Paul RICHARD1919 - 2006
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 3728
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Identité
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Biographie
[3728] Paul RICHARD a été missionnaire en R. P. de Chine et au Vietnam au XXe siècle.
Il naît le 19 octobre 1919 au Vernois (Jura). Ordonné prêtre le 22 avril 1945, il part le 23 mars 1946 pour la mission de Ta Tsien Lu (Chine).
R. P. de Chine (1946-1952)
Après l’étude du chinois à Kangding (Kangting) dans le Garzê, il est chargé en 1947 de fonder le Petit séminaire de Sin Hin Tchang, mais il est expulsé de Chine en 1952.
Vietnam (1952-1975)
En 1954, il est envoyé au Vietnam et fonde le Centre catholique chinois de Cholon, dont il devient le directeur (1955-1975).
France (1975-2006)
Il est ensuite nommé au Comité national d'entraide aux Réfugiés (1975-1982), dirige le service « Relais France-Chine » (1982-1993) et travaille en tant que traducteur aux OPM.
En 2003, il se retire à Lauris, puis à la maison Marie-Thérèse à Paris, où il meurt subitement le 31 mars 2006.
Nécrologie
PAUL RICHARD.
( 1919- 2006)
Paul Gabriel RICHARD est né le 10 octobre 1919 à Le Vernois (Jura). Ses parents Xavier Richard et Gabrielle née Legras avaient six fils ; ils étaient viticulteurs sur la commune de Montain. Ils avaient contracté leur mariage le 30 novembre 1907 dans l’église de Montain (diocèse de St Claude). Paul est baptisé dans la même église le 1er novembre 1919 ; Il y sera confirmé le 11 juin 1931.
Dans son livre « Aux portes du Tibet » Paul nous parle beaucoup de sa famille et du village où elle vivait. « Mes parents eurent six enfants, trois nés avant la première guerre mondiale, trois après. Tous des garçons ! Ils se chargèrent d’en faire des hommes. Je suis arrivé le premier après l’Armistice, quatrième dans la famille ». Deux de ses frères seront ordonnés prêtres : Henri après être devenu veuf et Pierre. Les enfants sont élevés chrétiennement « Maman nous fait apprendre nos prières et les réciter tour à tour à genoux en famille chaque soir. Elle ne nous permet aucune absence au catéchisme ni à aucun exercice qui s’accomplit à l’église ».
A l’âge de 10 ans, Paul est pensionnaire à Dôle et suit les cours dans un collège des Jésuites, proche de la maison natale de Louis Pasteur. En octobre 1934, il rejoint le petit séminaire Notre Dame de Vaux, prés de Poligny où se trouve son frère Pierre. Malheureusement il y attrape une pleurésie et doit revenir dans sa famille.
« C’est sans doute à ce moment que surgit en moi l’idée secrète de devenir missionnaire bravant l’impossible. Je veux vivre. La motivation n’est d’abord pas très nette et évolue pendant des mois. Ma spiritualité soutenue par celle de Maman et de toute ma chère famille, ne s’est pas flétrie. Pendant mes heures de solitude, je l’approfondis dans les livres de Dom Marmion ». Paul guérit mais la guerre de 1939 arrive ; malgré son état chétif, il est jugé bon pour le service militaire et affecté à un régiment de chars à Bourges. Quand il s’y présente, l’officier lui dit : « Rentre immédiatement chez toi ! Quand le calme sera revenu, tu te présenteras à la gendarmerie ».
En octobre 1939 il écrit : « Je me sens partir vers les Missions mais question d’en parler eu grand séminaire de Montciel à Lons le Saunier parce que notre Evêque n’accepte aucun départ de son diocèse ». Paul refuse régulièrement la tonsure, les ordres mineurs pour pouvoir rejoindre un Institut missionnaire. En 1942 le département du Jura perd son statut de zone libre. Les séminaristes doivent aller garder les voies de chemin de fer chaque soir, ce qui n’empêche pas le « maquis » de détériorer ces lignes, de détruire des ponts et des tunnels. Les représailles de l’armée allemande sont terribles. « Toute la famille vit dans l’inquiétude. Papa maire du village se fait beaucoup de soucis à cause de ses six garçons. Mon frère Pierre est nommé aumônier du maquis par notre Evêque ainsi que deux autres jeunes prêtres. Sans savoir où le Seigneur me mène, je découvre par hasard le nom et l’adresse d’un père recruteur des Missions Etrangères de Paris. Je lui écris immédiatement afin de recevoir des informations sur cette Société. Sa réponse ne se fait pas attendre ; elle ne peut qu’être très ouverte mais la guerre est toujours là ».
Après un échange de lettres et l’envoi d’un certificat médical à propos de son état de santé, Paul arrive rue du Bac le 1er octobre 1943. En mai 1944, il est pris dans une rafle de la police et mobilisé immédiatement pour le service du travail obligatoire (S.T.O). « Avec 2 jeunes confrères, je reçois l’ordre de rejoindre l’usine allemande Krupp, partiellement repliée à Suresnes….. chaque matin, nous partons très tôt par la métro, en tenue d’ouvrier, pour aller pointer à l’entrée de l’usine ; nous plongeons dans un climat sympathique et compréhensif fait de jeunes gens de nôtre âge, animés du même patriotisme anti-collaborateur. Dés notre arrivée nous sommes confiés à des moniteurs qui nous placent devant des tours à travailler l’aluminium……….un soir en rentrant d’une journée de travail, notre Supérieur nous appelle tous les trois et nous montre une feuille libératrice envoyée par la Kommandantur. Nous sommes libres…..ma santé reste bonne ». Après la retraite de septembre 1944, Paul reçoit la tonsure puis rapidement les 4 ordres mineurs « début janvier, le Supérieur de notre maison m’annonce la date de mon sous-diaconat, l’entrée officielle au service de l’Eglise. Je m’empresse de la communiquer à ma famille. Papa reçoit la lettre un matin et en prend connaissance comme tout son entourage. Le soir, au coucher, une angine de poitrine, imprévue et foudroyante, l’emmène subitement chez notre Père des cieux : c’est mon cadeau, le don de sa vie au Seigneur. Une autre épreuve l’attend la veille de son ordination sacerdotale : son frère prêtre Pierre meurt renversé par une auto « le coup est très rude car Pierre et moi, sommes de vrais frères et nous partageons une spiritualité théologale profonde. Il est mon aîné en famille et dans le sacerdoce. Notre amour mutuel a des racines solides ; il est mon modèle et mon entraîneur ». Paul est ordonné prêtre le 22 avril 1945, dans la chapelle de la rue du Bac. Seul son frère Jacques représente la famille. L’après-midi avec lui, Paul va en pèlerinage au Sacré-Coeur de Montmartre. Après le repas du soir, le père Robert donne leurs destinations aux nouveaux prêtres. Paul est affecté à la mission de Kangting. Dans la soirée, il prend le train pour Lons le Saunier pour participer aux funérailles de Pierre : c’est sa première messe ! « Rentré à la sacristie, je craque, j’éclate en sanglots incontrôlables ».Le 1er dimanche de juillet,il peut enfin célébrer avec joie une première messe à Montain entouré de sa famille et de ses amis. En attendant de partir pour le Tibet, Paul se met au service du diocèse de St Claude. Le départ de Marseille a lieu le 23 mars 1946 sur le navire « Maréchal Joffre ». Après le passage du canal de Suez, le bateau descend vers Madagascar pour y prendre des troupes, puis vogue vers l’île de Sumatra et arrive à Saigon ; après 4 jours, c’est un vieux caboteur qui le conduit à Hongkong puis un petit bateau anglais à Shanghai.
CHINE
(1946-1951)
Après presque 5 mois de voyage, Paul arrive le 14 août à l’évêché de Kangting. Mgr Valentin « sexagénaire qui n’a jamais revu son pays natal » l’accueille avec joie, « Je suis une véritable curiosité, premier jeune missionnaire qui arrive d’Europe depuis une dizaine d’années ». Il lui donne le nom chinois de l’ancien évêque Mgr Giraudeau « Ni Dé Zhong Shen Fou ». Il faut s’habituer aux coutumes tibétaines et surtout étudier la langue chinoise, cinq heures par jour. Mgr Valentin et le père Yang,curé de la cathédrale l’aident ; le père Le Corre, procureur de la mission l’emmène visiter les chrétiens, à son temps libre. Grâces à son professeur Mr Yu, aidé d’un vieux dictionnaire chinois-français, Paul fait des progrès. Il passe son 1er Noël missionnaire à l’évêché : « à 9 heures du matin, nous nous retrouvons à la cathédrale pour les 3 messes de Monseigneur ; la cathédrale est remplie .Un simple repas nous est servi à l’évêché, sans vin évidemment ! Nous l’économisons et n’en prenons que cinq petites gouttes mesurées avec un compte-gouttes qui ne quitte pas nos autels et nous sert à prendre une seule goutte d’eau,un cinquième…….à quatorze heures : bénédiction solennelle du St Sacrement. Une foule encore plus dense qu’hier soir s’écrase dans la cathédrale. Je dois m’y glisser ». Paul est peu à peu parvenu au langage « petit nègre ». « Mes interlocuteurs me saisissent à peu prés correctement pour ce qui concerne toutes les questions matérielles, ce qui est réciproque. Dans une conversation, il est possible de se répéter, de faire des gestes. Cette conduite a été celle de tous les missionnaires qui m’ont précédé…..je vois d’ailleurs que Monseigneur a des idées sur mon avenir proche ». Mgr Valentin veut rouvrir un petit séminaire dédié à St Joseph. Paul est son choix après la retraite annuelle des missionnaires. Il faut d’abord aménager une ancienne demeure chinoise, située à 3 kms de la léproserie de Moximien tenue par des franciscains Italiens. A la fin de l’hiver, les premiers séminaristes arrivent envoyés par des confrères ; il faut enseigner latin et chinois, sans oublier la formation spirituelle des futurs prêtres. Paul est aidé par un grand séminariste de Kunming. L’éclairage est le problème majeur parce qu’il n’y a pas d’électricité : chaque jour les petites lampes à huile doivent être nettoyées. Les enfants chinois sont doués d’une mémoire surprenante et apprennent rapidement le latin, plus facile que l’écriture chinoise ! Ils sont dociles et travailleurs .Paul devient aussi leur infirmier « des plaies qui s’infectent, çà ne manque pas ! rien de plus simple qu’un bon nettoyage à l’eau et au savon….parfois les cas sont plus difficiles ; il m’arrive des femmes venues de très loin pour me consulter, me posant des problèmes de plus en plus complexes à gérer qui font dresser les cheveux sur ma tête ! Un jour, certaines d’entre elles se présentent parce qu’elles manquent de lait pour nourrir leur bébé. Je me dois de les satisfaire, ma réputation est en jeu ! J’imagine un placebo- un demi comprimé d’aspirine dans un verre d’eau avec la recommandation de bien manger ! Le stratagème fonctionne à merveille : le lait revient ! Evidemment tout cela est gratuit mais oblige moralement à me contenter quelques jours plus tard pour m’offrir des œufs, des poules, des pâtes »
Malheureusement Paul a de sérieux problèmes de santé ; le bulletin MEP (1949) signale : « le 14 décembre, après un dernier regard sur son séminaire, le père Richard bien à contrecoeur quittait ses élèves pour se rendre à Kangting et de là à Chengtu afin d’y suivre un traitement aux rayons ultra violets. Il est remplacé par le père Le Corre, assisté du père Pecoraro ».Paul rejoint sa mission après 3 mois. Peu à peu des soldats communistes se sont infiltrés dans la région. Au lieu de créer la panique, ils essaient d’attirer l’estime des habitants par leurs paroles et leurs services. Ils organisent des réunions de quartier ; ils ont l’art d’entrer en contact avec les gens pour les manipuler. En décembre 1950 apparaît un nouveau programme « les propriétaires terriens ». La terreur s’installe. « J’apprends que le matin de Noël alors que Mgr Valentin s’apprêtait à célébrer la messe dans le chœur de la cathédrale, des soldats ont surgi pour l’arrêter. Tiré par la barbe hors de cette enceinte sacrée, ils l’ont emmené vers une destination inconnue. D’autres rumeurs me parviennent de bouche à oreille : chacun de nos prêtres chinois a été appréhendé chez lui et a disparu sans laisser de nouvelles » cf « Aux portes du Tibet » p 261. Depuis Pâques des avions se livrent à des bombardements et jettent des tentes, d’autres accessoires militaires, des sacs de riz sans se servir de parachutes. Le dimanche 7 mai un paquet tombe sur la cathédrale, endommage le toit et provoque la panique des fidèles ; l’après midi l’hôpital est bombardé et deux personnes sont blessées par des éclats de tuiles. Mgr Valentin est prisonnier, sauvagement maltraité au cours des jugements populaires ; les propriétaires terriens sont éliminés d’une façon ou d’une autre. « Aujourd’hui encore, je ressens des frissons qui couraient le long de mon épine dorsale chaque fois que quelqu’un sonnait à la porte……comment et quand serons-nous écrasés ?....Je conserve cependant mon calme et tente de maintenir le rythme dans notre régime scolaire….nous vivons sans autre recours que la prière et notre foi en notre Père que nous retrouverons d’une façon de plus en plus vivante chaque jour ».Les communistes demandent au père Richard de renvoyer les 15 séminaristes mais « il m’est impossible d’envoyer ces jeunes garçons en pleine nature à une journée de marche de leur famille ….le dimanche de la Pentecôte 1951, à la fin de la messe, j’aperçois une foule serrée devant la chapelle. Ce sont les parents des séminaristes amenés « manu militari » de très loin par des communistes pour reprendre leurs enfants. Je suis vaincu par ce stratagème radical et j’éprouve une immense tristesse ! » Paul reçoit l’ordre sévère de rester sur place et de ne pas se déplacer. Le 4 octobre 1951, avec la permission de ses gardiens, il rend visite aux Franciscains, à l’occasion de leur fête patronale. Avant le repas, quatre hommes du comité communiste local frappent à la porte et leur apprennent qu’ils sont expulsés et doivent partir dés le lendemain parce que leurs passeports ne sont pas en règle. Cet ordre concerne aussi 3 religieuses f.m.m « Chacun de vous doit rédiger en chinois sa demande de pardon au peuple et l’afficher en six points du village ; les termes nous sont dictés : Le brigand X soussigné….. de nationalité…. a volontairement violé la constitution de la république populaire de Chine en demeurant sur son territoire sans autorisation. Dans sa mansuétude et sans le condamner, la République populaire le renvoie dans son pays. Toutes les personnes qui attendent de lui réparation ou remboursement de dettes doivent les lui réclamer avant la tombée de la nuit …….Nous sommes emmenés à six endroits du village. De nombreuses personnes pleurent à chaudes larmes et crient contre les désaxés qui nous encadrent. Les enfants en bandes bien dirigées se moquent de nous et courent en grimaçant sans toutefois nous toucher. Cette scène grotesque est longue et pénible. Enfin nous sommes reconduits chez nous pour faire nos bagages ; nous pourrons emporter tout ce que nous voulons à condition de le porter nous-mêmes ! A partir de Luding un camion militaire transporte les 6 prisonniers à Ya’An puis un autocar à Chengtu. A Chongquing, nouvel interrogatoire par une femme communiste qui a fait ses études chez des religieuses : humiliation systématique de tous les missionnaires dont elle traite les dossiers, un vrai cauchemar, une véritable torture…..nos surveillants ne nous frappent jamais mais nous traitent d’une façon révoltante, en vociférant contre nous comme si nous étions un troupeau de bétail. Notre seule réponse est de nous plier à cet orgueil insensé, en silence ». Le 25 octobre, Paul retrouve sa liberté à Hongkong !
INDE
( 1952)
« Comme mes confrères expulsés, je cherchais un pays dont le langage était proche du chinois et si possible en compagnie de confrères sympathiques. Ma petite cervelle opte pour le Japon. Paris avait envoyé à Hongkong le père Paul Destombes pour trancher les cas faciles à résoudre. Je le rencontrais pour lui dire de partir au Japon ; il me répond : Cher père,nous avons décidé de renvoyer au Tibet quatre jeunes qui ont été chassés ; vous êtes arrivé le premier. Veuillez attendre trois autres confrères et nous vous enverrons vers le Tibet par l’Inde ; dans des coins ouverts par nos Pères, il y a plus de cent ans et remis aux pères Suisses de St Maurice ». cf « Mission en Extrême Orient » p 14 sq .Paul écrit à Mgr Gianora, préfet apostolique de Kalimpong (Sikkim) qui enchanté de recevoir de nouveaux missionnaires, donne son accord. Une dizaine de mois passent avant d’être quatre, avec les pères Roland, Dozance et Auffret. Dés que notre contingent fut complet, le consul Indien mit des entraves à notre projet de fouler le sol de l’Inde pour atteindre le Sikkim, enfoncé dans l’Himalaya : nos passeports étant maculés de tampons chinois, le président Nehru ne voulant pas de problèmes avec la Chine, nous refusa notre bref passage en Inde…… ».Le Père Destombes décide d’envoyer Paul Richard et Augustin Roland à Pondichéry, encore comptoir français où ils pourraient obtenir plus facilement des visas pour le Sikkim. Le 1er avril 1952, ils s’embarquent pour Calcutta sur un bateau qui fait d’abord escale à Rangoon ;après des difficultés à cause des tampons chinois sur leurs passeports, ils prennent le train pour Pondichéry ; le voyage est long,deux jours dans des wagons surchauffés, assis sur des banquettes en bois. Monseigneur Colas les reçoit chaleureusement. Il leur fait visiter les paroisses de son diocèse, conduisant lui-même son automobile. Les deux autres désignés pour le Sikkim finissent par arriver et tous sont envoyés à Yercaud pour y perfectionner leur connaissance de la langue anglaise. La police de l’Inde leur accorde des permis de trois mois qu’ils renouvellent cinq fois ! Le père Jacquemart, régional de l’Inde consulte Paris pour demander des instructions. En retour, le Supérieur Général suggère qu’il fasse des propositions de destination « les 2 jeunes qui n’ont pas eu le temps d’étudier la langue de Confucius préfèrent rester en Inde tandis que le père Dozance et moi, préférons que Paris prenne ses responsabilités………quelques semaines plus tard, une lettre affecte les 2 jeunes à Pondichéry tandis qu’avec le père Dozance, je suis désigné pour ouvrir un centre chinois à Saigon qui compte un million de Chinois »
VIETNAM
(1953- 1975)
Après un intervalle de 7 ans, Paul redécouvre Saigon. Mgr Cassaigne l’accueille de grand coeur avec son compagnon : « Nous avons décidé de vous intégrer dans le milieu chinois pour faire autre chose qu’une paroisse chinoise…..souvenez-vous seulement et à tout instant que nous sommes dans un pays en guerre……soyez extrêmement prudents ». Après prière et réflexion, les deux arrivants deviennent professeurs au lycée franco-chinois de Cholon : « à l’école, professeurs et élèves vivent heureux. Les jeunes gens, filles et garçons, nous paraissent calmes, studieux, attachés à leur travail de découverte du français. Aucune difficulté de discipline mais beaucoup pour se faire comprendre ! Dés la fin du mois, comme tout salarié, pour moi la première fois de ma vie, nous recevons une fiche de paie……nos élèves nous font connaître leurs parents, leurs amis et les contacts se diversifient. Nous sommes bien acceptés des Chinois et de toute la population. Du fait que nous parlons leur langue, nous vivons maintenant entre amis ».
Quelques mois plus tard, les sœurs de St Paul de Chartres leur offrent une ancienne école. « Des amis français inquiets nous conseillent d’ouvrir immédiatement un jardin d’enfants : ils sont prêts à nous y amener les leurs. Notre premier but est de conserver notre nouveau terrain tombé du ciel ». Une partie sert à reloger le petit séminaire de Hanoi replié dans le sud du pays. Une demande d’ouverture officielle de l’école est rapidement accordée par les nouvelles autorités. Dédiée à Ste Thérèse de l’Enfant Jésus, l’école bénéficie aussi de l’aide du père Lebas, un ancien de Chine. Le compte-rendu de 1957 signale « le Centre Catholique Chinois assure le fonctionnement de l’école Ste Thérèse, des cours de doctrine par correspondance, la diffusion d’un journal catholique et d’un journal d’enfants. En outre le père Dozance a la charge de la cité Lyautey, centre de réfugiés dont un millier de Catholiques ; les Pères constatent avec joie que parmi leurs catéchumènes plusieurs sont professeurs dans les différentes écoles de la ville ». Paul écrit « notre corps professoral depuis des mois s’est habitué à assister à la messe dans notre chapelle. Après une longue année d’instruction fraternelle, je préviens ma fidèle et studieuse assemblée que nos rencontres vont se terminer. Le baptême de l’un ou l’autre pourrait être envisagé à condition que le candidat réponde aux questions que des confrères viendront lui poser concernant notre religion. C’est une conversation sérieuse et même un peu longue. Tous sauf trois jeunes filles ont demandé le baptême. Pourquoi elles ? Tout simplement parce qu’elles sont jeunes filles et veulent trouver un mari chrétien comme elles rêvent de le devenir elles-mêmes….par admiration j’ajoute que ces jeunes filles vont suivre désormais tous nos offices comme leurs confrères baptisés » cf « Mission en Extrême Orient » p 79. Paul s’investit aussi en activités radiophoniques de Radio Vietnam pour les Chinois de langue cantonaise. Il est invité à un congrès de responsables à Manille. L’école Ste Thérèse se développe et devient « Sino-Franco-Vietnamienne » avec des programmes envoyés par 3 gouvernements. Quand le père Dozance est nommé supérieur régional, les pères Kérouanton et Garreau viennent aider Paul. « J’avais en même temps un jeune Chinois qui voulait devenir prêtre et qui plus tard sera appelé au sacerdoce par l’archevêque de Bordeaux ; il est devenu membre des Missions Etrangères et un de nos supérieurs ». En 1958, 437 élèves étudient dans les classes secondaires, 514 dans les classes primaires, 76 au jardin d’enfants ; 14 adultes qui fréquentaient le Centre Catholique ont reçu le baptême et 28 catéchumènes s’y préparent. « Je me souviens d’une règle grammaticale latine : Caesar pontem fecit, ce n’est pas César qui a construit un pont mais il le fit construire ! Ici je ne suis qu’un rouage matériel de piètre valeur mais l’instrument d’une énorme entreprise ; elle est si bien éclairée d’en haut que je me dois de l’accepter, au moins temporairement, en la maîtrisant ». Paul prend des moments de détente en visitant ses confrères du Vietnam et même des anciens de Kangting à Taiwan, pour leur plus grande joie ; en mars 1959, il prend son 1er congé au pays natal.
Ami de l’abbé Pierre, Paul propose de créer un Emmaus rural à une trentaine de kms de Saigon pour réhabiliter les lépreux guéris dont s’occupait le père Garreau. Des terrains sont donnés, une équipe est formée, « Hélas, nos rêves furent vite évanouis. Les Viets avaient creusé sous nos terres de profondes tranchées où secrètement ils préparaient leur attaque sur la ville, tout en vivant impunément sous nos pieds ! Nous aurions pu être accuser de les favoriser car, trop tard, nous apprîmes que ces cachettes étaient leur quartier général et que rien ne leur manquait, en partie grâces à nous gens de bonne volonté mais trop puérils ! Nous n’avions pas suffisamment inspecté les alentours de ces fameux terrains ! Les Viets s’étaient infiltrés systématiquement dans la masse populaire dés le début de leurs activités de conquête très étudiée. Les réunions du soir se multipliaient et me rappelaient ce que j’avais vécu au Tibet. La présentation politique était identique et les aussi les méthodes. La situation politique devenait de plus en plus difficile. Une nuit, un de mes professeurs que j’avais délégué pour suivre les réunions nocturnes des activistes vint gratter à ma porte, m’avertissant que la réunion qui venait de se terminer m’avait été consacré : j’étais l’homme à abattre ! Je téléphonais à mon ami, le chef de la police vietnamienne pour lui demander ce qu’il pensait de ce renseignement. Une demie heure après, une jeep venait me prendre à l’école pour m’emmener passer le reste de la nuit dans son commissariat ».L’alerte était donnée et peu à peu beaucoup d’élèves disparaissaient avec leurs familles vers l’Europe ou un pays qui accepterait de les recevoir. La mort dans l’âme, Paul est contraint de fermer l’école Ste Thérèse. « Seul, je me trouvais complètement vidé. Le Tibet et la Chine avaient échoué ; l’Inde avait échoué ; maintenant c’était l’Indochine. Que voulait le Seigneur ? Je me confiais à mon, bon ange pour qu’il arrange tout cela ! Ce sacrifice terrible, je le faisais pour mes professeurs, tous jeunes chrétiens afin qu’ils n’aient pas trop à souffrir de tous les services qu’ils avaient rendus à l’Eglise par et dans notre école ». Le 26 avril 1975 Paul embarque pour la France dans le dernier avion d’Air France, avant la prise de Saigon par les Viets « encore un beau geste de mon ange gardien ! ».
FRANCE
(1975- 2006)
Après quelque temps de repos dans le Jura natal, il est contacté et sollicité pour faire partir du comité d’entraide aux réfugiés du Vietnam, du Cambodge et du Laos, présidé par un préfet. « Accepteriez-vous d’aller aider notre correspondant à l’ambassade de Bangkok pendant quelques mois ? » Paul accepte avec joie. Au camp de Khao-I Dong s’entassent des milliers de réfugiés. Avec l’aide d’un interprète il faut établir des listes des familles qui toutes désirent quitter ces camps entourés de barbelés. Un travail difficile et ingrat ! En Malaisie il visite aussi d’autres camps « chaque jour je souhaite sortir de la misère le plus grand nombre de réfugiés. Ils sont comme moi, les enfants de notre Père des cieux qui veille autant sur eux que sur moi ». Cet apostolat sera continué jusqu’en 1982 quand le père J.P Bayzelon lui demande une reconversion « tu auras un bureau au 124 rue du Bac et tu réfléchiras à ce que nous pouvons faire pour la Chine dés maintenant ». Une association d’une dizaine de membres est créée, le relais France-Chine. Cela lui permet d’aller en Chine avec une délégation chargée de présenter des produits ‘made in France’ et discrètement de prendre des contacts. Il peut même inviter un Evêque à donner des conférences à Lyon et Paris. Mgr Jin Luxian viendra rendre visite à son ami, le cardinal Decourtray. Paul l’accompagne à Ars, Annecy, Châteauneuf de Galaure, Dijon, Lourdes, Lyon, Paris. Grâces à sa secrétaire, Paul organise 5 voyages « touristiques » en Chine. « Chaque fois nous avons été reçus en toute fraternité religieuse par des Evêques connaissant bien les difficultés créées par leur gouvernement et si difficile à supporter pour leur conscience de chrétiens »
La santé de Paul se détériore et en 1993 il est nommé recteur de la chapelle des Missions Etrangères « J’assume de longues périodes de confessions et la direction spirituelle d’un certain nombre de personnes devenues amies » jusqu’en 1996. Il subit alors un double pontage puis en 2002, prend sa retraite à Lauris lors des travaux rue du Bac. Malgré le bon climat, sa santé ne s’améliore pas ; grâces à des amis, il est hospitalisé à Paris, au Val de Grâce ;après une période de rééducation il est admis à la maison Marie-Thérèse, boulevard Raspail. Le 21 avril 2005, la veille de ses noces sacerdotales de diamant, un ami du pape Jean- Paul II et de Paul, vient lui rendre visite et lui remettre un chapelet de la part du pape ! Dernière grande joie avant le retour à Dieu, le vendredi 31 mars 2006.
« Merci encore aux bons anges de papa et de maman, de m’avoir fait baptiser sous le nom de Gabriel, l’envoyé du Ciel à la Vierge et de Paul, le missionnaire type. Mon premier voyage à Lourdes avec eux, tout bébé que j’étais, a mis en moi une graine qui n’a jamais fini de grandir ; elle m’oblige de regarder les autres comme des frères et des sœurs qui ont plus de besoin que moi…………Je chante sur tous les tons des Deo gratias à notre Père qui n’abandonne jamais Ses enfants. Dieu soit loué ! » Mission en Extrême-Orient p 204-205
R.Lefèvre