Jean-Baptiste VÉRINAUD1926 - 1987
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 3878
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Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Inde
- Région missionnaire :
- 1950 - 1969 (Pondichéry)
Biographie
[3878] VÉRINAUD Jean naît le 8 janvier 1926 à Segré dans le diocèse d'Angers. Il fait ses études primaires à l'école Saint Joseph de Segré. En 1936, il entre au Collège de Combrée pour ses études secondaires. Après sa philosophie en 1943à Combrée, il est tenté d’entrer aux Missions étrangères, mais suivant les conseils de son aumônier, il choisit le grand séminaire d'Angers pour y mûrir sa vocation. Le 25 mars 1945 cependant, il fait sa demande d'entrée aux MEP et est admis au séminaire de Bièvres le 1er octobre 1945. Ordonné prêtre le 29 mai 1949, il est d'abord affecté comme professeur au Juvénat MEP de Beaupréau et y passe l'année scolaire 1949-1950 au terme de laquelle il reçoit sa destination pour la Mission de Pondichéry. Il part le 22 septembre 1950.
Musicologue distingué, au service de l’apostolat
Il doit passer trois mois à Pondichéry en attendant son visa pour l'Inde désormais indépendante. Dans ce comptoir français, il se met à l'étude du tamoul. Quand il obtient son visa, il va à Cuddalore (1), en territoire indien, pour y attendre des ordres ultérieurs. Il reçoit son affectation pour la Paroisse d'Erayur (2) où il s'initie au ministère sous la direction de son curé, le P. Noël, lequel découvre très vite les aptitudes musicales de son vicaire. A l'aide d'un vieux livre, le P. Vérinaud peut se lancer dans la voie de la musique carnatique (3) indienne. Il devient expert dans cette discipline et rend d’excellents services, en particulier à la liturgie indienne du sud de l'Inde.
En 1952-1953, il va passer une année scolaire à Tindivanam (4), centre catéchétique et école normale de catéchistes, fondé par le P. Gavan-Duffy (MEP). Sous la direction du P. Becker, le P. Vérinaud trouve là un milieu favorable à sa formation musicale. Il apprend aux enfants de nouveaux cantiques, qu'il a composés en tamoul. En particulier, les complies en tamoul, le samedi soir, ont beaucoup de succès. Il distribue aux élèves des instruments de musique indienne. Ainsi, son ardeur va peu à peu obliger le clergé indien à découvrir les richesses de cette musique indienne, qu’il mettra au service de ses apostolats.
Il est alors transféré à Vadalur (5), un immense territoire au Sud de l'Inde, le grenier à riz du pays tamoul. Dans l'une de ses dessertes, à Uluthur (5), il termine la construction d'une église inachevée qui est bénite le 26 juillet 1955. Mais le climat humide de Vadalur ne lui convient pas et il commence à avoir des phlébites. Alors, on lui confie la Paroisse de Villipuram (6). C'est là qu'il fait l'adaptation en tamoul des Psaumes de Gélineau encore chantés aujourd'hui. Au mois d'octobre 1959, il est obligé de quitter Villipuram pour aller se soigner en France. De retour en Inde en 1960, il est nommé curé de Neyvely (5) où se met en place un grand complexe industriel pour l'exploitation du lignite. Il a la charge de sept mille Chrétiens. Dans la paroisse, on parle de nombreuses langues : tamoul, telugu, malayalam (7), hindi (8), sans compter les étrangers : ingénieurs venus de France, d'Allemagne, d'Italie et même de Russie. Il divise sa paroisse par quartiers et constitue un fichier pour chaque groupe. Il installe des catéchistes bénévoles, fonde l'ACO et la JOC (9), et même une société de crédit qui rend de grands services à ceux dont le salaire était bas.
Précurseur de Vatican II
Il est le premier à célébrer dès 1963 la Messe en tamoul, en vrai précurseur de Vatican II, qui s'ouvre seulement en 1964. Il organise des messes du soir dans divers quartiers, ce qui est une innovation à cette époque. Dans son compte-rendu de 1967, il écrit : "Pour huit mille cinq cents Chrétiens, la paroisse comprend trois prêtres et cinq catéchistes officiels. La liturgie est organisée autour de la Messe. Les évangiles sont imprimés en tamoul. Une salle de lecture et une bibliothèque paroissiale existent et il y a même une salle pour le cinéma. On compte plusieurs groupes d'Action catholique."
En 1968, il est délégué à l'Assemblée générale de la Société. Aussitôt revenu de France à Pondichéry, il est nommé directeur diocésain de l'Action catholique. Mais, toujours, ses jambes et ses varices continuent de le faire souffrir : il est hospitalisé à l'hôpital américain de Vellore (10). Finalement, obligé de retourner en France en 1969, il y restera jusqu'à sa mort, en 1987. Nommé au service de la formation permanente, il se fait animateur de sessions, conférencier très apprécié pour son intelligence et la clarté de ses idées. A la même époque, il devient aumônier des Clarisses de l'avenue de Saxe.
Archiviste, rue du Bac
Puis, il donne sa démission pour devenir archiviste au moment où le P. Guennou prend sa retraite et demande un successeur. Il se familiarise vite avec ce trésor que constituent nos vieilles archives. Il reçoit les chercheurs et les guide dans leur travail. Il rédige des articles bien documentés pour des revues hautement spécialisées. Sa contribution au livre "Lumière sur la Corée", au moment de la canonisation des martyrs de Corée, est très importante. A l'occasion du centenaire de notre maison de prêtres âgés de Montbeton près de Montauban, il publie une remarquable brochure sur l'histoire de cette maison.
Son état de santé inquiète de plus en plus, mais il travaille jusqu'au bout. Le 15 février 1987, on le trouve mort dans sa chambre de la rue du Bac, probablement en pendant son sommeil.
On peut écrire à son propos : ce missionnaire angevin, d’une incontestable et forte personnalité, s’est entièrement consacré aux œuvres des Missions.
1 – Juste au sud de Pondichéry dans les Indes britanniques.
2 – A l’ouest de Pondichéry.
3 – Tradition de la musique classique indienne propre à l’Inde du sud.
4 – Au nord de Pondichéry.
5 – Au sud-ouest de Pondichéry dans le district administratif de Cuddalore.
6 – A l’ouest et a proximité de Pondichéry.
7 - Langues dravidiennes.
8 – Langue de la famille indo-européenne.
9 – Acronymes de ‘‘Action catholique ouvrière’’ et de ‘‘Jeunesse ouvrière catholique’’.
10 – Au nord de Pondichéry.
Nécrologie
[3878] VÉRINAUD Jean (1926-1987)
Notice nécrologique
Enfance et jeunesse
C’est le 8 janvier 1926 que naquit à Segré Jean Vérinaud. En fait, son père, M. Jean-Baptiste Vérinaud, était originaire de Nantiat, dans la Haute-Vienne. Il était maçon et travaillait avec son père jusqu’au début de la guerre 1914-1918. Pendant les combats, il perdit le bras droit. Démobilisé, il dut changer d’activité. Après un stage de formation, il trouva un poste de comptable dans une usine de Segré, poste qu’il conserva jusqu’à sa retraite. C’est à Segré qu’il se maria, le 6 octobre 1917.
Jean était le second, dans cette famille de trois enfants. C’est à Segré, à l’école Saint-Joseph qu’il fit ses études primaires. D’après le témoignage de sa sœur, il était d’un caractère gai ; beaucoup de camarades venaient jouer avec lui ; très actif, il manifestait déjà un caractère d’entraîneur, particulièrement au patronage qu’il fréquentait le jeudi.
En 1936, il entra au collège de Combrée pour ses études secondaires. Pendant les vacances, il s’occupait des Cœurs Vaillants.
En 1943, il se dirigea vers le grand séminaire d’Angers, car depuis longtemps il désirait être prêtre. Dès l’âge de six ans, il en avait fait la confidence à sa maman, et pendant ses études à Combrée sa vocation se précisa.
En 1943, après sa philosophie à Combrée, il voulait entrer aux Missions Étrangères. Cependant il suivit les conseils de l’aumônier et entra au grand séminaire d’Angers pour mûrir davantage sa vocation. C’est le 25 mars 1945 qu’il fit sa demande d’entrée aux Missions Étrangères. Il fut admis quelques jours plus tard et, le 1er octobre 1945, il se présentait à Bièvres.
Ordonné prêtre le 29 mai 1949, il fut d’abord envoyé comme professeur au petit séminaire Théophane-Vénard, à Beaupréau, pour l’année scolaire 1949-1950. Il reçut sa destination pour la mission de Pondichéry, le 9 février 1950. L’année scolaire terminée, il fit ses préparatifs et partit le 22 septembre 1950.
En mission
Le P. Vérinaud fit le voyage pour Pondichéry avec son évêque, Mgr Colas, qui rentrait lui aussi en Inde après l’Assemblée générale de 1950. Il passa trois mois à Pondichéry en attendant son visa pour l’Inde indépendante. A cette époque, Pondichéry était encore sous régime français. Tout en commençant l’étude du tamoul, il rendit des services appréciés à la paroisse Notre-Dame des Anges, pour la musique, et aux Sœurs de Saint-Joseph de Cluny pour l’animation spirituelle de leurs élèves.
Une fois en possession de son visa, il s’en alla à Cuddalore, la préfecture indienne du département du South-Arcot pour y attendre des ordres ultérieurs. Il en profita pour visiter avec le P. Saussard dans une jeep devenue légendaire, le sud de l’Inde, car le P. Saussard faisait visiter cette contrée à sa mère venue passer l’hiver à Pondichéry.
Au bout de quelques semaines, après ce temps de tourisme dans le sud de l’Inde, il reçut son affectation pour la paroisse de Eraiyur où il continua l’étude du tamoul et commença à s’initier au ministère sous la direction du P. Noël. Avec le P. Noël, la formation était rude. Mais tous les jeunes qui sont passés à l’école du P. Noël reconnaissent qu’ils n’ont pas perdu leur temps et se rendent compte de tout ce qu’ils ont reçu de lui.
Entre le P. Noël et le P. Vérinaud – deux tempéraments très tranchés – il y eut parfois des orages, mais ils arrivèrent vite à s’estimer l’un l’autre. Et quand le P. Noël voulut encore servir à la fin de sa vie, c’est le P. Vérinaud qui sera heureux de le prendre comme « socius » à Neyvely, pour sa dernière année active, avant de se retirer à Bangalore.
Voilà donc le P. Vérinaud en paroisse classique de « vieux chrétiens », avec catéchismes, dessertes à visiter, sacrements à administrer, en somme de quoi s’occuper jour et nuit.
Sans tarder, le P. Noël découvrit les aptitudes musicales de son vicaire. L’occasion sera la remise au P. Vérinaud d’un vieux livre de musique tamoule déniché on ne sait où. Ce livre intéressera et plus encore passionnera le P. Vérinaud. Encouragé par le P. Noël, il va se lancer dans cette voie.
On peut regretter que le P. Vérinaud n’ait pas eu la possibilité d’une étude plus poussée de la musique tamoule ou carnatique, la vraie musique indienne. Il fut donc un autodidacte en la matière. S’il en avait eu les moyens, il serait devenu un véritable spécialiste dans cette branche.
Tindivanam
D’accord avec ses supérieurs, le P. Vérinaud alla passer une année scolaire à Tindivanam, précisément pour s’initier plus amplement à la musique indienne. Le Centre catéchétique de Tindivanam avait été fondé par le P. Gavan-Duffy. En 1952, il était dirigé par le P. Becker qui animait toute une équipe de jeunes missionnaires et de jeunes prêtres indiens. Le but était de former des catéchistes et des instituteurs pour les paroisses. On y insistait beaucoup sur la liturgie et la musique, puisque les élèves devaient être en quelque sorte l’ossature des paroisses de campagne et assurer la formation catéchétique et musicale dans les paroisses où ils seraient envoyés.
Le P. Vérinaud va donc trouver un milieu très favorable pour sa formation et s’adonner à la musique avec les élèves, tout en assurant aussi d’autres fonctions. La vieille fanfare européenne reprend vie tout de suite sous son impulsion. Mais le champ d’action des Pères à Tindivanam, et donc du P. Vérinaud, est beaucoup plus large. Nous sommes en 1952, donc bien avant le Concile Vatican II. Les possibilités d’adaptation de la musique et de la liturgie sont encore très restreintes et on continue à utiliser le latin en Inde. L’adaptation se fait quand même sentir peu à peu, avec les encouragements d’ailleurs de Mgr Colas et de Mgr Mathias.
Comme nous venons de le dire, le P. Vérinaud s’occupe d’abord de la fanfare ; il écrit la musique pour chaque instrument et, avec le concours de Mr Maraipragassam, fait les répétitions. Au bout de quelques jours les enfants sont capables de jouer ensemble convenablement les divers morceaux. Mais ce qui intéresse surtout le P. Vérinaud, c’est la musique indienne. Il commence avec les enfants et leur apprend de nouveaux cantiques qu’il a composés en tamoul : petits chants que chantent les enfants soit au lever, soit avant et après les repas. Il va aussi essayer de populariser le chapelet en tamoul, avec chants en tamoul, mais sur ce point le succès ne répondit pas à ses efforts. Par contre, les complies en tamoul, le samedi soir, eurent beaucoup de succès avec les enfants. Mais le P. Vérinaud ne s’en tenait pas là. Il se documenta très sérieusement sur la musique indienne ; il en connaissait les diverses gammes très compliquées et qui n’ont rien à voir avec la musique européenne. Qui dit musique, dit aussi instruments de musique. C’est pourquoi le P. Vérinaud se procura des instruments de musique indienne et initia les élèves à s’en servir. Bien sûr toutes les « entreprises musicales » du P. Vérinaud n’eurent pas le même succès, mais son grand mérite fut d’aller de l’avant avec ardeur et d’obliger en quelque sorte le clergé indien à se lancer dans cette direction et à découvrir les richesses que contenait la musique carnatique et le parti qu’ils pouvaient en tirer pour leur apostolat dans l’animation des communautés chrétiennes. Le vieux livre découvert à Eraiyur et les encouragements donnés au P. Vérinaud par le P. Noël avaient porté des fruits. Le stage à Tindivanam avait donné des bases au P. Vérinaud et développé en lui le goût pour la musique indienne. Il allait continuer ses efforts dans les autres paroisses qui lui seront confiées.
Vadalur
Avec l’année scolaire, en juin 1953, se termina le stage du P. Vérinaud à Tindivanam. Il fut alors envoyé à Vadalur. Tout d’abord, Mgr Colas avait voulu l’envoyer à Kakkanur. Le P. Vérinaud alla voir, mais il trouva que le district était trop petit. C’est alors que Mgr Colas lui proposa Vadalur. C’est un immense territoire au sud de l’Inde : le grenier à riz du pays tamoul. Avec le poste central, le P. Vérinaud doit desservir trois ou quatre postes plus ou moins éloignés. C’est alors qu’il fit l’acquisition d’une motocyclette qui lui créa bien des ennuis, mais son « bon ange » le surveillait attentivement et le remettait sur la bonne route quand besoin était.
Un certain nombre de grandes personnes et d’enfants étaient négligents pour l’assistance à la messe du dimanche. Afin de pouvoir exercer un contrôle efficace, il installa un système de cartes. Cette carte, grands et petits devaient la faire signer, soit par le prêtre, soit par le catéchiste ou l’instituteur. Dans le village de Uluthur, une de ses dessertes, une église avait été commencée, il y avait à peu près 25 ans, mais était restée inachevée. Sans demander d’aide à personne, le P. Vérinaud se débrouilla pour trouver de quoi terminer cette église. Il travaillait lui-même avec ses gens. À force de persévérance, il mena son projet à bonne fin. Cette église de Uluthur fut bénite le 26 juillet 1955. Dans cette paroisse le P. Vérinaud se donna à son apostolat de tout son cœur. Il utilisait 1es vieilles méthodes qu’il avait apprises du P. Noël, et cela non sans une certaine rudesse et même aussi quelques maladresses, car il n’était pas encore suffisamment au courant des coutumes du pays et de certains « interdits » des castes qui pèsent d’un grand poids en Inde. Un autre avantage du séjour du P. Vérinaud à Vadalur, c’est qu’il se trouvait à proximité de Neyvely où il serait curé trois ans plus tard. C’est au moment où le P. Vérinaud se trouvait à Vadalur que commença l’exploitation du lignite et la mise sur pied du grand complexe de Neyvely. De Vadalur il put en suivre le développement. Tout allait bien sauf sa santé. Le climat humide de Vadalur ne lui convenait pas ; il souffrait des jambes et avait tendance à faire des phlébites. C’est pourquoi on lui donna la paroisse de Villipuram.
Villipuram
C’est au mois de juin 1956 qu’il arriva à Villipuram pour succéder au P. Gaston. Le milieu était tout différent de celui de Vadalur. Il avait affaire à des Anglo-Indiens employés au chemin de fer et à des Tamouls. D’après le témoignage d’un catéchiste, il existait à Villipuram comme une espèce de « ségrégation » à l’église. Seuls les Anglo-Indiens avaient droit aux bancs. Les Tamouls devaient s’asseoir par terre. Alors le P. Vérinaud mit des bancs pour tout le monde dans l’église. C’est aussi pendant son séjour à Villipuram que le P. Vérinaud fit l’adaptation en tamoul des Psaumes de Gélineau qui sont encore chantés dans tout le sud de l’Inde. C’est aussi pendant son séjour à Villipuram que l’école élémentaire de Maradur devint Middle School avec huit classes au lieu de cinq. Plus tard, le P. Lafrenez en fera une école secondaire. Une année, il organisa avec beaucoup de succès une Semaine de l’Unité. Il avait encore beaucoup d’autres projets en tête. Mais il se rendait compte qu’il ne faut pas bousculer trop vite les habitudes et qu’il faut beaucoup de temps et de patience pour mettre tous les enfants de Dieu sur le même pied.
En France
Au mois d’octobre 1959, il fut obligé de quitter Villipuram pour venir se soigner en France. Il avait de gros ennuis de circulation aux jambes. Il reçut donc les soins voulus, et le 17 mai 1960, il était à peu près en état de repartir pour l’Inde.
Neyvely (1960-1968)
À son retour en Inde, il fut nommé curé de Neyvely. Comme nous l’avons signalé plus haut, il connaissait bien ce secteur. Etant curé de Vadalur, il avait assisté à l’installation et au développement de cet immense combinat. Les Jésuites avalent travaillé dans cette région au 17e siècle et créé plusieurs villages chrétiens. Donc la paroisse existait avant l’installation du combinat industriel. À Neyvely même existait une grande église qui était administrée avec ses succursales par un Père indien.
Un des anciens vicaires du P. Vérinaud à Neyvely a bien voulu donner à la fois son témoignage et des détails sur la manière dont le P. Vérinaud organisa la paroisse. Le mieux est de lui laisser la parole : « Je considère comme un grand privilège d’avoir eu l’occasion de travailler avec le P. Vérinaud, curé de Neyvely. Je fus nommé son vicaire en 1952, alors que je n’étais prêtre que depuis un an. Jusqu’alors le P. Vérinaud travaillait seul à Neyvely avec la charge de 7000 chrétiens. Neyvely était alors comme un « bouton de fleur » qui allait s’épanouir pour devenir un grand combinat pour l’exploitation du lignite.
Presque toutes les provinces de l’Inde étaient représentées à Neyvely, sans compter les techniciens et ingénieurs venus d’Allemagne, d’Italie, de France, ainsi qu’un fort contingent de Russes qui s’étaient installés à Neyvely pour organiser le combinat.
En 1962, la nouvelle cité de Neyvely était vraiment, dans tous les sens du terme, unique en son genre dans l’archidiocèse de Pondichéry. On y trouvait des gens parlant toutes sortes de langues : télugu, tamil, hindi, sans compter les étrangers. Aussi est-ce avec 80 ou 90 diocèses de l’Inde ou de l’étranger que le P. Vérinaud avait à traiter pour diverses questions d’ordre ecclésiastique. Il avait coutume de me dire : « Certains diocèses du nord de l’Inde comptent moins de catholiques que la paroisse de Neyvely ». Il ne suffisait pas de savoir qu’il y avait des chrétiens ; encore fallait-il les « situer » dans cet immense combinat qui était divisé en quartiers ou blocks. Il y en avait déjà 28, et l’église se trouvait dans le block no 24, à l’emplacement de l’ancien village chrétien de Koorapettai. Étant donné que les chrétiens étaient dispersés à travers les blocks le P. Vérinaud établit un fichier pour chaque block, chaque famille avec tous les détails voulus. Il fit de même pour les non-chrétiens. Ce système de fichier faisait l’admiration des employés du Gouvernement et ils venaient eux-mêmes le consulter sur telle ou telle personne employée à Neyvely.
Mouvement des catéchistes bénévoles
Ce fut une nouveauté dans le diocèse. Des laïcs se proposèrent volontiers pour être, dans leurs temps libres, catéchistes dans les quartiers, car Neyvely était très étendu et les catéchistes professionnels ne pouvaient suffire à la tache. Ces volontaires – quatre hommes et huit femmes – firent un stage de formation à Tindivanam. Ils se réunissaient au presbytère chaque samedi pour rendre compte de leurs activités dans leurs quartiers respectifs. C’était vraiment une nouveauté dans le diocèse.
Association financière pour les enterrements
Le P. Vérinaud proposa à ses fidèles venus de tous les coins de l’Inde un projet pour diminuer les frais et les difficultés au moment des enterrements. Les associés, cotisant régulièrement, étaient sûrs d’avoir, le moment venu, un cercueil, et tous les frais occasionnés par l’enterrement étaient couverts par les cotisations. Cette organisation rendit de grands services, en particulier aux travailleurs des derniers échelons.
Fondation de la JOC et de l’Action catholique ouvrière
JOC : Avec la permission de Mgr Ambrose, archevêque de Pondichéry, le P. Vérinaud commença le mouvement des jeunes ouvriers catholiques. Il envoya son vicaire à Nagpur, pour une formation dans ce sens. A tous les deux ils lancèrent le mouvement, non seulement à Neyvely, mais aussi dans d’autres villes, y compris Pondichéry. Sans négliger les jeunes, le P. Vérinaud s’intéressa aussi aux adultes et commença le mouvement des Travailleurs chrétiens (CWM). Tout était fait en lien avec la Catholic Union de l’Inde. Avec la protection et l’aide de cette organisation, le P. Vérinaud créa une société de crédit pour aider ceux qui empruntaient de l’argent : ce qui a rendu de grands services à ceux dont les salaires étaient bas.
Précurseur de Vatican II
Le concile commença en 1964. Le P. Vérinaud y prépara ses ouailles. Il fut le premier à célébrer la messe en tamoul dans son église, dès 1963. Cela fit du remous dans le diocèse évidemment, mais il tint bon et continua, pour le plus grand bien de ses chrétiens.
Bon berger, il connaissait ses brebis, notamment ceux et celles qui n’étaient pas en règle au point de vue du mariage. Ce problème retenait particulièrement son attention, et il se donnait beaucoup de peine pour remettre les choses en ordre. Par le même souci du bien de ses fidèles, il organisa les messes du soir dans les divers quartiers. Ce fut une grande nouveauté : les critiques ne lui manquèrent pas, mais il tint bon et continua, car s’il agissait ainsi ce n’était pas pour faire montre d’originalité, mais pour le bien spirituel de ses fidèles qui, vu la distance, ne pouvaient venir à l’église.
Tels sont quelques aspects de l’action apostolique du P. Vérinaud, particulièrement à Neyvely. Pour conclure son témoignage, le P. Anthayya donne ses appréciations sur la personne du P. Vérinaud :
1º – C’était un pionnier dans la foulée du P. Gavan-Duffy : pensée, originale et esprit créateur. Toujours intéressé par sa paroisse et le bien des ouailles.
2º – Un bon pasteur : très souvent dehors sur sa moto pour des rendez-vous. La couche de poussière sur sa moto, ne révélait que trop les kilomètres qu’il faisait à la recherche des âmes et pour leur bien.
3º – Un homme brave et courageux : il eut à se battre avec les officiels de la corporation au sujet du cimetière situé dans le block n0 20 (alias Topplikuppam). Devant sa compétence, les officiels furent obligés de s’incliner. C’était un vieux problème qui avait déjà commencé avec le P. Olasail.
4º – Le P. Vérinaud avait une pensée originale. Il savait s’abaisser pour conquérir quoi que cela lui coûtât. Aussi n’est-il pas étonnant que, dans son zèle et son obstination, il eut des divergences de vue avec Mgr Ambrose. Celui-ci était conservateur par tempérament, tandis que le P. Vérinaud voulait toujours aller de l’avant.
5º – Une personne très énergique : c’était un exploit d’être un vicaire au talent reconnu, sous sa direction, car il était un homme de discipline militaire et il voulait que ses assistants soient toujours prêts. « Mieux vaut mourir jeune en travaillant que de mourir vieux retraité », me répétait-il souvent. Il travaillait jusqu’à onze heures et demie et était debout à cinq heures du matin.
Dans le compte rendu de 1967, le P. Vérinaud donne un aperçu de la situation dans la paroisse de Neyvely. « Pour une chrétienté de 8500 catholiques répartis en divers blocks, la paroisse compte 3 prêtres et 5 catéchistes (professionnels). Tous les soirs il y a une messe dans l’un ou l’autre block. Pour l’Action catholique, on compte à cette date 20 groupes répartis dans les divers blocks. Le P. Vérinaud a également une équipe de 12 infirmières catholiques et un groupe de 48 instituteurs catholiques. C’est autour de la messe que le Père organise toute la liturgie. Le P. Vérinaud s’intéresse aussi à la presse : il a fait imprimer en tamoul les Évangiles. Il a organisé une salle de lecture et une bibliothèque. Il donne des séances de cinéma. Pour préparer au mariage, il organise des retraites fermées pour les fiancés. Il organise le même genre de retraites pour les membres de l’ACO.
Le P. Vérinaud fut délégué des confrères pour représenter l’Inde à l’Assemblée générale de 1968. L’Assemblée terminée, il repartit pour Pondichéry. C’est alors qu’il fut nommé par Mgr Ambrose directeur général de l’Action catholique pour tout le diocèse de Pondichéry. Mais dans cette fonction il n’eut guère le temps de déployer toutes ses potentialités. Il écrivit deux fascicules : l’un sur le communisme, l’autre sur le marxisme ; il établit aussi des statistiques sur les instituteurs et professeurs catholiques travaillant dans les établissements de l’État : tout cela en vue de la promotion d’un laïcat qu’il estimait « sous-employé », tout à travers le diocèse.
Il devait avoir en tête d’utiliser tous ces renseignements pour une action catholique mieux organisée et plus efficace. Mais encore une fois, sa santé interrompit tous ces projets: toujours ses jambes... Hospitalisé à Vellore pendant un certain temps, il dut reprendre le chemin de la France dans l’espoir de se rétablir et de pouvoir sans trop tarder regagner l’Inde. Mais, en fait, il dut y renoncer. C’est pourquoi les supérieurs lui donnèrent une affectation en France, au moins temporairement, dans l’espoir qu’il lui serait possible, dans un délai qu’on ne pouvait prévoir alors, de repartir pour Pondichéry.
En France : 1969-1987
À son retour en France, il fut d’abord chargé du secrétariat au Service de la formation permanente, dirigé par le P. Pierron. Reprenons quelques passages de l’homélie du P. Rossignol lors des obsèques du P. Vérinaud : « À première vue, le P. Vérinaud n’était pas particulièrement qualifié pour un tel travail. Ce n’était pas un théologien professionnel. Mais il se passionne pour le renouveau théologique et biblique. Il lit beaucoup ; il devient animateur de sessions, conférencier. Il est de nouveau très actif. On fait appel à lui et il est très apprécié. À cette même époque, il devient aumônier des Sœurs clarisses de la Villa de Saxe. Il aimait beaucoup les Sœurs clarisses et elles le lui rendaient bien. »
Un peu plus tard il fut nommé responsable du Service de la formation permanente, en remplacement du P. Pierron appelé à d’autres fonctions, et aussi directeur des Échos de la Rue du Bac.
Le 11 avril 1980, il donne sa démission qui est acceptée, le 25 avril, par une lettre du Supérieur général. Avec le Supérieur général et son Conseil, il envisage d’autres occupations. En fait ces projets n’aboutirent pas. Comme le P. Guennou, archiviste, donna sa démission, le P. Vérinaud fut nommé pour le remplacer : c’était le 4 septembre 1981. « Dans cette fonction encore pour laquelle il n’avait pas été spécialement préparé, dit le P. Rossignol, il se familiarise cependant avec une rapidité surprenante avec l’essentiel de ce trésor que constituent nos archives. Il se Passionne pour ce nouveau travail. Sa prodigieuse mémoire alliée à un souci de clarté et de précision, lui permet de devenir très vite un archiviste très compétent et efficace. Il reçoit les chercheurs et les guide dans leur travail. Il répond avec rapidité et précision aux multiples demandes de renseignement qui lui parviennent de nombreux pays. Il rédige de nombreux articles des bien documentés pour des revues hautement spécialisées. À l’annonce de la canonisation des Martyrs de Corée, il assimile les nombreux documents qui étaient en sa possession sur ce sujet. Sa contribution au livre “Lumière sur la Corée” est, de loin, la plus importante. À l’occasion du centenaire de la Maison de Montbeton, il publie une très belle brochure sur l’histoire de cette maison. »
En un mot, malgré ses nombreux handicaps de santé qui l’immobilisaient parfois des semaines entières, le P. Vérinaud accomplissait un travail vraiment extraordinaire ! On ne peut pas ne pas le reconnaître. Cependant son état de santé donnait des inquiétudes, en raison des nombreuses phlébites qui l’immobilisaient plusieurs fois par an. On ne pouvait pas ne pas être inquiet. Cependant grand fut l’étonnement de toute la communauté à l’heure du déjeuner, le 15 février 1987. Ne le voyant pas venir au repas de midi, le P. économe se rendit dans sa chambre et le trouva mort. La veille, il s’était couché comme d’habitude, avait misses habits sur une chaise pour les reprendre le lendemain matin. Il était allongé sur son lit : tel il s’était couché, tel la mort l’avait pris dans son sommeil !
« Mieux vaut mourir jeune en travaillant que de mourir vieux retraité. » Le Seigneur en l’appelant dans son sommeil l’exauça.
Références
[3878] VÉRINAUD Jean (1926-1987)
Références biographiques
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