Raymond COUËRON1917 - 1992
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 3804
Identité
Naissance
Décès
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Biographie
[3804] COUËRON Raymond, Ferdinand, Emmanuel naît le 18 juin 1917 de Pierre Couënon et d’Angèle Trègret, son épouse, à Coisnongle, hameau de la commune de Sainte-Anne-sur Brivet, près de Campbon dans le diocèse de Nantes en Loire-Atlantique. Ses parents sont cultivateurs et la fratrie compte sept garçons et trois filles. Raymond fait ses études primaires à l'école paroissiale et secondaires aux petits séminaires de Guérande et de N.D. des Couëts à Bouguenais. Ayant connu deux aspirants et lu un opuscule sur la Société des Missions étrangères, il pose sa demande d'admission au séminaire de Bièvres. Sa candidature étant acceptée le 29 juin 1937, il y entre laïc le 17 septembre 1937 ; Il y fait sa première année de philosophie avant d’être appelé au service militaire. La "drôle" de guerre le maintient sous les drapeaux. Fait prisonnier à Saint-Dié en juin 1940, il ne rentre en France qu’en mai 1945.
Captivité (1940-1945)
Durant sa captivité, qu'il partage longtemps avec François Darricau, fort des conventions de Genève, arguant de son grade de sergent, il refuse tout travail pour le Reich. Malgré un régime sévère et une alimentation déplorable, il suit régulièrement des cours de théologie organisés pour les séminaristes à l'intérieur du camp d'abord au Stalag IV b d'avril 1941 à novembre 1942, puis au stalag 369 à Kobierzyn près de Cracovie en Pologne de décembre 1942 à Pâques 1944 et enfin au Stalag XVIII C à Markt-Pongorn près de Salzbourg en Autriche. Il s'occupe d'action catholique et rend de nombreux services à la chorale religieuse.
Retour au séminaire des MEP
En septembre 1945, il revient à Bièvres où il reçoit la tonsure le 16 mars 1946. A la rentrée scolaire de 1946, il passe au séminaire de la rue du Bac. Sous-diacre le 21 décembre 1946, diacre le 22 mars 1947, prêtre le 29 juin 1947, il reçoit sa destination pour le vicariat apostolique de Phnom Penh. Agrégé à la Société le 14 novembre 1947, il s'embarque le 24 décembre 1947 pour rejoindre sa Mission.
Apostolat Au Cambodge
Arrivé au Cambodge, le P. Couëron est envoyé à Battembang où, sous l'égide du P. Gâtelet, il étudie la langue et la culture khmère. En février 1949, Mgr Chabalier lui confie la paroisse khméro-vietnamienne de Krauch-Chhmar sur la rive gauche du Mékong, à quelque trente-cinq kilomètres au nord de Kompong-Cham. Cette chrétienté se compose de la maison des sœurs, et le presbytère et naturellement de l’église : autour d’elle, au nord Khsach Pracchhès peuplé de sept à huit cents Vietnamiens ; au sud, Phum Kdol comptant environ cent cinquante Cambodgiens. Il entretient de bonnes relations avec le village musulman des Chams, voisin de Phum Kdol, mais rencontre quelques ennuis avec le Vietminh, cette région devenant rapidement zone d'insécurité. A Krauch-Chhmar, il se met l'étude de la langue vietnamienne. En 1952, il doit quitter ce poste et rentrer en France où il arrive le 31 août 1952, afin de soigner une ostéite, séquelle des mauvais traitements reçus dans les camps de prisonniers. Le 17 avril 1953, il s'embarque à destination de Phnom Penh à bord de "la Marseillaise". Rentré dans sa mission, il remplace le P. Vuillemin, près de la frontière thaïlandaise, à soixante kilomètres de Battambang. Il devient en quelque sorte le vicaire du P. Gâtelet.
Multiples missions dont celle de procureur
Le décès subit du P. Béquet, procureur, le 27 avril 1954, le ramène à Phnom Penh avec les titres de procureur de la mission, de vice-supérieur régional et de directeur du comité des traductions liturgiques. En octobre 1954, il réceptionne au port de Saigon les cinq cloches destinées à la cathédrale de Phnom Penh et les y convoie. En septembre 1955, le siège épiscopal étant vacant, du fait du décès de Mgr Chabalier le 11 juin 1955, il a à traiter le problème du détachement de la partie cochinchinoise de la mission. En 1957, il assure la parution du nouveau catéchisme en caractères cambodgiens. En 1958, à Phnom Penh, il se fait opérer avec succès d'une ostéite, ce qui l'oblige à interrompre pendant trois mois ses fonctions de procureur, charge où il se montre "l'homme à tout faire et au service de tous". En 1961, laissant sa place au P. Vuillemin, il part en congé en France où il arrive le 3 mai 1961. Le 26 octobre 1961, il regagne le Cambodge.
Diverses fonctions successives de responsabilité
A son retour, M. Couëron est nommé chef du district de Battambang où il succède au P. Gâtelet. Le village catholique situé en dehors de la ville sur la rive droite du Stung Sangker regroupe environ six cent-vingt Vietnamiens et quatre cent-cinquante Khmers. Chaque communauté prie séparément, mais assiste ensemble à la messe célébrée en langue khmère. Il organise la légion de Marie dans chaque communauté. En 1962, son district s'étend sur cent cinquante kilomètres. Il a en charge les chrétientés de Pursat, Bung Kranh, Kanchor et Krachor. En 1963 et 1964, le P. Perriot-Comte, demeurant à l'école des sœurs, lui est adjoint pour le service de la communauté chinoise installée au marché de la ville de Battambang. Pour elle, le P. Couëron construit une maison près de l'école des sœurs pour y loger les catéchistes. Elle lui sert aussi de lieu de culte Au début de 1964, avec l'aide du P. Salas, prêtre khmer, il ouvre au village catholique de Battambang une école de catéchistes cambodgiens. Elle débute avec quatre élèves, mais devient un centre important de traduction et de mise au point de textes liturgiques en langue khmère. Le P. Couëron est membre du Conseil de la Mission
En 1966, il remet la paroisse de Battambang et le centre de formation des catéchistes khmers entre les mains du P. Simon Chhêm-Yên, premier prêtre cambodgien - ordonné le 22 novembre 1957 - car, en raison du départ en congé du P. Vuillemin, il est rappelé à Phnom Penh comme procureur de la Mission. En 1968, le Saint Siège divise le vicariat apostolique de Phnom Penh en trois circonscriptions ecclésiastiques : Phnom Penh, Kompong-Cham et Battambang, laquelle devient préfecture apostolique confiée à Mgr Paul Tep-Im, jusque-là curé de la paroisse de l'Immaculée-Conception (Préah-Méada) à Phnom Penh. A la mi-décembre 1968, le P. Couëron succède au nouveau préfet apostolique à la tête de cette paroisse.
Après un congé en France du 5 mai 1969 au 23 octobre 1969, il reprend en charge la communauté khmère de la paroisse Préah-Méada, aidé par le P. Parais pour la communauté vietnamienne. Trois mois plus tard, en remplacement du P. Claudel, démissionnaire, il est nommé supérieur régional et confirmé dans cette fonction le 11 juillet 1972. Cette même année, il fête son jubilé d'argent.
Vers la dictature khmers-rouges et l’expulsion des étrangers
Le 18 mars 1970, le Cambodge bascule dans la guerre et l'insécurité. Le lendemain, par décret gouvernemental, toutes les écoles privées étrangères et missionnaires sont fermées. Les Vietnamiens dans leur majorité, regagnent le Sud Viêtnam dans des conditions fort pénibles. Plusieurs missionnaires les accompagnent. Face à la victoire et à l'arrivée imminente des "Khmers Rouges", Mgr Ramousse confère le 15 avril 1975 la consécration épiscopale au P. Joseph Chhmar Salas dans l'église de Préah-Méada. Le lendemain, tout le clergé, vu les évènements, se réfugie à l'évêché. Le 17 avril 1975, dans la soirée, commence la dispersion de l'Église du Cambodge. Le P. Couëron comme les autres étrangers est interné dans les jardins de l'ambassade de France pendant une quinzaine de jours puis trimballé en camion pendant quatre jours jusqu'à la frontière de Thaïlande. Enfin, le 6 mai 1975, il arrive à la rue du Bac.
Ile Maurice
A la fin de juillet 1975, il fait connaître au conseil central son choix parmi les propositions qui lui avaient été faites lors d'une réunion à Paris les 18 et 19 juillet 1975. Le 5 décembre 1975, le P. Couëron reçoit sa destination pour l'Ile Maurice. Après avoir donné sa démission de supérieur régional du Cambodge le 12 décembre 1975, il s’envole avec quelques confrères pour Port-Louis le 9 janvier 1976. Mgr Margeot lui confie par intérim la paroisse Saint-Patrick et peu après le nomme chef du district de "Rivière des Anguilles" vers le sud de l'île, où vivent plus de trois mille Chrétiens, dispersés en de nombreux villages. Le 12 septembre 1976, à Rose-Hill, à la maison commune des Missions étrangères, l'Ambassadeur de France remet la Croix de chevalier du Mérite National au P. Couëron.
En Thaïlande, au service des réfugiés cambodgiens
Rentré en congé et après une hospitalisation à Cavaillon en septembre 1982, il prend part en mai 1983 à une réunion à Bièvres en vue de la remise sur pied d'une mission khmère. En septembre 1983, mis à la disposition du "Bureau pour la promotion de l'apostolat parmi les Khmers", il part en Thaïlande pour travailler auprès des réfugiés établis dans des camps, le long de la frontière thaï-khmère. Après deux ans de séjour, la maladie l'oblige à rentrer en France où il assure jusqu'en 1988 le secrétariat de ce bureau. Il se retire alors à Lauris, près d’Aix en Provence.
C'est là qu'il décède le 2 mai 1992, atteint d'hémiplégie, après quarante-huit heures passées dans le coma. Ses obsèques ont lieu à Lauris, présidées par Mgr Lesouëf qui prononce l'homélie.
Nécrologie
Raymond COUÊRON (1917-1992) Couëron Raymond, Ferdinand, Emmanuel né le 18 juin 1917 à Sainte-Anne-de-Campbon (Loire Atlantique) au diocèse de Nantes ; entré au séminaire des Missions Étrangères le 17 septembre 1937, ordonné prêtre et destiné au Cambodge le 29 juin 1947 ; agrégé à la Société le 14 novembre 1947, parti pour Phnom Penh le 24 décembre 1947 ; expulsé du Cambodge en mai 1975, transféré à Maurice le 9 janvier 1976 ; rappelé pour la pastorale dans les camps cambodgiens de Thaïlande en septembre 1980 ; rentré en France en 1982 : secrétaire du Bureau pour la promotion de l’apostolat auprès des cambodgiens en août 1983 ; retiré à la maison d’accueil de Lauris en 1988, décédé à Lauris le 2 mai 1992. Fils de Pierre et d’Angèle Trégret, cultivateurs domiciliés à Coisnongle, en Sainte-Anne-de-Campbon, Raymond Couëron appartenait à une famille qui devait compter dix enfants : il eut six frères et trois sœurs. Il naquit le 18 juin 1917 et reçut le baptême le lendemain. Lui-même, vingt ans plus tard, demandant l’entrée aux Missions Étrangères, dira qu’il a « l’entier consentement de ses parents, qui sont de grands chrétiens ». Il fera ses études primaires à l’école paroissiale, et secondaires aux petits séminaires de Guérande et de Bouguenais. C’est à la fin de son séjour en cet endroit que, du petit séminaire Notre-Dame des Couëts, il écrit longuement au supérieur de Paris, lui faisant part de tout ce qui le relie déjà aux Missions Étrangères : « Moi aussi, je veux être missionnaire, puisque je sens que telle est la volonté de Dieu. Depuis les sept années que je suis au séminaire, ce désir des missions s’est sans cesse présenté à moi ; j’ai souvent pensé à ces pays d’Extrême-Orient, qui ont incomparablement moins de prêtres que notre France, chrétienne depuis longtemps, et qui pourtant en ont un besoin bien plus grand, puisqu’il est encore des contrées qui n’ont jamais reçu la « bonne Nouvelle » du Christ, qui n’ont jamais entendu parler de Dieu ». Il poursuit en expliquant pourquoi il se détermine pour la Société. C’est qu’il a connu assez intimement deux aspirants, morts prématurément, qui l’ont édifié, l’un d’eux surtout qui avait été son compagnon de vacances. Au sujet de ce dernier, il s’étend quelque peu, et confie que « discrètement, il me parla du séminaire de Bièvres ou de la rue du Bac, et des pays où s’exerce l’apostolat de la Société. Plusieurs fois même il essaya de m’arracher un aveu que je n’osais risquer ». D’autre part, il mentionne un opuscule, qu’il présume composé par un membre de la Société, et qui dit-il « a complété mon instruction,, confirmant ce que je savais, et m’apprenant différentes choses sur la fondation de la Société, sur les séminaires de Bièvres et de la rue du Bac, sur les lieux et les moyens d’apostolat, et sur la vie des missionnaires. Je sais donc dans quelle voie je m’engage ». Ainsi conclut-il son entrée en matière. Il expose ensuite sa demande précise : il voudrait effectuer une année de philosophie à Bièvres avant d’entreprendre son service militaire, pour lequel il a obtenu sursis. Quelques jours plus tard, un mot très louangeur du supérieur de Notre-Dame des Couëts, l’abbé Leroy, venait appuyer cette requête : « Je suis heureux de n’avoir que de bons renseignements à vous donner sur notre élève Raymond Couêron… Sa conduite fut sans reproche, tant au point de vue disciplinaire qu’au point de vue moral. L’enfant est très pieux, et de bon caractère, avec un peu de timidité. La famille est excellente… Je crois que vous auriez là une excellente recrue ». Cette missive est datée du 28 juin ; la réaction ne se fit pas attendre puisque c’est du 29 que son admission est actée. Il entrera à Bièvres le 17 septembre 1937, puis au bout d’un an rejoint l’armée selon ce qui est prévu. Mais ce qui ne l’était pas, c’est qu’il allait y être retenu bien au-delà de la période normale : la guerre entre-temps est venue bouleverser ses espérances et l’a mobilisé en septembre 1939. Ce qui ne serait rien, ou à peu près, s’il n’avait été fait prisonnier à Saint-Dié, transporté en Allemagne, et maintenu en captivité de juin 1940 à mai 1945 ! Voici donc que son initiation à la vie cléricale, à peine commencée, est interrompue inopinément. « L’épreuve n’est pas inutile, confiera-t-il dans un élan vers ses amis moins malchanceux, à ceux qui ont le bonheur de continuer d’une façon plus immédiate leur préparation au sacerdoce ». Tant bien que mal, il la poursuit à la dure école de la privation de liberté, qu’il a partagée plusieurs années avec le P. François Darricau. Sergent, fort des conventions de Genève selon lesquelles les officiers et les sous-officiers ne pouvaient être forcés au travail pour l’ennemi, il refuse toute collaboration avec l’Allemagne, ce qui lui valut d’être l’hôte d’un camp disciplinaire, en Pologne d’abord, puis en Autriche. Le régime sévère et l’alimentation insuffisante ont contribué chez lui à une décalcification de la hanche dont il ne se remettra jamais complètement. Son attitude exemplaire pendant ces quatre années pénibles fut telle qu’il en revint avec le droit au titre d »’interné-résistant ». Avec aussi une série de témoignages attestant que non seulement il s'était bien comporté dans les camps, mais encore qu’il y avait suivi divers cours de théologie. Ainsi, au stalag IVB, d’avril 1941 à novembre 1942, il a étudié les traités de dogme suivants : « Sacrements en général, Eucharistie, Baptême et Confirmation ; et toujours au même stalag, pour le « de ecclésia et de revelatione », l’un de ses professeurs note : « Il a suivi les cours avec assiduité et a toujours donné satisfaction aux interrogations ». Puis en Pologne, au stalag 369, à Kobierzyn près de Cracovie, de décembre 1942 à juin 1943, on lui a enseigné « le traité du mariage » d’une façon complète et pratique », au point que le professeur, un franciscain de Lyon, estime « qu’il y aurait lieu de tenir compte de son travail dans le cycle des études régulkères ». En ce même lieu, d’octobre 1943 à Pâques 1944, c’est le tour du « traité de l’Incarnation » pour lequel il « a donné satisfaction à l’examen passé devant M. l’abbé Jean Holzwarth, directeur au grand séminaire de Saint-Dié ». Ensuite, c’est en Autriche, au stalag XVIIIC, à Martkt-Pongorn près de Salzbourg, qu’il est transféré, et y retrouve le même abbé Charles Levéel qu’il a connu autrefois en Pologne, et qui lui délivre le meilleur des certificats, bien que cette fois il ne soit plus question d’une quelconque rébarbative matière ; c’est qu’à ce moment-là, on devait attendre avec impatience « la quille » avec la fin des hostilités : « Je suis heureux de porter le meilleur témoignage sur ce séminariste, régulier aux cours et exercices spirituels organisés au camp pour les élèves ecclésiastiques, régulier dans sa conduite et ses obligations de séminariste. Raymond Couëron s’est occupé de l’Action catholique pour sa baraque et a rendu de nombreux services à la chorale religieuse du bloc ». Le Père franciscain avec lequel il a parcouru le traité du mariage en Pologne témoigne, lui aussi, avoir « pu me rendre compte du dévouement et du zèle apostolique de M. Couêron à qui j’avais confié la responsabilité d’un cercle d’étude. En tout et partout il a fait preuve d’un bon esprit religieux et surnaturel ». Le voilà libéré en mai 1945, et rentrant à Bièvres en septembre, pour une année encore, au cours de laquelle le supérieur, le P. Lazare Montagu, ne voit pas d’objection, pas plus d’ailleurs que Mgr Villepelet, évêque de Nantes, à ce qu’il soit tonsuré, ce qui est fait le 16 mars. À la fin de cette année scolaire, il passe à Paris, où 1946 va le combler successivement de tous les ordres mineurs ; puis ce sera le sous-diaconat, qu’il reçoit le 21 décembre, et le diaconat le 22 mars 1947, ainsi que la prêtrise le 29 juin. La veille de Noël, il prend le départ pour rejoindre sa mission, le Cambodge. À cette époque, le vicariat apostolique de Phnom Penh comprenait, outre le Cambodge, une grande partie du Sud du Vietnam ; le nombre des chrétiens était de 115.000, dont 110.000 Vietnamiens. Cependant, il eut la chance d’apprendre d’abord la langue du pays, qu’il étudie à Battambang pendait treize mois ; il se trouve ainsi directement orienté vers l’apostolat auprès du peuple khmer, dont il acquerra une profonde connaissance tant au point de vue de la langue qu’à celui de la culture. En février 1949, il est jugé digne d’être promu à la tête d’une paroisse khméro-vietnamienne, où il devra se mettre évidemment à l’étude du vietnamien. Mais laissons-lui la parole, puisqu’il a rédigé quelques pages sur cette partie de sa vie. «À Krauch-Chhmar, sur la rive gauche du Mékong, à quelque 35 km au nord de Kompong Cham, la chrétienté se composait de deux villages reliés par l’église, la maison des sœurs et le presbytère : au nord, le plus important en nombre, Khsach Pracchhès, peuplé de 7 à 800 Vietnamiens, et au sud, le Phum Kdol, comptant environ 150 Cambodgiens. N’ayant appris que le cambodgien, c’est dans cette langue que je communiquais et avec les Cambodgiens, et avec les Vietnamiens, qui s’exprimaient d’ailleurs beaucoup plus facilement que moi en khmer. Plus tard, j’y apprendrai un peu de vietnamien courant. Le dimanche, les deux communautés faisaient leurs prières séparément, puis participaient à une messe commune. Dans la vie quotidienne, Cambodgiens et Vietnamiens s’entendaient plutôt bien et il y avait rarement des heurts ou des frictions entre eux. Aux hautes eaux, quand l’inondation s’étendait jusqu’à l’approche des maisons, ils s’unissaient pour faire ensemble la battue des sangliers. De même la pêche, sur la berge du Mékong, à sa décrue, attirait Cambodgiens et Vietnamiens pour aider les Chams à tirer leurs très longs filets, qui ramenaient en une fois une quantité de poissons suffisante pour remplir une barque. Puis les maîtres pêcheurs chams distribuaient une quote-part à leurs aides bénévoles. Ils se réjouissaient aussi en commun : si les Cambodgiens, à l’occasion du nouvel an ou d’une autre fête coutumière, organisaient quelques danses et saynètes au dialogue assez grivois, les Vietnamiens se joignaient volontiers aux acteurs. En temps ordinaire, la majorité des hommes travaillait à la plantation d’hévéas de Prêk-Käk, situé en face de Khsach-Pracchhès sur la rive droite du Mékong. Certains faisaient un peu de rizière ». Ce qu’il ne dit pas, c’est la situation précaire dans laquelle il était appelé à vivre à certains moments ; par exemple en 1948, lors de la révolte des Issaraks ; et cette même année, quand les Vietnamiens incendièrent les magasins de la plantation de Prêk-Kâk, et que l’administration, quelques jours plus tard, prévenait qui de droit qu’elle « ne garantissait plus la sécurité de M. Couëron » à Krauch-Chhmar » ! Imperturbablement, celui-ci poursuit son récit. « L’école de catéchisme, près de l’église, était tenue par trois soeurs de la Providence et comprenait une classe pour les Cambodgiens et deux pour les Vietnamiens. Vis-à-vis des autorités locales, je ne rencontrais pas de difficultés particulières. Le missionnaire étranger bénéficiait d’une certaine considération : il était écouté avec bienveillance, mais les décisions suivaient rarement. J’avais également de bonnes relations avec le village musulman des Chams ; voisin du Phum Kdol, surtout avec leurs notables. Par contre, j’eus quelques ennuis avec le Vietminh, mais…passons. Malgré son isolement relatif, Krauch-Chhmar était une chrétienté attachante. Je m’y suis plu – peut-être parce que c’était mon premier poste -, et c’est avec regret que je dus la quitter en août 1952 pour cause de maladie « . C’était une séquelle des mauvais traitements reçus dans les camps, cette ostéite qui ramenait avec elle de tristes souvenirs. Non seulement, il quitta Krauch-Chhmar, mais même le Cambodge ; sans doute estima-t-on qu’il serait plus au calme et mieux à même de se soigner correcterment s’il retournait en France, car l’atmosphère du Cambodge en ces temps-là n’était pas de tout repos. En tout cas, elle laissait pressentir un prochain malaise, en dépit des rapports excellents qui régnaient entre le clergé et l’administration française ; encore que les gouvernements successifs, officiellement neutres en matière religieuse, aient plus favorisé le réveil du bouddhisme que l’expansion du christianisme ; mais on allait à grands pas vers l’indépendance du pays, et la compétition entre Vietnamiens et Cambodgiens allait bon train ; dans les ministères et les services administratifs, dans les banques en particulier, où le grand nombre d’employés et de secrétaires était d’origine vietnamienne, ils étaient progressivement remplacés par des Cambodgiens : il aurait suffi d’une étincelle pour mettre le feu aux poudres. Il était plus sage que, nouveau dans le pays depuis moins de quatre ans, le P. Couëron allât se retremper dans un milieu moins sujet aux troubles. Il fut donc absent de sa mission d’août 1952 à avril 1953. Il y revint juste à temps pour saluer, en octobre, l’indépendance du Cambodge reconnu État souverain, avec quand même, pour quelque temps encore, de petites séquelles du protectorat, notamment en ce qui concerne la défense, puisque l’armée khméro-française restait au départ sous commandement exclusivement français. On peut dire que le passage de l’un à l’autre régime se fit dans le calme, encore que l’on ait craint des débordements d’enthousiasme, voire de xénophobie, et qu’en conséquence les troupes françaises, commandées par le général de Langlade, aient été déployées aux points stratégiques de la capitale et des environs : tout bien pesé, il n’y eut pas d’incidents majeurs. On le doit certes à l’autorité et au prestige du roi alors régnant, Norodom Sihanouk, grâce auquel accédait à l’indépendance un pays qu’il voulait garder dans l’amitié de l’ancienne puissance protectrice. C’est ainsi que les militaires français continueront à former l’armée cambodgienne, et que, pour répondre à la création de nouveaux collèges et lycées, le nombre des enseignants français ira croissant. Quoi qu’il en soit de la situation générale, le P. Couëron, à son retour, fut placé à l’évêché de Phnom Penh comme secrétaire de l’évêque et procureur de la mission ; nomination toute provisoire, lui fut-il dit. Il n’empêche qu’il conserva ces fonctions sept ans durant, avec en sus les charges de vice-supérieur régional et de directeur du comité des traductions liturgiques. Au cours des ans, il dut notamment aller réceptionner au port de Saïgon, en octobre 1954, pour les convoyer ensuite par le fleuve jusqu’à la capitale, les cinq cloches destinées à la cathétdrale, dont la construction, commencée en 1951, était en voie d’achèvement. Celui qui l’avait mise en chantier, Mgr Jean-Baptiste Chabalier, n’en verra pas la fin puisqu’il mourut en juin 1955. Et en septembre de la même année, pendant la vacance du siège, le détachement de la partie cochinchinoise, formant le vicariat apostolique de Cantho, réduira celui de Phnom Penh aux seules limites territoriales du Cambodge. C’est aussi pendant son séjour à la procure que le P. Couëron, en 1957, assura la parution du nouveau catéchisme en caractères cambodgiens, corrigeant les épreuves avec la patience qu’on lui connaît, et améliorant à tous égards les éditions précédentes. Après quoi il dut prendre trois mois de congé, pour faire soigner encore, par une greffe, une blessure teutonne : opération parfaitement réussie, qui lui permit d’aller jouir de l’air marin chez les Pères bénédictins de Kep. Vacances trop courtes, estima-t-il, mais trop longues au gré de ceux qui avaient besoin, de ses services avisés ! En définitive, ce ne sera qu’au début de 1961, quand le P. Vuillemin, qui devait le remplacer, put quitter le petit séminaire, que le P. Couëron fut libéré de sa tâche bureaucratique. Peut-être dut-il d’y être resté si longtemps en partie à la façon particulièrement serviable dont il s’en acquittait, tant vis-à-vis des confrères que de l’évêque. Celui-ci, Mgr Gustave Raballand – il avait été sacré le 1er mai 1956 par Mgr Charles Lemaire -, le réintègre enfin dans le ministère actif, et le promeut à la tête de la paroisse de Battambang, que lui abandonne le P. Léon Gâtelet. Mais laissons-lui le soin de nous décrire lui-même les charmes de sa nouvelle paroisse, à 150 km de Phnom Penh. « Battambang, ou plutôt le village catholique de Battambang, est une vieille chrétienté traditionnelle, c’est-à-dire ayant des traditions religieuses. Il est situé en dehors de la ville, sur la rive droite du Stung Sangker, un peu au nord du marché. Comme celle de Krauch-Chhmar, la chrétienté est composée de deux ethnies, mais ici l’élément cambodgien est dominant en influence, même si les Vietnamiens sont supérieurs en nombre : environ 620 Vietnamiens contre 450 Khmers. Les Cambodgiens, pour la plupart, cultivaient la rizière et, au temps de la moisson, beaucoup passaient près de deux mois dans leurs champs. Certains revenaient au village pour la messe du dimanche,. Il y avait en général une importante participation aux offices dominicaux, mais la grande affluence – un peu comme en France à cette époque – avait lieu aux fêtes les plus solennelles de l’année : Noël, Pâques, Assomption et Toussaint. Les Vietnamiens, de leur côté, étaient principalement pêcheurs au Grand Lac et étaient donc souvent absents. À la paroisse, ils avaient leurs prières à part, mais allaient à la messe unique en cambodgien. Ils fréquentaient aussi la même école de catéchisme tenue par les sœurs. Je dus démolir l’ancien bâtiment de classe trop vétuste et exigu pour en construire un nouveau plus vaste. À noter que les petits cambodgiens fréquentaient de plus en plus l’école de la pagode et les collèges officiels. On l’a vu, les Cambodgiens de Battambang avaient des traditions chrétiennes. Ce qui ne les empêchait pas de fréquenter nombreux la pagode voisine à l’occasion des principales réjouissances bouddhistes : au nouvel an khmer, Visakh Bauchéa, Phchum Ben. On pouvait remarquer aussi que l’église possédait quelques revenus provenant de ses rizières cultivées par des Cambodgiens du village Et mon prédécesseur, le P. Léon Gâtelet, n’était pas peu fier de montrer son grenier à riz se remplissant des redevances en nature apportées par des fermiers. C’est grâce à ces revenus que l’on pouvait entreprendre quelques constructions ou réparation de bâtiments ». Au cours du temps, sa paroisse prend de l’extension, sur 150 km environ ; puisque s’y adjoignent quatre centres laissés désormais sans prêtre et qu’il va devoir desservir. Mais le P. Jean-Yves Cadour vient lui donner un coup de main, pour se remettre à la pratique du cambodgien. Tous deux sont suffisamment occupés avec leurs chrétiens à cette époque, et ne se posent guère de questions à leur sujet. Cependant, le P. Couëron note que ce n’est pas le cas de tout le monde. Il écrit en effet : « D’aucuns se sont étonnés de la stagnation ou du peu de rayonnement de cette chrétienté cambodgienne, qui ne s’est guère développée au cours des siècles. Cela est peut-être dû à sa minorité numérique, à une foi peu éclairée, ou au manque de zèle apostolique de ses membres ; mais il ne faut pas perdre de vue que leurs compatriotes leur reprochaient de pratiquer une religion étrangère, et les considéraient un peu comme des étrangers. La mentalité était que « Khmer égale religion d’État, et donc du peuple khmer, ignore en effet que leur religion est venue de l’inde. Pourtant il se trouvait que le village catholique avait une véritable renommée au marché, mais il serait plus juste de dire que les oeuvres des sœurs y étaient appréciées. La congrégation des sœurs de la Providence de Portieux occupait un vaste bâtiment abritant une vingtaine de religieuses – deux Françaises, deux ou trois Cambodgiennes, les autres Vietnamiennes -, un orphelinat de garçons et de filles et un hospice de vieillards. Leur dispensaire surtout était très fréquenté : chaque jour on pouvait voir passer de nombreux cyclo-remorques conduisant malades ou blessés au dispensaire des sœurs. Dans les années cinquante, je crois, les sœurs avaient aussi ouvert une école primaire non loin du marché, sur la rive gauche du Sangker, pour les enfants pauvres de la ville. Pour être complet, il faut ajouter que la chrétienté de Battambang comprenait, en plus des Cambodgiens et des Vietnamiens, un groupe de quelque 150 Chinois. Venant de la côte sud de la Chine, ils parlaient leur langue régionale de Swatow ; ils tenaient de petits commerces au marché. Jadis quelques-uns fréquentaient régulièrement l’église paroissiale le dimanche ; ils étaient plus nombreux aux grandes fêtes. Le P. Joseph Perriot-Comte en eut la charge durant deux ans environ, en 1963-1964 : demeurant à l’école des sœurs, il avait toute facilité pour les visiter et les réunir dans une salle de classe pour la messe dominicale. Puis il fut nommé professeur au grand séminaire de Phnom Penh. C’est vers la fin de son séjour que je commençai la construction d’une maison pour les Chinois, près de l’école des sœurs : l’étage comportait trois chambres pour catéchistes, tandis qu’au rez-de-chaussée une grande pièce d’une dizaine de mètres de long était aménagée en chapelle, et au bout, une petite cuisine. J’irai y célébrer la messe chaque dimanche après-midi pour les chrétiens chinois ». Il fait le recensement de ses fidèles à cette époque, et constate la présence de 170 Chinois, 418 Cambodgiens et 624 Vietnamiens, pour le seul centre de Battambang, avant que ne s’y implante l’institut de catéchèse. Mais les statistiques ajoutent que les baptêmes se chiffrent à 16 adultes et 52 enfants, sans que soit mentionner la section de population intéressée. « Au début de 1964, Mgr Yves Ramousse décida de créer une « école de catéchistes pour Cambodgiens », et d’implanter cette école au village catholique de Battambang. Or, il y avait, à une vingtaine de mètres du presbytère, une grande maison cambodgienne bâtie sur hauts pilotis. Le rez-de-chaussée fut fermé pour servir de salle de cours et de réfectoire, et une petite cuisine construite sur un côté. Les élèves catéchistes logeront à l’étage, car ils seront pensionnaires ». C’est le curé qui porte la responsabilité de cette entreprise, pour laquelle lui est adjoint le P. Joseph Salas : on débute avec quatre élèves en première année ; on traduit aussi les textes liturgiques en langue khmère. En janvier 1966, le centre reçoit un nouveau groupe de six candidats qui, à leur tour, pendant que leurs aînés effectuent sur le tas leur période de probation, vont entreprendre leur première formation. Après deux années de préparation, ces élèves catéchistes seront mis définitivement à la disposition des paroisses. Le P. Couëron indique que l’expérience laissait entrevoir de bons résultats puisque, dit-il, « la méthode paraissait efficace et donc valable ». Dans le souci de donner davantage de responsabilités au clergé cambodgien, la paroisse de Battambang, ses deux « præsidium » de Légion de Marie, et son centre catéchétique sont confiés en 1966 au P. Simon Chhêm Yên, le premier prêtre cambodgien, ordonné le 22 novembre 1957, tandis que le P. Couëron est de nouveau appelé à l’évêché de Phnom Penh pour y remplir la tâche de procureur, laissée vacante par le P. Vuillemin durant son congé en France, et dont lui-même s’était trop bien tiré lors de son premier passage. Mais il est vrai que, cette fois, son séjour à l’évêché sera réellement provisoire, encore qu’il y ait hérité de la charge de pro-vicaire. Il y a eu entre-temps une division du diocèse qui amena fes modifications importantes dans l’organisation du travail. Battambang est devenu le siège d’une circonscription ecclésiastique, et le P. Paul Tep Im, jusque-là curé de l’Immaculée-Conception à Phnom Penh, y a pris la charge de préfet apostolique. Il fallait penser à lui donner un successeur. C’est le P. Raymond Couëron qui est choisi pour le remplacer et qui devient le pasteur du village catholique au premier quartier de la capitale, dont l’église avait été « khmérisée » dans son appellation, par son prédécesseur, lequel l’avait placée sous le vocable de « Preah Méada », la divine Mère. Rendons donc la parole au Père. « À la mi-décembre 1968, je prends donc charge de l’importante communauté cambodgienne, de 1900 membres environ, tandis que le P. Joseph Parais continuera à s’occuper des 2500 Vietnamiens. La paroisse est bien rodée et tourne rond ; peut-être aussi en rond ! le groupe des notables cambodgiens se réunit autour du curé une fois par mois : sorte de comité pastoral, il est très utile à la bonne marche des affaires paroissiales, pour peu que ses membres prennent leurs responsabilités. Les notables vietnamiens ont leurs propres réunions. Les écoles primaires tenues par les sœurs, aidées de plusieurs laîcs, comptent plus de 800 élèves. La chorale, formée par le P. Joseph Machon et dirigée par M. Reaksar, rehausse la tenue des célébrations. Comme à Battambang, deux « præsidium » de Légion de Marie – un Khmer et un Vietnamien – font du bon travail ». À ce point que c’est sans le moindre souci pastoral qu’il prend, en 1969, quelque repos en France, du 5 mai au 23 octobre. Trois mois plus tard, le P. François Claudel ayant donné sa démission du poste du supérieur régional, c’est lui qui devra en assurer l’intérim, jusqu’à ce qu’il soit confirmé pour cinq ans dans cette charge, le 11 juillet 1972. C’était là le cadeau que lui faisaient les supérieurs de Paris à l’occasion de ses 25 années de sacerdoce ! Ce jubilé fut fêté en grande liesse dans la paroisse par le peuple chrétien et les confrères ; il évite cependant d’en parler dans son récit, qu’il continue comme si rien ne s’était passé. « J’ai pendant deux ans comme « socius » un charmant confrère, le P. René Martin, à l’humour bien parisien. Il était là afin de faciliter les fréquentes consultations qu’il devait prendre auprès des médecins pour son cœur malade : il avait eu à Chup un premier infarctus. Malgré cela, au cours d’une visite à des amis qu’il rendait dans la capitale vietnamienne, il fut emporté subitement par un autre infarctus, le 13 avril 1972, à la maison régionale de Saïgon. « Par la suite, l’insécurité grandissant dans les provinces, la majorité des missionnaires se regroupe à Phnom Penh. Alors, le P. Gilbert Kongs vient me seconder : il a le contact facile avec les jeunes gens qu’il réunit en petits cercles. Il aura pour successeur le P. Claude Montvuagnard : son charisme à lui est le football où il excelle en meneur de jeu. Revenons à la situation générale du Cambodge. Le pays jouissait d’une paix relative jusqu’à ce que le gouvernement Lon Nol destitue le prince Sihanouk de ses fonctions de chef de l’État, le 18 mars 1970. Il va désormais basculer dans la guerre et l’insécurité. Le lendemain, l’ordre venait du ministère de l’Éducation nationale « de « fermer toutes les écoles privées étrangères chinoises, vietnamiennes et missionnaires » sur tout le territoire. L’école Preah Méada, pas plus que le petit séminaire, n’y échappa. Moins de deux semaines plus tard, la police commence à y regrouper un grand nombre de Vietnamiens de la ville, « volontaires » pour partir au Sud-Vietnam. Peu après, une commission sud-vietnamienne arrive à Phnom Penh pour discuter avec les autorités cambodgiennes des modalités de rapatriement des Vietnamiens ». Il s’agissait d’environ 200.000 personnes, qui seront acheminées principalement vers leur pays d’origine par la marine vietnamienne. Ces opérations seront officiellement terminées le 15 août 1970. Et le Père de conclure : « Dès lors, l’Église du Cambodge devient cambodgienne, quoique localement métissée de vietnamien, comme à Preah Méada ». Il relate encore deux faits de guerre qui se sont produits à proximité de son église, en 1971 et 1973, et qui visaient à couper le pont de Chrui-Changvar ; la première fois sans dommages pour les alentours et avec un succès relatif ; la deuxième réunissant à rendre le pont désormais inutilisable, endommageant quelque peu la toiture de l’ancien presbytère, mais se soldant par une hécatombe : plus de 300 cadavres calcinés resteront pendant deux jours entiers exposés sur l’avenue. Il poursuit son récit, faisant un raccourci des derniers jours avant la débâcle. « Ensuite, la guerre s’est pour un temps éloignée de la capitale, mais s’en rapproche par la suite progressivement : le canon gronde, plus ou moins lointain. Durant les six derniers mois, les citadins sont sans cesse sur le qui-vive, sous une pluie de roquettes qui s’abat sur la ville journellement, et surtout de nuit. Arrive ainsi le triste Chaul Chhnam – nouvel an khmer -, le 13 avril 1975. Face à la victoire évidente des Khmers rouges, et devant leur arrivée imminente, l’ordination épiscopale de Mgr Joseph Chhmar Salas, d’abord programmée pour le dimanche suivant, est avancée au 15 avril. Elle aura lieu à l’église cambodgienne Preah Méada. Malgré l’insécurité, les chrétiens remplissent l’édifice, Mgr Ramousse, seul consécrateur, entouré de tous les prêtres présents à Phnom Penh – hormis les Pères bénédictins empêchés – peut célébrer l’office d’ordination en langue cambodgienne, au cours de la messe chantée. La tension est grande pour toute l’assistance. En effet, une roquette ou deux ont sifflé au- dessus de l’église. Très vive aussi est l’émotion quand le nouvel évêque passe au milieu des fidèles pour donner sa première bénédiction. Le lendemain, tout le clergé se réfugie à l’évêché, et le 17 avril, dans la soirée, va commencer la dispersion de l’Église du Cambodge ». Là se termine le compte rendu établi par le P. Couëron, qui signale simplement, et plutôt sèchement, à propos des événements subséquents, qu’il faut voir , «la destruction systématique des églises après 1975, la volonté des Khmers rouges d’éliminer toutes les religions avec leurs symboles – et en premier lieu le christianisme porteur d’une civilisation occidentale honnie -, et de forger un homme nouveau, athée, affranchi de toute influence capitaliste et imprégné de la seule idéologie marxiste-maoîste ». Comme l’ensemble du clergé, et le personnel étranger des sœurs et des frères, le P. Couëron fut interné dans les jardins de l’ambassade de France, où ils demeurèrent une quinzaine de jours, à l’ombre de quelques touffes de bambous. Puis ils furent emmenés vers la frontière de Thaïlande, par des camions qui les transbahutèrent durant quatre jours. Le 6 mai 1975, pour Raymond Couëron, la boucle était bouclée : il était revenu à la case départ. Toujours l’un des premiers sur la brèche, dès qu’un appel était lancé, il participait, dès les 18 et 19 juillet, à la rencontre organisée par les Missions Étrangères pour connaître les desiderata des confrères chassés de leur pays d’adoption. Il s’agissait de déterminer ceux qui comptaient sur l’offre de nouvelles possibilités missionnaires, et ceux qui souhaitaient dorénavant exercer un ministère en France. Huit jours plus tard, il exprimait au Conseil de la société son choix d’entre les propositions qui avaient été faites : l’île Maurice avait sa préférence. Du 29 septembre au 3 octobre, il prenait part à la session d’information et de réflexion qui préparait cette aventure, et le 5 décembre le conseil lui fixait comme nouvelle destination, le diocèse de Port-Louis. Ayant donné sa démission de régional du Cambodge le 12 décembre, il s’envolait avec quelques confrères le 9 janvier 1976. l’accueil très sympathique dans une maison agréable ne le retint pas longtemps : il profita de l’absence de l’évêque et d’une occasion de visite pour parcourir l’île en tous sens. Rentré au bercail ainsi que Mgr Margéot, celui-ci lui confiait momentanément la paroisse Saint-Patrick, le long de la grand-route qui coupe l’île en deux., et le nommait peu après à la tête du district de Rivière des Anguilles, situé vers le sud de l’île et comprenant, outre ce centre, deux autres villages à desservir : l’un, au milieu des cannes à sucre, s’appelait Camp Diable, et l’autre Bois Chéri, parmi les plantations de thé, Mgr Lesouëf, responsable du groupe MEP en formation, circulait partout à partir du « Foyer Murphy », et servait( un peu de vicaire à son économe pour la célébration dominicale dans l’une des trois églises. Le 12 septembre, on allait reparler des temps révolus, du cher Cambodge crucifié, et évoquer longuement des souvenirs, puisque tous étaient convoqués à Rose-Hill, à la maison commune, où l’ambassadeur de France, M. Merllié, remettait la croix de chevalier du Mérite national au héros de la journée, Raymond Couëron, sur proposition de M. Pavec, naguère encore représentant de la France à Phnom Penh. En présence de l’évêque, des confrères, ainsi que de quelques membres de sa Fabrique d’Église et de son
Références
[3804] COUERON Raymond (1917-1992)
Références bibliographiques
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