Lucien MEYER1922 - 2001
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 3818
Identité
Naissance
Décès
Autres informations
Missions
- Pays :
- Japon
- Région missionnaire :
- 1948 - 1998 (Tokyo)
Biographie
[3818] MEYER Lucien est né à Behren-lès-Forbach (Moselle) le 16 juillet 1922.
Ordonné prêtre le 21 décembre 1947, il part le 30 avril suivant pour la mission de Yokohama (Japon).
Après avoir étudié le japonais, il est nommé en 1948 aumônier de la communauté Saint-Joseph de Nasu (Kochigi). Il est ensuite successivement curé de Mishima (Shizuoka) (1954-1984), curé de Fuji-Yoshiwara (1984-1998), et professeur d’allemand à l’Université Nihon Daigaku.
En 1998, il quitte le Japon et se retire dans sa famille à Forbach, puis à la maison d’accueil de Lauris où il meurt le 5 mai 2001.
Nécrologie
NOTICE NECROLOGIQUE
Père Lucien MEYER
16 juillet 1922 – 5 mai 2001
En France
A l’automne de l’année 1944, le Séminaire de la rue du Bac rouvrait ses portes. Paris avait été libéré en août et les aspirants pouvaient enfin reprendre le cours de leurs études. En quelques mois, nous nous sommes alors retrouvés nombreux, venant de divers chemins. Il y avait ceux du maquis et de la Résistance, les démobilisés de l’Armée de Libération, ceux qui avaient été prisonniers depuis 1940 et qui venaient d’être libérés, et aussi ceux qui s’étaient réfugiés en Suisse ou en Espagne.
Nous étions deux ou même trois par chambre, et la chapelle était presque trop petite pour nous réunir tous. Le Père Paul Destombes était le Supérieur, assisté des Pères Anoge, Dedeban, Hamon, Fuma…
Nous nous réunissions par oratoire de province. A l’oratoire d’Alsace-Lorraine, il y avait un grand jeune-homme mince qui arrivait de Breslau, en Silésie, où sous un nom d’emprunt il avait réussi à être assistant d’un professeur de Chimie biologique à l’Université de cette ville, pour éviter d’être incorporé dans l’armée allemande. C’était notre confrère Lucien Meyer. Né le 16 juillet 1922 à Behren par Forbach, en Moselle, il avait dû quitter Forbach au début de la guerre, s’était réfugié en Charente puis en Bretagne, avant d’aller en Allemagne – avec de faux papiers – dans l’intention de venir en aide à ses deux frères pris par le Service du Travail obligatoire (STO). Il était heureux de venir enfin poursuivre ses études et se préparer à l’ordination et au départ en mission.
Il fut ordonné le 21 décembre 1947 par Mgr Lemaire, et reçut sa destination le même jour pour la mission du Japon.
Premières années de mission
Notre confrère le Père Milcent gardait souvenir de ce départ et des premières armes du Père Lucien Meyer. “Nous sommes arrivés au Japon ensemble, avec aussi les Pères Jachet et Augmard, le 18 juin 1948. Nous étions les premiers désignés pour le Japon après la Guerre. Notre bateau, l’André Lebon, ne nous amena que jusqu’à Shanghai. Ensuite nous avons pris un Liberty ship, de Shanghai à Yokohama. A Tokyo, nous sommes allés nous installer dans une maison de l’oeuvre du Père Flaujac, la Maison de Bethléhem pour étudier le japonais. Mais la vie renfermée dans une oeuvre catholique pesait au Père Meyer, et dès le mois de novembre 1948 il alla s’installer à Nasu, au Nord de Tokyo, pour continuer l’étude du japonais, tout en ayant quelques activités. Il allait visiter les villages voisins, enseignait le catéchisme. Il avait aussi commencé une petite revue pour enfants – traduction de “Coeurs Vaillants” -, mais son japonais n’était pas encore au point, et cela ne dura pas.”
En 1948, de nombreux jeunes missionnaires avaient été désignés pour des diocèses de Chine. Mais dès 1950 les étrangers résidents en Chine ont été contraints, selon les directives du Gouvernement de Mao Tsé Tong, de quitter le pays. De Paris, le Père Destombes, vice-Supérieur de la Société, était venu s’installer à Hong-Kong. A ses anciens séminaristes, devenus missionnaires en Chine et qui quittaient leur pays d’adoption, il donna une nouvelle destination. C’est ainsi que nous nous sommes retrouvés quatre sur le même bateau à Chunking pour descendre le Fleuve Bleu, le Yang Tse Kiang. Après notre arrivée à Hong-Kong, à la fin de novembre 1951, nous avons été désignés tous les quatre pour le diocèse de Yokohama, au Japon. Nous sommes arrivés dans notre nouvelle mission le 29 février 1952. Notre connaissance de la langue chinoise nous fut une aide pour l’étude du japonais, et dès l’automne de l’année 1953 nous avons été envoyés en différents districts de ce vaste diocèse.
Nous savions que le Père Meyer était au Japon, mais il était dans la région au Nord de Tokyo, et nous n’avions pas encore eu l’occasion de le rencontrer. Il était dans les oeuvres du célèbre Père Flaujac. Cet Aveyronnais, dans les années d’avant la guerre du Pacifique,
avait fondé une série d’oeuvres sociales à Tokyo et dans la banlieue : écoles pour enfants défavorisés, hôpital pour tuberculeux, maison pour enfants retardés, maison pour jeunes ayant eu des problèmes avec la Police, etc. Il était aidé en cela par une Congrégation de Soeurs japonaises, les Soeurs de Béthanie. Chose peu ordinaire, il avait des relations très amicales avec l’Empereur Hirohito, qui lui avait fait don d’un vaste terrain près de Nasu. C’est là que notre Père Meyer faisait ses “premières armes”. Y eut-il un différend entre le Père Flaujac et notre confrère? Nous avons vu ce dernier arriver au diocèse de Yokohama dans les premiers mois de l’année 1954.
Pionnier de Mishima
Le diocèse de Yokohama, à l’ouest de Tokyo, est formé de quatre provinces, et l’une des provinces, celle de Shizuoka, était confiée à la Société des Missions Etrangères de Paris. Située en bordure du Pacifique, avec le Mont Fuji comme point dominant (3,776 m.) . C’est une région au climat agréable , sauf l’été qui est assez pénible . Des vergers de mandariniers couvrent les collines, et les champs de thé ont leur production recherchée dans tout le Japon. De nombreux ports de pêche, le port de commerce de Shimizu, plusieurs villes industrielles en font une province favorisée.
C’est dans cette province et c’est au pied du Mont Fuji que notre ami Lucien Meyer est venu partager notre travail et qu’il aura passé toute sa vie active missionnaire.
Quand nous sommes arrivés dans notre province de Shizuoka, le Japon se relevait des ruines de la guerre. Il y avait cinq centres de chrétienté sur ce territoire, qui s’étend d’est en ouest sur environ 150 kilomètres. Les villes de Numazu, Shimizu, Shizuoka, Fujieda et Hamamatsu étaient des paroisses anciennes qui ont toutes maintenant plus de cent ans d’existence. Les églises de Numazu et Hamamatsu avaient brûlé pendant la guerre, et des bâtiments de fortune les remplaçaient. Plusieurs jeunes missionnaires venant de Paris, et nous arrivant de Chine, cela permit de diviser ces centres et de tripler le nombre des paroisses.
Lucien Meyer fut envoyé dans la ville de Mishima, qui fut alors détachée du district très étendu de Numazu. Il y fut un pionnier. En arrivant, il y avait trouvé un terrain acheté en prévision de la fondation d’un poste de mission. Il en fit une mission modèle. L’évêque de ce diocèse de Yokohama était un jeune évêque, Mgr Araï, qui venait d’être intronisé auelques jours avant notre arrivée de Chine. Il nous encourageait tous à être entreprenants, bien n’ayant guère de subsides à nous octroyer. Les chrétiens, et aussi tous les gens de nos districts, qui avaient beaucoup souffert pendant la guerre, étaient heureux de voir ces jeunes étrangers créer de rien des postes de mission, et qui brillaient par leur simplicité. L’enthousiasme est communicatif. Ce fut une époque de grâce.
A Mishima, après avoir édifié quelques bâtiments indispensables, le Père Meyer arrondit quelque peu son domaine, puis il créa une Ecole enfantine “Hoshi no Sono” (le Jardin des Etoiles), établit une pension pour étudiants, et quelques années après, construisit une vaste et belle église.
A nos réunions confraternelles à Shizuoka, autour de nos Anciens, les Pères Fonteneau, Devisse et Sueur, notre ami Lucien ne parlait guère de ses projets, mais nous étions invités inopinément à l’inauguration de l’un ou de l’autre de ses bâtiments. Nous nous demandions par quel pouvoir magique tout cela sortait de terre.
Nous avons de cette époque un précieux témoignage. C’est une lettre envoyée par d’anciennes pensionnaires du Père Meyer, devenues Religieuses, au moment du rappel à Dieu de notre confrère. “Au Révérend Supérieur Général. Nous avons été très surprises de savoir que le Seigneur a rappelé à Lui notre cher Père Meyer. Nous pensons vraiment que s’il n’y avait pas eu notre rencontre avec le Père, nous ne serions pas ce que nous sommes devenues. Nous remercions Dieu d’avoir envoyé le Père au Japon. Quand il est arrivé à Mishima et qu’il a commencé son activité apostolique, il était très unique. Il couchait dans un placard-armoire japonais, au lieu d’avoir un lit, et mangeait avec des baguettes, assis comme nous sur les tatamis. Il utilisait pour son catéchisme des matériaux qu’il confectionnait lui-même. Il était très habile à faire des dessins pour enseigner l’Histoire Sainte, les Paraboles évangéliques, etc.. Ces dessins ont été utilisés dans beaucoup d’églises du Japon. Après notre baptème, nous sommes allées visiter les malades et aider le Père à enseigner le catéchisme dans les familles. Peu à peu, plusieurs d’entre nous ont commencé à mener la vie commune près de l’église, et de là, les unes allaient à leur travail, d’autres à l’Ecole enfantine de la paroisse. C’est ainsi que nous avons trouvé le chemin de notre vocation. Nous sommes cinq à être devenues Filles de la Charité de St Vincent de Paul. L’amour des pauvres et des enfants, montré par le Père Meyer, est imprimé fortement en nos coeurs…”
Son activité ne se limitait pas à la paroisse. Pendant de longues années, il a enseigné l’Allemand à l’Université Nihon Daigaku de Mishima. Il était fidèle aux réunions que tenaient les pasteurs protestants du secteur, si bien qu’il fut plusieurs années le Président de cette assemblée.
A nos réunions de confrères, il prenait rarement la parole, mais quand il disait son avis, c’était une parole d’expérience et de sagesse. Il est resté une trentaine d’années dans le district de Mishima, et pensait bien que toute sa vie active se passerait là.
Notre Evêque, Mgr Araï, aimait venir nous visiter, et pas seulement pour célébrer les Confirmations. Le diocèse, qui à son intronisation comptait environ 12,000 fidèles, en comptait maintenant 40,000. Il avait pris de l’âge, et un jour il nous annonça qu’il se retirait. Une époque de la vie du diocèse de Yokohama se terminait, sans doute la plus belle. Après quelques mois, l’évêque auxiliaire du diocèse de Tokyo, Mgr Hamao, devint évêque de Yokohama. Il vint nous visiter, chacun dans son district, et se montra satisfait. Mais, avant de la fin de l’année 1984, celle de son arrivée, sauf de rares exceptions, il nous nomma quasiment tous dans de nouveaux districts.
En Mission à Fuji et Fujinomiya
Le Père Lucien Meyer alla dans la ville de Fuji-Yoshiwara, ville voisine mais plus à l’Ouest de celle de Mishima. C’est une ville industrielle. Nombreuses y sont les hautes cheminées des usines, car c’est la capitale du papier, le beau “papier Fuji”. La ville, située au bord du Pacifique, est aussi au pied du Mont Fuji. Eloignée d’une trentaine de kilomètres de la ville de Mishima, cela permit au Père Meyer de continuer ses cours de langue allemande à l’Université Nihon Daigaku.
En plus de l’Eglise, toute simple, mais avec une chrétienté assez nombreuse et une importante Ecole enfantine, le district comportait aussi un poste secondaire à Fujinomiya, situé sur les premières pentes du Mont Fuji. Ce fut le fief d’élection de notre ami Lucien. Grand bâtisseur, dans les années qui suivirent il y édifia un beau bâtiment pour l’Ecole enfantine, gratifié d’une assez grande salle de réunion qu’il pouvait utiliser comme chapelle. A l’étage, une chambre où il aimait loger. Plus qu’à Yoshiwara, c’est là qu’on pouvait le mieux le rencontrer. Il continuait ses dessins et, étant dans la capitale du papier, était toujours en train d’imprimer quelquechose, et n’avait rien perdu de sa ferveur missionnaire. A nos réunions de Groupe Mep on voyait cependant que son état de santé se détériorait. Il eut coup sur coup plusieurs pleurésies et l’on voyait ses forces diminuer.
Dix années passées dans ce district de Fuji, il lui restait encore à faire une chose importante : bâtir une belle église dans cette ville de Fuji-Yoshiwara. Les circonstances s’y prétèrent. L’Ecole enfantine devant se rénover, il en profita pour faire un échange de terrains. Il bénéficia d’une large place et put alors bâtir une très belle église. Ce bâtiment, très moderne, fut inauguré et béni le 14 novembre 1998. Ce même jour, le Père Meyer donna sa démission pour raison de santé. Pour nous tous, ses confrères, comme pour la nombreuse assistance venue à cette célébration, l’annonce de son départ étendit comme un voile de tristesse sur la joie de cette journée. Notre évêque, Mgr Hamao, presque au même moment fut nommé au Vatican comme Directeur de la Commission des Migrants. Nous devrons attendre plus d’une année pour accueillir son successeur, Mgr Umemura.
Dernière Mission, en France
Le 20 décembre de cette année 1998, notre confrère, le Père Lucien Meyer, quitta le Japon pour prendre un congé bien mérité. Il avait l’intention d’y revenir. Il alla se reposer dans sa famille à Forbach. Malgré son désir de se refaire la santé, celle-ci ne cessa de décliner, et en avril de l’an 2000 il se retira dans notre Maison des Missions Etrangères, à Lauris, près d’Avignon. Une année après, le 5 mai 2001, jour de la Fête des Enfants au Japon, notre ami, qui avait tant aimé les enfants et beaucoup travaillé pour eux, a été rappelé à Dieu.
“Bon et fidèle serviteur, entre dans la Joie de ton Maître” : n’est-ce pas ainsi qu’il aura été accueilli dans la Maison du Père?
P. Henri MALIN