François DARRICAU1919 - 1997
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 3805
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Naissance
Décès
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Biographie
[3805] DARRICAU François est né le 5 octobre 1919 à Bardos (Pyrénées-Atlantiques).
Il entre aux MEP en 1938. Il est prisonnier en Allemagne de 1940 à 1945.
Ordonné prêtre le 29 juin 1947, il part le 14 novembre suivant pour la mission de Saigon. Après avoir étudié le vietnamien au Cap Saint-Jacques (Vũng Tàu) et à Cho Quan, il est nommé professeur au petit séminaire de Saigon. En 1953, il est curé de la paroisse de Don Duong. En 1954, il passe à Djiring, puis en 1955 à Kala, avant d’aller fonder en 1958 un nouveau poste à M'Lon. À partir de 1961, tout en restant attaché à son poste, il est nommé responsable de l'évangélisation des Montagnards dans le diocèse de Dalat.
Expulsé du Vietnam en 1975, il reçoit une nouvelle affectation pour le diocèse de Palembang, en Indonésie. Il est curé de Bengkulu jusqu’en 1984. Un infarctus l’oblige à prendre une semi-retraite à Curup jusqu’en 1987, puis il revient définitivement en France.
Il se met alors au service du Centre France-Asie à Paris, avant d’être nommé, en 1993, supérieur de la Maison de Paris.
En 1997, il se retire au sanatorium de Montbeton où il meurt le 30 août 1997.
Nécrologie
François DARRICAU
(1919 – 1997)
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François DARRICAU, fils de Pierre et de Marie Minjonnet originaire de Hélette, naquit le 5 octobre 1919, à sept heures du matin, à la maison "Albinoritz", à Bardos (Bardotze), village situé à la limite du pays basque et du Béarn, dans l'actuel département des Pyrénées Atlantiques, et le diocèse de Bayonne. Bardos comptait à cette époque un millier d'habitants, en majorité de langue basque. Ses parents étaient cultivateurs, propriétaires d'une grande et solide maison bâtie vers 1802, mais dont certaines pierres portaient la date de 1769. François était le cinquième enfant, et l'unique garçon d'une famille qui en compta sept. De très bonne heure, il participa aux activités de la maison et aux divers travaux saisonniers de la ferme.
"J'eus une enfance heureuse, écrit il dans ses "Souvenirs", au milieu de mes six soeurs...Nous parlions toujours en basque, et je ne savais pas un mot de français, avant d'aller à l'école qui se trouvait à trois kms près bourg, une école libre de filles, mais les tout petits garçons en maternelle y étaient aussi reçus". Il s'y rendait en compagnie de ses soeurs, à pied, emportant le repas de midi, pris à la maison Chaharnier, proche de l'école, car à l'époque, il n'y avait pas de cantine scolaire. A cinq ans, François passa à l'école publique toute proche où il fit ses études primaires. Il apprit en basque prières et leçons du catéchisme qu'il fallait réciter à M.l'Abbé ou à M.le Curé. Il fut enfant de choeur. Le dimanche et les jours de fête l'église paroissiale était pleine ; les hommes occupaient les galeries; les enfants avaient leur place, les garçons à gauche, les filles à droite, et toute l'assemblée chantait à pleine voix la messe en latin. Quant aux fêtes de famille, elles étaient joyeuses et réunissaient toute la parenté.
En octobre 1930, conseillé par son curé, et par plusieurs séminaristes de la paroisse, François entra en classe de 6ème, au petit séminaire d'Ustaritz, où il fit ses études secondaires, déjà avec l'intention de devenir prêtre. Une année au petit séminaire d'Ustaritz, on avait lu au réfectoire la vie de Théophane Vénard ; ce récit lui donna à penser qu'il pourrait peut être lui aussi s'engager dans la vie missionnaire en pays lointain. En octobre 1936, il se dirigea vers le grand séminaire de Bayonne; il y passa deux années heureuses à étudier la philosophie, à faire sa préparation militaire, et il confia à son directeur son projet de vie missionnaire.
Encouragé dans son choix, François présenta une demande d'admission au séminaire des Missions Etrangères de Paris. Il reçut un réponse positive, en mai 1938. Voulant se libérer de ses obligations militaires avant d'entrer au séminaire de Paris, il demanda un engagement par devancement d'appel. Ainsi, au début d'octobre 1938, il fut affecté au 18ème Régiment d'infanterie, à Bayonne, au Château-Neuf. Ayant refusé de suivre le peloton des Elèves Officiers de Réserve, il fut envoyé d'office à Pau pour suivre celui des Elèves Sous-Officiers de Réserve qui se termina en avril 1939, puis il revint à Bayonne.
A la déclaration de la 2ème guerre mondiale, François, atteint d'une congestion pulmonaire, resta à l'infirmerie du Château-Neuf, à Bayonne ; sa santé rétablie, il devint instructeur du peloton des élèves caporaux à la citadelle de Bayonne; le stage terminé, affecté au 49ème d'Infanterie Alpine, il partit pour "le front", à Bitche, en Alsace, où il resta jusqu'au 10 mai 1940. Son unité fit alors mouvement à marches forcées, de jour et de nuit, vers le col du Donon, dans les Vosges et résista à l'ennemi jusqu'au cessez-le-feu du 22 juin 1940.
Alors, commença pour François, la vie de prisonnier de guerre, d'abord à Sarrebourg où l'abbé Soubelet, originaire d'Hasparren le guérit de la dysenterie et le sauva de la mort grâce à une petite bouteille d'eau-de-vie. Quelques temps après, avec ses camarades et dans des wagons à bestiaux, il fut dirigé sur l'Allemagne, au stalag IV B, à Mulhberg-sur-Elbe, en Saxe-Silésie. .."J'eus, dit il, le matricule 54.047. Je m'en souviendrai toute ma vie."
Il y avait dans ce camp, une douzaine de prêtres, et parmi la foule des prisonniers, un groupe de basques. Une chorale fut organisée, un groupe de théâtre mis sur pied, et un bâtiment affecté pour ces "activités culturelles"; les vainqueurs avaient décidé de faire de ce stalag, un camp de prisonnier pilote apte à recevoir les visites des délégués de la Croix-Rouge et autres organismes internationaux. Au début une aumônerie catholique et protestante fut autorisée, et la messe était célébrée en plein air, le dimanche.
Les autorités allemandes du camp autorisèrent l'ouverture d'un centre d'études, et même d'une "Université"; en effet, parmi cette foule de sous-officiers prisonniers, il y avait un certain nombre de professeurs d'Université. Un basque, l'Abbé Etienne Salaberry de Hélette, professeur de philosophie au petit séminaire d'Ustaritz, en fut le recteur. Des professeurs de séminaire prisonniers eux aussi organisèrent des cours de théologie que François et Raymond Couëron suivirent régulièrement pendant deux ans..." Je n'ai jamais autant lu, autant écrit que pendant ces cinq ans de stalag ! Je n'ai pas perdu mon temps.." note encore François, dans ses "Souvenirs".
Vers 1942, ce camp de sous-officiers qui ne travaillaient pas devint un scandale pour la population allemande. Aussi des Kommandos de travail furent organisés ; François, désireux de sortir un peu du stalag, déchargea, pendant un mois, des péniches chargées de billes de bois pour une usine à papier, sur l'Elbe, près de Dresde. Puis, avec les sous-officiers réfractaires au travail, il fut envoyé à l'Oflag IV D, où il fit la connaissance de M. Louis Pasteur des Missions Etrangères. Ce dernier qui avait le grade de commandant, réunissait pour des lectures spirituelles François Darricau et Raymond Couëron, tous deux aspirants des Missions Etrangères.
Mais quelques temps après, les allemands mirent fin à la vie commune des officiers et sous-officiers à l'Oflag IV D, suite à certaines évasions. François ainsi que tous les sous-officers réfractaires au travail, regagnèrent Mulhberg, et le stalag IV B pour être envoyés à Kobierzin, en Pologne, un camp plus dur. François, qui avait un très gros anthrax à la nuque et était couvert de furoncles, n'était pas en état de supporter les fatigues d'un voyage de trois ou quatre jours dans des wagons à bestiaux. Il réussit, non sans peine, à rentrer à l'infirmerie du camp, où le Docteur-Lieutenant Offman, médecin militaire français prisonnier et d'origine juive le cacha, le soigna, et le guérit. Porté "évadé" sur les listes du camp, François réussit à être réintégré dans les effectifs, grâce à la complicité de camarades qui travaillaient dans les bureaux administratifs du camp. Il s'inscrivit alors comme ouvrier-cordonnier dans l'atelier du camp, où il répara des sabots tout l'hiver. Dehors, il faisait jusqu'à moins 35° avec six mois de neige.
Les beaux jours revenus, François voulut changer de métier ; on lui proposa de rentrer dans l'équipe de la "corvée de pain". Ainsi, avec cinq camarades, quotidiennement, il se rendait à pied à la gare de Mulhberg, située à trois kms du camp, pour décharger des wagons remplis de pain. Un wagon pouvait contenir jusqu'à cinq mille pains rectangulaires de deux kgs chacun ; des camions les transportaient jusqu'à la cuisine du camp où on les remisait en les comptant à haute voix. Des erreurs de calcul permettaient de subtiliser, non sans risques sérieux, quelques 170 kgs de pain par mois ; cela permettait de nourrir les camarades "clandestins" non inscrits sur les listes d'effectif des baraques, et d'améliorer l'ordinaire.
"J'ai travaillé deux ans, écrit François dans ses "Souvenirs", les deux dernières, à cette corvée de pain, jusqu'au 23 avril 1945 où l'armée russe nous libéra...Nous sommes restés un mois sous la coupe de l'armée rouge, sans aucun ravitaillement normal..Rien ne marchait plus.." Mais par miracle, durant cette période, quatre wagons de biscuits se trouvèrent immobilisés en gare de Mulhberg ; ce ravitaillement providentiel permit aux prisonniers français de survivre jusqu'au 24 mai 1945. Ce jour là, à pied, ces derniers rejoignirent la ville de Torgau, à 30 kms, sur l'Elbe où, nombre pour nombre, s'effectuaient les échanges de prisonniers russes et alliés. Enfin, le 1er juin 1945, François retrouvait son pays natal. Les formalités de démobilisation accomplies à Dax, il partit prendre contact avec les Missions Etrangères à Paris.
Le 1er Octobre 1945, M. François Darricau, admis depuis mai 1938, entra au séminaire des Missions Etrangères où il compléta ses études de théologie commencées en captivité. Tonsuré en octobre 1946, il reçut peu après les ordres mineurs ; sous-diacre en novembre 1946, diacre en décembre 1946, ordonné prêtre par Mgr. Lemaire, le 29 juin 1947, il reçut sa destination pour le vicariat apostolique de Saïgon. Il quitta Paris le 14 novembre 1947, mais ne s'embarqua à Marseille que la veille de Noël 1947, en raison de grèves qui avaient duré presque trois mois.
Après quelques jours passés à découvrir la ville de Saïgon, François partit au Cap Saint Jacques, l'actuel Vung-Tau, chez M.Roger Thommeret, curé de cette ville, afin d'y étudier la langue viêtnamienne et de s'initier à la pastorale missionnaire. Mais son professeur de langue, un petit instituteur sans méthode, ne le faisait guère progresser en viêtnamien. Il fit part de ses difficultés à Mgr. Cassaigne; Celui-ci, en juin 1948, l'envoya continuer l'étude du viêtnamien, en compagnie de M. Paul Bardet, au couvent des Amantes de la Croix, à Choquan, dans la banlieue de Saigon. Il trouva là une professeur dévouée, patiente et remarquable en la personne de la Soeur Anne-Marie. En même temps, il assura l'aumônerie du collège des Eurasiens de Cholon.
En octobre 1949, François fut nommé professeur de français pour les classes de 4ème et 3ème , au petit séminaire de Saigon dont l'effectif atteignait environ 140 élèves. L'année suivante, chargé de l'économat du petit et du grand séminaire, il n'assura plus que les cours d'histoire et de géographie dans les classes terminales. De février 1952 à octobre 1953, il enseigna la philosophie au grand séminaire de Saïgon. Mais il consacrait une partie de ses vacances au ministère paroissial au pénitencier de l'île de Poulo-Condore, où il se rendait en bâteau ; là, étaient détenus quelques dix mille prisonniers politiques ou de droit commun.
En octobre 1953, ayant manifesté le désir de parfaire sa connaissance de la langue viêtnamienne, François quitta le séminaire ; Mgr. Cassaigne l'envoya sur les Hauts-Plateaux, à une cinquantaine de kms de la ville de Dalat. Il lui confia la petite paroisse viêtnamienne de Dran (Don-Duong) avec trois chrétientés s'y rattachant, installées dans une grande vallée arrosée par le fleuve "Dà-Nhim", à mille mètres d'altitude. Il commença par construire un presbytère à Dran ; pendant la construction de celui-ci, François logea chez son voisin, le P. Binh, futur archevêque de Saïgon, alors curé à Entre-rays, importante plantation de thé. Durant son séjour en cette vallée de Dran, il contacta les villages montagnards qui y étaient établis.
A la fin de 1954, remettant son poste à M. André Hugueny, François fut nommé à la paroisse de Djiring, avec M. Jean Moriceau, puis rappelé à Saïgon au début de 1955..." Quand j'eûs fini de construire le presbytère de Dran, raconte François dans ses "Souvenirs", mon évêque me changea de poste et me mit à Djiring, (Dilinh) toujours sur les Hauts-Plateaux, à 100 kms au sud de Dran, sur la route qui menait à Saïgon qui était encore à 200 kms. Je me demandais ce que préparait ce changement, et je fus bientôt fixé : j'étais appelé à Saïgon, à l'évêché, comme procureur de la Mission...Je n'eûs pas le courage d'accepter... Du coup, je fus renommé professeur au grand séminaire. Je préparais mes cours à Mytho, grosse paroisse au sud de Saïgon, mais on me dit que c'était le P. Binh qui enseignerait la théologie fondamentale... On me demanda de préparer les cours de morale fondamentale, mais cela aussi fut confié au P. Mâu qui devint plus tard évêque de Vinh-Long..."
En 1955, Mgr. Cassaigne, vicaire apostolique de Saïgon, donna sa démission et se retira à la léproserie qu'il avait fondée à Djiring, vers 1927. Mgr. Simon Hoa Hiên lui succéda à la tête du vicariat. Quant à François, à la fin de 1955, il fut envoyé à Kala et chargé de la léproserie de Djiring où il remplaça M. Rubat du Mérac qui partait en congé. Il se mit à l'étude de la langue montagnarde; grâce à l'aide du Secours Catholique Américain, il construisit une école pour les filles montagnardes, une résidence pour les Soeurs Filles de la Charité chargées de l'école et de la léproserie; il améliora la piste entre Kala et la léproserie et donna l'hospitalité à Mgr. Cassaigne, en attendant que ce dernier eût sa petite maison à la léproserie.
Au retour de M. Rubat du Mérac à Kala, François partit en congé. Arrivé en France le 29 mars 1957, il en repartit le 1er octobre 1957 ; revenu à Kala pour quelques mois, il allait faire des tournées de reconnaissance dans la vallée de Dran qu'il connaissait bien. En juillet 1958, il se fixa à M'Lon à mi-chemin et en bordure de la route reliant Dran à Fimnon ; là, il établit le premier poste missionnaire auprès des montagnards de la vallée. Circulant dans les villages, soignant les malades, aidant les pauvres, s'interessant à l'école montagnarde installée au village de Kade, proche de M'Lon, il s'attira rapidement les sympathies d'une population méfiante au premier abord, jusqu'au jour "un des plus beaux de ma vie missionnaire" dit il, où vers la fin de 1960, il reçut une délégation de chefs de villages conduite par Mr. Touneh-han-Dang, le grand chef des montagnards de toute la région ; ce dernier ayant eu un songe, venait demander avec les chefs, ses compagnons, la signification de son songe, et ils désiraient être admis comme catéchumènes.
Cependant, abandonner croyances et pratiques religieuses ancestrales provoqua de longues discussions et parfois de vives réactions dans certains villages, comme de fut le cas à Proh-Ngo, où tout le monde n'était pas d'accord. Les femmes menaçantes n'acceptaient pas ce changement. Il fallut attendre, beaucoup expliquer et instruire avec patience ; mais, ce ne fut qu'après un nombre d'années variable d'initiation progressive à la vie chrétienne qu'eurent lieu les premiers baptêmes conférés par Mgr.Simon Hoà Hiên, évêque de Dalat.
Sur un terrain de 2 ou 3 hectares concédé par les montagnards, et avec l'aide du Secours Catholique Américain, François édifia à M'Lon, une résidence plus confortable, il agrandit sa chapelle, construisit un dispensaire, une école-pensionnat pouvant accueillir environ 150 jeunes filles montagnardes, et une maison pour les soeurs Franciscaines Missionnaires de Marie. Celles-ci s'intallèrent officiellement à M'Lon le 6 janvier 1960, et prirent la direction de l'école et du dispensaire. Ce même jour, le P. Duchesne, directeur du Secours Catholique Américain au Sud Viêtnam procéda à la bénédiction de ce nouveau Centre Montagnard. En 1961, François fit appel aux Pères Lazaristes de Dalat pour l'aider et le remplacer à M'Lon, car sérieusement malade, il dut être rapatrié d'urgence en France, où il arriva le 13 août 1961 et y séjourna jusqu'au 5 juin 1962. A son retour, il reprit la direction du Centre Montagnard de M'Lon et confia aux PP. Lazaristes l'évangélisation de l'ethnie "Churu-Roglai" fixée dans cette vallée.
L'évangélisation des ethnies montagnardes des Hauts Plateaux du Sud Viêtnam à laquelle travaillaient plusieurs instituts missionnaires masculins et féminins, (Missions Etrangères, Lazaristes, Rédemptoristes, Dominicains, Amantes de la Croix, Franciscaines Missionnaires de Marie, St. Paul de Chartres etc....) et des prêtres viêtnamiens était en plein développement. En raison de la spécificité de ce travail missionnaire, plusieurs confrères avaient suggéré que de nouvelles structures soient mises sur pied pour la direction et le financement de l'apostolat auprès des montagnards. La ville de Banméthuôt, capitale du pays montagnard, avait été proposée comme résidence possible pour un nouvel évêque ayant juridiction sur le monde des minorités ethniques.
Un jour, François, averti par M. Audigou, supérieur régional, reçut une invitation de Mgr. Caprio, Délégué Apostolique au Sud Viêtnam, à venir le rencontrer à Dalat. Ce dernier lui parlant du plan qu'il avait conçu à propos des Montagnards, lui demanda son avis à propos de l'installation d'un nouvel évêque à Banméthuôt. Dans une discussion très courtoise qui dura près de trois heures, François fit valoir qu'en raison de la situation politique présente, de la guerre qui s'étendait à tout le pays, de la position fort délicate des missionnaires étrangers au Sud Viêtnam, la nomination d'un évêque étranger en charge des les minorités, semblait inopportune; de plus, vu le développement croissant de l'église viêtnamienne, l'immensité du territoire à administrer et la diversité des langues des minorités ethniques, la réalisation d'un tel projet paraissait difficile ; le temps était venu de remettre ce travail missionnaire entre les mains de l'Eglise du Viêtnam. A son avis, une meilleure solution serait de créer des nouveaux diocèses moins étendus, confiés à des évêques viêtnamiens.
Le 8 décembre 1961, on apprit à Saïgon l'établissement de la hiérarchie dans l'église du Viêtnam, la nomination de quatre nouveaux évêques viêtnamiens, et l'érection du diocèse de Dalat, confié à Mgr. Simon Hoà Hiên. Celui-ci demanda à François d'organiser l'évangélisation des montagnards dans son diocèse, en faisant le lien entre missionnaires des diverses congrégations, prêtres viêtnamiens volontaires, et religieuses des divers instituts. En 1970, François fut nommé responsable du groupe missionnaire Mep travaillant dans le diocèse de Dalat, charge qu'il garda jusqu'en 1975, date de son départ forcé du Viêtnam.
En 1966, malgré la guerre et l'insécurité de plus en plus présentes, il avait contacté quelques 32 villages montagnards ; son centre montagnard à M'Lon avait été attaqué à plusieurs reprises par les "Viêt-Côngs". Ceux-ci, repoussés pour un temps, avaient provoqué le bombardement des villages montagnards, leur déplacement et obligé le regroupement de milliers de réfugiés qui avaient trouvé asile au Centre Montagnard. Grâce à l'aide du Secours Catholique Américain, François les aida à survivre et à se réimplanter dans les environs. Quant aux jeunes, ils préféraient s'en aller loin de chez eux pour éviter la mort ou un enlèvement par les "Viêt-congs". Sollicités par des agents de l'armée américaine, attirés par l'argent et la vie plus facile, ils s'engageaient souvent dans les "Spécial Forces" USA.
En 1966 les visas de séjour des jeunes missionnaires en Birmanie n'étant pas renouvelés, ceux-ci furent obligés de rentrer en France, où, après un temps de repos, ils reçurent une nouvelle destination. C'est ainsi qu'en 1967, François reçut du renfort en la personne de M.Henri Jourdain, et d'un prêtre viêtnamien. Il put partir en congé en France du 19 juillet 1968 au 7 janvier 1969.
A son retour, avec l'aide de M.Henri Jourdain, et le concours de M. Nicolas, habile mécanicien de Dalat, il améliora les implantations des réfugiés par des adductions d'eau, et la mise en valeur de certains terrains qui permirent la création de nouveaux villages. ." Un planteur français, raconte François, dans ses "Souvenirs", à deux ou trois kms de chez moi, possedait 170 ha de très bon terrain près du fleuve "Dà-Nhim", mais sa vie était en péril .. Il décida de rentrer en France, me confiant la garde de ses terrains. Je mis aussitôt tous les réfugiés à cultiver champs et rizières... mais il y avait aussi de la forêt à défricher.. Je demandais l'aide d'un entrepeneur garagiste de renom à Dalat qui me prêta des Buldozers et me conseilla d'acheter des tracteurs avec l'aide du Catholic Relief Service, de Misereor et aussi des Anglais... Je reçus la visite de l'Abbé Pierre qui passa une journée chez moi, voulant tout voir en me promettant aussi de m'aider.."
Ce fut l'occasion de lancer une école pratique de mécanique pour initier les montagnards à la conduite et à l'entretien des tracteurs et autres engins. C'est dans ce but que, vers 1973, M. Henri Jourdain qui avait des connaissances et des aptitudes, partit en France pour se perfectionner en faisant un stage chez Citroën.
Mais la situation politique et militaire se dégradait rapidement au Sud Viêtnam. M'Lon fut attaqué et occupé neuf fois, puis libéré. La visite des villages devenait difficile. La nuit, il fallait se tenir prêt à gagner l'abri souterrain conduisant hors de la maison ; l'entrée de l'abri se trouvait au pied du lit. On avait même informé François indirectement qu'il était condamné à mort par les "Viêtcongs"
A partir de mars 1975, la situation générale au Sud Viêtnam empira très vite; les communistes marchaient de victoire en victoire ; l'armée nationale était en déroute, ce qui provoqua l'exode massif des populations civiles. Le 19 mars 1975, Mgr. Lâm, nouvel évêque de Dalat, prenait possession de son siège. .." Je voulus y aller, écrit François, dans ses "Souvenirs", mais la route était coupée, les "Viêt-congs" étaient là, et je fis demi-tour, bien vite ! C'était à 10 kms de chez moi. " Et la ville de Dalat était sur le point d'être investie.
Avec d'autres confrères, François quitta M'Lon et tous se dirigèrent vers Phanrang, puis Nhatrang afin de rejoindre Saïgon par la mer jusqu'au Cap Saint Jacques; la route directe Dalat-Saigon était coupée en plusieurs endroits, mais celle du Cap St.Jacques à Saïgon était encore libre.
Plusieurs confrères étaient déjà arrivés à la maison Régionale de Saïgon attendant une place d'avion pour rentrer en France. Le 6 avril 1975, François atterit à Paris. Après un temps de repos au pays basque, il revint à la rue du Bac, où le Supérieur Général avait convoqué les confrères expulsés d'Indochine, en vue d'étudier certaines propositions et projets de travail missionnaire venant d'Asie, de l'Océan Indien ou d'Amérique Latine.
Une demande venait d'Indonésie où les Missions Etrangères n'étaient plus présentes depuis des siècles. Attiré par ce grand pays, et, en attendant le visa d'entrée, François et plusieurs autres confrères commencèrent à Paris l'étude de la langue indonésienne, sous la direction de Mr. Pierre Labrousse, maitre assistant à l'INALCO (Institut National des Langues et Civilisations Orientales), et de son épouse indonésienne Farida Soemargono, avec la collaboration de M. Denys Lombard.
Les cours terminés, François reçut sa destination pour le diocèse de Palembang à Sumatra, qu'il partit rejoindre le 20 octobre 1976. Accueilli par les religieux du Sacré-Coeur de Saint-Quentin, dès son arrivée, Mgr.Soudant lui proposa de partager le souci de la paroisse de la cathédrale de Palembang. Là, François se dépensa auprès des jeunes pour lesquels il organisa un service de bibliothèque.
Au cours d'un voyage d'étude et de détente, il découvrit la province occidentale de Bengkulu. Sept mois après son arrivée en Indonésie, son évêque lui offrit la charge de curé de la cathédrale à Palembang; ayant refusé cette proposition, il fut heureux de devenir curé de Bengkulu, ville chargée d'histoire, propre et coquette de 90.000 habitants, à 500 kms de Palembang, chef-lieu de province, sur la côte de l'Océan Indien. Sa paroisse de 700 fidèles dispersés sur une très grande étendue territoriale comprenait aussi cinq chrétientés situées hors de la ville. Il prit ses fonctions le 7 juillet 1977. Il assura en outre l'économat du groupe Mep, en Indonésie.
A Bengkulu, écrit François dans ses "Souvenirs" :. " Il y avait une petite église, vieille, pas bien solide, peu de chrétiens pratiquants, des chinois surtout... Ils étaient restés sans curé pendant quelques années. Il n'y avait pas de vie dans la paroisse, et ils furent tout étonnés et ravis de me voir m'installer en permanence parmi eux, et on vit de plus en plus de monde à l'église le dimanche..J'avais la chance d'avoir tout près de l'église un grand collège appartenant à la paroisse, à l'évêché, tenu par les Soeurs "Carolus" (St.Charles Borromée), avec plus de deux mille élèves, de la maternelle aux terminales. Les trois quarts étaient musulmans de bonne famille, l'école étant très recherchée à cause de ses résultats...les chrétiens pauvres y étaient accueillis gratuitement..." Très à l'aise dans l'animation de l'école, il invita tous ces jeunes à l'église le samedi soir, après les cours, à des répétitions de chants. Son appel fut entendu.. " On chantait, c'était gai, c'était vivant " écrit il. Après une bonne prise de contact, la maitrise de la langue, une étude des lieux, des gens et des besoins, une adaptation progressive aux mentalités et aux coutumes, il rentra en congé en France où il arriva le 28 juin 1979.
De retour à Bengkulu à la Toussaint 1979, il y reprit ses activités et se consacra en priorité à la construction d'une nouvelle église, dès mars 1981. .." Mais, écrit il, mon évêque n'était pas du tout de cet avis. Il me donna l'autorisation d'agrandir la vieille église..." François avait projeté de transformer celle-ci en salle paroissiale, et avait préparé les plans pour le nouvel édifice. Avec l'accord de sa communauté chrétienne, les ouvriers creusèrent les fondations.. "Mais, écrit il, il y avait l'évêque ! Que dirait il ? Qui allait l'avertir ?. Le Curé ou bien le Conseil Paroissial ? Je voulais envoyer une délégation à Palembang affronter notre évêque, mais tout le monde en avait peur. Je fus forcé d'y aller au bout de trois semaines de travaux...et je fus fort mal reçu, comme on pouvait s'en douter. Je revins rendre compte aux paroissiens qui voulurent continuer les travaux..."
Une haute personnalité écclésiastique du diocèse, amie de l'évêque, et envoyée par lui, vint interroger les paroissiens et étudier la situation..."Bref, continue François, finalement tout s'arrangea. L'évêque me donna de l'aide, et en un an, le gros travail fut achevé : 30 mètres de long sur 18 mètres de large, sans pilier...Notre évêque vint bénir l'église, la trouva belle et fut toujours d'un sourire radieux, et me félicita...Quand je fus forcé de quitter l'Indonésie pour raison de santé, il m'écrivit une lettre d'éloges et de remerciements qui me firent pleurer ! Je n'en avais jamais eu de pareille ! C'était en 1981-82.." C'est alors que lui arriva en renfort le P.Nicod, ce qui permit à François de rentrer en France durant quelques mois, en 1982.
Durant ce congé, il participa à la canonisation à Rome de Sainte Jeanne Delanoue de Saumur, dont quelques Soeurs travaillaient à Sumatra. Mais, il s'en fallut de peu qu'il n'y participât point; invité à la concélébration papale, il n'avait ni mitre ni soutane violette. Mais le Saint Père veillait : "Enfin, lui dit il, un 2ème classe à l'honneur." Ainsi, à cette occasion, François concélébra avec le Pape, honneur partagé avec tout le groupe missionnaire d'Indonésie. Le 3 décembre 1982, il repartit pour Sumatra.
En janvier 1984, François fut nommé curé à Curup, chef-lieu de la sous-préfecture de Rejang-Lebong, ancienne station d'altitude en plein coeur de la "Cordillère sumatranaise". Il fallait agrandir l'église, administrer et surveiller l'école dont l'effectif atteignait 1.500 élèves. "J'étais content de vivre à Curup, à 700 mètres d'altitude, il faisait bon, écrit François, mais hélas, nouveau coup dur : deux infarctus coup sur coup, intransportable.." Après deux mois d'attente, il fut évacué sur Jakarta et hospitalisé à la clinique tenue par les Soeurs "Carolus", puis rapatrié en France. Il y il arriva le 23 novembre 1984 et y séjourna jusqu'au 5 mai 1985.
".. Six mois après, écrit il, j'allais beaucoup mieux et je repartais pour l'Indonésie, pour un travail peu fatigant.." Deux ans après, la grande fatigue l'obligea à rentrer en France, en mars 1987. Hospitalisé à la clinique d'Ustaritz pour un infarctus soigné à temps, il reprit les forces suffisantes pour accepter, dès août 1987, un travail auprès des étudiants asiatiques du Centre France-Asie, à Paris, où il prit en charge des cours de Français ; le 1er décembre 1987, il reçut sa nomination de directeur adjoint de ce Centre; elle lui fut renouvelée le 1er décembre 1990.
Au bout de six ans de ce travail passionnant, François accepta pour une durée de trois ans, la charge de supérieur de la Maison de Paris. Il s'en acquitta avec conscience et dévouement, à la satisfaction de tous.
En avril 1996, à l'âge de 77 ans, il demanda à prendre sa retraite à la maison St. Raphaël à Montbeton où il entra le 1er octobre 1996.. "M'y voici depuis plus de trois mois, très heureux avec 36 confrères plus ou moins malades, maison médicalisée, personnel soignant sérieux et charmant. J'espère y fêter mes 50 ans de sacerdoce ce 29 Juin 1997.".. Telles sont les dernières lignes de son manuscrit "Souvenirs" à la date du 24 janvier 1997.
Le 21 février 1997, le Supérieur Général et les membres de son Conseil firent encore appel à lui, pour assurer, par interim, la direction de la maison St.Raphaël à Montbeton, jusqu'à l'arrivée d'un nouveau supérieur. C'est ce qu'il fit avec bonheur jusqu'à la veille de son hospitalisation, deux mois avant sa mort. Il fêta à Montbeton ses noces d'or sacerdotales, le 29 juin 1997.
Il décéda à Montauban le 30 août 1997. Ses obsèques eurent lieu le lundi 1er septembre 1997, à 15 heures à Montbeton.
Octobre 2000