André VAN NÉDERVELDE1924 - 2002
- Statut : Prêtre
- Identifiant : 4012
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Identité
Naissance
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Biographie
[4012] VAN NEDERVELDE André est né le 10 janvier 1924 à Toufflers (Nord).
Ordonné prêtre le 29 mai 1955, il part le 28 septembre suivant pour Thakhek (Laos).
Après l’étude du laotien, il est nommé vicaire à Pong-Kiu, curé de Saravane (1963), en curé de Udomsuk (1967) et de Napëng (1968).
Expulsé du Laos en 1975, il est affecté en Thaïlande, à Non Savang (1975-1978), Nong Rung (1978-1985), Ban Dong (1986-1993), et Bua Tha (1994-1996).
Il revient en France, où il est aumônier au Carmel d'Uzès dans le Gard, puis il se retire à Lauris. Il meurt le 20 décembre 2002 à Aix en Provence. Il est inhumé à Lauris.
Nécrologie
[4012] VAN NEDERVELDE André (1924-2002)
Notice nécrologique
André Van Nedervelde est né le 10 janvier 1924 à Toufflers (Nord) au diocèse de Lille, au foyer de Henri Van Nedervelde et Julienne Hanson, dans une fratrie de dix enfants : quatre garçons et six filles. On signale un frère trappiste, un autre au noviciat et une sœur trappiste décédée en 1954.
André fait ses études secondaires à l’Institution Don Bosco à Maretz (Nord) entre 1944 et 1947 puis à la Trappe Notre-Dame de Scourmont à Forges-les-Chimay, en Belgique, où se trouvait déjà son frère. Il entre ensuite aux Missions étrangères et passe une année à Bièvres (1951-1952). Le Père Aballain qui l’y a connu raconte : « Étant donné le tempérament de l’individu qui ne tenait pas en place, ce séjour dans un monastère contemplatif fut sans doute pour lui une lourde contrainte. Toujours est-il qu’arrivé à Bièvres, il éprouve le besoin de se défouler physiquement. Il grimpait entre autres dans la charpente métallique du hangar qui servait de salle des sports, si bien que son surnom de « Trappiste » (personne ne l’appelait alors ni « Van du Nord » comme certains, ni « Van » comme tous l’appelleront plus tard) devint rapidement « Trapéziste ». De Bièvres il entre rue du Bac et y passe trois ans. Diacre le 19 décembre 1954, il est ordonné prêtre le 29 mai 1955. Destiné à la mission du Laos le 13 juin, il part en mission le 25 septembre suivant.
C’est au Père Aballain que je dois ces notes sur le séjour de Van au Laos.
« Pendant quelques mois, il étudie la langue du pays, à Phranon, dans la région de Paksé avec le Père Cuinet, en compagnie du père Lairat. Le couple qu’il formait avec celui-ci était plutôt disparate. Il est ensuite nommé vicaire du Père Noël Tenaud à Pongkhiou, un gros village Sô, à une cinquantaine de kilomètres de Thakhek. Les gens de cette ethnie étaient plutôt rudes et lui donnèrent pas mal de fil à retordre. Après la disparition du Père Tenaud, André est nommé curé de ce village. Il y sera resté de 1958 à 1963.
L’accès au village de Phongkhiou à la saison des pluies posait quelques problèmes. Il y avait une assez grosse rivière à traverser. Van, toujours ingénieux, fabriqua avec une chambre à air de voiture un radeau pour transporter ses affaires. Il poussait le radeau à la nage, solution sportive mais peu satisfaisante. Il se décida alors à construire un pont suspendu. Le pont était constitué de planchettes reposant sur des fils de fer barbelés torsadés en guise de câbles. Le passage nécessitait de réelles qualités d’équilibriste.
Le séjour de Van à Pongkhiou fut coupé par un stage de langue thaï de quelques mois à l’école des Frères de Saint-Gabriel à Sriracha. Comme tout le monde, il s’était aperçu que le Laos était à la remorque de la Thaïlande dans beaucoup de domaines y compris celui de la langue. Mais il fut le premier des missionnaires du Laos à demander de faire une étude sérieuse du thaïlandais.
En 1963, pas fâché de quitter les Sôs de Pongkhiou, il fut affecté dans le sud de la mission à Saravane. Là il eut affaire à des Khâs de plusieurs tribus, surtout de la tribu « Ta-Oi ». Il put y exercer son zèle apostolique dans les nombreux villages qui venaient d’« entrer en religion » ou demandaient à y entrer. Mais la guerre civile entre soldats gouvernementaux de droite et soldats communistes du Pathet Lao sévissait. Il restera dans ce poste jusqu’en 1967. Pendant un an (1967-1968) il fut curé de Udomsuk, une grosse agglomération où s’étaient regroupés de nombreux villageois qui avaient dû fuir les zones de guérilla.
En 1967 fut créée la mission de Paksé, avec Mgr Jean-Pierre Urkia comme vicaire apostolique. Le Père Van fonda un poste à l’extrême sud de la mission sur les bords du Mekhong quelques kilomètres de la frontière cambodgienne. Il baptisa ce poste Napeng, car pour le fonder, il avait emmené avec lui quelques familles du village chrétien de Khampeng, situé à trente kilomètres au nord de Paksé. Il y construisit chapelle et presbytère selon ses habitudes architecturales qui ne manquaient pas d’originalité. C’est à Napeng qu’il se trouvait quand le gouvernement communiste Pathet Lao prit le pouvoir à Vientiane en mai 1975. Les troupes communistes occupèrent alors tout le pays. Le Père Van ne tarda pas à s’accrocher avec les « libérateurs » qui n’appréciaient pas du tout son sens de l’humour et ses ‘farces’ qui n’étaient pas toujours du meilleur goût. On put craindre même qu’ils ne lui fassent un mauvais parti. Aussi, le nouvel évêque laotien, Mgr Thomas Khamphant, jugea préférable de lui faire quitter le pays avant qu’il ne lui arrive de gros ennuis.
Rentré en France en 1975, Van n’y resta pas longtemps et demanda à repartir tout de suite en mission. Étant donné son âge, cinquante-et-un ans, il ne tenait pas à apprendre une nouvelle langue. Pour cela il choisit comme affectation la Thaïlande et plus précisément la mission d’Ubon dans le nord-est du pays où les gens parlent le laotien. »
Van profitera de ce congé forcé pour faire une session d’anglais à Besançon avant de gagner sa nouvelle mission.
On ne peut pas dire que les compte-rendu soient très bavards sur son apostolat. On sait cependant qu’en arrivant au diocèse d’Ubon, le Père Van a été chargé du village de non Sawang avec quelque 450 chrétiens et sa desserte de Ban Saphan avec une centaine de fidèles. Il y restera trois ans et demi jusqu’à sa nomination à Nong Rung où il va rester sept ans. Il a, là aussi, une desserte : Ta Koi, devenu officiellement Ta Sawang. Il a 520 chrétiens à Nong Rung et 75 à Ta Sawang. En 1983, Van remplace le Père Pasek dans ses postes de Nong Din Dam et Nam Yeun. Il a donc assez à faire pour contacter les quelque 1000 à 1200 chrétiens du secteur, par des routes pas toujours commodes surtout en moto. L’acquisition d’une voiture va lui rendre ses déplacements plus faciles d’autant plus que la moto commençait à devenir dangereuse.
Spécialiste du visuel, Van s’est constitué une collection d’affichettes qui lui servent, avec ses propres dessins, à illustrer ses homélies et ses cours de catéchisme. Son zèle infatigable ne sait pas quoi inventer pour accrocher l’attention de son monde. « Mais l’esprit vole parfois un peu haut », m’avouait-il lui-même.
Pour intéresser les enfants, il ne sait quoi leur acheter : bonbons, jouets, gâteaux. On comprend donc que le presbytère de Van soit devenu le lieu de rassemblement des enfants, leur salle de réunions, à tel point, dit-on, que les parents se plaignent de n’avoir plus personne pour garder les buffles. Pour les jeunes gens, des voyages organisés mettent un peu de piment dans leur ordinaire. Pour les confrères, Van est un peu le rayon ‘Farces et Attrapes’. Il a plus d’un tour dans son sac à malice, plus d’un nouveau jeu de mots dans son carnet ad hoc dont il ne se sépare jamais.
Parler de Van sans parler de ses ‘vanneries’ ne serait pas possible. Jeux de mots, aphorismes, devinettes glanées ici et là. Des devinettes ? Pourquoi pas ? Prenons-en une. « Dans un groupe d’anthropophages, comment appelle-t-on un fils qui a mangé père et mère ? » Comme nous tous, vous allez répondre : un parricide, un matricide « Eh bien non, vous n’y êtes pas. La réponse est : « un orphelin », bien sûr ! Dans l’homélie qu’il a prononcée lors des obsèques d’André, le Père Mansuy a également noté ce trait de caractère déjà signalé avant son départ du Laos. « Le Père Van avait quelques défauts aussi. Il manifestait quelquefois un certain manque de jugement. Il était par exemple toujours prêt à poser des charades et à faire des farces, parfois d’un goût douteux, même à des personnes qu’il rencontrait pour la première fois et qui avaient quelquefois un certain rang dans la société. Il y aurait bien des anecdotes à raconter à ce sujet. Mais il n’était pas méchant ; c’était une façon pour lui, même si elle était déplacée, de manifester son amitié, car le Père Van était un homme bon et voulait être un semeur de joie. »
Le Père Van ne jouissait pas du visa permanent : cela faisait déjà quelque temps que le gouvernement thaïlandais ne délivrait plus ce genre de visa aux étrangers. Pendant les premières années, Van devait se rendre plusieurs fois par an à l’Immigration à Bangkok. Son acharnement finit par porter du fruit. Et par la suite le visa fut accordé dans des délais raisonnables : il commençait ses démarches avant Noël et obtenait son visa vers Pâques.
Courant novembre 1985, il a voulu se faire de belles jambes ; il a donc subi une opération des varices dont il s’est très vite remis et, apparemment, sans complication aucune. Il a donc repris toutes ses activités à Nong Rung et autres lieux puisqu’il a même assuré l’intérim du Père Le Bézu à Nong Din Dam et Nam Yeun pendant son congé, comme il le fera encore quand Yves descendra à Bangkok assurer l’intérim du Père Lamoureux en congé en 1987.
On a dit qu’il n’était pas nécessaire d’espérer pour entreprendre. Pour le Père Van il faudrait ajouter : « Raison de plus pour entreprendre quand on espère ! » Et l’espérance pour lui, c’est comme l’humour, il en déborde. Depuis plusieurs années dans ce secteur de Nong Rung, il a beaucoup travaillé sans grande publicité. De nouveaux postes avec ou sans résidence-chapelle ont vu le jour : Non Sabeng, Huei Salao ; cela lui faisait une communauté, dispersée certes, de 786 chrétiens. Et il s’en occupait malgré les sciatiques à répétition dont il souffrait.
Début 1987, c’est une mauvaise grippe qui le laisse aphone. Tout le monde lui conseille un peu de repos. Mais demander à Van de travailler moins, c’est comme demander au diable de moins tenter le monde, autrement dit : l’impossible ! Le 9 avril 1987, il part en congé, en passant comme chaque fois par l’Inde. Au cours de ce congé, il a participé à un congrès charismatique, car Van s’intéresse beaucoup, lui aussi, à ces mouvements, et les communautés du Lion de Juda ou de l’Emmanuel n’ont plus de secrets pour lui. « Peut-être même leur donnait-il un peu trop d’importance, ayant tendance à les considérer comme seuls capables de faire vivre l’Évangile », dira encore le Père Mansuy.
Il rentre de congé le 3 octobre avec une bonne grippe. Bien pressé de partir et de reprendre le collier, il ne s’est pas éternisé à Bangkok. Il passe du sud au nord de la mission. Son nouveau secteur est vaste. Il s’est installé à Ban Dong, le plus gros village de ce secteur avec sa desserte de Song Khon, pour un total de 211 chrétiens. Mais ce petit nombre de catholiques n’est pas pour le décourager : la chapelle de Ban Dong Tai (Ban Dong sud) est bénie par Mgr Bunluen le 16 mars 1989. Et comme le Père Van n’est pas du tout du genre oisif, il lui arrive de surestimer ses forces : en s’efforçant d’arracher les pieux d’une clôture, il s’est fait une nouvelle hernie : dix-neuf heures d’hôpital entre l’admission, l’opération et la sortie les 19-20 avril 1989. Un record ? Beaucoup ont plutôt parlé d’imprudence ! Quand il est revenu à Ubon quelque quinze jours plus tard, à nouveau sur le flanc, c’est par avion qu’on l’a envoyé à Bangkok : opération de la prostate, de calculs aux reins. Il a cette fois écouté la voix de la sagesse et l’évêque a mis le holà à un retour précipité à Ban Dong. Malgré son impatience, il me disait en commentant l’action de l’évêque : « C’est sage de sa part. » Ça l’a été de la sienne de l’avoir écouté ! Bien remis, il a repris toutes ses activités. En septembre 1990, il a participé à Rome à la grande retraite des prêtres et en est revenu avec encore plus de zèle, si cela pouvait être ! Mais il faut croire que cela ne lui a pas suffi, car il est reparti en 1991 comme aumônier d’un groupe de pèlerins thaïlandais : Rome, Paris, Lourdes, Fatima et qui sait encore ? Après cela il a poursuivi son congé en France.
En octobre 1993, il passe quelques temps à Bangkok affairé à de multiples occupations : renouvellement de visa, visite de ses ouailles travaillant ici et là, achats divers et rencontres de charismatiques. Il est revenu sur Ubon avec un chargement de moutons qu’on lui a offerts. Le 16 octobre, il regagne Ban Dong et, dans l’après-midi, raconte le Père Aballain, « alors qu’il était en train de construire un enclos pour ses moutons, il a ressenti une vive douleur à la poitrine. Alertés par ses gémissements, ses voisins l’ont transporté avec sa voiture jusqu’à l’hôpital le plus proche, à Khemmarat, à cinquante kilomètres de Ban Dong. C’est là qu’il a failli me claquer dans les bras. Le médecin-chef était absent de l’hôpital, et, comme il tardait à venir, Van s’impatientait : « Si ça continue, je vais crever la bouche ouverte », me dit-il. Finalement il a pu être hospitalisé à temps au service des soins intensifs d’Ubon : « infarctus aigu de myocarde. »
Après cet accroc, l’évêque lui a demandé de prolonger son repos en avançant d’un an son congé. Van rentre donc en France dans le courant du mois de janvier 1994. Il entre à la clinique Bizet le 6 février pour une coronographie. Il y est réadmis le 12 mars et transféré à l’Hôpital Henri Mondor de Créteil pour y être opéré le 15. Il y restera une dizaine de jours et retournera à Bizet le samedi 25 pour encore une dizaine de jours. Et puis ce sera une maison de repos spécialisée pour convalescence et rééducation.
Le Père Aballain rapporte que dès le séminaire Van avait un goût prononcé « pour les jeux de société comme les échecs où il excellait. Au Laos, plus tard, il se mettra même au jeu d’échecs chinois qu’il pratiquait avec les commerçants du coin. » Il n’est donc pas étonnant que lors de la visite que le Père Mansuy lui a faite le 22 mars à l’hôpital, il l’a trouvé en train d’enseigner les échecs chinois à une dame qui était venue voir son mari.
Pendant son séjour Rue du bac, Le Père Van va croire que son appareil photo et le portefeuille où se trouvaient passeport, permis de conduire et autres documents, ont été volés dans sa chambre. Il va passer deux journées de démarches à la mairie du 7ème et à la préfecture pour déclaration de perte, demande de nouveau passeport et permis de conduire (ce qu’il a d’ailleurs obtenu sans difficulté !). Il raconte cela à une correspondante religieuse et ajoute « Quant au voleur… je lui ai mis sainte Thérèse de Lisieux à ses trousses pour qu’il se convertisse ». En fait, rien n’a été volé. Van avait confié tout cela au supérieur de la maison mais l’avait complètement oublié.
Le Père Van quitte la clinique Maison Blanche le 2 mai et puis parachève sa convalescence dans une clinique de Montfort l’Amaury jusqu’au 14 mai. Le 13 juin, il annonce à cette même correspondante que « parti pour Bangkok le 27 mai à la nuit, malgré quelques appréhensions au début, le long voyage s’est fort bien passé. Dès le lundi 30, j’obtenais la prolongation de mon permis de séjour jusqu’à fin novembre. Et dès le 31 mai j’arrive par avion à Ubon où je me suis rapidement réacclimaté. Il faudra compter probablement encore trois mois de convalescence avant de pouvoir reprendre des activités (plus ou moins réduites) ».
Le Père Van aura travaillé sept ans à Ban Dong et c’est là qu’il a laissé son cœur (et, on l’a vu, ça a failli l’être pour de bon !). A son retour de France il passe quelque temps à la maison de société. Il écrit au Père Mansuy : « J’ai les meilleures conditions pour me remettre sur « cœur » : air, calme, chapelle à dix mètres de ma chambre, bonne nourriture, allées nouvelles bétonnées tout autour du jardin, fort propices pour y réciter le Rosaire et j’y ai aussi tous mes instruments de travail (dictionnaires, Bible, bouquins, etc.) me permettant de ne pas rester oisif. »
Pour être plus près de la Faculté, c’est à Ban Bua Tha qu’il est nommé. Il y sera dès le 19 août 1994. Bua tha est, au-delà de Bongmai, sur les bords de la rivière Moun, à quelque 20 kilomètres d’Ubon : « un village de 600 âmes, pas toujours pratiquants, hélas ! et beaucoup trop de mal mariés, mais il faut les prendre comme ils sont, « écrivait-il dans une circulaire du 10 décembre 1994. » (Nous non plus ne sommes pas encore bien haut sur la montagne de la sainteté… peut-être même traînons-nous encore dans les marécages de la plaine »).
Au courant du mois de mars 1996 Van est hospitalisée à Ubon à la suite d’une dysenterie, après une visite au Laos car il n’a jamais oublié ses premières amours. Quelques jours avant les Rameaux, il a eu des ennuis de prostate mais il a voulu malgré tout et surtout malgré son incontinence, assurer les cérémonies de la Semaine Sainte et les confessions.
Le dimanche de Pâques, 7 avril, je me trouvais chez le Père Tenaud à Bungmai où j’avais écouté les confessions pendant le Triduum pascal. Dans le courant de la matinée des paroissiens de Van viennent nous dire qu’il était au plus mal. Arrivée à Ban Bua Tha, nous le trouvons brûlant de fièvre et incapable de se mettre debout. Mis dans la voiture avec l’aide de quelques jeunes, nous le transportons tel quel à l’hôpital Rajavet d’Ubon où il n’a pu s’empêcher de demander à celui qui pilotait son petit chariot s’il avait bien le permis de conduire et de répondre à l’infirmière en chef qui lui demandait s’il était sujet à certaines allergies, « oui, au riz ordinaire. » Ce n’était évidemment pas la réponse attendue et l’infirmière s’est retirée blanche de colère. Il a été remis sur pieds en quelques jours.
Le 16 avril, il est allé à Bangkok consulter les médecins du Nursing Home. Après avoir reçu son stock de médecines, il est allé dès le lendemain se reposer à Ko Samet, son île de prédilection. Pendant une promenade autour de l’île, il a glissé sur les rochers et est tombé à l’eau y perdant sandales et lunettes. Rentré sur le continent par le premier bateau et puis prenant le premier bus pour Bangkok, il est arrivé à la maison MEP du Silom sans lunettes et pieds nus. Par la suite il avouait avoir eu peur car, par deux fois, il est retombé à l’eau en voulant s’en sortir tant les rochers étaient glissants.
Toutes ces émotions et bien d’autres sans doute, et surtout « un handicap, c’est la mémoire qui s’en va (avec l’âge qui accentue cela encore) » font qu’en avril 1997, le Père Van rentre définitivement en France. Il aura passé trois ans à Ban Bua Tha.
Après quelques semaines d’un repos plus que mérité, Van sera nommé aumônier du Carmel d’Uzès et de l’hôpital général de la même ville du Gard, au diocèse de Nîmes. Entré en fonction le 6 juillet 1997, il assurera ces deux aumôneries pendant près de quatre ans et demi. Son séjour sera entrecoupé de voyages au Laos et en Thaïlande. « Pressé intérieurement de visiter ceux et celles qu’il a connus, aimés, évangélisés, servis, Van s’en est retourné cette année encore au Laos et en Thaïlande. Mais voilà Van surestime ses forces et au retour… son cœur lui fait savoir qu’il veut prendre quelque repos… Il est temps : l’infarctus menace. Le médecin ordonne quinze jours de chambre ; il faut aussi s’occuper du sang dans lequel l’analyse révèle des anomalies. » Ces quelques lignes d’une Hirondelle me semble concerner le voyage de l’hiver 2000.
Le Père Van quitte donc Uzès le 10 janvier 2002, jour de son soixante-dix-huitième anniversaire. Une lettre de l’adjoint au Directeur de l’hôpital écrit que le Père Van assurait « depuis plusieurs années et avec une très grande gentillesse le service de l’aumônerie auprès des malades et résidents âgés de notre établissement ». Au Carmel, c’était « la mémoire qui lui jouait des tours et c’est toujours déplaisant, particulièrement pendant l’homélie au milieu d’une belle envolée !.. Une petite fête a été organisée au Carmel. Au moment de quitter la communauté réunie, il a remis à chaque carmélite un mouchoir en papier pour, leur a-t-il dit « éponger vos larmes, soit de joie, soit de chagrin ». Si la mémoire connaît quelques défaillances, l’imagination, elle, semble intacte », notait une Hirondelle de l’époque.
Le Père Van est arrivé à Lauris avec quelques ennuis de santé : « mauvais usage de certains médicaments », selon les médecins… Mais cela ne l’a pas empêché de préparer et de faire un voyage de six semaines en Thaïlande et au Laos en janvier-février 2003 « et cette fois, en plus, pour la plus grande d’un neveu du regretté Père Philibert Martin, ancien du Laos. Il se trouve en effet que ce neveu, son épouse et un couple ami, avaient décidé un voyage-pèlerinage sur les pas du tonton missionnaire, justement à cette époque de l’année. Les faire se rencontrer avec Van à Paksé ne fut pas difficile. C’est ainsi qu’ils ont pu voir les lieux où avait vécu Philibert, sans toutefois retrouver les bâtiments car tout a changé, là-bas, à Saravane et sur la route de Paksong. Mais Van leur avait aussi concocté un peu de tourisme, entre autres une descente en barque sur le Mékong jusqu’aux chutes de celui-ci à Khone. Émerveillement ! Ils ont été enchantés par le pays, les habitants, l’accueil et durablement impressionnés par la vitalité de leur guide : « Il nous a épuisés », disaient-ils. C’est pas peu dire ! Belle performance, à soixante-dix-huit ans ». Ainsi gazouillait l’Hirondelle qui rapportait ces faits.
A son retour, le Père Van a remplacé le Père le Coutour à Sault, pendant une quarantaine de jours.
Mais à la fin, tant va le Père Van au Luberon que son cœur n’a pu suivre le rythme. Van avait devancé sa fête pour aller prêcher une retraite à Toulouse et y rencontrer des Laotiens. Mais la fatigue était trop grande. Van a donc été hospitalisé à Aix-en Province le 30 novembre.
Le Père Grison, supérieur de la maison de Lauris, et en l’absence de tout membre de la famille, a été autorisé à lui rendre visite, seul, au service de réanimation, le 11 décembre 2002. Il a pu causer avec quelques membres du service et, en ces quelques échanges, il a appris :
-que depuis deux jours on avait supprimé les médicaments pour le faire dormir ; que notre confrère était un peu réactif (qu’il avait sans doute quelques réactions) ; que la trachéotomie pratiquée avait amené un mieux dans les poumons ; mais que s’il arrivait à s’en sortir ce ne serait pas sans séquelles graves.
Le Père Grison ajoutait : « Personnellement, j’ai eu du mal à le reconnaître tant son visage était bouffi », et il terminait son message par ces mots : « N.B. Cette situation peut durer longtemps. »
Dans sa bonté le Seigneur en a décidé autrement, et c’est quelques jours plus tard, le 20 décembre 2002, qu’Il rappelle le Père Van à entrer enfin dans le repos qu’il a promis à ceux qui ont peiné sous le poids du fardeau.
« Le Père Van, dira le Père Mansuy, s’est donné sans réserve au Seigneur et à la mission qui lui a été confiée avec son tempérament toujours en ébullition. Maintenant il a trouvé le repos et a rencontré celui qui à qui il avait donné sa vie. »