Philippe GOURRAUD1927 - 2012
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 3984
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Identité
Naissance
Décès
Missions
- Pays :
- Japon
- Région missionnaire :
- 1954 - 2012 (Hakodate)
Biographie
[3984] GOURRAUD Philippe est né le 7 juin 1927 à Rocheservière (Vendée).
Ordonné prêtre aux MEP le 19 décembre 1953, il part le 12 mai 1954 pour la mission de Sapporo (Japon).
Après avoir étudié le japonais, il est curé à Yakumo en 1957 (NN 56) et curé de Motomachi à Hakodate en 1961 (NN 62). A partir de 1972, il est nommé directeur de la maison pour vieillards handicapés à Asahigaoka no Ie. En 2008, il démissionne de sa charge et se retire dans cette même maison comme pensionnaire.
Il meurt le 25 décembre 2012. Il est inhumé au cimetière de Miyamaecho (Hakodate).
Nécrologie
[3984] GOURRAUD Philippe (1927-2012)
Notice nécrologique
Philippe Hubert Marie Gourraud est né le 7 juin 1927 à Rocheservière (Vendée). Ses parents, Pierre Gourraud et Eugénie Perrochain, l’y firent baptiser le surlendemain. Ils étaient agriculteurs propriétaires exploitants et ils eurent six enfants, deux fils et quatre filles, dont deux reçurent une vocation chrétienne particulière, l’une comme religieuse bénédictine et l’autre comme prêtre missionnaire. Madame Gourraud fut longtemps présidente cantonale de la Ligue féminine d’Action catholique et Monsieur Gourraud était le petit-fils de Paul Bourgeois, qui fut un député très catholique de Vendée. Le jeune Philippe fait ses études secondaires au Collège Saint-Stanislas de Nantes, de 1938 à 1945. Élève intelligent, mais jugé par ses maîtres « excentrique et indiscipliné », il en est renvoyé à la fin de son année de première en 1945, à la suite d’un chahut au dortoir, la veille de l’armistice, qui fut la goutte d’eau qui fait déborder le vase, même si Philippe n’était pas le seul fautif. Le supérieur du collège écrit un an plus tard : « Aucune influence, semblait-il, à exercer sur lui. Il passait, à sa fantaisie, du travail acharné à la paresse complète, de la piété tendre à des apparences d’indifférence… J’ajouterai que dans ses plus mauvais moments il n’a jamais cherché à nuire à ses camarades ». Ce renvoi fait réfléchir le jeune homme et les difficultés que traverse alors sa famille le font mûrir. Il passe l’année scolaire 1945-1946 à la ferme familiale, à l’Ermitage de Rocheservière, tout en préparant le baccalauréat de philosophie, qu’il obtiendra finalement après être entré au séminaire.
Le 27 août 1946 Philippe Gourraud, âgé de dix-neuf ans, écrit au supérieur général des Missions étrangères une lettre émouvante pour demander son admission au séminaire de la Société. Il y confie ceci : « Petit enfant, j’avais eu le désir d’être prêtre et missionnaire mais ne l’avais presque jamais dit, songeant que cette vocation était trop élevée pour moi, si médiocre. Je me suis enfin décidé, il y a quelques semaines, à m’en ouvrir par lettre à mon directeur de conscience au collège, qui me répondit aussitôt : "Vous dire que je m’en doutais ! non, je n’ai point de pareilles intentions, mais croyez-moi, la chose ne m’étonne qu’à demi’ ». Début 2010, le P. Gourraud racontera : « Quand je dis à l’abbé Brevet : je voudrais devenir prêtre… il me répondit : ça ne m’étonne pas, les gens comme vous deviennent de vrais bandits ou des curés. Le problème est de trouver la maison qui vous acceptera… Dans un séminaire diocésain classique, vous ne tiendrez pas trois jours, chez des religieux jésuites ou dominicains, à peine une semaine… ah, je vois : il n’y a que les Missions étrangères », bien connues dans la région, notamment grâce au petit séminaire de Beaupréau. Philippe Gourraud entre au séminaire des Missions étrangères, à Bièvres, début octobre 1946. Il y aura une conduite exemplaire, ou presque, car après les années de Bièvres où il était « endormi dans la piété classique », écrit-il en 2010, le service militaire, qu’il fit pour la plus grande part à Pau, en 1949-1950, lui fait « retrouver ses instincts chahuteurs. « Sans le Père Haller [François Haller (1912-1969), missionnaire en Corée, assistant du supérieur général et supérieur du séminaire de 1950 à 1957] j’ai bien failli me faire mettre à la porte une fois de plus. Grâce à lui je ne fus condamné qu’à une demi-année de retard, qui a fait que j’ai été envoyé au Japon, pour ma plus grande satisfaction. Tout est Providence ! Vu avec le recul du temps, la « Providence » se lit plus facilement ». Malgré sa turbulence, Philippe Gourraud est bien noté par ses formateurs. En avril 1952 le supérieur du séminaire le décrit comme un esprit solide, réfléchi, très personnel, travailleur et intelligent. Il écrit : « Son extérieur impassible et quelque peu énigmatique cache une nature généreuse, opiniâtre sans entêtement, un esprit ouvert à tous les problèmes et ne reculant pas devant les solutions hardies, mais solide et équilibré, il a une vie spirituelle profonde et fait preuve d’un réel renoncement ».
Ordonné prêtre le 19 décembre 1953, Philippe Gourraud reçoit le 17 janvier 1954 du supérieur général sa destination : il est envoyé à la mission de Hakodaté (Sapporo), dans le Hokkaido, la grande île du nord du Japon. Il part pour s’y rendre le 12 mai 1954, en bateau. Il a vingt-sept ans. Après avoir étudié la langue japonaise, le Père Gourraud est nommé curé de Yakumo en novembre 1956. En avril 1962 l’évêque de Hakodate l’envoie à Motomachi, dont il restera le curé pendant quinze années. Le Père Maurice Windal, récemment décédé le 12 décembre 2012, y fut son vicaire en 1962 avant d’en devenir à son tour le curé en 1990.
Mais la vie missionnaire du Père Gourraud va prendre une nouvelle orientation à partir de 1972 : il se prépare pour s’engager en 1977 au service à plein temps des personnes âgées infirmes. Cet apostolat occupera les trente-cinq dernières années de son ministère au Japon. Prenant conscience du vieillissement croissant de la population japonaise, du manque de résidences d’accueil pour personnes âgées et des lacunes dans l’approche de la vieillesse par les institutions sociales, le Père Gourraud, alors âgé de cinquante-cinq ans, crée en mai 1972 la Résidence de la « Colline du Soleil levant », Asahi-Ga-Oka-No-Ie, et s’y consacre à temps plein comme directeur. Elle accueille des vieillards comme résidants ou pour la journée et elle s’est doublée aussi d’un centre d’aide à domicile. Il se lance, encouragé par la mairie de Hakodaté et avec le concours des gens, faisant la quête dans la rue, en développant une amicale locale qui rassemblera des représentants de tous les groupes sociaux, de toutes les religions et de toutes les opinions. Le Père Gourraud mobilise des bénévoles, il soigne l’animation, la beauté du cadre, l’ouverture de la maison sur l’extérieur, et surtout la qualité des relations.
Il écrit en 1995 : « Notre idéal peut se résumer comme suit : 1) mettre l’accent sur le respect dû à la personne âgée, sur la défense de son intimité, ce qui suppose qu’elle ait le choix de sa chambre, à un, deux ou trois lits au maximum. 2) assurer les soins jusqu’aux derniers moments en facilitant les relations avec leur famille. Les familles de nos pensionnaires peuvent venir les voir jour et nuit et coucher à la Résidence. Nous avons des chambres pour elles et pour les visiteurs. 3) mettre l’accent sur l’animation culturelle, par les distractions, et sur l’élégance… de la maison elle-même, du personnel et des pensionnaires. Les bains, les repas, les traitements ne sont pour nous que 30% de la vie de nos pensionnaires. Les 70% qui restent incluent : les relations sociales et familiales, les activités culturelles, les réceptions, les fêtes (nous faisons parfois les mariages des petits-enfants de nos pensionnaires), les banquets, etc. Notre maison est devenue une petite célébrité parce qu’on s’amuse bien. Elle étonne parce que les gens y sont libres, bien habillés, peuvent sortir quand ils veulent et recevoir jour et nuit. » « L’important est de défendre les personnes âgées infirmes, ces petits entre les petits, puisque même leurs familles n’ont que trop tendance à les « oublier » et qu’aucun espoir d’amélioration ne vient ensoleiller leurs journées trop longues. La gentillesse, les « idées » pour distraire ne font pas tout. Espérons que les chercheurs mettront au point des traitements. En deçà et au-delà, dans l’immédiat, nous travaillons à rendre à nos pensionnaires ce qui est le privilège de l’homme : le sourire. Nous en baptisons aussi quelques-uns : 141 l’ont été dans la maison, plus une cinquantaine parmi les familles et les volontaires. Baptêmes ou pas baptêmes, « l’aide humanitaire », comme on dit aujourd’hui, est déjà un apostolat. »
En marge de son apostolat, il s’intéresse de très près aux activités culturelles de la ville de Hakodate et il met en scène avec quelques collaborateurs un spectacle son et lumière inspiré de ceux du Puy du Fou, dans sa Vendée natale. Il s’agissait d’une fresque historique évoquant les fameux épisodes de la défaite des rebelles qui s’étaient opposés au gouvernement de Meiji en 1867. Ce spectacle est devenu célèbre dans tout le Japon et il continue d’être donné chaque été au fort de Goryokaku à Hakodate. Philippe Gourraud avait lui-même de grands talents artistiques, il peignait et sa résidence de personnes âgées était devenue un véritable musée où il exposait en permanence toutes ses œuvres pour la joie des pensionnaires et des personnes de passage. En reconnaissance de toutes ces activités, il avait reçu la Légion d’honneur et plusieurs décorations locales.
Devenu âgé et malade lui aussi, le Père Gourraud démissionne de sa charge de directeur de la Résidence de la « Colline du Soleil levant » et s’y retire comme pensionnaire en 2008. A la première heure du jour de Noël 2012, il décède. Le Père Yamauchi, qui assurait avec lui l’aumônerie de la maison, célèbre Noël l’après-midi avec tous les pensionnaires, leur disant qu'il voulait fêter dans la joie la naissance au Ciel de ce dernier le jour même de celle de Jésus sur terre. Ses obsèques sont célébrées en l’église de Miyamaechô, à Hakodate, le 27 décembre 2012. Le Père Philippe Gourraud avait su mettre sa débordante imagination au service de la mission. Cela lui avait permis de sortir des sentiers battus et faire une réelle percée dans les milieux non chrétiens. Il fut un grand missionnaire qui a beaucoup marqué l'Église du Japon par sa brillante intelligence et par son audace apostolique.