès accuse la 5e place en excellence, la 3e en diligence, avec 13 nominations. C’est un esprit équilibré. Je ne connais pas sa famille ; mais je la sais très chrétienne. Il a un frère déjà au grand séminaire. Le départ de Guy Marchand est une perte pour nous ; il est un gain pour vous. Nous ne pouvons regretter la joie et l’honneur de vous donner un bon missionnaire. » Le 8 août, sa requête était acceptée, et il entrait effectivement à Bièvres le 1er octobre 1940.
Ce bon abbé Boissière, qui ne connaissait pas la famille de Guy ! Lui-même, dans une sorte de long poème à la Charles Péguy, qu’il dactylographiera sur 24 pages grand format, du 3 janvier au 12 février 1981, lorsque, miné par la maladie, il attendra à chaque instant la visite de la mort — il l’attendra onze ans encore ! — nous en donnera un petit aperçu au début du passage « Entre superstition et foi ». Le tout s’intitule : « Le cri d’un enfant vendéen », et il y donne l’origine et l’évolution de sa vocation. En voici quelques lignes.
« Tout petit, j’ai voulu chanter Dieu.
« Je suis né dans une petite commune où, pendant la Révolution Française, la guerre de Vendée avait fait 600 morts sur 900 habitants. Dans ma famille proche, je compte 13 prêtres, 2 religieuses et un religieux frère. À l’âge de 8 ans, j’ai voulu donner ma vie pour aller libérer les Chinois de la superstition.
« J’étais ébloui par la beauté de Dieu. J’ai voulu me consacrer tout entier à la cause de Dieu. Malheureusement, je n’étais pas du tout ébloui en même temps par la beauté du monde.»
Sans doute aura-t-il encore l’occasion de chanter et de déchanter... En attendant, ses années de séminaire aux Missions Étrangères durent se passer sans histoires. Bien qu’il se soit agi d’années de guerre, il se faufila à travers les mailles du filet, puisque sa fiche de renseignements porte laconiquement : « Service militaire : non appelé ». Un certificat de vacances indique, le 12 novembre 1944, sous la plume de son curé, qu’il a donné pleine satisfaction à tous points de vue. Et d’ajouter : « Il a toujours fait preuve d’un bon esprit. Fera un bon missionnaire, Dieu aidant. » Et le recteur Marc, de Querrien, dans le Finistère, atteste le 16 janvier 1945, en vue de la prochaine ordination au sous-diaconat le 24 février, « que Guy Marchand s’est conduit en bon séminariste et a fait l’édification de ma paroisse tout le temps qu’il a été contraint d’y séjourner », c’est-à-dire d’octobre 1943 à septembre 1944.
Ordonné prêtre le 22 avril 1945, il reçoit sa destination pour Moukden en juillet, et est agrégé temporaire en septembre. Il quitte Paris le 12 août 1946 pour gagner sa mission, où la défaite du Japon et l’effondrement du Mandchoukouo avaient laissé la place à l’invasion soviétique et à la guerre civile, avec leur cortège de désordres et de ruines. Il y parvient tant bien que mal et y reste jusqu’à l’été de 1947, au petit séminaire, y dépensant ses premières activités de nouveau professeur au service d’un jeune auditoire, qui s’extasie devant les exploits linguistiques remarquables de leur mentor. Mais la situation se dégrade de plus en plus et, pressé par les difficultés alimentaires qui deviennent insolubles, le P. Jean Vérineux, supérieur de mission, décide, la mort dans l’âme, de faire évacuer les élèves de son séminaire sur celui de Pékin. De ce fait, privé d’emploi dans une institution déserte, le P. Marchand lui aussi met le cap sur Pékin, la cité du beau langage, appelée alors Peiping, où il va poursuivre ses études de langue chinoise ; il y reste huit mois durant, et se replie ensuite sur la procure de Shangaï depuis le début de décembre ; là, sous la direction de deux professeurs de Pékin toujours, il peaufine ses chinoises connaissances en compagnie de Pierre Decroocq, et de cinq autres confrères destinés eux aussi à l’une ou l’autre mission de Mandchourie.
En désespoir de cause, laissant la Chine à ses aventures, tous passent à Hongkong où ils arrivent le 22 janvier 1949, et sont dirigés vers Macao trois jours plus tard ; ils y restent six mois et reviennent à Hongkong le 17 juin : à leur grand soulagement ils ont reçu de Mgr Charles Lemaire, supérieur général, des postes provisoires qui les ramènent en Chine. Le sien est la mission de Chengtu, qu’il rejoint en passant par Chungking. C’est dans ce nouvel environnement qu’en 1950 il s’exerce au ministère sous la direction du P. Paul Audren, en espérant toujours rejoindre sa mission de Moukden. Cependant, les nouvelles qu’il en reçoit ne lui laissent que bien peu de chance de la revoir prochainement. Aussi, en compagnie du P. Léon Trivière, son compagnon d’infortune, s’intéresse-t-il de plus en plus à la pastorale immédiate auprès des chrétiens et des païens de la paroisse d’Itongkiao, visitant les familles à domicile avec des membres de la Légion de Marie, et prenant une part active à la formation des catéchumènes. Si bien qu’il a finalement l’honneur, après avoir prononcé son premier sermon en setchoannais — bien qu’il eût préféré le faire en pékinois ! — d’ être promu vicaire en titre de la paroisse, ce dont tout le monde se félicite dans la communauté, clergé en tête. Efforts récompensés, puisqu’au cours des mois de juillet et d’août, elle s’est accrue d’une cinquantaine de nouveaux convertis. Moukden semble bien loin, on ferait mieux de n’y plus penser et de s’accrocher là où l’on est ! Mais bientôt, la situation se gâte là aussi : la ville, qui était encore libre en dépit de la pression exercée par les troupes communistes dans la campagne environnante, est à son tour occupée en 1951. Le comité directeur de la réforme religieuse prend rapidement une allure inquiétante et même violente contre les missionnaires en général ; en particulier, ceux d’Itongkiao doivent quitter leur résidence et rejoindre l’évêché, antichambre de l’exil, mais avant leur départ ils auront à subir un jugement populaire en tant que suppôts de la Légion de Marie ; dès le 9 novembre 1951 il est à son tour et avec d’autres fait prisonnier par les communistes, parce qu’ils s’opposent aux activités schismatiques prônées par les tenants d’une « Église nationale ».
Sorti de Chine, il débarque à Hongkong le 12 janvier 1952, où il est affecté dès le 1er février à la maison de Nazareth, et après la fermeture de celle-ci, à celle de Béthanie ; il y travaille, avec trois collaborateurs chinois — deux prêtres et un laïc — à une nouvelle traduction du missel romain, qui sera édité à 5.000 exemplaires, en 1956, par les soins de la « Catholic Truth Society » de Hongkong. Ce fut la grande réalisation de sa vie missionnaire. L’ouvrage tenait compte des perfectionnements typographiques de l’époque, et surtout des plus récentes recherches liturgiques et des dernières nouveautés chinoises concernant la Bible. Dès le 12 mars, le pape Pie XII recevait en hommage le modeste présent qu’était ce « Missel quotidien des fidèles en chinois », dont le P. François Dufay faisait une présentation de neuf pages dans le Bulletin de la Société d’avril 1956 : le P. Guy Marchand avait bien mérité de l’Église.
Il rentre alors en congé en France, où il arrive le 19 avril, pour être nommé le 15 septembre à Beaupréau, à titre temporaire. Avant de s’y rendre, il assistera au congrès international de pastorale liturgique qui se tient à Assise et à Rome du 18 au 22 septembre, et participera aux échanges qui réunirent notamment une cinquantaine de missionnaires, de missiologues, et d’animateurs patentés, autour de l’étude des problèmes posés par l’adaptation liturgique en pays de mission. Arrivé à la fin de septembre pour prendre possession de sa nouvelle charge, il ne s’y attardera pas au-delà de 1957, puisqu’au 15 juillet 1958, il reçoit comme nouvelle destination le vicariat apostolique de Saïgon. Dès le 18 août 1958 il s’embarque donc pour le Vietnam, et est d’abord, à Saïgon même, vicaire à Notre-Dame de la Paix jusqu’en 1959, époque où il ira travailler, pour les communautés d’origine et de langue chinoises qui regroupent quelque 200.000 personnes, au centre catholique de Cholon, que dirige le P. Paul Richard : il y prend la suite du P. Georges Dozance parti en congé, et est chargé entre autres, à l’institution Sainte-Thérèse, d’un cours de religion par correspondance, qui atteint bientôt près d’un millier de personnes, dont plus de 200 arrivées au terme, et desquelles plusieurs dizaines se préparent au baptême. Il aura l’occasion de présenter ce complexe, en février 1960, au cardinal Tien on route pour Taiwan, lui faisant, dans un mandarin parfait, l’historique des efforts et des activités du centre. Il ne le quittera qu’en 1962, lorsqu’il devra rentrer en France pour raison de santé.
Il rentre en effet, malade, le 22 mai de cette année : une intense fatigue nerveuse, qui le tient dans l’esclavage de la Faculté, jusqu’en 1964. Il dira de lui-même : « Je suis resté « évanoui » pendant deux longues années. » Enfin libre, il peut reprendre du service mais doit rester dorénavant en France. Son diocèse d’origine, Poitiers, l’accueille à partir de novembre à Saint-Julien-l’Ars, dans la Vienne. Il est persuadé qu’il n’a pas vécu son sacerdoce comme il le faudrait, et se met au service des pauvres ; à sa demande, il est nommé par son évêque comme « prêtre ouvrier en paroisse » le 10 octobre 1970, et travaille d’abord comme postier, faisant le remplacement des facteurs pour leur rendre service. C’est un métier qui a le privilège de vous mettre en contact avec n’importe qui, même avec ceux qui n’y tiennent pas ! Pour d’aucuns néanmoins, son initiative a paru comme une distanciation : Est-il toujours vraiment prêtre ? Ce qui l’amène à s’interroger sur son identité comme homme, comme croyant, comme « autre Christ ». C’est une période de continuelles méditations, d’introspections vivaces, d’études fouillées de ce qu’il faudrait que fasse L’Église pour qu’elle puisse devenir crédible pour le monde. Cependant, à partir du 11 octobre 1971, il quitte les P.T.T. pour entrer au service d’une entreprise d’exploitation des plastiques où il restera jusqu’au 30 avril 1972. Après quoi il sera six mois et demi hors du circuit, et c’est la Chine qui remonte alors à la surface, à l’occasion d’un communiqué de Hongkong, reproduit dans le bulletin « Vienne et Creuse » de la paroisse d’ Ingrandes-Dangé : il y est question de responsables chrétiens chinois de Canton, qui réagissent défavorablement aux essais plus ou moins clandestins de pénétration dans le but de propager l’Évangile. Cela le trouble profondément, lui qui a voulu, de si loin qu’il se souvienne, aller libérer les Jaunes de leurs superstitions. Il est profondément choqué des prétextes avancés. « C’est-il pas malheureux de voir ça ? » demande-t-il. On argue en effet de « dépendance vis-à-vis de l’impérialisme étranger », d’ « ingérence dans les affaires de l’Église », et d’autres sornettes de la même veine. Tout un passé ressurgit à sa mémoire, qu’il ne renie en rien, encore qu’il ait changé par bien des côtés, peut-être même sur la façon dont il serait missionnaire, si cela était à refaire... Pour l’essentiel, quand même, il est logique avec lui-même, il reste fidèle à son engagement d’enfant : libérer de la superstition par la foi au vrai Dieu... Mais on ne revient pas en arrière !
Entre-temps, il a retrouvé un emploi stable, à temps complet, à Châtellerault, le 14 novembre 1972. Sa mutation en 1974 dans une paroisse de cette ville, si elle lui facilite la vie, ne change rien à son statut particulier, auquel il tient comme à la prunelle de ses yeux. Cependant, la fatigue peu à peu se fait sentir, il faut bien se rendre à l’évidence : il ne peut mener plus longtemps la bataille sur deux fronts ; à son antique nervosité sont venus se joindre des ennuis qui relèvent de la cardiologie. Aussi bien, pour clore l’année 1978, l’évêché le décharge de responsabilité paroissiale, tout en le maintenant dans son ministère de prêtre au travail. Mais pourra-t-il continuer longtemps encore, jusqu’à l’âge de la pension ? Au début de 1980, il commence à avoir des inquiétudes concernant l’avenir, à se poser des questions, à ne pas trouver de réponses satisfaisantes. Pourra-t-il tenir le coup ? Quelle sera sa situation s’il doit prendre sa retraite avant d’avoir atteint les 65 ans ? Cela le perturbe, et il s’en ouvre, d’ailleurs à son corps défendant, à ses amis prêtres du « groupe de Naintré », dès le 24 janvier 1981. Ils essaient de le rassurer, mais toujours la tension subsiste entre ce qui lui semble un mode d’insertion idéal, et le moyen de le mettre en pratique dans le cas qui pourrait être le sien : il se met martel on tête, mais en même temps craint de ne pas assez laisser le champ libre à ce qu’Isabelle Rivière appelait « le devoir d’imprévoyance »...
C’est qu’il se plaint maintenant de douleurs à la colonne vertébrale : une affaire de quatre disques et d’arthrose. Et puis, il ne se sent plus d’attaque, déplore un déficit physique et émotionnel, une incapacité d’action, accuse un alanguissement de son tempérament. Pourtant, le 28 mars, il semble tout remettre à niveau, et faire finalement fi de ses difficultés conditionnelles, quand il confesse : « Je m’en remets à Dieu ; mais de ma part, un seul souci, une seule raison de vivre : être le prêtre de Jésus-Christ que je puis être. » Il ne tient certes pas à végéter dans une maison de retraite, et le 2 avril, il prévoit encore : « J’ai l’intention, une fois arrêté, de commencer par m’occuper de moi-même (lectures, prière...). Si je me maintiens ici, j’essayerai de m’occuper sur place (services à rendre peut-être dans le quartier)... Mais là, attention, si le médecin offre de m’arrêter, c’est que, comme il dit, j’ai « tout ce qu’il faut pour » ! Il ne faut pas que je rêve, je serai un prêtre retraité, parce qu’usé et malade. En conscience, ce que je vois, c’est un temps comme cela, en obéissance et en paix, avec un petit je ne sais quoi que j’apporterai dans la mesure où je pourrai, soit sur le terrain humain, soit sur le terrain vie de foi et d’Église. » Ce message est adressé au P. André Rannou, alors délégué du supérieur général pour la diaspora ; dans la marge, il griffonne un « post-scriptum » où il enterre même son rêve de l’empire du Milieu : « Question Chine, le seul rêve que je fais, mais pour moi ce n’est qu’un rêve : retourner en Chine continentale, y vivre ma retraite et ma mort. Non ! Je crois que c’est ici maintenant que je dois vivre. J’ai l’impression de travailler en même temps pour l’Église de Chine et pour l’Église de France à travers ce que je vis et dis. Que Dieu m’en fasse la grâce ! »
Mais voici que les choses se précipitent, le lundi 6 avril, il frôle la crise cardiaque, et le 7 son médecin lui ordonne de cesser immédiatement le travail. Cette fois, les jeux sont faits, advienne que pourra ; si l’on ne partage pas ses idées, c’est qu’on ne comprend pas « ce que c’est que dix années de travail en usine, et comme façon d’affirmer sa foi, et d’inscrire son sacerdoce. Ce sont des choses qu’on ne peut pas biffer d’un trait de plume ». Aussi ne veut-il pas entendre parler d’une solution qui fermerait définitivement la porte à ce qu’il entrevoit : « rester situé comme prêtre faisant pour l’instant du ministère occasionnel, garder pour l’instant et au moins provisoirement mon autonomie pour sauvegarder le choix que je pourrai faire librement ». C’est qu’il aime le genre de vie qu’il s’est choisi dans la cité des Renardières, sur la rive gauche de la Vienne. Pour le moment, le médecin l’y consigne avec un régime militaire : « Sorties autorisées de 10 h à 12 h et de 16 h à 18 h, écrit-il au P. Raymond Rossignol, vicaire général de la société. Je vis comme un moine dans mon H.L.M., mais je suis heureux comme ça. Ne vous en faites pas pour moi. Prêtre au milieu des non-pratiquants, c’est la vie que je veux. »
Grâce à Dieu, il pourra continuer à habiter son petit deux-pièces à Châtellerault, entouré de Maghrébins et de Turcs, dont il dira peut-être naïvement un jour : « Beaucoup sont chômeurs. Certains font de la déprime, supportant difficilement d’être entretenus par la France. Ils étaient venus pour travailler, non pour être assistés. »
Pour ses 60 ans, qu’il atteint le 14 septembre 1981, il laisse à sa famille une sorte de testament spirituel, un texte qui a dû lui servir pour sa messe d’anniversaire, et qu’il fait précéder d’un genre d’introduction, où il décrit sa façon de vouloir être prêtre. « J’ai beaucoup souffert de me trouver pris dans un sacerdoce à l’ancienne, toujours cultuel et pas forcément humain, souvent autoritaire et stérilisant. J’ai toujours essayé de me retrouver dans le sacerdoce de Jésus-Christ qui, lui, est puissance de Vie pour porter le monde humain jusqu’à son terme dans la Vie sans fin. C’est le sacerdoce nouveau, le vrai, celui de l’Alliance nouvelle et éternelle. Ce sacerdoce nouveau — c’est très important pour moi de dire ça — ce sacerdoce nouveau de Jésus-Christ a partie liée avec tous les hommes et toutes les femmes, croyants ou non, qui se donnent de la peine et ne craignent pas de mourir pour que finalement l’amour et la vie l’emportent sur la mort. » Et il termine cet exorde par ces mots : « Aux croyants baptisés, il appartient d’exercer librement leur responsabilité d’hommes et de femmes Vivants. Le peuple de Jésus-Christ est un peuple de prêtres ; chacun selon sa personnalité contribue pour sa part à entraîner le monde entier dans la Vie donnée par Dieu en son Fils Jésus pour tout le monde. »
Désormais, il consacre son temps libre à l’étude de la Parole de Dieu ; il ne manque pas de loisirs « pour réfléchir, prier et servir ». Car il assure aussi le ministère que lui confie le responsable de son quartier. Il a la joie, en 1983, d’être choisi par ses confrères en milieu ouvrier comme leur délégué auprès du Père évêque. Le 27 septembre de cette année, il participe à une réunion MEP à Saint-Loup-sur-Thouet, on pèlerinage au pays de Théophane ainsi qu’à Bel-Air, et vit la circonstance avec grande émotion. De loin en loin, il assiste de son mieux aux événements familiaux, joyeux comme douloureux ; c’est surtout dans ces derniers que sa présence est appréciée ; d’autant plus que son frère prêtre est dépressif. Ainsi en est-il lors du décès d’une de leurs sœurs, dont il préside les obsèques à Combrand, le 22 janvier 1987, avec l’assistance du P. Garreau, retraité lui aussi, auquel il demeure très attaché. Mais Il ne veut pas broyer du noir, et fait toujours des projets plus ou moins saugrenus : bibliste, il lui vient l’envie de faire une thèse pour montrer que la compréhension spirituelle de la Parole de Dieu n’exige pas une exégèse scientifique préa-lable. « Les gens simples pénètrent profondément dans la connaissance du message parce qu’il est vital pour eux », assure-t-il, l’Évangile à la main. Ainsi les années passent, en essayant constamment de se mettre gratuitement au service des démunis.
Puis, un beau jour, ce qui devait arriver arrive. À l’automne 1991, il est opéré du colon. Le 25 septembre, un programme de radiothérapie doit lui être proposé, mais, en octobre, une prolongation d’un mois lui est infligée par le corps médical, avec l’agrément de la sécurité sociale. Il se sent fatigué, mais ne souffre pas, et profite d’un bon environnement. Mais il s’inquiète un peu, car, le 13 novembre, la radiothérapie n’est pas encore commencée, et au contraire, on l’autorise à regagner son domicile, sans autres explications. Il comprend qu’il n’en a plus pour longtemps, mais ne désire pas aller ni à Lauris, ni à Montbeton. Sans doute peut-il être amené à chercher un foyer-logement où on l’hébergera, mais il souhaite continuer sa « pauvre forme de présence au milieu des émigrés ». De toute façon, il promet de faire appel s’il en était besoin, mais signale qu’il n’y a pas lieu de se bousculer avant Noël.
Effectivement, Noël se passe, et Pâques, et tout doucement l’on s’achemine vers l’année suivante, quand, pour une opération bénigne, il doit entrer en clinique à l’hôpital de Châtellerault le 16 septembre 1992. Et cela se complique, car il a encore des problèmes aux reins, qui font se prolonger son hospitalisation. De nouvelles interventions sont nécessaires, qu’il subit le 6 octobre, et qui le laissent bien las, au point qu’il pense chercher refuge, quand il sortira, à la maison de repos de Châtellerault. Pour calmer les appréhensions, et peut-être tenter de se convaincre lui-même, il répète à qui veut l’entendre : « Rien de grave, mais... » comme s’il était mû par un sentiment prémonitoire. Son heure est venue : le P. Pierre Martseau, l’aumônier, l’aide dans ses derniers moments à trouver l’apaisement. C’est le 21 décembre que, dans un acte d’oblation, il rendra sa belle âme à son créateur.
Et ainsi se réalise ce que « criait », à gorge déployée, le liminaire de son hymne lyrique.
« Dieu, que cela m’arrive et que mon cœur chante !
Et que tu sois Dieu avec moi, toi le Dieu avec nous !
« Que cela m’arrive et que mon cœur chante ! Je suis vieux, j’ai beaucoup erré dans ma vie, et mon cœur chante !
Que cela m’arrive et que mon cœur chante, car j’ai tout essayé. Et essuyé.
« Que cela m’arrive, et que je connaisse ta joie, car tu es avec moi. Et les ténèbres ne m’envelopperont pas.
« Tu viendras avec moi.
Et je passerai avec toi.
Tu seras avec moi.
Et mon cœur chantera.
Et tous les cœurs chanteront.
Chantent et chanteront.
De filiation en filiation et de génération en génération. »
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Références
[3724] MARCHAND Guy (1921-1992)
Références bio-bibliographiques
Bibliographie :
Missel Quotidien des Fidèles en Chinois,
édité par la Catholic Truth Society de Hong-Kong, 1956,
un volume 12 x 18, 1364 pages sur papier indien ;
relié carton sous papier toile noir, signets,
tranche rouge, impression rouge et noir.
Préface de son Excellence Monseigneur Laurent Bianchi,
Évêque de Hongkong.
Mémorial MARCHAND Guy, Jean page 3